Aujourd'hui samedi, la journée d'école fut très courte.

Impossible de rentrer à la maison alors que le soleil était à peine au zénith.

Normalement, nous étions du genre à utiliser l'après-midi pour faire un boxon monstre avec nos activités de club, mais Rika avait encore de l'entraînement à faire avant la cérémonie religieuse du lendemain, et donc nos jeux avaient été annulés.

Keiichi

— Comment tu t'en sors ?

Ça va, à l'entraînement ?

Rika

— Disons que c'est mieux que l'année dernière.

Mion

— Ah oui, l'année dernière tu étais au sol à plus savoir comment bouger.

Satoko

— Cette année, elle dégage une toute autre impression !

Vous allez voir, ce sera magnifique !

Je vois, cette fameuse fête de la purification dont elles me parlent tout le temps, c'est demain, alors.

C'était un peu tôt d'organiser une fête en juin, mais cette année l'été avait commencé très tôt aussi, donc c'était une bonne chose.

Rika

— Bon, eh bien, nous devons y aller.

Satoko

— Réjouissez-vous, car demain sera un grand jour !

Je vous souhaite une agréable journée à vous tous, chers amis !

Nous faisant signe vigoureusement, elles disparurent au détour du chemin.

Keiichi

— Ah tiens, au fait, maintenant que j'y pense, je sais toujours pas où elle aura lieu, cette fête.

Il n'y a pas vraiment de place du village ici, non ?

Mion

— On la fait au sanctuaire Furude.

Tu te souviens, on a déjà été se promener là-bas.

Là où il y avait la jolie vue.

... Aaaaah oui, je vois où c'est maintenant.

C'est vrai qu'il y avait un joli temple sur les hauteurs du village, ça m'avait paru trop bien pour la région, en fait.

Mion

— Dans le sanctuaire, il y a aussi une salle de réunion pour la mairie, les anciens y viennent parfois, et parfois même on loue la salle à des clubs de sports ou des agences pour certains programmes de remise en forme ou pour les cures d'amaigrissement.

Mion

C'est pas seulement un sanctuaire shinto, c'est une sorte de complexe où l'on peut faire des tas de choses.

Keiichi

— Je vois.

Je comprends du coup pourquoi il est si beau et si bien entretenu.

Rena

— Mii, est-ce que tu iras avec ta famille aider aux préparatifs aujourd'hui ?

Mion

— Oui, ils ont besoin d'hommes.

J'ai pas mal d'oncles qui vont venir d'Okinomiya, aussi.

Ils ont besoin d'hommes ? J'ai rien à faire aujourd'hui, quel heureux hasard...

Keiichi

— Tu crois que je gênerais les autres si j'y allais pour me rendre utile ?

Mion

— Hein ?

Kei, tu veux aller aider ? Tu ferais ça pour nous ?

Keiichi

— Ben, si vous voulez pas, je m'impose pas, hein.

Je demande juste.

Là où j'habitais avant, il y avait eu des choses pour la fête des morts, mais les préparatifs étaient toujours un peu secrets.

Et puis, je n'étais pas très en phase avec mes voisins, aussi.

Mais ici, tout le monde était très impliqué dans la vie communautaire.

Les préparatifs de la fête annuelle, c'était super important !

Rena

— Si tu veux bien, Keiichi, il y a beaucoup à faire.

Il faut monter les tentes, installer les chaises.

Tu vas bouger tout le temps.

Keiichi

— Bah, je serai pas seul, je suppose.

Si on s'y met tous ensemble, ça ira vite, non ?

Mion avait l'air d'hésiter, à la fois super contente et à la fois prise d'une certaine appréhension.

Mais Rena sut comment insister.

Rena

— Bon, alors c'est décidé, allez-y !

Va avec elle, Keiichi.

Mii va t'apprendre ce que c'est que travailler !

Mion

— Si même toi tu t'y mets, je n'ai pas vraiment le choix, je suppose ?

Bon, rentre chez toi et va te changer, et rejoins le groupe devant le temple.

Et ramène une serviette pour la transpiration !

Keiichi

— Eh ben voilà, enfin de l'action !

On dirait pas, je sais, mais j'aime faire du sport sous le soleil.

Mion

— Fais attention à tes hanches, hein.

Allez, les enfants, il faut que j'y aille.

Je me change et j'y vais aussi, alors sois pas en retard.

Rena

— Allez Mii, on y croit !

Salut !

À voir son allure rapide pour rentrer chez elle, Mion avait pas mal récupéré depuis les événements de la veille.

Rena

— Ah, mais les filles savent s'adapter très vite, tu sais.

Elle est passée à autre chose, désormais.

Keiichi

— On dirait bien, oui.

C'est facile de s'adapter à elle, je dois avouer que ça me dépanne bien qu'elle en fasse plus un fromage.

Rena

— Mais tu dois bien avouer que c'était intéressant, non ?

Un peu comme Cendrillon, en fait.

Il y a eu des instant magiques, mais maintenant la magie n'opère plus, alors tu ne la reverras plus comme ça !

Curieusement, Rena avait l'air très enjouée en disant cela.

C'était peut-être le genre de situations qui lui plaisaient ?

En tout cas, moi qui devais l'accompagner maintenant, plus ou moins de mon plein gré, je peux vous dire que je ne savais pas trop quoi en penser.

Keiichi

— Si tu aimes ce genre de choses tant que ça, pourquoi tu ne jouerais pas toi non plus le rôle d'une Rena complètement différente de la normale ?

Rena

— Oui, ce serait marrant, hein ?

Mais alors dis-moi, quel genre de Rena tu aimerais rencontrer ?

Keiichi

— Une Rena avec du 90D,

qui serait nue sous son uniforme, et que je pourrais toucher, masser et caresser toute la journée.

Rena

— Ah, ça va pas être possible, je crois...

Keiichi

— Bah alors une Rena sympa qui me ferait partager son panier-repas fait maison et qui viendrait me chercher tous les matins pour m'accompagner à l'école.

Rena

— Mais je le fais déjà, ça...

Je lui choppai la tête et lui ébouriffai tendrement les cheveux.

Keiichi

— Tu t'appelles Rena Ryûgû, non ?

Pas “Reina”, mais “Rena”.

Alors reste toujours comme tu es, s'il te plaît, tu es bien assez parfaite comme ça.

Rena

— ... Merci !

Bonne chance pour les préparatifs !

Keiichi

— Ouais ! On se voit demain ! Salut !

Je rentrai et me changeai illico, pris une serviette et me rendis au sanctuaire.

Une fois arrivé là-bas, je fus surpris d'y voir un grand nombre de personnes. Ce n'était pas habituel pour Hinamizawa.

Ils étaient tous affairés à monter les charpentes des tentes et autres stands.

Bon, elle est où, Mion ?

Il y a du peuple partout, ça risque d'être dur de la trouver.

Alors que je regardai un peu partout, je tombai nez à nez avec le directeur de l'école.

Directeur

— Tiens donc, Maebara, tu es ici ? Je suis fier de toi.

Tu es venu aider aux préparatifs, donc ?

Keiichi

— Ah, euh, bonjour.

Eh bien, je me demandais si je ne pourrais pas me rendre utile, en fait.

Directeur

— C'est une attitude admirable !

Transpire autant que tu veux, ne te gêne pas pour nous !

Ahahahahahahahaha !

Guidé par le directeur, je rejoignis un groupe de gens qui montaient les tentes.

Homme

— Tiens donc, mais c'est le petit Maebara ?

C'est pas vrai, t'es venu nous aider ?

Mion n'était pas là, mais bon, si de toute façon l'ambiance entre nous était pourrie, je serais plus un boulet qu'autre chose...

Keiichi

— Eeeh ouais !

J'suis venu aider !

Soyez sympas, hein ?

Homme

— Rah, les jeunes, ça fait plaisir à voir !

Tiens, mets ces gants.

Tu as déjà monté une tente comme celle-là ?

Keiichi

— Ah, non, jamais.

Apparemment, ça leur faisait plaisir de faire apprendre au jeunot que j'étais, alors ils me racontèrent des tas de trucs, ils étaient de très bonne humeur.

Homme

— Bon, alors le jeune, tu vas en dessous de la toile et tu fais un nœud en dessous de l'arceau principal.

Une fois que c'est fait, on monte les pieds et tu fais le reste des nœuds, d'accord ?

Keiichi

— Un nœud tout simple, comme un lacet, ça suffit ?

Alors, alors, voyons ça...

Homme

— C'est prêt ?

Allez, on soulève !

Ooooh-hisse !

En un instant, l'amas de toile se transforma en un bel espace couvert tenant sur quatre pieds.

Ouah !

C'est impressionnant, mine de rien !

Homme

— Eh ben alors, le jeune, c'est pas le moment de la regarder !

Il y en a encore plein à monter !

Homme

— Elles sont toutes dans la benne du camion.

Elles sont lourdes, alors il faudra les porter à deux !

Keiichi

— Nan, ca va ! Je suis plus costaud que j'en ai l'air !

uOoooh ?

Le mec dans la benne l'avait soulevée comme un fétu de paille, alors je pensais qu'elle était légère, mais en fait, pas du tout !

Homme

— Rah, je te l'avais dit qu'il faudrait les porter à deux !

Allez, pousse-toi.

Il la prit à une main, la plaça sur son épaule et se mit en route.

... Soit c'est moi qui suis une allumette, soit c'est lui qui est super fort, mais il y a un truc, là...

Homme

— Eh ben alors, tu es le plus jeune, il faut que tu te bouges !

Allez, du nerf !

Tu verras, après une dure journée de travail, la bière est bonne !

Keiichi

— Euh, je suis encore mineur...

Je suais à grosses gouttes.

Ils me faisaient vraiment travailler un peu partout.

Lorsqu'une des femmes de l'association vint m'apporter du thé d'orge frais, j'eus la surprise de ma vie : il était mille fois mieux que celui que je buvais d'habitude.

Senior

— Baaaah, tu es jeune, va.

Il faut boire tout son saoul.

Keiichi

— Ah, merci beaucoup...

Je remarquai soudain tout un groupe de personnes qui sortaient de l'une des ailes du temple.

Je regardai un peu mieux et m'aperçus qu'en fait, une prêtresse répétait les mêmes mouvements, accompagnée par toute une floppée d'hommes en tenue de cérémonie.

Keiichi

— Eh, mais c'est Rika ?

Ooohééééé ! Rika !

Montre-leur !

Apparemment, elle m'entendit.

Elle me répondit par un sourire tellement énorme que j'ai cru qu'il dépasserait de son visage.

Les autres adultes près de moi la regardaient aussi, fiers d'elle.

Senior

— Elle se donne vraiment beaucoup de mal.

Senior

— Par rapport à l'année dernière, on dirait qu'elle se débrouille !

La vieille dame qui m'avait donné à boire sortit un chapelet et se mit à en frotter les billes.

Senior

— Ô dame Rika, je remercie les dieux pour votre présence...

Elle avait prit un air très sérieux, et priait très pieusement.

... Attendez une seconde...

C'est le sanctuaire Furude, ici, si j'ai bien compris.

Mais Rika... son nom de famille, aussi, c'est Furude, il me semble.

Les autres adultes remarquèrent mon regard et levèrent mes doutes.

Homme

— Eh oui.

Dame Rika est l'héritière descendante du clan des Furude, qui est depuis toujours la famille qui s'est dévouée à honorer le culte de la déesse Yashiro.

Ah ouais ?

J'avais remarqué qu'elle avait un côté un peu différent des autres enfants, mais je savais pas qu'elle venait d'une si noble lignée.

Homme

— Depuis que son père nous a quittés il y a deux ans, c'est elle qui dirige toutes les cérémonies du culte.

Si seulement son père pouvait la voir, si noble et distinguée...

Keiichi

— Pardon ?

Mais alors, son père est mort ?

Homme

— Bon, c'est fini, la pause !

Prenez les chaises qui ne servent à rien et ramenez-les dans la salle de matériel de la primaire à Okinomiya !

Eh, Makino, fais tourner le camion et prends quelques jeunes avec.

Homme

— Bon, allez, Maebara, on y retourne !

Quoi ?

On n'a pas encore fini ?

Les autres hommes continuèrent de m'encourager. Je ne sais pas s'ils ne savaient pas que j'étais mineur ou bien s'ils le faisaient exprès, mais ils me promettaient tous que la bière serait super bonne.

Mion

— Alors, Kei, tu bosses ?

Je croisai Mion.

Elle transportait un gros carton et semblait occupée plus loin.

Sa chemise lui collait à la peau à cause de la sueur -- je n'étais donc pas le seul à travailler comme un fou.

Keiichi

— Ouais, je fais ce que je peux !

Allez, tiens bon, toi aussi !

Tu verras, la bière est bonne !

Mion

— AHAHAhahahahahahahahaha !

L'air se rafraîchissait dans la douceur du soir, mais l'exercice nous tint chaud.

À la tombée de la nuit, fourbu, je restai assis à écouter le chant des cigales.

Les autres hommes avaient commencé à boire et faisaient un boucan d'enfer dans les tentes un peu plus loin.

La cour et l'espace du sanctuaire se vidèrent et tout devint calme.

Un petit vent frais et agréable soufflait. C'était délicieux.

Je m'assis près des statues de pierre qui gardaient l'entrée du sanctuaire, laissant mes pieds pendre à côté des chiens-lions, lorsqu'un verre en carton apparut dans mon champs de vision.

Shion

— T'as bien travaillé, Kei.

Tiens, c'est du thé d'orge.

Keiichi

— Oh, mais tu penses à tout !

Merci Mi--

Attends voir… Sa voix est parfaitement identique, mais pourtant j'ai comme une drôle d'impression…

Keiichi

— Eh, mais !

Shion

— Ahaha, salut ! C'est Shion !

Ta préférée, tu te souviens ? C'est Shion qui pense à tout.

Mion, c'est celle qui ne pense à rien. Fais attention à bien t'en souvenir, tu veux ?

Keiichi

— Roh, Shion, comment oses-tu !

Tu vas voir !

Shion

— Ahahahahaha !

C'est toi qui t'es fait des films tout seul, hein ?

Moi je t'ai dit depuis le début que je m'appelais Shion.

Keiichi

— Hrggg, oui, le pire, c'est que t'as raison, je suis pas en position de force...

Shion

— Héhéé...

Oh que non, tu ne fais déjà pas le poids contre ma sœur, alors contre moi, je ne te raconte même pas...

Ben alors, bois ton thé !

Il va devenir tiède.

Keiichi

— Mouais...

Shion

— Bah, oh, vas-y, quoi, arrête de tirer la gueule !

Je t'ai apporté du thé en signe de paix.

Bah, je suppose que maintenant qu'elle me l'a donné,

je peux le boire, après tout.

Je levai le verre et le vidai d'un trait.

Et alors, soudain...

il y eut un grand cri derrière moi, et j'avalai de travers.

Keiichi

— Beuhhorhorho !

Oh, c'est quoi ce coup-ci ?

C'est la vraie Mion, alors ?

Mion

— Sh-Shionnnnn !

Qu'est-ce que tu fous là, pourquoi t'es avec lui ?

Shion

— Parce qu'à la différence d'une certaine personne dont je tairai le nom, je suis du genre à penser aux autres.

Shion

Je ne pouvais pas le laisser seul après tous les efforts qu'il a fournis, et comme il devait avoir soif je lui ai ramené de quoi boire.

Shion

Mais dis-voir, pourquoi tu as deux verres de thé ?

Mion devint toute rouge et tenta de cacher les deux verres dans son dos.

Mion

— Hein ? Euh…

Oh, tiens, j'en avais deux ?

Shion

— Je te connais, tu ne penses qu'à toi ! Tu ne vas pas me faire croire que tu t'es découvert un côté altruiste et que tu as voulu faire plaisir à un garçon en lui apportant à boire ?

Shion

Alors quoi ?

Shion

Pourquoi deux gobelets de thé ?

Mion

— Eh bien…

euh…

en fait,

euh...

Ah oui !

En fait j'avais super soif, et je me suis dit qu'il me faudrait au moins deux verres !

Shion

— Ahahahahahaha ! C'est vraiment toi tout craché.

Allez ! Cul sec ! Cul sec !

Mion leva un verre, le but cul sec, leva l'autre et en fit de même.

Mion

— Beuhhorhorho !

Shion

— Eh ben bravo, ta légendaire descente d'ivrogne n'a pas perdu de sa superbe !

Allez, Kei, on applaudit très fort !

J'avais du mal à croire ce que je voyais.

Mion était en train de flipper, et elle obéissait au doigt et à l'œil.

Shion n'était pas à prendre à la légère !

Keiichi

— Mion, ... tu ne lui réponds jamais, tu ne réagis jamais contre elle ?

Mion

— Je la déteste...

Encore plus depuis ce qu'il s'est passé la dernière fois...

À cet instant, j'entendis le bruit d'un appareil photo.

Tomitake

— Bonsoir.

Alors, c'est demain le grand jour !

Merci pour votre aide aujourd'hui, vous avez bien travaillé.

Femme

— Bonsoir.

Tiens donc, Shion, toi, ici ?

Que s'est-il donc passé ?

Mion

— Tiens donc, Tomitake, et madame Takano, bonsoir !

Shion

— Bonsoir. Cela faisait longtemps.

Tomitake

— Alors c'est toi le nouvel élève dont tout le monde parle, ce fameux Keiichi Maebara ?

Tu as travaillé comme un brave aujourd'hui, tu m'as épaté !

J'avais comme l'impression d'avoir déjà vu ce photographe.

Keiichi

— Dites-moi... on ne s'est pas déjà rencontrés quelque part ?

Tomitake

— Oui, en effet, je suis content de voir que tu t'en souviennes.

On s'est croisés plusieurs fois sur les chemins du village.

Je m'appelle Tomitake.

Je suis photographe indépendant, basé à Tôkyô.

Femme

— Mais alors, peut-être que tu sais qui je suis ?

Keiichi

— ... Je m'excuse, mais non, je ne vois pas.

Mion

— Elle s'appelle Miyo Takano.

Mion

Son prénom s'écrit avec les idéogrammes des chiffres 3 et 4, facile à retenir, hein ? Mais si tu ne la connais pas, c'est que tu n'es jamais tombé malade alors ?

Mion

Miyo travaille comme infirmière à la clinique du docteur Irie.

Takano

— Eh bien, souviens-toi aussi de mon nom, d'accord ? C'est Takano.

Enchanté.

Et si tu dois venir faire des examens, préviens-moi à l'avance, je te réserverai la plus grosse aiguille pour la piqûre...

Keiichi

— Euh... Merci, je suppose...

M. Tomitake semblait très amusé par la ressemblance des jumelles et prit de nombreuses photos.

Tomitake

— J'en avais entendu parler, mais je n'avais jamais vu de vrais jumeaux monozygotes,

la ressemblance est vraiment stupéfiante !

Shion

— Et pas seulement que notre apparence physique, nous avons le même soutif ce soir ☆ !

Mion

— Eeeeeeh, mais arrête, où tu mets tes mains ?

Ces deux-là ensemble, elles peuvent réveiller les morts...

Je pensais qu'elles étaient exactement pareilles au départ, mais finalement, à force de les observer, je me rendis compte qu'elles étaient très différentes.

Mion était douée pour la comédie, mais Shion, c'était vraiment autre chose.

Puisqu'elle pouvait mener sa sœur à la baguette, il n'y avait aucune chance pour les idiots de l'autre jour aient vraiment pu l'intimider.

Ce qui voulait dire que tous ses faits et gestes ce jour-là, ce n'était que du vent ! Elle avait joué la comédie tout ce temps !

Takano

— Ces deux-là sont vraiment les mêmes, depuis toujours.

Même leurs parents n'arrivaient pas à faire la différence entre les deux.

Keiichi

— J'imagine très bien.

Les pauvres, je compatis, ça doit pas être drôle tous les jours.

Madame Takano me regarda intriguée, mais je n'avais pas envie de perdre mon temps à expliquer ce que je voulais dire par là, aussi je me tus.

Mion

— Et alors, vous, Tomitake, vous êtes encore une fois là pour prendre des photos de la cérémonie de la purification du coton ? Vous repartez tout de suite ?

Tomitake

— Oui. J'aimerais rester plus longtemps, mais je ne peux pas.

C'est ça, la vie des adultes, on ne fait pas toujours ce qu'on veut.

Shion

— Pourvu que vos photos vous fassent dégoter un prix assez vite ! Je l'espère pour vous, en tout cas.

Tomitake

— Merci, merci !

La prochaine fois, je vous ramènerai une photo de vous deux avec un cadre spécial !

Takano

— Eh bien, merci d'avoir travaillé si dur aujourd'hui, mon petit Maebara.

Tu dois être exténué.

Keiichi

— Oh, je suis fatigué mais bon... c'était assez amusant.

Takano

— Ah, la jeunesse... Je suis jalouse.

Madame Takano se mit à sourire avec une grâce et une élégance qu'aucune des filles du groupe n'avait.

Ses cheveux flottant au vent, elle faisait un peu intello sexy...

Ôishi

— Tiens donc, bonjour tout le monde.

Apparemment, notre groupe se faisait remarquer. Un homme d'âge mûr vint nous rejoindre, sûrement piqué par la curiosité.

... Lui aussi, je l'ai déjà vu quelque part.

C'était pas un policier ?

Takano

— Tiens, tiens, M. Ôishi.

Bonsoir.

Vous faites les repérages pour la balistique, demain ?

Ôishi

— Éhhéhhé.

Oui, plus ou moins.

Oh, Tomitake, c'est toi ?

Ça faisait un bail, dis-voir !

Tomitake

— Je suis honoré, vous vous souvenez de mon nom ?

Ôishi

— Tu es vraiment un drôle d'oiseau à venir jusqu'ici, tu sais.

Ôishi

Bah, les loyers sont moins chers qu'à Tôkyô,

alors si un jour tu veux acheter dans le coin, préviens-moi,

je connais une bonne agence immobilière.

Tomitake

— Ouh, ce serait pas de refus.

Je tâcherai de m'en souvenir le moment venu.

Ôishi

— Éhhéhhé !

Bon, allez, bonne année.

À vous aussi, mesdemoiselles Sonozaki.

Shion

— Bonne année, inspecteur Ôishi.

Je vous souhaite bien du succès dans le travail.

Espérons que la fête se passera sans incident, pour changer.

Ôishi

— Vous êtes bien sévère avec moi...

Éhhéhhéhhé...

Après un éclat de rire gras, l'inspecteur Ôishi repartit vers un groupe d'autres policiers.

Tournant le regard vers Mion, je me rendis compte qu'elle le suivait des yeux avec un profond mépris.

Takano

— ... Oui,

espérons que cette année, ils n'auront pas à intervenir.

Tomitake

— Ahahahahaha !

Tu aimes vraiment ce genre d'histoires, toi...

Takano

— Pourquoi, tu ne les aimes pas, Jirô ?

Takano

Pourtant, j'adore leur côté mystérieux, un peu onirique.

Takano

Nous vivons dans une ère de savoir et de découvertes, cela fait du bien de s'intéresser à l'occulte de temps en temps.

Tomitake

— La fameuse malédiction de la déesse Yashiro, hein ? Hmmm, je sais pas.

À peine avait-il lâché le mot que quelqu'un me tira par la main.

Mion

— Kei, tu viens ?

Je commence à avoir faim.

Tu veux pas venir, je compte prendre un ou deux trucs à la buvette.

Keiichi

— Hmm ? Euh, ouais, pourquoi pas.

Il se fait faim, tout doucement.

Mion

— Allez, traîne pas.

Mais à ce moment-là, Shion posa une question à madame Takano, et j'en restai immobilisé par la peur.

Shion

— Je me demande bien qui va se faire tuer et qui va se faire enlever, cette fois.

Mion me tira par la main encore une fois, mais je restai sur place.

Keiichi

— Qu'est-ce que…

Qu'est-ce qu'elle vient de dire ?

Mion

— ...

L'atmosphère devint tendue.

Mion

— Allons-y, Kei.

C'est pas très intéressant comme histoire.

Shion

— Ne me dis pas que tu ne lui en as pas encore parlé ?

Mion

— Je n'aime pas répéter ce genre d'âneries un peu partout.

Shion restait très calme, mais Mion avait l'air très nerveuse, le contraste entre les deux était frappant.

Keiichi

— Ouh là, eh, vous deux, on se calme.

C'est quoi cette histoire ? Je veux être mis au courant.

J'aime pas être le dindon de la farce.

Apparemment, mon envie d'être mis au parfum n'était pas du goût de Mion.

Elle tira une troisième fois sur ma main, mais je refusai d'avancer. Comprenant que je comptais en apprendre plus sur cette histoire, elle lâcha ma main.

Mion

— Très bien. Bon, je vais déjà à la buvette.

Ne mets pas trop longtemps, autrement je ne te laisserai rien.

Keiichi

— Ouais, d'accord.

T'en fais pas, j'arrive tout de suite.

Mion s'en alla au pas de course jusqu'à la buvette, de l'autre côté du parc.

Elle s'arrêta au milieu du chemin et se retourna pour voir si je venais.

Mais finalement elle se retourna à nouveau et repartit de plus belle.

Tomitake

— Si tu veux vraiment tout savoir, je peux t'en parler, mais je te préviens, tu risques de le regretter.

Tu devrais peut-être aller la rejoindre et manger.

Alors ça, c'est le genre de phrases qui font que j'ai encore plus envie de savoir de quoi il en retournait.

Shion

— Ne t'en fais pas, Kei, tu as le droit de savoir.

Ma sœur t'a simplement privé de ce droit.

Sa manière de formuler la chose me donna l'impression qu'elle blâmait Mion pour mon ignorance des faits.

Keiichi

— Bon, OK, alors, de quoi vous parlez au juste ?

Arrêtez de tourner autour du pot.

Madame Takano me regarda en silence comme pour vérifier si j'étais prêt, puis observa les deux autres en silence comme pour obtenir leur approbation, et enfin, elle se mit à parler.

Takano

— Dis-moi, Maebara, est-ce que tu crois aux malédictions ?

Keiichi

— Aux malédictions ?

Eh bien, ce sont des histoires assez étranges et intéressantes, mais je n'y crois pas, non.

Elle me dévisagea comme si j'étais un idiot doublé d'un abruti, aussi je restai coi, un peu décontenancé.

Elle ne va pas me dire que je ne suis pas normal dans ma tête, quand même ?

Shion

— Ne t'inquiète pas, Kei, tu es tout à fait normal.

Les malédictions, ce sont des histoires de grand-mères.

C'est tout à fait logique et normal de ne pas y croire.

Takano

— Mh-hmm…

Oui, enfin, écoute au moins l'histoire jusqu'à la fin avant de décider si tu y crois ou non, d'accord ?

Madame Takano eut un petit rire.

Elle essayait de me déstabiliser, je pense.

C'était en tout cas l'impression que j'en eus.

Tomitake

— Que pourrais-je te raconter dessus...

Keiichi, est-ce que tu connais le plan de barrage de Hinamizawa ?

Ah, il me semble que Shion m'en avait parlé une fois au Angel Mort... ou bien était-ce Mion ce jour-là ?

Keiichi

— Si j'ai bien suivi, il y avait un plan pour construire un barrage géant qui aurait englouti tout le coin, c'est ça ?

Tomitake

— Exactement.

Alors les gens d'ici se sont rebellés et ont tout fait pour empêcher le projet d'aboutir, et les choses ont escaladé même jusqu'aux émeutes.

Ça aussi, je le savais.

Mion avait été très fière lorsqu'elle m'avait raconté que les habitants du village s'étaient unis face à l'ennemi et qu'ils avaient utilisé toutes les ressources à leur disposition -- les journalistes, les politiques, etc.

Tomitake

— Ah oui ? Ah ben alors tu es plutôt au courant.

Oui, comme tu dis.

Les mille et quelques habitants d'ici se sont unis face à l'État, et ils l'ont envoyé paître.

Shion

— Je suppose que c'est ma sœur qui t'a raconté ça ?

Elle aime beaucoup cette partie de l'histoire.

Keiichi

— Oui, effectivement,

c'est elle qui me l'a dit.

Tomitake

— Il y avait une association pour rassembler toutes les forces contre l'État, et leur Q.G.,

c'était ici-même, dans ce sanctuaire.

Takano

— C'est pour ça que la salle de réunion du village est encore là-bas.

Takano

Après la dissolution de l'association, la salle a été utilisée pour le repas des anciens, ce genre de choses, mais à l'époque, c'était vraiment leur dernier rempart.

Madame Takano me montra un bâtiment du doigt. Il y avait eu beaucoup d'allées et venues là-bas pendant les préparatifs, aujourd'hui.

J'aurais compris si cela avait été la maison du maire,

mais dans un sanctuaire shinto, ça donnait au tout un petit côté moyen-âgeux, comme pendant l'ère des provinces en guerres, quand les armées plaçaient leur centre stratégique.

Tomitake

— Oh, je suppose que c'était un peu l'état d'esprit dans lequel les gens se trouvaient, tu sais.

Tomitake

Ils ont planté leur Q.G. dans le sanctuaire dédié à la divinité protectrice du village, la déesse Yashiro, et ils ont prié jour et nuit pour obtenir la victoire.

La déesse Yashiro...

Pas d'erreur possible.

Elle avait parlé de la malédiction de la déesse Yashiro.

Alors, ce serait la même déesse ?

Tomitake

— Tu sais quelque chose sur la déesse Yashiro ?

C'est le nom de la déesse vénérée dans ce sanctuaire, elle protège le village depuis des temps immémoriaux.

Enfin, c'est ce que l'on raconte par ici.

Keiichi

— Non, en fait…

pas vraiment.

Tomitake

— Je vois. Ben écoute, Miyo est plus au courant que moi là-dessus.

Je t'en prie.

Takano

— Eh bien, si l'on simplifie, c'est à peu près tout ce qu'il y a à savoir.

Takano

La déesse Yashiro est une divinité vénérée depuis très longtemps à Hinamizawa, et elle est censée protéger cette région pour qu'elle ne soit pas souillée par le monde vulgaire des humains.

C'est un dieu protecteur tout ce qu'il a de plus traditionnel, donc.

Tu pourrais en trouver d'autres comme elle dans un peu près n'importe quelle autre région du Japon.

Takano

— Certaines études ont montré que l'on pouvait assimiler le culte de la déesse Yashiro à une certaine idéologie d'un peuple élu.

Tu comprends ce que cela veut dire ?

Pour faire simple, ce genre d'idéologie consiste à dire que nous sommes meilleurs que nos voisins, parce que les dieux nous ont choisis, par exemple. C'est une forme primaire de nationalisme.

C'est parce que nous nous considérons supérieurs que nous nous entr'aidons, mais en même temps nous sommes très hostiles face aux étrangers.

Il va sans dire que ce genre d'idéologie a fleuri un peu partout dans le monde, à toutes les époques, à travers toutes les religions.

Même au Japon, évidemment.

Takano

— Il y a très longtemps, les habitants du village de Hinamizawa vivaient en étant persuadés qu'ils étaient des êtres différents des autres êtres humains.

Takano

Ils détestaient le contact avec “le monde vulgaire d'en bas”, c'était une souillure, un tabou.

Takano

C'est pourquoi, lorsqu'un humain du monde d'en bas venait par ici, ils pensaient que la déesse Yashiro les punirait pour avoir souillé le sol sacré de ses terres, et donc ils faisaient tout pour n'avoir aucun contact avec l'extérieur.

Tomitake

— C'est un grand cliché dans les romans de Kinda'ichi, mais je ne sais pas si tu les as lus.

Il y a souvent des villages qui n'aiment pas les étrangers dans ces histoires.

Shion

— Juste pour être sûre que l'on se comprend, je tiens à signaler que c'était uniquement il y a très, très longtemps.

Plus personne ne pense ça aujourd'hui.

Shion avait l'air d'avoir pris la mouche en entendant la dernière remarque de Tomitake.

Celui-ci eut un sourire gêné et se gratta la tête pour cacher son embarras, se rendant compte de l'impolitesse dont il avait fait preuve.

Hmmmmmmmmmm.

Ce qui signifie que ce sanctuaire est donc un symbole très fort.

Keiichi

— Je vois.

Keiichi

Et donc lorsqu'il a fallu se battre contre le plan de barrage proposé par les hommes du monde souillé d'en bas, ils ont tenu à se rassembler dans le sanctuaire de leur déesse protectrice pour en faire le symbole de leur résistance.

— Bonne réponse.

Takano eut un petit rire.

Je parie qu'elle n'aime pas les gens qui ne savent pas réfléchir...

Tomitake

— Leur foi les rendait prêts à tout.

Tomitake

Ils se seraient battus jusqu'à la mort pour empêcher la construction de ce barrage.

Tomitake

Tu imagines la situation ?

Tomitake

Et là, il s'est passé quelque chose qui, en fin de compte, a porté le coup de grâce au projet.

C'est cela que l'on a appelé

la malédiction.

Shion

— Le chef du chantier qui s'occupait du terrassement a été tué.

C'était il y a quatre ans.

C'était à la une dans tous les journaux, mais je ne sais pas si tu t'en souviens.

Keiichi

— Euh, je dois dire que je pense pas en avoir entendu parler...

Shion

— Il s'est battu contre certains ouvriers, et eux l'ont tué à coup de pelles et de pioches, puis ils l'ont découpé en morceaux.

Tomitake

— C'était un meurtre avec démembrement.

Il y en a eu une paire à une certaine époque.

C'était une sale affaire...

Mais cela restait une affaire de police.

Si les coupables étaient humains, comment les gens ont-ils pu parler de malédiction ?

Takano

— L'année d'après,

un habitant de Hinamizawa qui avait voulu la construction du barrage…

est tombé d'une falaise pendant ses vacances.

Il paraît que c'était un accident.

Tomitake

— Il faut dire que les autres habitants le détestaient.

La police a vraiment cherché partout pour étayer la thèse du meurtre, mais ils ont fini par conclure à un accident.

... Un accident, hein ?

Ça, ça pourrait amener les gens à croire à une malédiction, mais seulement les plus crédules.

Takano

— Et encore l'année d'après,

le prêtre du sanctuaire est mort d'une maladie inconnue.

Shion

— Je sais que ce n'est pas très respectueux envers lui, mais il était un peu trop pacifiste.

Shion

Tous les habitants étaient sur le pied de guerre chez lui tous les jours, et lui disait qu'il fallait simplement laisser les choses se faire.

Shion

Il aurait dû être leur fer de lance.

Shion

Alors forcément les habitants étaient très déçus, et certains même un peu plus que ça, si tu vois ce que je veux dire.

Shion

C'est pour ça qu'à l'époque, les vieilles personnes du village ont commencé à dire :

“C'est l'œuvre de la malédition de la déesse Yashiro.”

Voilà ce qui se disait.

Hmmm... Je les comprends un peu, après tout, trois fois de suite, ce sont des ennemis du village qui sont morts...

Tomitake

— Mais le pire,

c'est que tous ces incidents ont eu lieu chaque année le soir de la purification du coton.

Keiichi

— Pardon ?

Takano

— Alors, tu vois ? Ça commence à faire beaucoup, n'est-ce pas ?

Tomitake

— Et l'année encore après,

c'est-à-dire, l'année dernière donc,

la belle sœur du chef des partisans du barrage -- celui qui est mort dans ce fameux accident, tu te souviens ? -- a été retrouvée morte chez elle.

Tomitake

On a trouvé le coupable, mais bon.

Takano

— Alors ?

On dirait une malédiction, non ?

Alors, cela faisait quatre années de suite ?

Hmmm, d'un côté, ce sont des incidents qui n'ont rien d'extraordinaire,

mais de l'autre, ils ont tous lieu le soir de l'année où le village célèbre son dieu protecteur, c'est un peu gros pour être une coïncidence...

Shion

— Les anciens vouent une ferveur sans bornes à la déesse Yashiro depuis ces événements.

Les plus jeunes se moquaient d'eux au début, mais aujourd'hui plus personne ne prend ça à la légère.

Ouais, je les comprends.

Même moi qui pourtant suis un sceptique convaincu, je me dis qu'après tout, quand on regarde bien tous les faits, il y a un quand même un truc bien louche...

Tomitake

— Mais d'ailleurs, c'est aussi un peu pour ça que tout le monde prépare la fête dans la joie et la bonne humeur.

Tomitake

Avant que toutes ces choses aient lieu, les gens ne s'intéressaient pas autant à cette fête.

Shion

— Hmmm, on peut dire ça, effectivement.

S'il n'y avait pas eu cette malédiction, les gens ne viendraient pas si nombreux.

Shion

Ils ont peur d'être les prochaines victimes s'ils ne participent pas au culte, alors beaucoup s'arrangent pour bien se faire voir lors de la fête.

Shion eut un rire désabusé.

Tomitake

— Alors, qu'en penses-tu ?

Est-ce que nous avons réussi à te faire douter de tes certitudes ?

Ben... Disons que ouais, quand on voit que chaque année, comme par hasard pile à la même date, les personnes qui se sont opposées au village meurent les unes après les autres, ça donne pas trop envie d'en rire.

Si même moi, le nouveau du village, j'en arrive à penser cela, alors les gens qui vivent ici depuis toujours, j'imagine même pas.

Keiichi

— Eh bien... c'est troublant, en effet,

mais je ne crois quand même pas aux malédictions.

Disons que je peux comprendre les personnes qui y croient, mais personnellement je n'irais pas jusque-là.

Shion

— J'en étais sûre.

Tu restes très posé dans tes réflexions et dans tes décisions.

Shion se mit à sourire très franchement, apparemment très satisfaite de ma réponse.

Takano

— Si ce n'est ni une malédiction, ni vraiment un hasard,

alors…

cela implique pas mal de choses, tu ne trouves pas ?

Avec un petit air espiègle, madame Takano poursuivit :

Ce n'est ni une malédiction, ni un hasard...

Et pourtant chaque année, il y a un mort.

Cela implique que... que quoi, en fait ? Que veut-elle dire par là ?

Je commençais à pédaler dans la semoule. Tomitake remarqua mon air perdu et me tendit une perche.

Tomitake

— En fait, Miyo est en train de te dire qu'il est possible que quelqu'un soit derrière tout cela.

Comment ?

Oui, enfin, hmmm, disons que, par élimination, forcément, mais...

Takano

— C'est pourtant logique ?

Si ce n'est ni l'un ni l'autre, c'est forcément quelque chose de planifié par un être humain.

Sa manière d'insister était intimidante. J'eus un petit rire gêné.

Je n'étais pas prêt à accepter de croire à une malédiction,

mais il m'était tout aussi difficile de croire qu'un être humain était derrière tout ça, c'était un peu trop gros pour être faisable.

Mais madame Takano avait entièrement raison.

Il n'y avait pas des masses de solutions, c'était soit un humain, soit pas.

Et si je voulais pas admettre l'existence du surnaturel... il ne restait plus que l'autre. La théorie d'un meurtrier humain, donc.

Mais dans ce cas-là...

Dans le doute, je jetai un coup d'œil à Shion.

Shion

— Si le meurtrier est humain, c'est forcément l'un des habitants du village.

Je pense que c'est la piste que suit l'inspecteur Ôishi.

Keiichi

— Oh, vas-y, t'es pas sérieuse ?

C'est pas possible, enfin !

Je commençais à comprendre pourquoi Mion n'aimait pas en parler.

Si cette histoire de malédiction était vraie, ben, ça mangeait pas de pain.

C'était un châtiment divin pour avoir tenté de détruire un lieu sacré.

Mais si vraiment, comme le voudrait la logique la plus élémentaire, la malédiction n'existait pas... alors le coupable était l'une des personnes qui vivaient à Hinamizawa, sans aucun doute possible.

Ils avaient pourtant tous fait face au plan de barrage, au péril de leur vie.

Ils avaient utilisé tous les moyens possibles et imagin--

Attendez une seconde.

Tous les moyens possibles et imaginables?

Shion

— Certains pensent que cette malédiction, c'est en fait l'œuvre d'une équipe secrète engagée ou même carrément composée de membres de l'association de défense de Hinamizawa.

Shion pensait donc comme je venais de le faire...

C'était difficile à croire.

Shion était une habitante du village, je n'aurais jamais cru qu'elle oserait dire une chose pareille.

Shion

— Si l'on y réfléchit à tête reposée, ça paraît l'évidence-même.

Personne d'autre n'a de mobile.

Keiichi

— Hmmm, oui, ok, c'est pas faux, mais...

Cette histoire me faisait mal au cœur pour Mion. Si l'on admettait l'existence d'une unité secrète dans l'association, cela salissait les actes dont elle était si fière.

C'est aussi un peu pour cela que j'avais du mal à accepter ce que me disait Shion.

Shion

— Et puis de toute façon... Enfin, la police le sait probablement pas, mais nous qui sommes du village, nous savons.

Il y a un détail qui est une preuve irréfutable en fait.

Keiichi

— Quoi ? Comment ?!

Shion me reprocha mon excès de voix, elle ne voulait pas qu'on entende notre conversation.

Keiichi

— Désolé, c'est sorti tout seul...

Mais, c'est quoi cette histoire de preuve ?

Vous savez qui c'est ?

Shion

— Non, mais à chaque fois, une personne meurt et une autre disparaît.

Une autre personne disparaît à chaque meurtre.

Donc ça voudrait dire que dans cette malédiction, il y a à chaque fois les deux ?

Keiichi

— Tu veux dire quoi exactement par “disparaître” ?

Quelqu'un qui part sans laisser d'adresse ?

Shion

— Non, pas vraiment.

Plutôt quelqu'un disparaît sans laisser de traces, comme par enchantement.

Elle mima un magicien qui faisait disparaître un foulard dans ses mains pour bien me faire comprendre.

Donc une personne meurt dans des circonstances louches, et une autre disparaît sans laisser de traces.

C'est pas un tour de magie pour les enfants, ça.

Mais en quoi ce serait une preuve de la culpabilité des habitants du village ?

Takano

— En fait,

ce qu'il y a, c'est qu'il y a une très, très vieille légende à Hinamizawa…

qui raconte que l'on offrait une personne en sacrifice à la déesse Yashiro pour apaiser sa colère.

Keiichi

— Un sacrifice humain ?!

Takano

— Oui.

Ils l'enroulait comme un sushi et le plongeait très lentement dans le marais sans fond un peu plus loin dans la montagne.

D'une voix enjouée, un peu malicieuse, madame Takano semblait prendre plaisir à raconter des choses horribles.

Takano

— D'après les traces écrites de ces sacrifices, ils mettaient trois jours et trois nuit avant que la victime soit complètement sous l'eau.

Je pense que c'est un jeu de mot -- assez vaseux, c'est le cas de le dire --

Takano

entre 沈める et 鎮める , deux verbes qui se lisent de la même façon et qui indiquent tous les deux une baisse ou une descente.

Takano

Sauf que bien sûr, dans un cas on abaisse physiquement quelque chose dans l'eau -- le sens moderne de “plonger” -- et de l'autre on abaisse la colère de la déesse -- le sens moderne d'“apaiser”, donc.

...Heeheehee.

Je ne trouvais pas le jeu de mot très convaincant, je dois dire. Madame Takano était la seule parmi nous quatre à le trouver drôle.

Shion ne contesta pas cette théorie, mais garda un silence un peu forcé. Elle ne semblait pas trop apprécier l'humour dans cette situation.

Shion

— Bah, tu te doutes que ce n'est pas le genre d'histoires que tout le monde raconte fièrement.

Les famillent qui vivent ici depuis longtemps se transmettent ces légendes, mais n'en parlent pas autour d'elles.

Tomitake

— Miyo n'est pas née à Hinamizawa, mais elle en connaît un rayon.

En fait, son truc, ce sont les légendes locales et les anciennes croyances païennes.

Elle a tout recherché toute seule.

Takano

— Allons, ce n'est rien de si extraordinaire.

C'est juste de la curiosité intellectuelle,

un peu comme les enfants.

J'ai juste envie de me faire peur en lisant ces histoires.

Cela fit bien rire Tomitake, et elle se mit à rire aussi, un peu gênée du compliment.

Keiichi

— Euh, attendez-voir une seconde.

Donc à chaque fois, la personne qui disparaît est sacrifiée à la déesse ?

— Yep.

Shion l'avait dit tout au début :

« Qui va qui va se faire tuer et qui va se faire enlever, cette fois ? »

Tomitake

— Hmmm...

Je ne sais pas si la personne est effectivement sacrifiée.

Tout ce que je peux te dire, c'est que chaque année, après la cérémonie, une personne meurt et une autre disparaît.

Tomitake

La première fois, par exemple, le chef de chantier est mort, mais l'un des meurtriers n'a jamais été retrouvé.

Keiichi

— Oui ok, mais bon, il va pas non plus attendre sagement que la police vienne le cueillir !

Il s'est sûrement bien caché et il a échappé aux enquêteurs, c'est tout.

Tomitake

— À vrai dire, je pense comme toi.

Mais la deuxième année, c'est moins facile à expliquer.

Keiichi

— C'était quoi déjà ? La fois où la victime est tombée dans le ravin là où elle passait ses vacances ?

Takano

— Oui, mais l'homme n'est pas tombé tout seul, sa femme aussi est tombée.

La police a vraiment cherché partout, les plongeurs ont dragué toutes les rivières, mais ils n'ont jamais retrouvé son corps.

Takano

— Tu me diras, la rivière en contrebas était en crue, si je me souviens bien.

Le corps a sûrement été porté par le courant et s'est retrouvé enseveli par tout ce qui a été emporté pendant les eaux.

Le meurtrier qui manque à l'appel s'est sûrement fait la malle, tout simplement.

Pour la femme, disons que c'est triste, mais ce n'est pas un sacrifice.

Ça arrive parfois d'avoir des gens emportés par le courant que l'on ne retrouve jamais, après tout.

En fait, à bien y réfléchir, il n'y avait rien de trop surnaturel dans ces deux affaires.

Shion

— Mais pour la troisième année, c'est déjà plus clair et précis.

Lorsque le prêtre est mort, sa femme a écrit une lettre d'adieu.

Shion

Elle disait un truc comme “Je dois aller me sacrifier pour apaiser la colère de la déesse Yashiro”, enfin, il paraît.

Bon effectivement, là, pas de doute à avoir.

Tomitake

— On ne saura jamais la vérité là-dessus, je pense.

Tomitake

Elle s'est jetée dans le marais dont Miyo t'a parlé tout à l'heure, elle a bien dit qu'il était “sans fond”.

Les policiers ont plongé et ont retrouvé ses effets personnels, mais pas le corps.

Tomitake

La police pense que c'est du camouflage et qu'il n'y a pas eu de suicide, et l'affaire est encore en cours.

Trois années de suite, trois morts et trois disparus.

Est-ce qu'il serait vraiment possible d'enlever quelqu'un et de le noyer vivant pendant trois jours dans un marais sans se faire remarquer ?

Ce n'était pas crédible comme scénario.

Tomitake

— Et l'année dernière alors ?

La belle-sœur du chef des partisans du barrage est morte, c'est ça ?

Mais y a pas eu de disparition, là ?

Shion

— Si, malheureusement.

C'était un garçon de mon âge qui a disparu, il s'appelait Satoshi Hôjô.

C'était le fils adoptif de la victime, le fils naturel du chef des partisans du barrage, en fait.

Je ne sais pas pourquoi, mais Shion semblait avoir une certaine émotion dans la voix, même si elle tentait de la cacher.

S'il avait son âge, elle devait l'avoir bien connu.

Takano

— Et nous avons fait le tour, en gros.

Il y a toujours un mort et une disparition soudaine, comme par magie.

Oublions le “comme par magie”.

Il ne faisait pas très rationnel.

Keiichi

— Donc,

si j'ai bien compris, la déesse se met en colère et tue quelqu'un, et en réponse, les villageois lui offrent une personne pour la calmer ?

Shion

— Kei, oublie cette histoire de malédiction.

Shion

Quelqu'un utilise cette légende pour tuer une personne en toute impunité, et il enlève une deuxième pour que les gens fassent le rapprochement avec cette vieille légende, c'est tout.

Keiichi

— Mais Shion, ça veut dire que le coupable est l'un des villageois ! Tu te rends compte de ce que tu dis ?

Shion

— Évidemment que je m'en rends compte, c'est ma théorie sur cette affaire depuis toujours.

Ah mais je te rassure, ça a été un choc pour moi !

Shion

Je n'aurais jamais cru que des gens s'abaisseraient à utiliser les vieilles histoires de grand-mères pour couvrir des meurtres.

Une pensée me traversa l'esprit à ce moment-là. Si ça se trouve, Shion n'aime pas vraiment Hinamizawa, en fait.

Mion avait été très contente et très fière de me relater les incidents avec ce barrage.

C'est pour cela qu'elle ne m'avait pas parlé de la malédiction, parce que cela donnait une image peu reluisante.

Elle ne voulait pas me voir avoir peur du village, ou voire carrément le mépriser.

Mais Shion était différente.

Elle ne croit pas à la malédiction non pas parce que cela donne une mauvaise image au village, mais parce que justement elle est sûre et certaine que quelqu'un du village est dans le coup.

C'était difficile de comprendre cette certitude en elle, surtout quand on pensait à l'unité qui soudait le village.

J'avais toujours cru que Mion et Shion étaient strictement identiques, mais en fin de compte…

Plus je leur parlais, et plus je me disais que non, en fait, elles étaient très différentes l'une de l'autre...

Keiichi

— Alors... vous croyez tous que le coupable est du coin ?

Shion et madame Takano gardèrent le silence.

Mais ce silence en disait long sur le fond de leur pensée...

Keiichi

— D'accord, alors je vais poser peut-être une autre question.

Si le coupable est de Hinamizawa, alors qui est-ce ?

Je n'obtins pas de réponse non plus.

À dire vrai, j'avais espéré ne pas obtenir de réponse.

Cette question servait juste à leur rappeler que ce qu'elles en pensaient n'était qu'une “théorie” et non pas forcément la Vérité absolue.

Shion me regarda avec un sourire malicieux -- apparemment, elle et moi étions sur la même longueur d'ondes.

Shion

— Ah, mais je fais juste des déductions à partir des faits, c'est tout, hein.

Si je savais qui avait fait le coup, je l'aurais déjà livré à la police.

Je pense que tout le monde ferait pareil...

Lorsque je portai mon regard interrogateur sur madame Takano, elle eut un petit rire gêné puis finit par parler.

Takano

— Écoute,

Takano

je ne veux pas te décevoir, mais je ne veux pas non plus que tu te méprennes sur moi.

Takano

Je ne suis pas en train de jouer à la détective.

Takano

Je vais te dire honnêtement, je me moque pas mal de savoir qui est derrière tout ça.

Tomitake

— Ahahahahaha ! Tu n'y vas pas de main morte, Miyo !

Tomitake avait tout de même l'air perturbé par ce qu'elle venait de dire.

Takano

— Moi,

tout ce qui m'intéresse, c'est d'en savoir plus sur les pratiques et les légendes cruelles qui existent dans chaque région.

C'est de la simple curiosité intellectuelle, vraiment, rien de plus.

Takano

D'ailleurs, moi ce qui me passionne dans cette affaire, c'est de voir que même aujourd'hui, à l'ère de la paix éclairée, il y a encore des restes de pratiques occultes qui se perdent dans la nuit des temps, c'est surtout ça que je trouve fascinant.

Elle parlait de curiosité intellectuelle, c'était un joli mot, un joli concept, mais je pense que c'était surtout une excuse.

Son sourire était malsain, et je dois avouer que cette femme, à cet instant, me fit vraiment froid dans le dos. C'était peut-être une peur irrationnelle de ma part, puisque je ne pouvais pas comprendre son point de vue.

Shion

— En tout cas moi, je ne trouve pas ça drôle du tout.

C'est demain, la fête, mais j'espère bien que personne ne mourra. Personne n'a besoin de disparaître non plus, d'ailleurs.

Keiichi

— Alors on saura demain, hein ?

J'avais complètement oublié ce détail.

Cette série de meurtres, que tout le monde appelait “la malédiction de la déesse Yashiro”, elle n'était peut-être pas terminée.

Peut-être que demain, il y aurait de nouvelles victimes ?

Madame Takano se passa la main dans les cheveux avec élégance et dit sur le ton de la plaisanterie :

Takano

— Oui, je me demande qui va y passer demain.

À l'entendre parler, c'était à peine si elle n'avait pas prit les paris avec ses amis.

Cette perspective avait l'air de réellement l'amuser.

Nous entendîmes soudain des applaudissements nourris. La buvette allait fermer, apparemment.

Ah, c'est vrai, Mion attend sur moi.

Il va falloir que j'y aille tout doucement.

Tomitake

— Allons, Miyo, arrête de le faire marcher.

Regarde-le, il te prend au sérieux.

Takano

— Ahaha, oui, excuse-moi.

J'ai quelques mauvaises habitudes dont j'ai du mal à me défaire...

Elle tira légèrement la langue avec un sourire espiègle. Du coup, elle me faisait nettement moins froid dans le dos.

Tomitake

— Miyo adore se payer la tête des gens un peu crédules, surtout les enfants.

Et comme tu l'as écoutée poliment, elle a poussé un peu pour voir jusqu'où elle pouvait aller...

On dirait que lui est très “normal” par rapport à elle.

Il est en tout cas très conscient de l'effet qu'elle a sur les gens. C'était gentil de sa part de s'excuser.

Tomitake

— C'est de la fiction, tout ça, d'accord ?

Je ne veux pas que tu te mettes à détester le village ou à t'y sentir mal à l'aise, ce n'était pas le but recherché.

Takano

— Oh, Jirô, tu n'es pas drôle.

Tomitake

— Tu devrais t'excuser, tu sais.

Je suis sûr que tu lui as fait peur !

Ils se chamaillaient comme deux chatons.

La tension du moment fut vite dissipée.

Shion

— Tu devrais y aller, Kei,

ma sœur est très jalouse, tu sais.

Je préfère ne pas la voir, on risquerait de se prendre le chou, je vais rentrer directement.

Keiichi

— Vraiment ?

Ben je crois que je vais aller m'excuser auprès d'elle, alors...

Tomitake

— Désolé, Keiichi.

Tu veux bien passer mes excuses à Mion aussi ? Nous t'avons retenu longtemps.

Keiichi

— Oui. Je ne sais pas si ça va beaucoup m'aider, mais je vais essayer.

Tomitake passa la main autour des épaules de madame Takano en souriant.

Shion

— Bon, eh bien...

J'espère qu'on se verra à la fête, demain, Kei !

Keiichi

— On se verra.

De toute façon, notre groupe ne passe jamais inaperçu.

On va faire un sacré boucan.

Shion et moi leur fîmes signe, puis partîmes.

À peine étions nous retournés que madame Takano m'arrêta de la voix.

Takano

— Merci d'avoir écouté avec sérieux ce que j'avais à dire.

C'est agréable de parler avec toi, tu sais bien écouter les gens.

Keiichi

— Euh, merci du compliment...

Pour être honnête, elle m'avait tellement scié avec ses histoires que j'étais simplement resté planté là, comme un idiot.

Takano

— As-tu trouvé ça intéressant ?

Keiichi

— Eh bien, oui, c'était passionnant.

Takano

— Dans ce cas, est-ce que je pourrai t'en reparler la prochaine fois ?

J'aurais encore des tas d'histoires intéressantes à te raconter, tu sais.

Et bien sûr, surtout des étranges et des glauques.

Takano

Je vais essayer de choisir les meilleures, je suis sûre qu'elles te plairont.

C'était gentil de sa part, mais je n'étais pas super emballé.

Je me grattai la tête, un peu gêné, ne sachant pas quoi répondre.

Tomitake

— Keiichi, tu peux y aller.

Elle est en train de te prendre pour un pigeon.

Cette fois, je partis sans me retourner.

Dans mon dos, Tomitake cria encore : — On se voit demain soir, à la fête ! Bonne nuit !

J'allai aussitôt à la buvette, mais Mion n'était nulle part en vue.

Elle était sûrement déjà rentrée... j'avais discuté longtemps avec les autres.

Je demandai aux gens qui se trouvaient là, et quelqu'un me dit l'avoir vue partir avec d'autres membres de sa famille.

... Hmmm, c'est pas bon pour moi, ça.

Mais à vrai dire, cela ne me préoccupait pas l'esprit tant que ça.

J'étais encore tout secoué par ce que m'avaient raconté Shion et madame Takano.

Il y avait eu une série de meurtres ici ces quatre dernières années.

Est-ce que la série continuerait demain ?

Et que penser de leur théorie ? Le coupable était-il l'un des nôtres ?

Et puis ces pratiques macabres, les sacrifices humains... est-ce que ça existait vraiment encore à notre époque ?

C'était un peu tard, mais je regrettai les avoir écoutées.

J'avais un peu honte de moi.

J'aurais dû suivre Mion quand elle m'avait tiré par la main, au lieu de succomber à ma curiosité malsaine...