— Ah, bonsoir, chef !
— Et alors ?
Vous avez trouvé quelque chose ?
Les policiers de service secouèrent tous la tête tristement.
Ils avaient tous l'air exténués.
Pas étonnant.
Aucun d'entre eux n'avait dormi depuis la nuit de la fête du village.
— Chef, laissez-les dormir un peu, à tour de rôle, les plus jeunes d'abord.
Il leur faudra des forces pour la suite des opérations,
c'est maintenant que les choses sérieuses commencent.
Je préfère ne pas les brusquer, ils doivent être en forme pour la suite.
— C'est ce que je leur dis de faire depuis avant-hier, figure-toi.
Mais ils ne veulent pas se rendre inutiles, alors forcément, ils ne dorment pas.
Tu ne veux pas leur en toucher un mot ?
— Comment ça ? Oh, les enfants !
Ne vous en faites pas, vous pouvez faire une sieste quelques heures.
Komiyayama,
tu me prends les plus jeunes de l'équipe, je veux les entendre ronfler dans cinq minutes. Exécution.
— Komiyayama,
c'est un ordre, c'est bien clair ?
L'officer Komiyayama, sachant qu'il n'avait vraiment plus le choix, se leva de son bureau.
— Et au fait, chef,
ces mandats de perquisitions, ils sont toujours au point mort ?
— Ben, ce n'est qu'une rumeur, aussi.
Tant que tu n'auras pas de preuve plus concrète, ce sera difficile.
— Mais justement, toutes les preuves nécessaires sont chez les Sonozaki et dans ce bâtiment.
— Eh bien débrouille-toi pour me trouver une preuve qu'il y a des preuves là-bas !
— Allez, chef, soyez sympa...
On ne joue pas aux devinettes, vous savez ?
Les deux victimes ont été vues le soir de la cérémonie entrer par effraction dans un bâtiment appelé le temple des reliques sacrées, accompagnées par deux autres personnes encore !
Ce n'est pas de l'intox.
— Non, mais ce n'est qu'une rumeur, tu n'as pas de preuve.
— Ben, non, je n'ai pas de photo de ces quatre personnes entrant dans le bâtiment.
En tout cas, ils ont vu quelque chose là-dedans qu'ils n'auraient pas dû voir !
Deux des quatre ont déjà été tués !
— Oui, mais qu'ont-ils vu ?
Mais enfin, il le fait exprès... c'est justement pour ça que je demande des mandats de perquisition !
— Disons que vu les groupes armés à la solde des Sonozaki, j'ai ma petite idée du contenu.
Une montagne de Tokarevs, ou bien du pavot.
Je sais pas, ça me paraît tout indiqué pour y planquer leur fond de commerce.
— Ôishi, je te comprends,
mais le bâtiment du temple, c'est un lieu sacré, les gens n'accepteront pas de nous voir simplement entrer dedans comme dans un moulin.
Je savais que les députés Sonozaki avaient parlé plus d'une heure au téléphone avec le chef du commissariat,
mais je ne pensais pas qu'il avait déjà muselé tous les étages plus en bas...
— Enfin bref !
Tant que nous n'aurons pas de preuve solide, nous ne pourrons pas perquisitionner dans le temple.
Il en va de même pour la demeure des Sonozaki !
Les services anti-terroristes et la section 4 seraient très intéressés aussi, alors si on veut frapper là-bas,
il nous faut un dossier en béton !
— Vous savez, chef, si c'est que ça, je peux m'introduire chez eux et ramener les copains des autres sections, hein.
Le chef de la section 4, c'est Shige, non ?
Et le chef de la cellule anti-terroriste, c'est Aomi.
Je pourrais leur en toucher un mot au club de mah-jong, ça ira plus vite.
— Euh, monsieur, vous avez de la visite !
Euh... Aaaah !
Repoussant le fonctionnaire qui l'avait mené jusqu'ici, un vieux schnoque moitié avocat et moitié Yakuza se fraya un chemin dans le bureau du chef de section.
Le téléphone, c'était pas suffisant ?
— Je suis le député Sonozaki !
C'est qui le responsable, ici ? Amenez-moi le directeur !
Et que ça saute !
— Tiens donc, bonjour !
Je suis Takasugi, le responsable de cette section.
— Tu peux te la carrer, ta carte de visite !
Je peux t'envoyer à la fenêtre quand je veux, moi, tu m'entends ?
Quand je veux !
Amenez-moi ce fameux Ôishi, je veux savoir qui c'est !
Comment peut-il imaginer une seule seconde que l'on peut faire des perquisitions comme ça, dans des lieux de culte ? Hérétique ! Bachi-bouzouk ! Moule à gaufres !
— Ah, je suis vraiment désolé,
mais Ôishi est encore sur le terrain, nous avons du mal à le joindre. Mais ne vous en faites pas, j'écouterai vos doléances à sa place.
Je vous en prie, asseyez-vous !
D'un regard, il me dit de déguerpir vite fait bien fait.
Eh bien, pour une fois, c'est un ordre auquel je vais obéir grâcieusement.
Je vais aller faire une sieste, moi...
— Non mais vous vous rendez compte ? Le temple des Furude existe depuis plus de 2500 ans, on en trouve des traces dès les tous premiers instants de l'histoire du Japon, c'est l'un des lieux les plus sacrés du pays, personne n'a le droit d'y entrer comme un vulgaire touriste !
Ce temple est dédié aux ancêtres, à la déesse Yashiro et aux myriades de dieux nés lors de la création du monde, qui veillent tous d'une manière ou d'une autre sur Hinamizawa, du lever au coucher du soleil, et lors de la course astrale de la lune dans le ciel !
Et vous voulez y envoyer des hommes en uniforme ?
Mais quel est le crétin fini qui a proposé ça ? Hein ?
Et puis d'abord, la foi est l'un des droits les plus fondamentaux accordés dans la constitution japonaise !
Comment osez-vous vous servir d'une excuse aussi plate et aussi ordinaire que celle d'un mandat de perquisition pour venir souiller cet endroit ?
C'est INtolérable, c'est inADMISSible !
Non mais tu m'écoutes, triple andouille ?
Si tu crois que ça va se passer comme ça, tu te fourres le doigt dans l'œil jusqu'à l'omoplate !