Je me mis à chercher le numéro de téléphone de Rika dans le répertoire de l'école.

Là !

Mes doigts tremblaient tellement que j'étais incapable de composer les cinq malheureux chiffres sur le cadran. Je dus m'y reprendre une bonne dizaine de fois.

Maman de Keiichi

— Keiichi,

tu téléphones à cette heure-ci ?

Mais voyons, ça ne se fait pas de déranger les gens aussi tard !

Keiichi

— Rah, lâche-moi, c'est pas le moment !

Je gardai l'appareil à l'oreille, envoyant promener ma mère.

Allez, décroche ! Mais décroche !

Il était... presque 23h.

Oui, c'était tard.

Presque le milieu de la nuit.

Elle dort déjà, peut-être ?

Pourtant, vu le nombre de sonneries, elle devrait se réveiller !

Elle ne répond pas.

Elle ne décroche pas...

Elle ne décroche toujours pas !

Peut-être qu'elle n'entend pas la sonnerie ?

Que son lit est très loin du téléphone ?

Nan, c'est pas crédible.

Plus on dort paisiblement, et plus le bruit du téléphone est gênant.

Alors où est-elle ?

Aux toilettes, peut-être…

Ah, non, elle prend son bain !

Si elle est dans la baignoire, forcément elle ne peut pas répondre au téléphone...

C'est un peu tard pour prendre son bain, mais peut-être qu'elle se lave juste avant d'aller dormir ?

... Je vais attendre une demi-heure et rappeler...

Pendant que j'échafaudais toutes ces théories, le téléphone sonnait, encore et encore.

Je refaisais le numéro de temps en temps.

J'ai essayé de l'appeler des dizaines de fois.

Et pourtant, elle ne décrochait pas.

Ça faisait bien vingt minutes que j'essayais de la joindre…

Sans succès.

Peut-être qu'elle avait peur de répondre ? Généralement, personne n'appelle aussi souvent et aussi longtemps...

Non, justement...

... ... ...

Bon, ça ne m'avance à rien.

Je vais aller directement chez elle !

... Elle habite où, déjà ?

C'est pas vrai... Je sais même pas où elle habite au juste !

Dans le répertoire, il y avait juste le numéro de la maison et du quartier, mais pas le nom... je n'étais pas plus informé.

Je dois bien avoir une carte quelque part ?

Rika Furude...

Il faut chercher Furude, alors.

C'est pas un nom courant, je le trouverai facilement !

Je cherchai dans le tiroir du meuble du téléphone, mais il n'y avait que des encarts pour des services de livraison à domicile ou pour les numéros importants des services publics !

Merde, merde, MERDE !

Je sortis tout des tiroirs, mais je trouvai rien pour m'indiquer où elle habitait.

Calme-toi, Keiichi Maebara ! Reste zen !

Si tu ne sais pas où elle habite,

demande à quelqu'un qui le sait, c'est pas plus compliqué !

Keiichi

— Mais bien sûr…

Rena !

Je cherchai encore une fois dans le registre de l'école.

Ra... ri... Ryûgû Rena.

Là...

Papa de Rena

— Oui allô ?

Ici Ryûgû.

C'était un homme qui avait décroché, il n'avait pas l'air content.

Son père, sûrement.

Il va falloir la jouer poliment, il est très tard...

Keiichi

— Euh, je suis vraiment désolé de vous appeler aussi tard.

Je m'appelle Maebara, est-ce que Rena est encore debout ?

Papa de Rena

— Reina prend son bain.

Elle a peut-être fini.

Reina ?

Un ami à toi au téléphone.

Ah oui, c'est vrai, son vrai nom c'est “Reina”.

Je n'avais vraiment pas l'habitude de l'entendre...

Rena

— Allô ?

C'est moi à l'appareil.

Keiichi

— C'est moi... C'est Keiichi.

Désolé d'appeler si tard !

Rena

— Hein ?

Keiichi ?

Qu'est-ce qui presse tant que ça ?

Keiichi

— Eh ben... en fait... il faut que je sache où habite Rika.

À entendre sa réaction, Rena n'en revenait pas.

Mais elle devait bien se rendre compte que quelque chose de grave se passait, car elle resta sérieuse.

Rena

— Ok,

d'accord.

Tu vois la salle municipale dans le sanctuaire Furude ?

Va derrière le bâtiment, tu devrais voir un pavillon derrière, c'est petit mais il y a un étage.

C'est là qu'elle habite.

Je ne voyais pas trop où c'était, mais je savais que c'était dans le sanctuaire, c'était largement assez. Je pourrai chercher quand j'y serai.

Keiichi

— Compris !

Merci, vraiment, merci.

Désolé d'avoir appelé si tard.

Dis à ton père que je m'excuse.

Rena

— T'en fais pas, c'est rien, Keiichi.

Dis-moi plutôt pourquoi tu as besoin de ça maintenant ?

Rena était vraiment plus intelligente qu'elle ne voulait bien le montrer...

Je considérai un instant lui en parler.

Le maire est mort parce que Shion lui a tout raconté.

Rena

— Keiichi ?

Si tu m'entends, réponds-moi.

Pourquoi tu veux savoir ça maintenant, tu as vu l'heure ?

Elle tentait de me parler comme tous les jours, mais je sentais une pointe de peur dans sa voix.

Bon, tu fais quoi, Keiichi ?

Tu peux peut-être lui en parler, à elle, non ?

Le maire est mort parce que Shion lui a tout raconté.

Le maire s'est fait tuer parce que Shion lui a tout avoué.

Rena

— Keiichi !

Je te parle, et je suis sérieuse, là !

J'attends une réponse !

Je fus surpris par le ton brusque de sa voix.

Ce n'était pas du tout le même son de cloche que d'habitude...

Rika est une de ses amies, c'est vrai...

Elle a le droit de savoir,

je pense...

Mais si je lui en parle...

Non, il ne faut pas y penser, c'est pas le moment !

Keiichi

— Rena…

En fait…

écoute, me demande pas pourquoi, d'accord ?

Rena

— Hmmm.

Elle était toujours sérieuse.

Je pense qu'elle m'écoutera et qu'elle me croira sur parole,

sans chercher à se moquer.

C'était ce qu'il me fallait pour oser lui parler...

Keiichi

— Je crois bien que…

Rika est en danger.

Rena

— C'est quoi, une intuition ?

Ou bien, tu as des raisons d'être certain qu'elle est en danger ?

Je ne devrais pas lui en parler en détail, on n'a pas le temps...

Mais elle était calme, et ça me calmait aussi. Je commençais à réfléchir un peu mieux.

Keiichi

— Non, j'ai pas de preuve, mais...

Je ne pouvais pas tout lui dire.

J'ai avoué à Rika être entré par effraction dans le temple.

Le maire l'a su avant elle, et maintenant il était introuvable.

Il y avait donc de grandes chances pour que Rika...

Non, je ne peux pas tout lui expliquer.

Pendant que j'en débattais avec moi-même, Rena poursuivit.

Rena

— Désolée, question idiote.

Pas besoin de certitudes pour se faire du souci.

Rena éclata de rire.

Ce n'était pas une situation si drôle que ça, aussi je ne sus pas trop comment réagir.

Elle se calma et continua à me parler.

Rena

— Si tu veux simplement vérifier que tout va bien parce que tu te fais du souci,

alors je n'ai pas vraiment besoin d'en savoir plus.

Rena

Et même si tu la réveilles au milieu de la nuit, je pense qu'elle ne t'en voudra pas. Tu voulais juste t'assurer qu'elle allait bien, ça partait d'un bon sentiment.

Heureusement qu'elle me comprenait...

Rena

— Bon, laisse-moi juste m'assurer de deux ou trois petites choses.

Tu l'as appelée au téléphone ?

Tu me demandes où elle habite car elle n'a pas décroché, je présume ?

Keiichi

— Ouais, c'est exactement ça !

J'ai laissé sonner bien dix minutes d'affilée, et elle ne décroche pas !

Je me suis dit que peut-être elle dormait déjà...

Rena

— Sa maison est très petite, tout s'entend chez elle.

Même si elle était en train de dormir, crois-moi, le téléphone l'aurait réveillée.

Et puis Satoko est là-bas aussi, l'une des deux aurait répondu.

Keiichi

— Hein ?

Satoko vit avec Rika ? Comment ça ?

Rena

— Ben, oui ?

Tu savais pas ?

Bon, peu importe, on n'a pas le temps.

Une chose est sûre, elles n'ont pas répondu, et ce n'est pas normal.

Rena comprenait la situation bien plus vite que je ne l'avais imaginé.

C'était rassurant de voir que quelqu'un savait quoi faire, mais...

d'un autre côté, si Rena reconnaissait que la situation n'était pas normale, cela voulait dire que je devais vraiment me faire du souci et que l'heure était grave.

Rena

— Écoute, je vais y aller aussi, d'accord ?

Tu viens avec moi ?

Je passe te prendre.

Keiichi

— Bien reçu.

Bon, je pars devant, on se rejoint sur la route.

Allez, j'y vais !

Rena

— Non, Keiichi !

Je passe te prendre,

alors reste chez toi et prépare-toi.

Préviens tes parents aussi !

Keiichi

— Quoi, tu es sûre ?

C'est une perte de temps, tu trouves pas ?

Rena

— Au fait, tu as prévenu Mii ?

Elle est vraiment efficace dans ce genre de crises !

Je vais l'appeler.

Je m'arrêtai tout net.

Shion venait de me dire de me méfier d'elle, tout à l'heure...

Si vraiment le clan des Sonozaki est lié aux événements des dernières années...

alors forcément, l'héritière du clan devait être au courant.

Par déduction, elle devait avoir un lien avec la mort de Takano et la disparition du maire... ou pas ?

Rena

— OK, alors c'est décidé !

J'arrive tout de suite !

Bouge pas !

Rena raccrocha le combiné en toute hâte.

C'est pas le moment de me poser des questions sur Mion.

Il faut que je sache si Rika va bien ou pas.

Je me changeai et pris les clefs de mon cadenas de vélo.

Je pense qu'il vaut mieux attendre Rena à l'endroit habituel.

Elle n'a pas besoin de venir jusque chez moi, ce serait faire de la route pour rien...

Je supposais que mes parents me feraient une scène si je leur annonçais que je sortais à cette heure-ci, alors je partis sans rien dire.

La nuit était fraîche mais plus humide que d'habitude, c'était très énervant.

... Alors comme ça, Rika et Satoko vivent ensemble ?

!?

Mais alors...

Satoko n'est pas à la maison non plus ?!

Le pire des scénarios me passa par la tête.

Mais enfin, Satoko n'a rien à voir dans l'affaire !

C'est pas juste...

Même si Rika pouvait être considérée comme une cible légitime, Satoko était innocente !

Rena

— Keiichiiiiii !

Dites-donc, elle a fait vite.

Elle pédalait comme une folle.

Elle était aussi à bout de souffle. Elle avait mis toute la gomme.

Keiichi

— Salut Rena !

Bon, allons-y !

Rena

— Keiichi,

je t'avais dis d'attendre à la maison !

Elle est en colère ou quoi ?

Sa voix avait un ton austère.

Du coup, je restai interdit.

Keiichi

— Ben... je me suis dit que ça irait plus vite si on se rejoignait ici...

Rena

— Mais bordel Keiichi, ça va pas la tête ? Tu te rends pas compte ou quoi ?

Pour la première fois de ma vie, je la voyais se mettre en colère.

Elle m'avait crié dessus...

Keiichi

— Mais quoi, qu'est-ce qu'il y a ?

Rena prit de profondes inspirations pour se calmer,

puis reprit sur un ton plus calme mais tout aussi sévère :

Rena

— Keiichi, hier soir, le maire a disparu.

Tu as bien vu la panique que ça a provoqué dans le village, non ?

Keiichi

— Ben, oui...

Rena

— OK, et dans ce contexte, tu m'apprends que Rika et Satoko ont disparu toutes les deux.

Keiichi

— Euh... oui.

Oui, effectivement.

Rena

— Alors pourquoi tu n'es pas plus prudent ?

Tu es tout seul dans le noir, dans un village désert, au milieu de la nuit, ça te paraît pas légèrement dangereux sur les bords ?

Je réalisai soudain là où elle voulait en venir...

Rena

— Tu as prévenu tes parents pour dire où tu allais, au moins ?

Au pire des cas,

ça permettra de déterminer dans quelle zone toi et moi avons disparu.

Rena était en fait très calme et raisonnée, elle gérait parfaitement la situation.

Depuis la fête de ce dimanche…

Chaque jour, quelqu'un mourait ou disparaissait.

Le soir de la fête, il y avait eu deux morts, et quelles morts !

Le lendemain, le maire avait disparu.

Et maintenant, Rika et Satoko...

Je n'avais pensé qu'à ma pomme,

mais en fait, tout le village était en état d'alerte rouge en ce moment, la situation n'était clairement pas normale.

Or Rena avait prévu tout cela. Depuis tout à l'heure, elle m'avait dit de prévenir mes parents, car elle pensait déjà plus loin que le bout de son nez. Elle prenait les devants pour le cas où nous nous fissions enlever.

J'eus soudain vraiment honte d'avoir agi comme un irresponsable... et la peur me saisit.

Mais c'était mieux que rien. Jusque là, je n'avais même pas su que je devais avoir peur...

Keiichi

— ... Nan, je...

Je leur ai rien dit.

Rena

— C'est ce que je me disais.

Allez viens, on va leur dire.

Je me remis en route vers la maison, Rena juste à côté de moi, en vélo.

La lune était haute dans le ciel, bien plus haute que d'habitude.

Le ciel était vide de nuage, très vaste, très frais.

En l'observant, je pouvais vérifier que je ne rêvais pas, et c'était très dur pour les nerfs.

Ce n'était pas un cauchemar, c'était réel...

Dans cette nuit folle et infernale, Rena gardait toute sa raison.

Et moi, dans ce village devenu fou... la peur commençait à me la faire perdre.

Je levai une fois encore le nez en l'air. La lune était vraiment trop haute dans le ciel.

Mion nous rejoignit entre-temps, mais elle ne croyait pas trop à la disparition de Rika et de Satoko.

Mion

— P'tit gars, t'es sérieux ?

Si c'est une blague, je vais m'énerver, je te préviens !

Elle avait l'air de très mauvaise humeur.

En même temps, si c'était une blague, elle serait de très mauvais goût.

Elle avait raison, c'était ça le pire -- ce que j'avançais n'était pas à prendre à la légère.

Vu le passif du village ces derniers jours, c'était pas très malin de venir raconter que Rika et Satoko avaient disparu à leur tour.

Rena

— Mii,

s'il s'avère que c'est une blague, il vaut mieux en rire.

Ça ne sera qu'une blague après tout.

Maintenant, à nous d'aller vérifier qu'effectivement, tout ça n'est qu'une mauvaise plaisanterie de sa part.

Mion

— Oui, tu as sûrement raison.

Je suis désolée, j'ai les nerfs.

Si nous pouvions nous assurer que tout allait bien, nous pourrions sûrement en rire.

Rena avait bien préparé le terrain, et Mion reprit une mine un peu plus joviale.

Mion aussi était venue à vélo.

Nos trois dynamos offraient la seule lumière disponible sur les routes sombres du village.

Mion

— Je peux savoir pourquoi tu l'as appelée au téléphone à cette heure-ci ?

J'avais déjà eu du mal avec Rena, mais là...

Keiichi

— Bah, un mauvais pressentiment... c'est si bizarre que ça ?

Avec la pénombre, je ne voyais pas trop ses yeux, mais Mion avait un rire un peu forcé.

Elle n'était pas vraiment convaincue...

Keiichi

— Quand je fais une sieste et que j'ai un mauvais rêve, j'arrive plus à me calmer.

Rena

— Mais alors Keiichi, tu rêvais d'enlever Rika ? Pour la ramener dans ta chambre ?

Keiichi

— Non, pas du tout !

Comment dire, c'était... un pressentiment, quoi.

Si Rika avait décroché, je vous aurais appelées pour vous en parler.

C'était fou comme j'arrivais à mentir une fois que j'étais lancé.

Si je lui mentais, c'était uniquement pour ne pas avoir à parler de Shion et de ce que nous avions fait dans le temple des reliques sacrées ce soir-là.

Mion ne posa plus de question.

Était-elle satisfaite ? Aucune idée.

Elle était peut-être plus préoccupée de savoir si Rika et de Satoko allaient bien.

Cela m'arrangeait bien, mais je n'en étais pas très fier...

Je ne savais pas pourquoi il me prenait soudainement l'envie de mettre un peu de distance entre elle et moi.

J'avais pourtant juste entendu Shion et l'inspecteur me parler du clan dont elle allait hériter, ce n'était pas la mort non plus...

...Hmmm, en fait, non.

Je crois que je suis simplement en train d'essayer d'oublier un détail important.

Creuse-toi les méninges, Keiichi, essaie de te souvenir.

La première personne qui est venue te voir pour te demander des comptes à propos de la nuit de la cérémonie, c'est Mion.

Elle avait d'ailleurs pas fait semblant.

Tu te souviens de son attitude quand elle t'avait posé les questions ?

Oui, ce jour-là, elle n'avait pas été la même.

Cette Mion-là était peut-être un peu plus proche de ce que m'en avaient dit l'inspecteur Ôishi et Shion.

En fait, c'est simple.

S'il n'y avait pas eu cette scène l'autre jour, je n'aurais aucune raison de me méfier d'elle.

Mais alors, qu'est-ce qu'elle pouvait bien avoir eu ce jour-là ?

Je me demande si en fait,

je ne suis pas en train de rater un élément super important qui se serait passé tout au départ...

Mion roulait devant moi, sans les mains, en se recoiffant de temps en temps.

Mais j'eus beau l'observer attentivement, son dos ne m'apporta aucune réponse...

Nous étions désormais arrivés au pied des marches, devant le sanctuaire.

Les filles n'avaient pas l'intention de porter leurs vélos jusqu'en haut, alors elles les laissèrent ici.

Je décidai de faire pareil.

Keiichi

— Enfin, le temple Furude...

Rena

— Les gens d'ici s'y rendent comme on se rend au parc, mais en fait, c'est une propriété privée.

Tous les terrains du sanctuaire appartiennent aux Furude, alors ?

Les bâtiments ont l'air anciens.

Ce temple n'est pas là depuis seulement dix ou vingt ans, mais sûrement depuis des siècles.

Keiichi

— Mais alors, les Furude doivent être une des familles les plus vieilles du village ?

Le genre clan ancestral qui remonte loin en arrière ?

Rena

— ... Hmm,

ils n'y sont pas.

C'est pas normal.

Je courus vers elle pour voir ce qu'elle avait remarqué.

Keiichi

— Qu'est-ce qu'il y a, Rena ?

Rena

— Regarde, il devrait y avoir leurs vélos ici, mais il n'y a rien.

Regarde !

Ils ne sont nulle part.

Je regardai à la ronde.

Effectivement, il n'y avait que nos trois vélos dans le coin.

Keiichi

— Elles auraient pu les laisser ailleurs, non ?

Keiichi

Par exemple les porter en haut et les ranger.

Rena

— Mais voyons, ce sont deux petites filles, Keiichi, elles n'ont pas la force de porter un vélo à bout de bras en montant les marches.

Hmm, effectivement, je n'arrivais pas à me les imaginer avec le vélo sur l'épaule.

Avant même d'arriver à leur porte pour y frapper, nous étions déjà confrontés à une réalité angoissante.

Quoique, les vélos sont peut-être plus près des arbres.

Le fait qu'il n'y ait aucune trace de leurs vélos ici n'était pas une preuve irréfutable de leur disparition...

Keiichi

— Allons chez elles !

Avec ça, nous serons tout de suite fixés.

Tous mis d'accord, nous nous mîmes à gravir les marches devant nous.

Passant sous les portiques sacrés, une cour au gravier impeccable nous attendait.

J'avais du mal à croire que la fête était là il y a à peine deux jours.

Keiichi

— Et alors, où elle habite exactement ?

Rena

— Par là.

Suis-moi.

Rena prit les commandes et se mit à courir.

Une fois arrivée à la salle municipale, elle fit le tour du bâtiment.

Dans les ténèbres, je distinguai une hutte en préfabriqué, un petit baraquement avec un étage, un peu comme pour stocker du matériel.

Mion

— La lumière est éteinte.

Tu paries qu'elles dorment ?

Rena

— Eh bien, allons toquer.

Mion et Rena s'approchèrent des murs en préfabriqué. J'aurais jamais pensé que des gens pussent vivre là-dedans.

Vu le temple et le terrain qu'elle avait... je pensais qu'elle vivrait dans une grosse baraque.

C'était surprenant.

Rena

— Rikaaaaa !

Satokooooo !

Vous êtes lààààà ?

Rena parlait en regardant vers l'étage.

Elle les appela d'abord sans crier trop fort, puis de plus en plus franchement.

... Aucune réponse.

Aucun bruit, aucune présence par ici.

Mion

— Elles dorment à poings fermés ?

Il faut les réveiller.

Mion se mit à frapper des deux mains sur la porte en taule, et un boucan de tous les diables se mit à se réverbérer alentour.

Avec tout ça, elles avaient forcément dû nous entendre.

Je m'attendais à voir la lumière s'allumer, la fenêtre glisser sur le côté et les voir encore à moitié endormies nous crier dessus. C'est vrai que c'était très tard...

Mais nous eûmes beau attendre, rien de tout cela n'arriva.

... Absolument aucune réaction.

Mion arrêta de frapper la porte, et un silence oppressant, assourdissant, revint s'installer tout autour de nous.

Ce silence me faisait craindre le pire...

Je me sentis blêmir.

Rena

— La porte est fermée à clef.

Il n'y aurait pas moyen d'entrer autrement ?

Rena ne désespérait pas.

Elle n'abandonnerait pas tant qu'elle n'aurait pas de ses yeux vu que les deux filles n'étaient pas à l'intérieur.

Ça mettait du baume au cœur de la voir s'acharner comme ça.

Keiichi

— Elles n'ont peut-être pas fermé les fenêtres à l'étage ?

Je vais vérifier !

Mion

— P'tit gars, tiens, une échelle.

Mion prit une échelle couchée au sol à côté de l'autre mur et me la passa.

Les appuis n'étaient pas très solides, mais si elle tenait l'échelle, ça devrait aller...

Je n'étais pas habitué à grimper aux échelles.

C'était d'ailleurs très visible, mais échelon après échelon, fenêtre après fenêtre, je persistai.

Rena

— Mii, juste pour être sûre, je vais vérifier la demeure principale !

Je reviens tout de suite !

Elle partit en courant.

La demeure principale ? De quoi elle parle ?

Mion

— C'est la vraie maison des Furude.

Depuis que ses parents sont morts, elle est plus ou moins à l'abandon.

Keiichi

— Oh... je vois.

C'est vrai, j'avais oublié... Ses parents sont morts.

C'est là qu'enfin, un truc fit clic dans ma tête.

Satoko vivait ici ?

Mion

— Satoko est orpheline aussi.

On dit que la malédiction de la déesse a poussé ses parents dans un ravin.

Son grand-frère Satoshi aussi a... disparu, et depuis...

Keiichi

— Satoshi... Satoshi... j'ai entendu ce nom-là quelque part.

Ah, oui.

C'est la victime qui a disparu l'année dernière.

Mion

— Comme je disais, depuis, Rika et Satoko vivent ici, dans cette petite baraque.

Elles sont toutes les deux seules au monde, sans plus aucune famille digne de ce nom dans le coin, alors...

Elles s'entr'aident.

Keiichi

— Mais, ce serait pas plus facile de vivre dans la…

la “demeure principale”, tu disais ?

Je ne pouvais rien voir à travers les rideaux,

mais le bâtiment ne me paraissait pas le meilleur endroit pour deux petites filles...

Mion

— Au début, c'est ce qu'elle faisait.

Mais chaque pièce de la maison lui rappelait ses parents, alors...

Keiichi

— ... ... ...

Je ne savais pas qu'elles avaient une vie si dure.

À l'école, elles n'en faisaient rien paraître...

Keiichi

— Elles n'ont pas une vie facile, toutes les deux.

Mion

— En fait, elle est maudite.

Keiichi

— Hein ?

C'était tout ce que je trouvais à dire. Le ton bas et grave de Mion m'avait complètement scotché.

Je me tournai vers elle et lui reposai la question.

Keiichi

— Mion, qu'est-ce que tu viens de dire à l'instant ?

Mion

— J'ai dit qu'elle était maudite.

Maintenant l'échelle toujours en place, Mion leva lentement les yeux jusqu'à croiser mon regard.

Lorsque je vis la prunelle de ses yeux, le zéro absolu me passa sur tout le corps.

Son regard était éteint, comme terne, et dans ses yeux, je voyais quelque chose en ébullition, une sorte de chaos primitif qui s'annonçait destructeur.

Les bulles à la surface se firent de plus en plus grosses.

D'un seul coup, je me sentis pris au piège sur cette échelle... c'était devenu une impasse.

Keiichi

— Mion... qu'est-ce qu'il y a, pourquoi tu tires cette tête ?

Faut pas faire de blagues avec ça...

J'avais pensé pourvoir sortir la phrase sur le ton de la conversation, mais placé comme je l'étais sur les échelons, la panique me gagnait, et ma voix était chevrotante.

Mion

— Satoko Hôjo…

est une fille maudite, elle porte en elle la malédiction de la déesse Yashiro.

Je n'avais pourtant demandé aucune explication... mais Mion se mit quand même à parler toute seule.

Mion

— Seuls ses parents sont morts lors de la chute dans le ravin au parc naturel, il y a trois ans.

Mion

Ils la gâtaient pourrie, c'était une vraie peste à l'époque,

et pourtant c'est la seule à avoir survécu à la malédiction cette année-là.

Mion

Sa tante l'a recueillie, mais elle la battait régulièrement. Elle s'est fait tuer l'année dernière. Un fou l'a frappée au visage jusqu'à ce qu'on ne puisse plus la reconnaître. Il y avait de la cervelle partout, il paraît.

Mion

Et Satoshi a disparu...

Il l'a toujours protégée, mais il a disparu le jour de l'anniversaire de Satoko.

Mion

Il a été enlevé, alors que pourtant il ne l'avait jamais fait souffrir.

La police défend mordicus qu'il a fait une fugue, mais Satoshi n'était pas du genre à fuir les problèmes.

Il faisait toujours de son mieux.

Mion

C'était le genre à bosser tout seul pendant des heures, et à abattre les tâches petit à petit, à force de volonté et d'entêtement.

Mion

Il a donné tout ce qu'il avait, il s'est entreposé entre sa sœur et les coups, et pourtant la déesse l'a fait disparaître.

Mion

Il ne vivait que pour Satoko, et pourtant elle l'a fait disparaître.

Pauvre Satoshi...

Il n'a jamais eu de chance.

Elle n'a jamais appris la gratitude.

Elle est maudite.

Mion

Si tu t'approches trop d'elle, tu finiras comme tous les autres.

Soit mort par maléfice,

soit enlevé par les démons.

Elle ne connaîtra jamais le repos.

Oh non, elle ne connaîtra jamais le repos...

Mion

C'est sûrement de sa faute si Rika a disparu !

C'est

sûr

et

certain.

C'est

sûr

et

certain.

C'est

sûr

et

certain.

C'est

sûr

et

certain.

C'est

sûr

et

certain.

C'est

sûr

et

certain.

C'est

sûr

et

certain.

Sûr

et

certain

sûr

et

certain

sûr

et

certain

Je n'arrivais plus à discerner ce qu'elle disait, elle parlait trop bas et trop vite.

J'eus des frissons de peur à la voir dans cet état, et ceux-ci se transmirent à l'échelle, qui commença à vaciller...

Je jaugeai la distance au sol. J'étais quand même assez haut !

Keiichi

— Eh, calme-toi, Mion !

Je comprends rien à ce que tu racontes !

Je ne pense pas qu'elle m'entendit.

L'échelle se mit à vaciller de plus en plus fort, je suppose que Mion y mettait aussi du sien...

Il me faut de l'aide.

Elle va me faire tomber de l'échelle…

à l'aide…

À l'aide !

J'entendis soudain de nombreux bruits de pas. Un groupe de personnes était arrivé dans les parages.

Keiichi

— Ouoh, ohéééé !

Nous sommes là !

Je faillis ajouter « À l'aide ! » mais finalement, je me retins.

Rena réapparut à la tête d'un groupe de cinq personnes.

Rena

— Keiichi, Mii, désolée d'être en retard !

J'ai pu obtenir une clef !

Mion

— Super !

Apparemment, les fenêtres sont toutes fermées solidement.

Nous étions justement en train de discuter de quoi faire.

En l'entendant sortir ça tout naturellement, avec sa voix habituelle, j'eus un nouveau frisson d'horreur.

C'est bel et bien Mion qui retient l'échelle en bas.

C'est Mion Sonozaki, en chair et en os.

Mais alors…

la fille qui parlait avant elle…

il y a un instant…

c'était qui ?

Qui venait de me répéter inlassablement ces histoires de malédiction ?

Je descendis très vite de l'échelle, pour ne pas laisser à Mion le temps de se retransformer.

Les grandes personnes essayaient les clefs d'un gros trousseau, les unes après les autres, pour pouvoir ouvrir la porte en taule.

Rena

— Cette maison en fait, c'était la remise des pompiers, avant.

C'est pour ça que le maire avait toujours un double des clefs d'ici.

Mion

— Maintenant, c'est devenu la propriété de Rika et de Satoko.

Enfin, bah, c'était sur le terrain des Furude, de toute façon,

personne n'a eu d'objection quand elles l'ont prise.

Mion me regarda en souriant en m'expliquant tout cela,

mais je ne pus lui présenter qu'un visage blafard.

Son attitude si naturelle rehaussait fortement son comportement irrationnel de tout à l'heure...

Bang! ......Bam, clatter clatter clatter..... bang!!

Enfin, ils trouvèrent la bonne clef et purent ouvrir la porte.

Rena trouva à tâtons l'interrupteur de la lumière et s'engouffra en courant dans la maison.

Je la suivis immédiatement.

Rena

— Rika !

Satoko !

Si vous êtes là, répondez !

Je montai l'étroit escalier qui menait à l'étage.

Je n'avais rien vu du dehors, mais vu de l'intérieur, c'était une maison très agréable à vivre.

Il y avait une sorte d'odeur particulière dans l'air, l'odeur d'une pièce habitée régulièrement.

Oui, pas de doute, c'est bien ici que vivent Rika et Satoko.

Le rez-de chaussée faisait encore penser à une remise, mais l'étage était vraiment parfaitement agencé pour y vivre.

Un peu comme un grand studio, une fois passé le plan de travail de la cuisine, il y avait une grande pièce carrée d'une surface de 8 tatamis.

Il y avait plusieurs meubles et étagères, et dans un coin de la pièce, il y avait une montagne de linge propre, probablement laissée là en attendant de la ranger.

Au milieu, une table basse extensible portait du vinaigre, de l'huile de soja, des condiments et d'autres petites choses, c'était très joli.

Elles n'étaient pas chez elles à cette heure si avancée de la nuit. Ce n'était vraiment pas normal.

Les autres personnes qui montaient commencèrent à en parler entre eux.

Mion

— Et donc ?

Elles ne sont pas là ?

Rena

— Non.

... Non, elles ne sont pas là.

C'est absolument pas normal.

La disparition du maire avait déjà fait grand bruit la veille.

Aujourd'hui, Rika et Satoko manquaient à l'appel.

— Elles seraient sorties pour la nuit ?

— Non, elles n'ont pas l'âge.

— Mais leurs vélos ne sont pas là.

— Alors où seraient-elles allées si tard ?

— Elles sont peut-être parties tôt, mais toujours pas revenues.

Mais où ?

Tout le monde commença à y aller de sa théorie.

Mion leva les bras et leur imposa le silence.

Mion

— Bon, je n'ai pas envie d'y croire, mais M. Kimiyoshi a disparu hier, donc...

Leurs disparitions ont peut-être un rapport.

Les grandes personnes présentes devinrent pâles.

Rena et moi aussi.

Mion

— On peut encore imaginer qu'elles sont allées chez des gens dans le coin, que finalement elles ont bu un thé, discuté, puis une chose en entraînant une autre, elles sont restées manger, et elles se sont endormies sur place.

Mion

Ils n'ont peut être tout simplement pas réussi à les réveiller.

Mion

Il faudrait d'abord vérifier ça.

M. Makino, allez vérifier les maisons de la rue derrière jusqu'à la rivière.

Kentarô, tu prends la direction du lac des serpents.

Okamura, vous irez...

Ainsi, l'un après l'autre, Mion assigna à chacun une tâche bien précise.

Il n'y en eut aucun pour contester ou pour se plaindre d'être mené à la baguette par une jeune fille de son âge.

Mion

— Quant à moi, je reste ici et je téléphone à tous les gens qui me passeront par la tête.

Allez, c'est parti, je compte sur vous !

— Pas de problème !

Ils répondirent tous en même temps, puis partirent sur les chapeaux de roue.

Rena

— Sacrée elle.

Elle est la déléguée de classe, mais c'est aussi un peu la déléguée du village, parfois !

Mion

— J'ai pas le temps de plaisanter,

allez ouste.

Il me faut ce téléphone.

Mion se mit à sourire et composa un numéro.

Rena la regardait faire, admirative.

Moi par contre, je trouvais que son comportement si décidé confirmait les histoires terribles à propos de son rôle à la tête du clan, et c'était un peu dur à accepter...

Dis-voir, Keiichi.

Tu crois pas que t'as autre chose à faire et à penser en ce moment ?

Le plus important, c'est de s'assurer que Rika et Satoko vont bien !

Qui sait, il y a peut-être un mot ou un indice dans la pièce pour dire où elles sont allées !

Keiichi

— En même temps... comment chercher...

Si la pièce avait été sens dessus-dessous, j'aurais pu déduire pas mal de choses.

Mais là, tout était on ne peut plus normal.

De toute façon, c'était la première fois que je venais ici.

Je ne savais pas dans quel état cette pièce était “normale”, alors...

N'abandonne pas, Keiichi !

Tais-toi et cherche !

N'importe quoi, touche à tout, mais cherche !

Je me mis à ouvrir les tiroirs et les fenêtres.

Je ne trouvai rien de spécial.

Rena aussi regardait un peu partout, peut-être parce que la peur ne la faisait pas tenir en place, je ne sais pas trop, mais elle vérifiait aussi un peu partout.

Keiichi

— Euh, Rena,

c'est gentil d'aider à chercher, mais je pense pas que tu les trouveras dans le frigidaire ou sous l'évier.

Rena

— Ah... euh... ben je me suis dit, si elles jouent à cache-cache...

Ha... Hau~…

Il y avait de l'agitation dehors.

Les villageois arrivaient ici de plus en plus nombreux.

Je suppose que Mion en avait appelés, mais certains étaient forcément venus spontanément.

Mion

— Bon, je vais aller leur parler.

Par la suite, je suppose que la police va venir aussi.

Il faudra que j'explique la situation à Ôishi.

Mion descendit les escaliers, et nous la suivîmes dehors.

Il y avait une dizaine de personnes dehors.

Elles étaient anxieuses.

Je remarquai un groupe d'anciens du village agglutinés devant le temple, en train de frotter leurs rosaires comme des malades en priant de toutes leurs forces.

La situation était grave.

Ce problème concernait plus que notre groupe d'amis.

Homme

— Mion, c'est vrai ? Dame Rika et Satoko ont disparu ?

Les villageois se pressaient aux nouvelles.

Mion leva la main encore une fois pour demander le silence.

Mion

— Il nous faut vérifier qu'elles ne sont pas chez quelqu'un d'autre.

Mion

Pour cela, nous allons vérifier chaque maison, dans l'ordre du cadastre. Elles ne se rendent sûrement pas compte de la peur qu'elles nous font, il se peut qu'elles soient en train de dormir chez des voisins ou des amis.

Je m'imaginai Rika s'endormir sur le côté après avoir bien mangé, comme un chaton. Je n'aurais personnellement jamais le cœur à la réveiller.

Espérons que ce soit ça...

Mion

— Je n'aime pas y penser, mais il est tout à fait possible qu'il leur soit arrivé malheur.

La dernière phrase de Mion rendit tous les adultes présents absolument silencieux. Les visages étaient durs et tendus.

Homme

— Bon, séparons-nous.

Je vais refaire les mêmes chemins qu'hier soir pour M. le maire.

Homme

— Nous allons au barrage vérifier chaque coin et recoin.

Vous, allez chercher dans la zone de l'école.

Homme

— Ouais,

faut qu'ça bouge, là,

allez, hue cocotte !

Mion

— Je sais que vous n'avez pas dormi hier soir, mais je compte encore sur vous.

Faites tout ce vous pourrez !

Men

« Tu peux compter sur nous ! »

Tout le groupe se dispersa en un instant.

Certains savaient exactement où aller, et les autres se répartissaient les destinations qu'il restait.

Il y avait de moins en moins de gens.

Mais je n'en eus pas peur pour autant.

Normalement, Shion ou moi devrions disparaître en premier.

Je devrais me méfier beaucoup plus de l'obscurité nocturne.

Et pourtant, je n'avais pas peur.

Mais pourquoi ?

Parce que ce soir...

Il y avait déjà quelqu'un qui avait disparu.

Je savais que le quota avait été atteint pour ce soir...

Je mis un fameux moment à me rendre compte du cynisme dont je faisais preuve, mais une fois que j'en fus conscient, la culpabilité ne me laissa plus tranquille...