Tiens, je le connais, ce plafond.

Je n'étais pas encore conscient de tout, mais je savais que j'étais sous ma couette, dans ma chambre.

Je regardai ma montre.

C'était pile l'heure où je me réveillais tous les jours.

Pourtant, je n'avais vraiment pas assez dormi. Comment mon corps faisait-il pour pouvoir se bouger malgré tout ? C'était quand même une mécanique fantastique que la Nature nous avait donnée…

Si je me rendors, c'est foutu pour aujourd'hui.

Je sortis de sous ma couette, péniblement mais résolument.

Pendant le petit-déjeuner, ma mère me posa des questions sur les événements de la veille.

Apparemment, quelqu'un avait appelé chez nous aussi pour demander à propos de Rika, donc ma mère savait que quelque chose de dangereux se tramait.

Maman de Keiichi

— Alors vous les avez cherchées tous ensemble jusque tard dans la nuit ?

Keiichi

— ... Jusque... 3h je crois...

Par là.

Maman de Keiichi

— Et alors, vous les avez trouvées ?

Rika et Satoko.

Je mordis dans un toast, sans grand appétit.

Il n'avait aucun goût.

J'entendis soudain la sonnette retentir.

Je levai le nez et me rendis compte que j'avais cinq minutes de retard par rapport à d'habitude.

C'était sûrement Rena.

Rena

— Bonjour.

Tu as pu dormir ?

Keiichi

— Oui, mais pas des masses.

Je crois qu'on peut compter les heures sur les cuisses d'une poule.

Rena

— Ahahahahaha !

Rena aussi avait l'air très fatiguée.

Keiichi

— Je dois vraiment aller à l'école ?

Rena

— Oui.

Je crois que ce serait mieux.

Elle souriait.

J'étais sûr qu'elle devait être folle d'inquiétude pour les deux petites.

Mais elle tenait à me faire aller à l'école... Pourquoi ?

Rena

— Si tu ne viens pas aujourd'hui, tu vas te faire de la bile toute la journée et t'endormir.

Et ça, je ne veux pas que ça t'arrive.

Alors je viens avec toi.

Keiichi

— Très bien.

Attends juste un tout petit peu.

Je finis de me préparer.

Elle est vraiment attentionnée... Ça remontait vraiment le moral.

Arrivés au croisement, je pus constater que Mion n'était pas encore là.

Pourtant, j'étais en retard, elle devrait logiquement être arrivée avant moi...

Rena

— Je crois qu'aujourd'hui, Mii ne va vraiment pas pouvoir se lever, tu sais.

Keiichi

— Aaaah, mais bien sûr...

Il n y'a pas qu'hier pour elle.

Elle a déjà cherché avant-hier toute la nuit, c'est vrai...

Nous attendîmes un tout petit instant.

Une fois l'heure de partir arrivée, je regardai Rena.

Keiichi

— Qu'est-ce qu'on fait ?

On attend encore un peu ?

Soudain, l'air frais du matin aidant sûrement, mon cerveau se mit enfin en marche, et je me souvins de ce que l'inspecteur Ôishi m'avait dit hier soir.

Les chefs des clans disparaissent l'un après l'autre.

Et il ne reste plus que celui des Sonozaki...

Ne me dites pas que Mion est déjà... non, c'est pas possible...

Rena

— Allons-y.

Laissons-la se reposer aujourd'hui.

Rena me poussa doucement dans le dos.

Keiichi

— Dis-moi…

Mion est encore vivante, hein ?

Rena

— Pardon ?

T'as dit quelque chose ?

Keiichi

— Ah, non, rien, je me parle tout seul.

Allons-y.

Nous nous mîmes en route pour l'école.

En route, je remarquai de nombreux parents qui accompagnaient leurs enfants.

Certains les emmenaient en voiture.

Devant la grille de l'école se tenait M. le Directeur.

C'était la première fois que je le voyais ici.

Directeur

— Bonjour Madame.

Gardien

— Bonjour Monsieur.

Le Directeur saluait très bas tous les parents qui étaient venus.

Son sabre en bois à la ceinture était très intimidant.

Directeur

— Ah, Maebara, bonjour.

Bonjour, Ryûgû.

Rena

— Bonjour, Monsieur le Directeur.

Directeur

— La maîtresse a quelque chose d'important à vous dire au début de la classe, alors ne traînez pas et allez directement à vos places.

Je me suis bien fait comprendre ?

Nous ne répondîmes pas.

La folie de la nuit d'hier avait désormais contaminé le monde normal.

Cie

— Bonjour, les enfants.

Lorsque la maîtresse prit la parole, toutes les discussions à voix basse cessèrent immédiatement.

Un silence total s'abattit sur nous.

Le Directeur se plaça à côté du bureau de la maîtresse et nous fit face.

Ce n'était clairement pas un matin comme les autres.

Cie

— Tout d'abord, le Directeur a quelque chose d'important à vous dire.

Monsieur le Directeur, je vous en prie.

Celui-ci toussa pour s'éclaircir la gorge, puis prit la parole.

Directeur

— Je suppose que certains d'entre vous sont déjà au courant.

La classe resta silencieuse.

Tout le monde jeta un regard aux tables de Rika et de Satoko.

Il nous annonça très simplement que personne ne savait où elles étaient.

Apparemment, tous les élèves de l'école étaient au courant.

Mais certains avaient encore du mal à y croire.

Or, ils n'avaient plus le choix désormais.

Certains élèves se mirent à pleurnicher, d'autres fondirent en larmes.

Toute la classe semblait très perturbée.

Même le Directeur, pourtant si digne généralement, semblait porter en lui une immense tristesse.

Cie

— Allons, les enfants, un peu d'attention. s'il vous plaît !

Cie

À partir d'aujourd'hui, vous viendrez et vous repartirez d'ici avec quelqu'un pour vous accompagner.

Cie

Les élèves qui n'ont personne pour les emmener peuvent se rassembler en un grand groupe et venir tous ensemble.

Cie

Je vous ai fait une feuille, lisez-la bien attentivement et donnez-là à vos parents.

Vous avez compris ?

La maîtresse avait l'air un peu sur les nerfs.

Pas étonnant, considérant la situation si inhabituelle dans laquelle nous étions...

Je me suis dit qu'il fallait peut-être même carrément supprimer les cours un moment.

Mais Rena me rappela à la réalité : certains parents travaillaient tous les deux et étaient bien contents d'envoyer leurs enfants à l'école la majeure partie de la journée, pour les savoir en sécurité. L'école ne pouvait pas s'arrêter.

Cie

— Bon, commençons la leçon.

Déléguée ? Ah, elle n'est pas là aujourd'hui...

Bien, alors, ceux qui sont de corvée aujourd'hui assureront aussi le travail de la déléguée. Prenez le commandement.

Jeune garçon

— Gaaaaarde à vous !

Le monde était devenu fou, mais l'école essayait de faire en sorte de garder un rythme normal pour reprendre nos activités habituelles... et je dois dire que j'étais assez content de ça.

Ce jour-là, la maîtresse mangea avec les élèves, dans la salle de classe, au lieu de repartir dans la salle des professeurs.

Je souris en voyant que c'était vraiment du riz au curry dans son panier repas, mais cela ne fit rire personne d'autre.

Rena sortit son repas et le posa simplement au milieu de notre table.

Nous n'étions que deux aujourd'hui.

C'était triste de ne pas avoir à rapprocher toutes nos tables.

Rena

— Je suis fatiguée...

Keiichi

— Moi aussi.

Mais je vais te dire, ça ne me gêne même plus.

Je n'ai pas l'esprit tranquille pour m'endormir, de toute façon...

Rena

— Ahahahaha, oui, c'est pas faux.

Le matin avait été dur, mais la tension palpable tout autour m'avait vite réveillé.

Le repas de Rena n'était pas aussi joli que d'habitude.

C'était un peu normal, en même temps.

Elle était restée debout jusque très tard hier soir.

Elle n'avait certainement pas eu la force de se lever aussi tôt que d'habitude et de préparer tout ce qu'il lui fallait...

Keiichi

— Te gêne pas pour piquer chez moi, hein.

Avoue que mon panier-repas est mieux que le tien, aujourd'hui.

Rena

— Ahaha... oui, merci, je vais me servir, alors.

Eh, des feuilles de sésame sauvage avec du fromage fondu montées sur des canapés de riz ? Je n'y aurais jamais pensé, mais ça m'a l'air pas mal du tout...

Keiichi

— Tu sais, ta sauce est super aussi, même si je me doute que c'était de la toute prête.

Je me rendis vite compte que nous essayions par tous les moyens de recréer l'atmosphère habituelle.

Je regardai à la ronde et vis que nous étions les seuls à ne pas tirer une tête d'enterrement.

Rena

— Éhéhé...

Regarde, il n'y a que nous deux qui mangeons ensemble, on dirait…

enfin, ce…

enfin, tu vois, quoi ?

Hauuuu !

Keiichi

— Hahahahaha... haaaa...

Keiichi

— Éhéhé, héhé, aah, hmmmm...

Je n'arrivais même plus à me forcer à rire...

Keiichi

— Je... Désolé.

Je te demande pardon.

Rena

— ... Allez, c'est pas grave, voyons.

C'est normal.

Je posai mes baguettes.

Rena en fit de même.

Keiichi

— Rika et Satoko.

Je me demande bien... où elles ont pu aller.

Personne n'osait en parler, alors le fait de le dire, comme ça, cash, c'était assez perturbant.

J'entendis Rena avaler de travers et essayer de calmer sa respiration.

Rena

— ... Hier, pendant que tu n'étais pas là, j'ai posé des questions à droite à gauche. Je te dirai tout ce que j'ai appris.

Keiichi

— ... Ouais, désolé pour hier soir.

Je t'en prie, quand tu voudras.

Pendant que j'étais sur le promontoire, Rena avait parlé un peu aux femmes qui étaient arrivées et avait aidé à préparer la soupe.

Elle avait donc entendu aussi ce que racontaient les hommes qui revenaient des recherches et qui buvaient leur soupe en se reposant.

Keiichi

— Oui, OK, mais finalement, on ne les a pas trouvées, non ?

À part qu'elles sont rentrées puis reparties à vélo, on n'en sait pas plus.

Mion l'avait dit hier.

Nous n'avions aucun indice.

Rena

— Oui.

La police aussi pense qu'elles sont parties tout de suite après être rentrées.

Rena

Mais où va-t-on dans ce genre de situations ?

Où partent les gens d'ici quand ils prennent leurs vélos ? En ville, non ?

Rena

C'est pour ça que tout le monde est à peu près d'accord pour dire qu'elles sont allées en ville et que c'est là-bas qu'elles ont disparu.

Rena

La police parlait de comment ils allaient étendre leur recherche jusqu’à Okinomiya ce matin.

En ville...

Moui, ce qui explique que nous ne les ayons pas trouvées, même en cherchant des heures dans tout le village.

Mais quelque chose clochait.

Je ne savais pas trop pourquoi, mais quelque chose me turlupinait.

Ce jour-là, j'avais avoué quelque chose de très important à Rika.

Et elle m'avait dit de ne pas m'en faire,

elle avait dit qu'elle s'en chargerait.

Elle avait dit exactement que si elle ne faisait rien, les chiens risquaient de compliquer les choses encore plus.

À bien y repenser, je n'avais rien compris à son histoire de chats et de chiens, mais elle avait l'air d'avoir sa propre guerre à mener.

Eh merde !

Je n'aurais pas dû être aussi peureux, je n'avais pas à l'embêter avec ces histoires !

Quel idiot...

J'aurais dû lui demander de s'expliquer sur qui c'était, ces animaux.

Plus j'y pensais, plus je me rendais compte que j'avais franchement pas assuré !

Quoi qu'il en soit, je ne pense pas que Rika était d'humeur à aller s'amuser ce soir-là.

Évidemment, je n'avais pas le moindre début de preuve.

C'était juste mon intuition.

Keiichi

— ... Tu sais…

je ne crois pas qu'elle soit allée en ville.

Rena

— Toi non plus ?

Je me suis dit la même chose hier soir.

Rika et Satoko ont disparu dans Hinamizawa, c'est sûr et certain.

Je me tournai vers elle, surpris.

Elle savait quelque chose.

Sans en dire plus, Rena se leva, prit son panier-repas et sortit dans le couloir.

Rena

— Je vais laver ma boîte.

C'était pour ne pas avoir à en parler.

... Aaaaah, je vois... Elle ne peut probablement pas en parler en classe, devant tout le monde.

Je pris ma boîte à repas à toute blinde et la rejoignis.

Rena n'alla pas dans la salle d'eau, mais au lavabo situé derrière l'école, qui n'était quasiment jamais utilisé.

Nous lavâmes nos boîtes en silence.

Rena regardait le paysage, sans rien dire.

Puis, s'étant bien assurée que personne ne se trouvait dans le coin, elle se mit à parler.

Rena

— Je ne pouvais pas m'imaginer que Rika et Satoko étaient parties en ville, ça me paraissait pas logique.

Alors j'ai posé quelques questions à un peu tout le monde.

Keiichi

— Des questions ?

Du genre ?

Rena

— Oh, des tas de petites choses.

Par exemple, hier, dans la soupe, il y avait plein de morceaux de tofu, tu as remarqué ?

C'est parce que la vieille madame Tomita du magasin de tofu était venue.

Le magasin de tofu Tomita ?

Aaaah, oui, je vois lequel.

Il est sur la route qui mène à la clinique.

Ils ont de grands bassins devant le magasin, avec des blocs de tofu énormes dedans.

Rena

— Eh bien, Mme Tomita m'a dit qu'hier soir, Satoko était venue acheter un bloc de tofu chez elle.

Keiichi

— Du tofu ?

Oui, sur le chemin du retour de l'école, je suppose.

Et alors, c'est pas vraiment un indice ?

Rena

— Écoute-moi jusqu'au bout, d'accord ?

Tu te souviens du moment où nous sommes arrivés chez elle ?

Rena s'éloigna légèrement du lavabo et écarta les bras, pointant certains espaces dans le vide, comme pour recréer la pièce.

Rena

— Il y avait un pot sur la gazinière, avec de la soupe miso dedans.

Il y avait bien un demi-bloc de tofu coupé en dés dedans.

Le reste était dans le frigidaire.

Elle avait sûrement l'intention de le garder,

Rena

il était dans une assiette, avec du film plastique dessus.

Rena m'expliqua tout cela en mimant le tout, et en se déplaçant comme si elle allait de la gazinière au frigo.

Keiichi

— Oui, d'accord, mais je vois pas où tu veux en venir.

Rena

— Keiichi,

tu devrais faire la cuisine plus souvent...

Rena

Le tofu, on le met dans la soupe vraiment au tout dernier moment. Ce qui veut dire que celle qui cuisinait était devant le gaz jusqu'au tout dernier moment, juste avant de manger.

Keiichi

— Mais alors, elle était là…

jusqu'au moment de passer à table ?

Hier, en ne voyant pas leurs vélos, nous nous sommes dits qu'elles étaient parties très tôt... mais alors, ce n'était pas le cas ?

Rena

— J'ai regardé dans la poubelle, il y avait pas mal de chutes.

Rena

D'habitude, c'est Rika qui prépare tout, mais parfois c'est Satoko qui se dévoue pour préparer à manger.

Rena

Vu les épluchures dans la poubelle, je dirais que c'est Satoko qui faisait la cuisine hier soir.

Keiichi

— Mais alors…

Satoko n'est pas partie ?

Elle faisait à manger pour le dîner ?

Rena

— Exact.

Alors j'ai ouvert l'autocuiseur.

Il y avait du riz dedans, pour deux personnes.

Keiichi

— Donc... elle a préparé à manger pour deux, mais elles n'ont finalement pas mangé.

C'est ça ?

Rena acquiesça.

Rena

— C'est pour ça qu'ensuite, j'ai ouvert le frigo.

J'ai vu la moitié de bloc de tofu qui restait.

Mais ce n'est pas tout,

Rena

il restait deux assiettes avec des légumes et des condiments prêts, recouverts de film fraîcheur.

Mais alors, elle les réservait pour le lendemain ?

Ma mère faisait souvent ça pour ne pas avoir à les préparer le matin pour les paniers-repas.

Rena

— Exact.

Rena

C'est ce qu'on fait quand on veut garder les restes ou mettre de côté les aliments pour plus tard.

Rena

Et si les assiettes étaient dans le frigo, cela voulait dire que Satoko savait qu'elle ne les mangerait pas ce soir.

Keiichi

— Ah oui ?

T'es sûre ?

Rena

— Keiichi,

réfléchis un peu plus loin.

Elle a mis des films fraîcheur sur le repas du soir sans en avoir mangé une seule bouchée.

D'après toi, pourquoi ?

Keiichi

— Hmm…

Eh bien…

elle savait qu'elle n'aurait plus besoin de les manger pour ce soir.

Elle a été invitée ailleurs pour manger, ou bien elle a reçu autre chose entre-temps.

Rena

— Et ce n'était pas prévu.

Sinon, elle ne se serait pas donné le mal de faire la cuisine.

Surtout pour deux, c'est très important comme détail.

Rena

Ça veut dire que Satoko était persuadée que ce soir, Rika et elle mangeraient ici, à la maison.

Keiichi

— Mais alors… Mais alors…

Elles ne sont parties nulle part, c'est ça ?

On s'est trompé sur toute la ligne !

Rena

— Oui.

Elles ont disparu juste avant de se mettre à table, dans une tranche d'heure très courte.

Je dirais, vers 19h.

Keiichi

— ... Où peuvent-elles bien être allées sans manger à cette heure-là ?

Rena

— Oui, c'est la question qui s'impose.

Dis-moi, est-ce que tu te souviens de la table ?

Il y avait la sauce de soja dessus, et les petits socles pour les baguettes.

Hmm, possible,

mais je ne m'en souvenais pas.

Rena

— La bouteille de soja était vide.

Rena

Complètement vide,

Rena

pas une seule goutte.

Rena

Mais dans ces conditions, l'assaisonnement des légumes serait pas bon !

Rena

Alors j'ai ouvert le placard sous l'évier pour voir la grande bouteille de sauce de soja.

Keiichi

— Mais comment t'as su qu'elle était là-dessous ?

Rena

— Ahahahahaha, bah, je suis déjà allée chez elles, je leur ai déjà préparé quelques petites choses une fois.

Rena s'éclaircit la gorge et reprit une expression sérieuse.

Rena

— Et donc, sous l'évier, la grande bouteille de soja avait disparu.

Keiichi

— Elle avait disparu ? Mais, ça signifie quoi ?

Rena

— Écoute-moi bien, à partir de maintenant, tout ce que je vais te dire, c'est juste une théorie, d'accord ?

Alors s'il te plaît, ne m'interromps pas. Écoute bien jusqu'au bout.

Hier soir,

Satoko cuisinait normalement.

Rika disait toujours qu'elle regardait la télé en attendant que tout soit prêt, alors je pense qu'elle devait être couchée devant une émission de variété.

Satoko a coupé le tofu en dés, l'a mis dans la soupe, a mis la table, et là elle s'est rendue compte qu'il n'y avait plus de sauce de soja.

Alors Rika s'est levée et a été chercher la grande bouteille, sous l'évier, et a été demander dans le quartier si quelqu'un ne pouvait pas leur en donner un peu.

Keiichi

— Hmmm, je sais pas trop comment ça se passe entre voisins, mais... C'est courant, ce genre de trucs ?

Rena

— Oh oui.

En tout cas à Hinamizawa, ce n'est pas rare du tout.

Et donc Rika est partie à vélo pour chercher du soja chez un voisin.

Mais elle n'est pas revenue.

Alors je pense qu'à force, Satoko s'est demandée ce qu'il s'était passé, et qu'elle a appelé là-bas.

« Excusez-moi madame, mais est-ce que cette chère Rika se trouverait-elle par hasard toujours dans votre modeste demeure ? »

Oh oui, elle était capable de le formuler comme ça, c'était son genre.

Et la personne au téléphone lui a sûrement répondu quelque chose comme :

Rena

« Eh bien, je viens de faire à manger, si tu veux venir aussi, Satoko ?

Rika est déjà à table avec nous. »

En tout cas, c'est ce qui me semble le plus crédible.

Satoko n'a pas dû être très contente, mais elle a mis le plastique sur les assiettes et a tout mis au frigidaire.

Pour pouvoir tout garder et le réutiliser dans les paniers-repas du lendemain.

Et puis elle a pris son vélo

et elle est partie rejoindre Rika.

Rena

— Seulement, il y a un truc de bizarre dans cette théorie.

Personne ne fait la cuisine en prévoyant une part pour un visiteur imprévu.

Une femme au foyer qui fait la cuisine tous les jours sait exactement combien faire à manger pour sa famille, je ne pense pas qu'elle puisse se tromper tellement dans les proportions qu'il en resterait pour deux personnes.

Keiichi

— Hmmm, bah, ça peut être le hasard, non ?

Rena

— Non, même pas par hasard, Keiichi.

Rena réfuta cette idée catégoriquement.

Rena

— Réfléchis, Rika savait pertinemment que Satoko s'était donné du mal pour faire la cuisine ce soir-là.

Je ne peux pas l'imaginer accepter une invitation à manger ailleurs, elle ne ferait jamais ça à Satoko.

Pour une théorie qui se basait uniquement sur la situation de départ, c'était très convaincant.

J'étais très impressionné de ce qu'elle avait pu déduire sans avoir d'indice vraiment concret.

Keiichi

— Mais alors,

d'après toi, où est-ce qu'elle est allée chercher du soja ?

C'était là le point le plus important !

Ce devait être un endroit sûr, une famille chez qui Rika ne s'en voudrait pas de demander un litre entier de sauce,

et chez qui Satoko irait sans se méfier si elle s'y savait invitée.

Chez qui ça pouvait bien être ?

Rena secoua la tête lentement.

Rena

— ... C'est tout ce que j'ai pu déduire,

je n'ai pas vraiment trouvé de quoi corroborer cette théorie, alors,

il vaudrait mieux ne pas en parler à la police.

Keiichi

— Oh, pas la peine de le leur cacher, je pense.

Même si ta théorie n'est pas exactement la bonne, c'est une piste !

Rena

— Keiichi...

Rena

C'est une piste qui revient à dire que c'est une personne de Hinamizawa qui a fait le coup, une personne que nous connaissons tous très bien.

Rena

Je ne veux pas me mettre à soupçonner des gens que je connais sans avoir de preuve.

... ... ...

Je vis quelques filles s'approcher du lavabo pour laver leurs boîtes.

Rena profita de leur arrivée pour arrêter cette conversation et repartir vers la classe.

Je restai seul ici, les yeux fermés, bercé par le chant des grillons.

OK, reprenons tout ça dans l'ordre.

Il faut que je me fasse un résumé à ma manière.

Si Rena a réussi à déduire tout ça sans avoir aucune information,

alors moi je devrais réussir à découvrir encore plus de choses...

L'inspecteur me l'avait dit hier, mais le coupable devait être quelqu'un du village.

Rena ne voulait pas y croire, mais là, c'était sûr et certain.

Tout a commencé lorsque nous sommes entrés tous les quatre dans le temple interdit.

Quelqu'un nous a vus.

Et ce ou ces personnes pensent que c'est un crime qui mérite le châtiment suprême.

Le soir même, ils ont tué M. Tomitake et Mme Takano.

Il n'en restait donc plus que deux.

Shion et moi.

Mais avant de nous tuer nous, ils se sont d'abord occupés de faire disparaître le maire, à qui Shion avait tout avoué.

Et ensuite, ils ont pris Rika, car moi je lui avais tout avoué.

Mais alors, pourquoi Satoko ?

Ce serait une victime collatérale ?

Je me doutais que Rika devait être dégoûtée de subir un sort pareil rien que pour avoir écouté ma confession, mais Satoko…

C'était monstrueux !

Et le pire, c'est que tout ça, c'est de ma faute !

Qui sera le prochain à disparaître ?

Moi ? Ou Shion ? Ou encore quelqu'un d'autre ?

D'ailleurs, pourquoi ils ne nous tuent pas tout de suite ?

S'ils ont le bras suffisamment long pour pouvoir enlever le maire ou Rika sans aucun problème, pourquoi ne sont-ils pas venus tout de suite nous chercher Shion et moi ?

Je veux dire, c'est pas que j'étais jaloux, mais s'ils nous attaquent, je peux encore le comprendre.

Mais je ne peux pas accepter de les voir tuer les gens à qui nous nous sommes confessés.

Mais au fait...

Shion a dit hier qu'elle avait l'impression d'être surveillée.

... Alors moi aussi, je suis peut-être surveillé, non ?

Hmmm, en tout cas je n'ai rien remarqué jusqu'à présent.

J'étais au cœur de cette histoire, et je n'avais rien vu.

Peut-être que tout simplement, Shion était plus observatrice que moi, ou plus sensible.

Bah, ce n'est pas important.

Revenons à nos moutons.

Le ou les coupables ne nous attaquent pas, pourquoi ?

Je pense que si je découvre cette raison, je pourrai résoudre le mystère.

Est-ce que par hasard…

je partirais sur des bases fausses ?

... ... …

Non, j'ai beau réfléchir, je ne vois pas où j'aurais pu rater quelque chose.

En tout cas, une chose était sûre.

En tant que principal concerné dans cette affaire,

je devais absolument en découvrir les tenants et les aboutissants, c'était la moindre des choses...

La cloche du directeur retentit soudain, annonçant la fin de la pause de midi.

Y aura-t-il une nouvelle victime ce soir ?

Si vraiment quelqu'un doit y passer ce soir…

je veux que ce soit moi.

Comme ça, tout serait enfin terminé...

Je me remémorai avec vivacité les cris hystériques de Shion, hier soir au téléphone.

Ils ont l'intention de tuer tous nos amis, les uns après les autres, et de nous tuer tout à la fin, après nous avoir fait souffrir...

Directeur

— Maebara, la pause de midi est terminée.

Retourne en classe immédiatement.

Le directeur me prit par l'épaule et me raccompagna en classe. Quant à moi, perdu dans mes pensées, je faisais une mine d'enterrement…