Juin de l'an 58 de l'ère Shôwa. (1983)
Série de disparitions à Hinamizawa, district de Shishibone, dans la préfecture de ****.
Le suspect s'appelle Mion Sonozaki. (1* ans)
On pense que le suspect a enlevé, séquestré, torturé puis assassiné cinq habitants du village -- Oryô Sonozaki, Shion Sonozaki, Kiichirô Kimiyoshi, Rika Furude et Satoko Hôjô -- entre le 19 et le 21 juin.
L'affaire semblait mal partie à cause du manque d'informations, mais le hasard permit de la résoudre.
Le matin du 23 juin, la patrouille de police qui passait complètement par hasard devant la propriété des Sonozaki a entendu des cris provenant de l'intérieur du bâtiment et s'est rendue sur place pour porter secours.
La police a retrouvé l'une des supposées victimes, la sœur du suspect, Shion Sonozaki, ainsi que deux de ses camarades de classe, Keiichi Maebara et Rena Ryûgû.
Le suspect a pris la fuite.
La police est entrée dans une salle construite à l'écart de la propriété principale. C'est dans cet endroit que les victimes auraient été mises à mort. Dans une salle spécialement aménagée pour la torture, la police a pu retrouver des échantillons de tissus, de sang et de poils appartenant à quatre des personnes disparues -- Oryô Sonozaki, Kiichirô Kimiyoshi, Rika Furude et Satoko Hôjô.
Il apparaît certain que les victimes ont été torturées avant d'être mises à mort.
Mais leurs corps n'étaient nulle part.
D'après les témoignages des camarades de classe du suspect, la police a conclu qu'ils devaient se trouver dans cet endroit spécialement aménagé et a poursuivit les recherches, mais n'a trouvé ni les corps, ni par où le suspect s'est enfui.
De plus, malgré les propos du suspect rapportés par les témoins, son rapport avec les meurtres des années précédentes paraît incertain.
La police n'a trouvé aucune preuve pouvant démontrer le rapport direct ou indirect entre ces affaires et Mion Sonozaki.
Le mobile du suspect est encore très incertain, et le manque de coopération de la part des villageois préfigure de nombreuses difficultés pour le découvrir.
D'après un ancien policier qui connaissait bien la région, cela pourrait être un règlement de compte interne à cause d'un acte sacrilège commis dans l'un des lieux sacrés du village.
À cause de la situation très tendue et du lourd passif de la région, le commissariat central a ordonné une enquête très prudente.
La sœur du suspect, Shion Sonozaki, emprisonnée le plus longtemps, selon toute vraisemblance, semblait à même de fournir de précieux renseignements à la police,
mais elle développa de lourdes séquelles psychologiques à cause de ces incidents, et la police n'eut jamais l'autorisation de l'interroger.
Le spécialiste qui l'a examinée a diagnostiqué un simple choc émotionnel trop important, mais aujourd'hui encore, la patiente ne montre aucun signe de rétablissement.
... ... ... Puis quelques jours
ont passé.
J'ai été sauvé par les hommes de l'inspecteur Ôishi, que Rena avait prévenu.
J'étais inconscient quand ils m'ont trouvé, mais à part ça, je n'avais aucune blessure.
Bah, si, j'avais une petite brûlure là où le taz m'avait touché.
L'inspecteur m'a interrogé pendant que j'étais examiné à l'hôpital,
mais franchement dit, je ne me souvenais ni de ses questions, ni de mes réponses.
D'après ce que j'ai compris, Mion n'a toujours pas été retrouvée.
Après le grand dôme, il y avait des tas de galeries et de pièces.
On pouvait facilement imaginer qu'il y avait un passage secret qui menait de là-bas à l'extérieur.
Par contre, nous avions eu de la chance : Shion était encore en vie.
Je pensais qu'elle la tuerait avant de se suicider,
mais je suppose que l'inspecteur est arrivé plus vite que prévu sur les lieux et qu'elle n'a pas eu le temps de mettre son plan à exécution.
C'était vraiment la seule chose positive de la journée.
Shion n'était pas blessée physiquement, mais elle avait subi un important traumatisme mental.
Elle était en état de délire lorsque la police l'a trouvée, et elle a même tenté de mordre les officiers qui voulaient la délivrer.
Il paraissait qu'elle prenait chaque ombre, chaque meuble, chaque personne pour Mion.
Elle ne voulait pas rester à l'hôpital, mais pas non plus à la maison.
On m'a simplement dit qu'elle se terrait dans un appartement quelque part dans le centre de Shishibone.
En fait, elle craignait le retour de Mion plus que tout, alors elle changeait d'adresse tous les jours. Personne ne savait donc réellement où la trouver.
Quoi qu'il en soit, Shion vivait maintenant dans la peur en permanence...
La police fait toujours des recherches dans le temple souterrain.
Ils n'ont toujours pas trouvé les corps.
Mion m'avait dit…
qu'elle les avait balancés dans le puits,
il me semble, en tout cas.
Cela voulait donc dire qu'il devait forcément y avoir un trou en forme de puits caché quelque part là-dessous.
Évidemment, ce bâtiment ne possédait aucun plan d'architecte.
Il ne semblait décidément pas prêt à nous révéler où étaient Rika, Satoko,
et toutes les autres victimes qu'il pouvait avoir vues.
Je suis retourné là-bas une fois,
mais je n'ai eu aucun souvenir vraiment utile à l'enquête.
Et franchement, je n'avais aucune envie d'y retourner.
Pendant plusieurs jours, les parents de Shion sont venus chez nous pour nous faire des excuses officielles. Imaginez que chaque jour, devant la porte, les centaines d'hommes de main de la pègre locale vous demandent à genoux d'accepter des liasses d'un million.
Vous vous doutez de l'effet sur mes parents.
Plus les jours passaient, et plus la somme devenait importante. Le jour où la somme atteignit les vingt millions, il y avait une lettre inclue dans la valise.
Je ne sais pas ce qu'il y avait dans cette lettre.
Mes parents se sont concertés pendant deux jours, sans moi…
et il fut décidé que nous déménagerions.
— Ah, je vois...
Alors tu vas repartir...
Tu sais quand ?
— À la fin du mois prochain.
Finalement, je ne serais même pas resté ici six mois...
— ...
Tout va être bien vide par ici.
Je serai toute seule.
La dernière de notre groupe d'amis.
Elle souriait, une tristesse immense dans les yeux.
Je préférai changer la conversation pour ne pas me mettre à pleurer.
— Tu sais, il m'arrive de me dire un truc parfois.
Je lui fis part d'une théorie qui m'était venue un soir.
Et si Mion n'avait pas fui ?
Si elle avait réellement été “enlevée par le démon” ?
Où aurait-elle été emmenée ?
Je n'en avais aucune idée.
Que se passerait-il pour elle maintenant ?
Je lui souhaite de trouver un magasin de jeux de société...
Elle pourrait alors vivre là-bas,
non pas en tant qu'héritière des Sonozaki,
mais en tant que Mion, une simple jeune femme passionnée par les jeux de plateaux...
Peut-être que Rika et Satoko sont avec elle.
Et peut-être qu'un jour, Rena les rejoindrait…
et que les activités du club reprendraient…
et chaque jour redeviendrait un jour magnifique et exceptionnel.
Rena avait rigolé quand je le lui avais raconté.
Le clan avait tout fait pour faire taire l'incident, mais apparemment il y eut une indiscrétion.
De fil en aiguille, les journalistes firent le rapprochement avec les événements des années passées... et il y eut beaucoup de reportages à sensations sur cette histoire.
Mais bien sûr, les journalistes faisaient parfois le travail à moitié et racontaient n'importe quoi pour meubler, alors aucun ne prit la peine de faire des recherches sur la vie si difficile de Mion.
Ces reportages m'énervaient, mais je ne pouvais rien y faire.
Je me demandais vraiment quelle influence les quelques semaines passées à Hinamizawa
auraient sur le reste de ma vie.
En quelques semaines,
j'avais connu mes meilleurs amis
et fait des expériences très enrichissantes.
Je n'oublierai jamais
ce que j'ai vécu dans ce village.
Les médias avaient créé une image faussée de Mion.
Je pense que les gens s'ennuieront un jour de cette histoire,
et qu'ils jetteront leurs souvenirs de cette affaire dans l'oubli,
un peu comme on jette des mouchoirs usagés à la poubelle.
Mais moi, j'étais l'un des rares à savoir quel genre de personne Mion avait été. J'étais sûr de me souvenir d'elle toute ma vie.
Je suis sûr que d'une certaine manière, cela me mènerait à elle.
Dans le ciel si haut et si pur, les cumulonimbus formaient les rangs.
L'été allait bientôt frapper à nos portes.
Même maintenant, vers 22h, je me demande toujours quand est-ce que Shion ou Mion va m'appeler au téléphone.
Désormais, tout était fini…
elles ne rappelleraient plus jamais.
Mais c'était justement parce que tout était fini que la prochaine fois que je recevrai un appel,
il faudrait vraiment
que je me demande
qui était au bout du fil...
Et puis, Mion n'a pas encore été retrouvée.
En fait, cette histoire n'est pas encore terminée.
Cette pensée me terrorisait, mais en même temps, elle symbolisait mon espoir de la savoir vivante quelque part.
Et ça, c'était très paisible et rassurant -- j'y pensais tous les soirs pour pouvoir trouver le sommeil.
J'éteignis les lumières.
Avant, la pénombre me faisait peur, alors je ne fermais plus complètement les rideaux.
Mais à peine deux jours plus tard, j'avais amèrement regretté cela.
La lumière éblouissante de la lune avait éclairé la poupée sur mon bureau.
Oui.
La même poupée
que j'aurais dû lui donner
ce jour-là.
Elle avait dit qu'elle était à la mode ? Qu'elle venait d'Angleterre ? Je ne me souvenais plus.
Shion m'avait dit que c'était le modèle qui avait le plus de succès.
Juste après les événements, la première chose que j'avais faite, c'était aller dans ce fameux magasin de jouets.
À part celle en vitrine, il était en rupture de stocks.
Il m'avait dit d'abord qu'il ne me la vendrait pas, parce qu'il ne vendait jamais les modèles d'exposition, mais lorsqu'il a compris que j'étais le “survivant A” dont parlaient tous les journaux, il s'est montré compréhensif.
J'avais cette poupée, maintenant, mais je n'aurai plus jamais l'occasion de la lui donner.
Je le savais, mais je ne perdais pas espoir. Peut-être, un jour viendra…
C'est pour ça que je gardais cette poupée toujours sur mon bureau, juste au cas où.
*tung*
Il y eut un drôle de bruit.
Je ne savais pas ce que ça pouvait être.
Il était trop fort pour indiquer des gouttes d'eau sur le carreau, mais trop faible pour indiquer un insecte ou un oiseau qui se serait mangé la vitre.
J'ai dû rêver.
*tung*
Encore une fois.
Je ne suis pas en train de rêver, là.
Je l'ai bel et bien entendu.
D'où ça peut venir ?
Je me levai et allumai la lumière.
Jamais deux sans trois, non ?
Mais d'où ça vient ?
Je tendis l'oreille...
*tung*
La fenêtre !
Des petits cailloux sur ma fenêtre.
Ça ne pouvait pas être le vent, donc forcément quelqu'un devait les jeter depuis le sol.
Je regardai ma montre. Il était 2h du matin.
Mais qui ça pouvait être à cette heure-ci ?
Je regardai par l'interstice des rideaux.
Malgré l'heure tardive, il y avait une ombre près de notre grille.
Elle prit quelques gravillons et les jeta vers ma fenêtre.
L'un d'entre eux l'atteignit et refit exactement le bruit qui m'avait réveillé.
Mais qui est-ce...?
— ... ... Oh !
J'en avais le souffle coupé.
À moins d'une hallucination…
c'était Mion.
J'ouvris la fenêtre et la regardai un peu plus attentivement.
Non, je ne me trompe pas.
C'est Mion !
C'est elle !
Je le savais, elle est vivante !
Elle posa un doigt sur ses lèvres pour me dire de me taire.
Heureusement, d'ailleurs, car j'étais vraiment prêt à crier de joie.
Elle se trouve dans une situation difficile.
Il vaut mieux ne pas dire son nom à voix haute.
Je lui fis signe de la main que je descendais, mis une veste au dessus de mon pyjama et sortis de ma chambre à toute blinde.
Juste avant les escaliers, gros coup de frein, demi-tour droite, en avant.
J'étais très heureux de pouvoir la rencontrer à nouveau,
mais je savais bien que
c'était peut-être la toute dernière fois.
C'est pourquoi je retournai dans ma chambre et pris la poupée.
Si les dieux existent, alors aujourd'hui était une occasion en or de les remercier.
Même si cette rencontre était destinée à nous séparer à tout jamais,
je leur en étais éternellement reconnaissant !
Je mis des sandales,
ouvris la porte fermée à clef,
enlevai la chaînette,
puis sortis sur le perron.
— Haaa,
ouf…
Mion !
— Ahahahaha ! Salut, ça fait un bail !
Et alors ?
Ça gaze ?
Elle me souriait et me faisait la conversation, comme un matin normal...
Oui, c'était bien Mion, sans aucun doute possible.
C'était la vraie Mion.
— Mais…
t'es sûre que c'est bien prudent de rôder par ici ?
— ... Hmm, non, effectivement, je pense pas.
Éhéhéhéhé !
Bon sang, elle se rend pas compte que les flics sont à ses trousses ?
On aurait dit qu'elle sortait tout juste de l'hôpital, un peu comme si elle s'était évadée de sa chambre.
C'était une drôle d'impression...
... mais c'était franchement elle tout craché, et ça me faisait très plaisir.
— Mais dis-moi,
qu'est-ce que tu me veux à cette heure-ci ?
— Je voulais te parler une dernière fois.
C'est là qu'enfin, je remarquai son état.
Elle transpirait beaucoup.
Elle me faisait un grand sourire, mais en fait, je voyais bien qu'il n'était pas naturel.
— Je…
éhéhéhéhé,
je ne peux plus…
Je ne peux plus rester ici.
Je vis que les mots étaient durs pour elle.
Son sourire s'estompait peu à peu.
— Eh, tu vas bien ?
Tu te sens mal, ou quoi ?
— Je... j'ai tenu le coup jusqu'à aujourd'hui, mais…
Ahahaha...
je ne suis pas dupe.
Je suis au bout du rouleau.
Elle…
ça…
La mort est toute proche. Je sais qu'elle vient me chercher.
Ahahaha...
Mion perdit son sourire, je la vis tordre le visage, au bord des larmes.
Elle est venue me voir... malgré la douleur ? Malgré la mort qui allait l'emporter ?
— Ahaha…
Ahahaha…
haaa…
haaaa…
haaaa !
Son rire s'arrêta, et elle se mit à haleter très vite, de plus en plus fort.
Je voulus la prendre par la taille, mais elle me frappa la main.
— Tu ne vas pas bien !
Ne te force pas, voyons !
Ah, j'y pense.
J'ai un truc à te donner...
J'avais envie de la lui donner depuis longtemps,
cette poupée.
Maintenant que je savais qu'elle n'avait plus que peu de temps, il fallait lui donner.
C'était la dernière chose que je devais absolument faire.
Mais malheureusement...
Rrrhheeaaaaaa...
... Nghhh rha...
guh
............
Mon ventre…
est chaud.
Mion…
m'avait planté un couteau de survie effilé comme un rasoir
dans le ventre.
Et elle poussait... elle poussait de toutes ses forces...
Et
le tourna.
Mi...on ?
Eh ?
Tu
me
fais
mal...
— Haha,
ahahahaha…
HAHAHAHAHAHAHAHAHAHA
...!
J'ai réussi, juste à temps !
Je l'ai eu !
...
HAHAHAHAHAHAHAHAHAHA
!!!
Je tombai à terre et me recroquevillai sur moi-même.
Mon ventre était chaud comme un volcan en éruption.
Mion m'observa pendant quelques secondes, puis repartit d'un rire démentiel.
— HahahaHAHAHA, hahahaaa, HahahaHAHAHAHAHAHAHA !
J'ai réussi, j'ai réussi !
J'ai enfin tué tous ceux que je voulais tuer... Tous ! Crevés comme des porcs !
HahahaHAHAHAHAHAHAHA !
Les derniers mots qu'elle m'avait dits l'autre jour me revinrent en mémoire.
« Je pense que Mion ne reprendra plus jamais le contrôle de son corps.
Si jamais tu devais me revoir un jour,
sache que ce ne sera pas moi,
mais le démon qui sera devant toi. »
Ce ne sera pas moi.
Ce n'est pas elle.
Ce n'est pas elle ?
— Mi…
Mi…
on...
Non…
Juste au moment…
où je croyais te retrouver...
C'est pas vrai…
c'est pas juste…
Mion...
La mare de mon sang…
maculait la poupée…
de rouge…
encore
et encore...
... Mion...
Était-ce de la chance de pouvoir lui parler une dernière fois ?
Ou était-ce un malheur ?
Devais-je remercier les dieux ou les maudire ?
J'étais perdu entre les deux, et perdais peu à peu conscience, sans pouvoir me décider.
La poupée pour Mion...
était de plus en plus rouge.
Mais même en la frottant pour la nettoyer…
rien...
n'y…
changeait…
...
ri...
en...
La
lune
était
blanche,
si
blanche…
et
si
froide...
.