— Keiichiiiii !
J'ai trouvé, j'ai compris ! Je sais où elle est !
J'entendis la voix de Satoko crier depuis la salle de classe.
Alors elle a découvert où était le mécanisme de la bombe ? Parfait !
Il me faudrait réussir à maintenir Rena au sol ici, mais je n'ai pas le temps !
Je dois atteindre la bombe avant Rena !
— Keiichi !
Allez parler à Satoko, vite !
Rika se plaça devant Rena, les bras grands écartés, lui bloquant le passage.
— Arrête tes conneries, Rika, va-t-en !
— ... ... Keiichi.
Ce n'est pas la première fois que ça arrive.
Tu ne te souviens de rien ?
— ... Eh ?
— ... La dernière fois, si j'avais tenté de m'interposer, tu aurais réussi à désamorcer la bombe.
Cette fois-ci, je ne resterai pas dans mon coin à attendre la mort.
Alors magne-toi !
Je ne comprenais pas ce qu'elle me disais, mais je n'avais franchement pas le temps d'y réfléchir.
Il n'y avait qu'une seule chose de claire dans mon esprit.
Tout comme Mion, Rena et moi avions eu le courage de sacrifier notre vie pour nos amis,
Rika aussi avait trouvé cette force au fond d'elle-même.
Je ne pouvais pas lui ordonner de s'enfuir, ç'aurait été comme nier qu'elle était une amie !
Alors je décidai de faire ce que font les amis : je décidai de lui faire confiance.
— Désolé de te refiler le bébé, Rika !
— Mais enfin mon cher, hâtez-vous, nous n'avons plus le temps !
Laissant Rika seule, je courus à toute vitesse vers la salle de classe !
Lorsqu'enfin Keiichi partit et que ses pas indiquèrent qu'il était à nouveau dans l'école, Rika poussa un petit soupir de soulagement.
Alors, Rena s'approcha, projetant une ombre noire et impressionnante sur elle.
— Ahahahahahahahahaha !
Eh bien, quel courage ! Mais je te préviens, nous ne sommes pas pendant les heures du club !
Tu vas vraiment te faire tuer, Rika, je suis en colère, je ne vais pas faire semblant !
— ... ... ...
— Ahahahahahaha, ahaha, haaa...
Tiens donc ?
Tu n'as pas peur de moi ?
C'est très impressionnant, Rika.
Rika fit un pas en arrière et tâtonna près du mur pour saisir l'un des nombreux balais de bois qui traînaient dans la remise. Elle s'en saisit et le retourna, pas vraiment comme une lance, mais plûtot comme une pertuisane ou une faux de guerre.
Elle était en position de défense, immobile, prête à en découdre avec Rena.
L'expression de son visage était calme et raisonnée. Une tête d'adulte sur un corps d'enfant.
Elle dégageait une impression de force tranquille,
une assurance de gagner qui ne manqua pas de surprendre son adversaire.
— ... Eh bien, ça c'est une surprise.
Tu n'as pas peur de mourir ?
— Pff, laisse-moi rire.
Rika eut un petit rire moqueur.
Ce n'était pas le rire qui était le sien, d'habitude.
— ... Tu pensais vraiment que moi, j'aurais peur de la Mort ?
Je me suis fait assassiner des centaines de fois, et je suis toujours revenue à la vie. J'ai passé l'âge de craindre la Mort.
— Je vois. Tu n'es pas Rika...
Tu es l'autre, le double...
Alors tu t'es enfin montré, l'extra-terrestre !
Où as-tu caché la vraie Rika ?!
— ... La vraie Rika ?
La vraie Rika est devant toi, ma grande.
Miaou ! Éhhééé☆!
— Oui,
cette manière de prendre les gens pour des idiots sans en avoir l'air, c'est tout à fait elle !
Je comprends... La déesse Yashiro était une extra-terrestre, après tout.
Et comme tu es sa descendante... Tu es toi aussi une extra-terrestre, de sang presque pur !
Ahaahaha, AHAHAHAHAHAHA !
Ne bouge pas, je vais t'ouvrir le crâne et t'enlever les vers du cerveau. Ahahahahaha, ahahahaHAHAHAhahahaha !
Rena arma sa main et se jeta sur Rika !
— Hyaaaahhhh !!
Ça ne fera pas mal ! J'ouvrirai ta tête en deux, d'un seul coup !
Elle se précipita comme un prédateur sur sa proie !
Rika déplaça légèrement son pied d'appui et baissa légèrement son centre de gravité.
Elle avait le visage toujours aussi imperturbable.
— Pas de chance pour toi, ma grande.
De toute façon, je n'ai pas besoin d'en faire trop, alors nous allons simplement faire mumuse toutes les deux, juste pendant une minute, ça suffira laaaargement.
Alors... Amène-toi, pouffiasse !
— J'ai compris, très cher !
Et quand je pense que les indices étaient sous notre nez depuis ce matin !
— Calme-toi, eh, Satoko, du calme !
Explique-toi, que je comprenne !
Qu'est-ce que tu veux dire ?
— Mais enfin, souvenez-vous !
Souvenez-vous de ce matin !
— Eh, ça pue aujourd'hui, vous trouvez pas ?
— Mais ferme pas les fenêtres, t'es folle ou quoi ? Il fera encore plus chaud !
Nous avions senti l'odeur de l'essence pénétrant du dehors.
Or, il n'y avait personne dans le bâtiment des Eaux et Forêts aujourd'hui !
Ils ne pouvaient pas avoir mis du gas-oil dans les machines !
Nous avions donc forcément senti l'essence que Rena avait préparée !
L'essence que Rena avait cachée pour la verser dans la salle de classe par la suite était effectivement rangée très près de la salle.
Mais elle avait été contenue dans un jerrycan hermétiquement fermé.
L'essence que nous avions sentie était donc celle qu'elle avait déjà versée ailleurs !
Et d'où venait l'odeur ?
De l'extérieur !
Lorsque l'essence s'évapore, elle se tranforme en un gaz plus lourd que l'air.
Donc les vapeurs d'essence vont toujours vers le sol.
Et il y avait encore un indice très important !
— Eh, mais ?
Elle est où, ma balle ?
Oh, Hôjô, c'est toi qui l'as cachée, je parie, hein ?
— Enfin, mais que pourrait m'importer un objet si inutile ?
Quitte à me donner la peine de cacher quelque chose, autant cacher un objet dont je puisse jouir par la suite !
Les enfants qui aimaient jouer dehors savaient toujours où était leur balle. Toujours !
Ils la rangeaient toujours au même endroit, c'était un rituel, pour eux.
Mais leur balle n'était plus là !
Ce qui voulait dire que Rena s'en était servie !
Elle a placé de l'essence
en haut ?
Dehors ?
Avec la balle ?
— Rena a bloqué la descente du chéneau en enrobant la balle de base-ball avec de la pâte collante ou de l'argile ! Puis elle a rempli la gouttière avec de l'essence !
Et d'où peut-on faire cela ?
Depuis le toit, à l'étage !
Mais bien sûr... La gouttière suit le toit sur tout le long du bâtiment, puis redescend à la verticale pour déverser son contenu directement sur le sol.
Si l'on bloque cette sortie, alors on peut tout remplir avec de l'essence ! Ce qui nous donne de quoi propager le feu partout dans le bâtiment !
Et en plus, la naissance de l'évacuation est tout près des fenêtres de la classe !
Si l'évacuation explose, elle entraînera l'explosion de la salle de classe aussi !
— Et alors, donc ?
Où est le détonateur ?!
— Elle doit avoir amené une rallonge à l'étage et placé le minuteur dehors... Sur le toit !
Je ramassai une trousse dans les affaires des jeunes et pris une paire de ciseaux pour couper les liens qui retenaient Satoko prisonnìère.
— Ah ben tiens, d'ailleurs, comment elle a fait pour se libérer, Rika ?
— ... Oh oui, eh bien EXCUSEZ-MOI de ne pas être rachitique et de ne pas savoir me déboîter l'épaule toute seule !
Satoko croisa les bras et pouffa d'indignation. Je lui ébouriffai gentiment les cheveux.
— Bon, eh bien je te laisse t'occuper des autres !
Je file sur le toit !
Alors que je m'apprêtai à repartir, Satoko m'arrêta.
— Keiichi, attendez ! Prenez ceci !
— Quoi encore, qu'est-ce qu'il y a maintenant ?
Soudain, je vis un objet long et gris voler dans ma direction.
Je l'attrapai au vol. L'objet était lourd.
... Une batte de base-ball en métal ?
— ... C'est celle de Totoche.
Et elle s'appelle “Reviens”, alors ne la perdez pas en route !
— OK !
Merci, Satoko !
Je serrai la batte très fort dans ma main. Finalement, elle était légère comme une plume.
Ça, j'allais pouvoir m'en servir !
Je vis une inscription dessus : Satoshi Hôjô.
Alors c'était la batte de son grand frère...
Il avait été l'une des victimes de l'année dernière.
Je parie que t'es comme moi, mec, hein ?
Tu veux pas que la tragédie se répète !
Avec ton aide, je vais pouvoir faire quelque chose !
Alors allons voir les salopards parmi les spectateurs !
À nous deux, on va pouvoir leur péter toutes leurs dents ! Allez !
Je fonçai dans le couloir, en direction des escaliers. Au moment où j'allais commencer à les gravir, j'entendis un bruit fracassant venant de la salle des professeurs.
Je vis Rika rouler sur elle-même puis finir étalée en croix, face contre terre.
Merde, Rika !
Elle était en mauvaise posture, mais elle avait déjà bien tenu !
— Aaah, va CHIER, saloperie !
Si seulement ce corps pouvait avoir cinq ans de plus...
— Et maintenant, c'est à ton tour, Keiichi !
J'aaaarriiiiiive !
— Merde, faut que je me casse !
Allez, en haut, en haut ! Sur le toit !
— Ahahahahaha ! Bravo, bravo, tu es vraiment doué ! Félicitations !
Mais je NE TE LAISSERAI PAS FAIRE !
L'expression de folie furieuse sur son visage était inimaginable.
Si elle m'attrape, elle fera des tranches avec moi,
c'est sûr et certain !
Je me retournai et gravis les escaliers trois par trois.
Cherchant dans ma poche, j'allumai le micro.
Pas le temps de mettre l'écouteur !
Je vis du coin de l'œil Rena poser le pied sur la première marche de l'escalier,
lorsque soudain, une corde à sauter vint la faucher !
Elle s'éclata assez violemment par terre et prit encore trois bassines sur la figure, alors qu'elle essayait de se relever.
Satoko !?
— Aïe... Ça fait mal, ça...
Eh ben alors, Satoko, non mais ça va pas ?
Satoko se tenait près du mur du couloir, faisant non de l'index, un grand sourire aux lèvres.
— Oooohhohohoho !
Ma chère, je dois bien avouer que c'était très astucieux de votre part, mais vraiment, si vous voulez vous comparer à moi, il faudra vous lever plus tôt le matin ! Essayez de reculer votre réveil d'environ 350 millions d'années-lumière !
— Satoko, les années-lumière sont une unité qui mesure la distance.
*Gooon*
Une bassine frappa Satoko en pleine tête, lancée par Rena.
Allez, Keiichi, t'as pas le temps, avance, avance !
Rena tourna les talons sans plus s'occuper de Satoko, et se remit à monter les marches.
— Eh ! Héééé !
Ôishi ?
J'ai réussi ! Bordel de merde, j'ai réussi !
Je lui ai piqué le briquet !
Je sais aussi où est le détonateur, il est sur le toit, près de la gouttière !
Je vais le désamorcer !
— ... Ah, Chef ! Regardez, ce serait pas ça, là-bas !?
Ôishi prit les jumelles des mains de l'inspecteur Kumadani et observa rapidement le long de la gouttière.
... Et là, à un endroit absolument inattendu, il vit un petit réveil...
Un câble en partait, qui s'étirait sur tout le toit, pour disparaître quelque part à l'étage.
Maintenant qu'il le voyait, c'était évident ! Mais comment avaient-ils pu tous le rater pendant les dernières heures ?
Dans la salle de classe, Satoko s'activait à défaire les liens des autres.
Mais Mion avait toujours le cou emprisonné dans l'anti-vol ! Les ciseaux ne serviraient à rien !
— ... C'est pas grave, pour moi ! Allez, fuyez, partez !
— Allons, allons, ma chère, ne faites pas votre timorée.
Vous devriez vous comporter en chef de club, tel est votre rôle !
Donnez donc un ordre et je m'exécuterai ! Vous pourriez commencer par m'ordonner de vous délivrer ?
Satoko passa la main à son col de chemise et en sortit une barette pour cheveux toute tordue.
Elle ouvrit la fenêtre et monta sur le rebord, inspectant le verrou de l'anti-vol.
— Allez, les enfants, ouvrez les rideaux et les fenêtres, et ensuite, partez le plus vite possible !
— Déléguée !
On fait quoi pour Maebara ?
— Il s'en sortira, ce sont les policiers qui iront le délivrer !
Vous, ne perdez pas de temps, courez dehors le plus vite poss--
eh ?
T'as réussi à l'ouvrir ?
— Allons bon, ma chère, vous ne savez donc pas à qui vous vous adressez ? Je suis Satoko Hôjô ! La serrure qui me résistera n'a pas encore été forgée !
Ôishi regarda la salle de classe avec les jumelles.
D'un seul coup, les rideaux et les fenêtres s'ouvrirent. Puis, quelques secondes après, les enfants se mirent à courir dans la cour !
Ôishi courut vers Ôdaka et le poussa sans vergogne pour prendre l'émetteur, puis il se mit à hurler dans le micro.
— À toutes les équipes,
allez-y, foncez !
Récupérez tous les enfants !
Le preneur d'otage est monté à l'étage, à la poursuite du dernier élève !
— Eh ben alors, Ôishi,
qu'est-ce que c'est que ce cirque ? Gaaah!
Le commissaire divisionnaire Ôdaka se jeta sur Ôishi pour lui reprendre le micro, mais Kumadani se plaça entre les deux.
Le commissaire tomba à terre, dans de petites convulsions.
— Aah, désolé, Monsieur,
mon genou a glissé ! J'espère que vos testicules n'ont rien, dites ?
— Attention, il y a des vapeurs d'essence dans toute l'école !
Ne tirez pas, ni grenade lacrymogène, ni grenade aveuglante ! Je répète, ni grenade lacrymogène, ni grenade aveuglante !
Vous pourriez tout faire sauter !
— Unité de soutien au QG !
Nous avons récupéré 24 otages.
Nous avons un blessé !
— Unité d'infiltration, nous sommes en train de sécuriser le rez-de-chaussée.
Problème en vue.
Impossible d'ouvrir la porte de la salle des générateurs.
— Impossible ?
Défoncez la porte, qu'est-ce que vous attendez ?
— Négatif, nous sommes juste en face de la salle de classe.
Ça sent l'essence. Si nous enfonçons la porte, la friction des parties en métal pourrait produire une étincelle.
Attendons de nouveaux ordres.
— Merde !
Si nous avions pu couper le jus, c'était dans la poche !
Bon, laissez tomber les générateurs, allez à l'étage pour sécuriser le bâtiment !
— Unité d'infiltration, bien compris.
Ici α, en avant, go, go go !
— Ôdaka !
Espèce de petit con, tu comptais faire quoi en voyant qu'ils ne pouvaient pas enfoncer la porte, hein ?
— Ces hommes ne sont pas payés pour être bloqués devant des portes...
— Et tu vois, c'est pour ça que je n'aime pas les gosses de riches dans ton genre...
Bon, il va falloir désamorcer la bombe, on n'a plus le choix.
— QG, ici l'unité tireur d'élite.
J'ai l'otage restant dans le viseur.
— Chef,
c'est Maebara !
— Donnez-moi ce haut-parleur !
HÉÉ, MONSIEUR MAEBARA !
LE CORDON DU DÉTONATEUR VA DANS LA PIÈCE DU FOND !
Le jeune fit signe que non de la tête.
Il n'y avait probablement pas accès.
De toute façon, il était poursuivi par Rena Ryûgû, il ne pouvait pas faire ce qu'il voulait non plus...
Il ne pouvait plus faire demi-tour.
Il devait grimper sur le toit et détruire directement le détonateur !
— MONSIEUR MAEBARAAA !
MONTEZ SUR LE TOIT !
JE VAIS VOUS GUIDER !
OK, alors l'inspecteur veut que je monte plus haut ?
Hmmm, c'est vrai qu'après tout, Satoko a juste dit que c'était à l'étage, elle n'a pas précisé.
Elle a juste dit que c'était dans la gouttière.
Mais peut-être que l'inspecteur a pu le trouver avec des jumelles...
Je mis le pied sur la rembarde de la véranda et me hissai prestement sur le toit.
... C'est bien la première fois que je me sens aussi léger.
Je suis sûr que je pourrais me suspendre en me retenant à deux doigts...
— Allez tout droit !
Jusqu'à l'autre bout de la gouttière, tout au fond !
Vous n'avez pas le temps, il ne reste que trente secondes !
Quoi,
trente secondes ?
Mais ! C'est au moins quinze de trop !
Je l'ai trouvé, je crois ! C'est ça ?
OUAIS, c'est ÇA !
— QG, ici l'unité tireur d'élite.
J'ai la preneuse d'otage dans le viseur !
— ... Si vous pouviez tirer, ce serait mieux, mais j'imagine que vous êtes chargé avec de vraies balles ?
Ce ne sont pas des billes de plastique ou des gaz soporifiques dans votre chargeur ?
— Non, nous tirons à balles réelles.
— Gardez vos balles réelles pour les forces de défense du territoire. La Police Japonaise n'a pas besoin de ça !
MONSIEUR MAEBARAAA !
ELLE EST DERRIÈRE VOUS !
DÉPÊCHEZ-VOUS !
ELLE VOUS RATTRAPE !
Combien il me reste de temps ?
Bah, on s'en fout, rien ne va plus !
Je glissai sur les tuiles et attrapai le détonateur, qui m'attendait sagement sur la gouttière puant l'essence.
Il y avait des fils de cuivre dénudés qui y étaient raccordés.
S'ils font une étincelle, on est partis pour un super feu d'artifice !
L'aiguille des secondes était presque sur celle des minutes !
7
6
5
4
3
AAAAaaaaaaahhhh !
Je le levai, puis le jetai de toutes mes forces en direction du sol, en contrebas !
Peu après, j'entendis un bruit bizarre remonter depuis en bas.
Alors ? Alors ?
J'ai réussi ou pas ? J'l'ai eu ?
— QG, ici l'équipe d'infiltration, nous confirmons la destruction du détonateur.
— OUAIIIIIIIIIIIS !
— Chef, Chef, il a réussi !
— AHAHAHAHA !
MONSIEUR MAEBARAAA, VOUS AVEZ RÉUSSIII !
— Notre cher Keiichi a encore bien des choses à apprendre.
Il ne sied point aux héros de vaincre à la toute dernière seconde !
Même les autres élèves, près des ambulances, se mirent à crier leur joie.
— Chef, les pompiers vous font dire que l'endroit est extrêmement dangereux !
Ils demandent à faire revenir les unités envoyées sur le terrain.
— Mais pourtant, il n'y a plus de détonateur, voyons ?
— C'est vrai, mais ça pourrait quand même exploser, les gaz ne sont pas encore assez dissipés.
Si vous envoyez les hommes plus loin, ils seront inutilement en danger !
— Merde...
On fait quoi pour Maebara, du coup ?
Il n'est qu'au premier étage, il peut peut-être sauter du toit ?
— Chef, il y a un parterre de fleurs indiqué sur le plan !
Le sol est forcément meuble, il pourra se réceptionner dessus !
— Unités, ici Ôishi !
L'opération est avortée, je répète, opération avortée ! Rentrez au bercail !
— Ici α, bien reçu.
— Ici β, on rentre !
— MONSIEUR MAEBARA, VOUS M'ENTENDEZ ?
VOUS AUSSI, MADEMOISELLE RYÛGÛ !
L'ÉCOLE EST DANGEREUSE !
ELLE PEUT EXPLOSER À TOUT MOMENT !
IL Y A UN ENDROIT AVEC DES FLEURS EN CONTREBAS, SAUTEZ !
— ... Sauter sur les fleurs ?
Mais on voit pas où elles sont, d'ici...
De toute manière, quelque chose me disait que je n'avais plus le temps de les chercher.
... Je vis une main toute blanche apparaître au bord du toit...
puis, lentement, la tête de Rena émergea.
Rena n'était plus pressée. Elle marchait lentement, à pas mesurés.
Je l'attendis, prêt à réagir...
— ... Je dois dire que je ne pensais pas que tu le découvrirais, vu l'endroit où je l'avais caché.
... Tout est perdu, maintenant...
Rena se gratta furieusement le cou.
Les derniers pansements se déchirèrent et tombèrent, découvrant des traces sanguinolantes absolument terrifiantes...
— Jeu, set et match,
Rena !
Nous nous faisions face sur le toit du premier étage de l'école.
Tout était fini, désormais ! Plus besoin de nous faire la guerre !
Au début, Rena me regardait avec des yeux pleins de haine pour avoir fait capoter son plan.
Mais soudain, elle lança la tête en arrière et se mit à rire, très sûre d'elle.
Les chœurs des cigales tentaient de nous calmer tous les deux, mais...
... j'avais bien l'impression que ce n'était pas encore le bon moment pour nous.
— Oui, si nous jouiions au jeu de l'oie, tu aurais gagné, c'est vrai.
Mais nous n'étions pas en train de jouer.
Donc tu n'as pas franchi la ligne d'arrivée. Tu es simplement arrivé dans une impasse.
— ... Tsss, et mauvaise perdante, avec ça ?
T'es un sacré phénomène, Rena, tu sais ?
Tu n'abandonnes jamais. Tu ne t'avoues jamais vaincue.
Tu te bats jusqu'au bout.
Et tu crois en la victoire, jusqu'à ton dernier souffle.
— Ne te fatigue pas avec les compliments, je ne suis pas d'humeur...
J'ai monté cette opération au péril de ma vie, plutôt que de me chercher un antidote, et tu as tout fait capoter, Keiichi.
J'ai fait tout ce qui était humainement possible pour protéger la Terre de l'invasion des extra-terrestres, et toi, tu as tout foutu en l'air !
Si jamais l'espèce humaine meurt, ce sera de ta faute, Keiichi ! C'est ça que les livres d'histoire retiendront !
Je ne voulais pas rire, mais je ne pus pas m'en empêcher.
Si mon nom reste dans les livres d'histoire des extra-terrestres comme étant celui qui leur avait permis l'invasion de cette planète, je me sentirais plutôt fier.
— Rena.
Tu peux dire ce que tu voudras, c'est moi qui ai gagné cette partie.
J'ai déjà gagné, mais tu ne veux pas reconnaître ta défaite.
— ... Oui, ce n'est pas faux, quelque part, je suppose.
— Mais en même temps, c'est peut-être la bonne attitude à avoir.
La partie n'est pas finie lorsque le gagnant proclame sa victoire.
Elle se termine uniquement lorsque le ou les perdants acceptent leur défaite.
Ce qui veut dire que même si je gagne, ça ne suffit pas.
— ... Ah oui ?
Et alors, ça veut dire quoi pour nous ?
D'une main, je tapotai mon épaule avec la batte de Satoshi, tandis que de l'autre, je fis signe à Rena d'approcher.
— Ça veut dire que je vais t'en mettre plein les dents jusqu'à ce que tu t'avoues vaincue.
Je n'avais ni l'intention de fuir, ni de refuser de me battre.
Pour la bonne et simple raison que dans nos règles de jeu, la fuite devant l'ennemi n'était pas autorisée !
— Tirons les choses au clair, une bonne fois pour toutes.
Tu as perdu, Rena !
— ... ... ... Ah oui ?
— Je vais t'avouer un truc.
Des parasites et des extra-terrestres ?
Mais t'es conne comme tes pieds, en fait, pauv' nullos ?
Mais qui va croire une histoire à la con comme celle-là ?
Tu me fais bien rire, eh ! Ahhahahahahaha !
— ... Tu ne m'as jamais crue, alors ?
Tu as juste fait semblant...
pour mieux me trahir !
Je ne te le pardonnerai jamais...
Jamais, tu m'entends ! JAMAIS !
— Eh, ma grande, si tu veux y croire, tu fais comme tu le sens, hein ?
Mais ne me mêle pas à ces conneries, trop peu pour moi.
Je préfère encore croire au trésor perdu des Tokugawa !
Mais tu sais, Rena, si vraiment tu veux mordicus me faire croire à tes histoires,
il y a une manière toute bête, hein ?
— ... Ce sont les gagnants qui écrivent l'Histoire ? C'est ça que tu veux dire ?
— Eh ben tu vois, quand tu veux !
Nous nous fîmes faces, un grand sourire narquois sur le visage, nous rapprochant lentement l'un de l'autre, calculant autant que possible les distances entre nous.
— Si tu arrives à me tuer, alors je veux bien croire à tes histoires stupides d'extra-terrestres !
Je ferai des danses bizarres avec toi matin et soir pour faire des signes aux astronefs ! Et on ira scarifier le bétail pendant la nuit !
Mais en contrepartie, Rena,
si jamais c'est moi qui gagne, alors je te préviens, t'as intérêt à être prête au pire !
— Ahahahaha, AHAHAHAHAHAHAHAHAHA !
Je ne pense pas que nous ayons vraiment besoin de discuter de ça, Keiichi !
Tu n'as aucune chance de gagner contre moi !
Rena se précipita vers moi en frappant de toutes ses forces !
Je parai le coup avec la batte, d'une facilité déconcertante.
Il me semble bien qu'il y eut des étincelles lorsque nos armes se touchèrent.
Et heureusement, d'ailleurs, sinon, ce ne serait pas marrant !
— Allons, faut pas dire ça, voyons. Rappelle-toi de nos jeux !
Tu sais, il y a une chose que j'ai compris, moi, à force.
Maintenant que j'ai participé à tous nos jeux, j'en sais plus sur moi-même !
Je sais par exemple quand est-ce que je suis en grande forme, et quand est-ce que je peux donner mon maximum !
— Ah ouais ?
Et qu'est-ce que tu veux que ça me fasse ?
Hein ?
La machette de Rena m'avait l'air d'être une arme redoutable, qui ferait d'énormes dégâts si d'aventure elle réussissait à me toucher.
Mais d'un autre côté, ma batte était pas dégueulasse non plus.
Bon, c'est vrai, elle n'avait pas de lame tranchante, mais elle était un peu plus longue, et elle était facile à manier !
Ce qui ne voulait pas dire que j'allais me retrancher sur la défensive.
Je frappai comme un âne bâté pour contrer ses coups par la force !
Je pense qu'en force pure, j'étais au-dessus de Rena, mais elle avait un avantage sur moi, elle ne se retenait plus, elle n'essayait pas de me garder vivant.
Ce qui nous rendait à peu près au même niveau l'un que l'autre !
Ahahaha !
C'était génial de pouvoir s'en donner à cœur joie sans réfléchir !
— Et alors, garçon ? Qu'est-ce que tu voulais faire si tu gagnes ?
Allez, là, hop hop hop, c'est mou !
Je suis en train de te remonter les bretelles !
— Ha !
Je m'amuse avec toi, là, c'est pas du sérieux !
Tu vas voir ce que tu vas voir !
Hmm, qu'est-ce que je pourrais bien te faire si je gagne...
Non parce que là, on est en train de tout mettre dans la bataille !
Il faut que la facture soit à la hauteur de l'effort de guerre !
— AhahahahahahaHAHAHAhahahaha !
Arrête donc de te bercer d'illusions, Keiichi ! Tu ne gagneras jamais !
Tu fais peine à voir !
— Tut-tut-tut !
Tu comprends pas comment je fonctionne, ma grande.
Si la récompense en vaut la chandelle, je peux augmenter ma puissance à l'infini, tu devrais le savoir, pourtant !
Hmmm, je sais !
Tu deviendras ma soubrette personnelle attitrée !
Je veux te voir en uniforme dès le matin pour venir me réveiller, et tu resteras à me servir comme un roi jusqu'à ce que je dorme, tard le soir !
Ton costume de soubrette sera conçu, taillé et cousu par le Chef, et il t'en fera plusieurs différents, pour que tu puisses en changer tous les jours !
D'ailleurs, ton service ne s'arrêtera pas après m'avoir souhaité bonne nuit !
Tu passeras toutes tes nuits dans mon pieu, et tu n'auras pas beaucoup de sommeil, c'est moi qui te le dis !
Alors, qu'est-ce que t'en dis ?
— AHAHAHAhahahaha, ahahaha, AHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA !
Aaah, sacré toi, Keiichi, c'est bien toi tout craché, ce gage !
Même si je dois te dire tout de suite que tu peux te le carrer bien profond !
J'ai bien envie de gagner rien que pour inverser les rôles !
Ahahahahahahahahahaha !
Riant tous les deux comme des malades mentaux, nous croisâmes le fer encore et encore.
Pourtant, c'était grisant et sensationnel. Quelle impression bizarre...
Pourtant, je ne comprends pas, nous sommes en train d'essayer de nous tuer l'un l'autre ! Alors pourquoi c'est tellement génial ?
Mais putain, à chaque coup, il y a des étincelles partout ! Si on se rate, les blessures seront mortelles !
Et si on perd l'équilibre et qu'on tombe, ce sera fracture illico, si c'est pas pire ! Et pourtant, c'est trop l'extase !
Aujourd'hui, j'aurai tout vu ! Rena m'a fait peur, elle m'a fait pleurer aussi !
Alors pourquoi et comment est-ce qu'on en est là, à nous amuser comme des fous pendant un combat à mort ?
— Je crois que tout simplement, ni toi ni moi, les trucs sérieux, c'est pas not' truc !
Regarde-nous un peu, à rigoler comme des sadiques pendant que nos armes font des étincelles ! On est vraiment pareils, tous les deux !
— Ah non, désolée, Keiichi !
Moi, je suis une jeune fille belle et élégante, j'aime être raffinée !
Si tu veux rire comme un animal, fais-le tout seul !
Rena fit glisser au dernier moment son arme dans un angle d'attaque complètement inattendu. Je ne réussis à contrer que d'extrême justesse.
— Wouohhooo !
Eeh, on se calme, ahahahahaha !
Ben alors, ma grande, c'est pas assez, ça, tu vas finir par perdre, je le sens !
— Hahahahaha !
Imbécile, va, je ne faisais que me dégourdir les membres !
On en est à peine à l'échauffement !
— Hein ???!
Mais t'es pas bien dans ta tête, toi ! Ça un échauffement ?
Mais c'est même pas une promenade de santé !
Regarde-toi, t'es en nage !
— Ahahaha, HAHAHAhahahahahaha !
Toi, tu transpires du sang !
— Maebara !
Sautez !
Mais SAUTEZ !
Rah, il ne nous écoute pas...
J'ai l'impression qu'il a complètement perdu la tête.
Chef ? Chef ?!
— ... ... Hmm ?
Hein, ah, euh, désolé,
quoi ?
— Mais ne restez pas planté là !
Il faut trouver un moyen de le sortir de là !
L'inspecteur Ôishi ne sut pas pourquoi il était resté là, à les regarder fixement.
Il n'y avait peut-être aucune raison. Peut-être était-ce simplement leur face-à-face dramatique qui se jouait sur un fond de soleil couchant virant au sombre qui le subjuguait avec sa beauté surréelle.
Mais Ôishi n'était pas le seul dans cette situation.
Presque toutes les personnes présentes avaient le nez en l'air et regardaient le combat, médusées, dans un silence presque religieux...
Puis, soudain, une voix vint interrompre ce silence.
— Maebara, défends-toi, tiens bon !
Attention, du côté, esquive, sinon tu tombes !
Ces voix venaient des élèves traités par les infirmiers, près des ambulances.
Ils donnaient leurs encouragements !
Mion était relevée sur sa civière, la tête bien entourée de bandages, et regardait Keiichi se battre, l'émotion vive dans le regard...
Les jours heureux que nous avions vécus étaient définitivement perdus, mis à mal par de petits quiproquos et autres malentendus. C'était pourtant ce que je croyais ?
Mais alors...
Pourquoi ?
Pourquoi cette émotion ?
Pourquoi est-ce que... Pourquoi ?
Les amabilités avaient laissé la place au combat, pur et violent.
Mais ce n'était plus du tout rigolo de ne pas réussir à se départager !
Sans nous être concertés, Rena et moi levâmes nos pieds d'appuis en même temps pour reprendre nos distances.
— Eh ben !
Je crois que je commence vraiment à m'amuser !
Alors, Rena ?
C'est pas marrant, ça ?
— Ahahahahahaha !
Mais Keiichi, je m'amuse depuis le début, moi !
Mais je m'amuserais beaucoup plus si j'arrivais à te fendre le crâne en deux !
Enfin, je crois !
— Ouh là ! C'est presque dangereux, dis-moi !
Ben alors ?
Reviens ici !
Nan, t'as raison, autant utiliser toute la place qu'on a ici !
C'est pas tout les jours qu'on a un terrain de jeu pareil !
Alors autant en profiter !
— Ahahahahahahahahahaha !
Oui, quel décor, ça en jette, hein ?
Avec la pleine lune derrière nous !
Et ce vent, c'est vraiment agréable !
Oui, le paysage entier était devenu un peu féérique, un peu surréel.
Pour moi, deux combattants qui s'affrontent sur un toit, au clair de lune, c'est plus une scène fantastique qu'autre chose.
Et je pense que c'est cet aspect surnaturel qui captait les regards de nos amis, des policiers, et de tout ceux qui étaient en contrebas.
Je pense qu'ils pensaient tous la même chose,
mais qu'ils n'osaient pas le dire.
Ils devaient être jaloux de nous, parce que nous nous amusions comme des fous !
— Je sais pas pour toi, mais je me sens chaud bouillant, malgré la fraîcheur du soir !
Un peu comme pendant la fête, tu te souviens ?
Ah, ça, moi j'aime pas passer une soirée tranquillement à rien faire !
Quand je vois la lune, ça me rend dingue, j'ai envie de faire le fou et de courir partout !
Pendant la fête de la purification du coton, nous autres membres du club avions fait le tour des attractions.
À la fin, d'ailleurs, le maire nous a convoqués dans la tente des organisateurs pour nous engueuler, mais on est sortis de là en se jurant de faire encore plus fort l'année prochaine !
— Tu aimes déchaîner tes pulsions les nuits de pleine lune ? Ahahaha, sale frimeur, va !
Même si je vais te dire, je pense que c'est ce que nous sommes en train de faire, en ce moment !
— Ouais, c'est ce que je pense aussi !
Il faut être complètement barré pour s'amuser pendant un combat à mort contre l'un de ses meilleurs amis !
C'est exactement ça, ce que les gens appellent des “lunatiques” !
Il existe de nombreuses légendes sur la lune, certains disent qu'elle libère les forces cachées au fond de nous.
C'est peut-être vrai, dans une certaine mesure, mais ce sont peut-être aussi des conneries.
Tout ce que je sais, c'est que même si ç'avait été la nouvelle lune aujourd'hui,
nous aurions été dans une putain de grande forme !
Dans les ténèbres qui nous enveloppaient peu à peu, les étincelles de nos armes se firent visibles, un peu comme des lucioles.
... Eh, d'ailleurs, il y avait pas de l'essence dans la gouttière ?
Ahahahahaha ! Rien à foutre ! Si jamais il arrive quelque chose, bah, j'improviserai.
— Eh ben alors, Keiichi, qu'est-ce que tu fabriques ?
La transpiration te fait glisser la batte des mains, on dirait !
Tu veux faire une pause pour t'accrocher des mouchoirs ?
Mais évite les coups en même temps, hein, parce que moi j'en profiterai !
— Ahahahahahahaha !
Arrête de me faire rire, eh !
Et toi, regarde ta jupe ! Si elle te gêne, tu peux l'enlever, hein ?
J'en profiterai pour mater comme un gros porc, mais bon, c'est le jeu !
— Ah ouais ?
Je vais peut-être vraiment le faire alors, et pendant que tu regarderas, il va t'arriver des bricoles !
Ahahahahahaha !
— Je sais pas pour toi, mais je m'amuse comme un fou !
— Oui, ce n'est pas désagréable du tout !
Nous étions là, tous les deux, à sauter ! Danser !
Frapper ! Et rire aux éclats !
Et de temps en temps, un pas de recul, pour reprendre ses distances, pour se taquiner, pour prolonger le moment, avant de reprendre de plus belle pour mieux croiser le fer !
Sur notre arène de combat si particulière, nous dansâmes encore longtemps, marchant en cercles et en spirales, en essayant de nous prendre à revers.
J'étais en nage, mais Rena aussi.
Pourtant, je ne ressentais aucune fatigue. Les gouttes de sueur grosses comme des perles qui me coulaient sur tout le corps me chatouillaient délicieusement.
Chaque attaque avait une force terrible.
Je ne pensais pas avoir l'avantage, mais je ne me sentais pas désavantagé non plus.
Je n'étais pas tout excité en sentant ma victoire proche, mais en même temps, je n'étais pas en train de psychoter en sentant la défaite.
J'étais juste content et heureux, prenant plaisir lors de chaque échange avec Rena.
C'était vraiment comme une danse.
Mais une danse qu'il était impossible de faire tout seul.
C'était un pas de danse que seul un partenaire à votre mesure pouvait vous apprendre !
— Dis voir, tu te souviens le jour où on s'est battus contre toute l'école ?
Est-ce que par hasard, le jour-là, t'as pensé à ce que j'ai pensé ?
— Oui, si c'est ce que je crois, alors je l'ai pensé !
« J'ai voulu ma revanche ! »
Et tout comme les deux combattants sur le toit l'avaient pensé ce jour-là, leurs spectateurs aussi avaient eu la même envie.
La vision de ces deux êtres innocents, transcendés dans l'excitation du moment, les avaient tous rendus jaloux !
— Oui, c'était la même chose pendant notre combat aux pistolets à eau !
Les armes étaient différentes, mais c'était exactement la même exaltation !
— Non, c'est même encore mieux aujourd'hui !
On ne sera pas limités par la taille de nos réservoirs !
— Et puis, avec les pistolets à eau, ça ne faisait pas d'étincelles !
— Et on n'avait pas le sentiment de se frapper l'un l'autre !
Respirant tous les deux à grandes goulées, chacun se plaça en calculant son allonge.
Puis, une fois immobiles, les rires moqueurs se firent échos.
— Ahaha... hahaha... haaa... haaa !
Je crois que je te l'ai déjà dit ce jour-là, mais je vais le redire.
— Eh bien alors, on va le redire ensemble !
Les sourires se firent plus larges, de part et d'autre.
— Je trouve ça tellement génial
que j'ai pas envie de le terminer, ce combat !
— Ahahahahahaha !
Ben écoute, si tu perds, ne m'en veux pas !
— T'inquiète, je t'en voudrai pas !
Je m'en voudrai à moi pour avoir mis un terme à un truc de dingue pareil !
Par contre, j'ai bien l'impression que c'est toi qui vas perdre !
— Ah oui, tu crois ?
J'en suis pas si sûre, Keiichi, tu as les jambes en compote !
— Fous-toi de ma gueule, encore !
Prends ÇA !
Tout le monde restait le nez en l'air, les yeux rivés sur le combat.
C'était comme si celui-ci avait happé leurs âmes.
Personne ne comprenait l'incongruité absurde de la situation.
Ils étaient pourtant tous les deux armés dangereusement !
Ils pouvaient se blesser mortellement au moindre coup !
Et pourtant, depuis tout à l'heure, ils étaient à égalité parfaite. Ils s'étaient mutuellement contrés tous leurs coups !
Et surtout, quelle joie et quel plaisir sur leur visage !
C'était absolument grotesque, ridicule, inouï !
C'était un combat à mort, qu'ils menaient au vu et au su de tout le monde, éclairés par la pâle lueur de la pleine lune !
La Police, les pompiers, les forces spéciales les regardaient, mais personne ne serait venu pour les séparer !
C'était une situation normalement impossible !
— Keiichiiiii !
Très cher, restez le plus possible vers le milieu du toit,
le moindre avantage de hauteur vous sera un allié précieux !
Satoko et d'autres élèves encourageaient Keiichi, et certains hurlaient même des conseils à Rena !
Pour eux, ce combat n'était plus un affrontement mortel ni une rixe sanglante.
Pour eux, ce combat n'était qu'une deuxième bataille des pistolets à eau !
Le club, c'était un lieu sacré où l'on jouait à des jeux.
Et puisque c'était un jeu, puisque c'était la prolongation des jeux de l'autre jour, alors il n'y aurait aucun mort, donc le combat était sans risque.
Même si les deux adversaires maniaient des armes mortelles.
Aucun des deux n'imaginait vraiment réussir à frapper et à blesser son rival.
Seule Rika restait à l'écart et regardait vers le ciel, abasourdie.
— ... C'est pas possible... C'est incroyable...
C'est la première fois de ma vie
que je vois ça...
Alors, Rika sut.
Elle sut que Keiichi était en mesure de vaincre.
Oh, pas forcément le combat qui l'opposait à présent à Rena.
Elle sut qu'il trouverait une issue à l'injuste labyrinthe qui la tourmentait, car il pourrait en casser les murs si l'envie lui en prenait...
— Eh bien alors, unité tireur d'élite ! Qu'est-ce que vous foutez ?
Vous ne voyez pas que l'otage est en danger ?
Tirez, bon sang ! Tirez immédiatement !
En entendant les cris rageur du commissaire divisionnaire dans son micro, Mion se leva pour hurler elle aussi.
— NON !
Ne tirez pas, enfin !
Rena n'est plus comme avant !
Rena n'était pas comme ça cet après-midi !
Ce n'est pas la même Rena !
Ne tirez pas ! NE TIREZ PAS !
— Ah oui ?
Regarde-la donc !
Je vois surtout une hystérique frappant avec une machette !
Elle a clairement l'intention de tuer l'otage !
Si nous ne la tuons pas d'un tir précis, elle peut réussir à tout moment !
— Rah, mais !
Si je vous dis qu'elle est pas comme tout à l'heure ! Ne la tuez pas !
Si vous lui tirez dessus, je vous préviens, Keiichi descendra du toit pour vous faire la peau !
Et ce n'est pas une menace, c'est une promesse !
— M-m-mais pourquoi c'est moi qui devrais mourir ?!
— Ils ne sont pas en train d'essayer de se tuer !
Ils frappent exprès en visant l'arme de l'autre, pour faire de jolies étincelles !
Ils s'amusent ! Mais enfin, ça crève les yeux, quand même !
Et en plus, Keiichi lui parle !
Il lui montre par le geste qu'il est son égal !
Et qu'en tant que tel, il est digne de confiance !
Il est en train de lui ouvrir les yeux, commissaire !
Je suis sûre que Rena est en train de se rendre compte de la situation !
Elle n'est plus dans ses cauchemars !
— Keiichi, tu es vraiment le meilleur !
Ça me ferait vraiment de la peine de te tuer !
Je crois qu'un monde sans toi, ce serait vraiment d'un ennui mortel !
— Héhé ! Arrête, tu vas me faire rougir ! Mais merci du compliment !
Et finalement, qu'est-ce que tu comptes faire ?
Les extra-terrestres étaient pas censés attaquer notre monde ?
— Ahahahaha, AHAHAHAHA, hahaha, AHAHAHAHAhahahahahahahahahahaha !
Je vais te dire, eux et les parasites peuvent aller se faire voir, j'en ai plus rien à faire !
Si le monde a envie de s'auto-détruire, qu'il le fasse, il est assez grand ! Quant au complot des clans fondateurs, c'est le cadet de mes soucis !
— Je suis d'accord avec toi, je pense que même si une météorite devait s'écraser sur la Terre demain, ça ne me dérangerait pas !
— Parce que de toute façon, il n'y aura jamais rien de plus beau que ce que nous vivons en ce moment !
— Et au fait, t'étais pas censée être empoisonnée, toi ?
Je croyais que t'étais à l'article de la mort, mais t'es en pleine forme, en fait, sale menteuse !
— Ahahahahahahahahahahahaha !
Excuse-moi, c'est vrai, j'avais complètement oublié ! Je suis censée me gratter le cou et m'arracher la carotide cette nuit !
— Ben alors, merde, c'est quand même toi qui as décidé du scénario, tu pourrais faire un effort sur ton jeu d'actrice !
Allez, là, gratte-toi, de temps en temps !
Bah, je sais ce que c'est, va. Je parie que ça ne te gratte plus ?
Ça m'étonne pas !
Après tout...
— J'ai des choses bien plus palpitantes à faire !
Aaah, si seulement cet instant pouvait durer toute l'éternité...
Mais les corps des deux combattants commençaient à accuser le coup et à demander clémence.
Ils étaient à bout de souffle, et le manque d'oxygène se faisait tout doucement sentir, leur faisant tourner la tête.
Leurs corps étaient tellement légers qu'ils avaient l'impression d'être faits de papier, prêts à s'envoler à la moindre rafale de vent.
Et pourtant, il va bien falloir décider de l'issue du combat.
Je me souviens que ça m'avait déjà rendu triste pendant la bataille des pistolets à eau.
... D'ailleurs, on avait fini ex-æquo, non ?
— ... À ton avis, comment ça va se finir, cette fois-ci ?
— Alors là ma grande, aucune idée.
Mais en tout cas, y a une chose qu'est sûre.
— Ah oui ? Quoi ?
— Je me suis amusé comme jamais !
— Moi aussi !
Keiichi fit un bond en arrière et frappa fort sur le toit.
On aurait dit un grand coup sur un énorme tambour.
Tous les gens alentour sortirent de leur transe en l'entendant.
Tout devint extrêmement silencieux. Et alors, le chant des cigales se fit à nouveau remarquer.
— Bon... On va prendre un peu nos distances.
— ... Oui.
Je propose que la prochaine attaque soit la dernière.
Les deux adversaires baissèrent leurs armes et se placèrent lentement à bonne distance l'un de l'autre.
Alors, tout le monde comprit.
La bataille allait bientôt prendre fin et laisser émerger un vainqueur et un perdant.
— Et maintenant,
pour la toute dernière fois, je vérifie que nous sommes bien d'accord, OK ?
— Oui ? À propos de quoi ?
— Ahahahaha, eh, ma grande, je te signale qu'il y a un sacré gage à la clef !
Je croyais que c'était pour ça que tu te battais aussi bien !
— Ah oui, on avait décidé de quelque chose ?
Ahahahaha, désolée, Keiichi, mais j'avais complètement oublié.
— Tsss, mais quelle mémoire de poisson rouge, je te jure !
Bon alors, déjà, si je gagne.
Si c'est moi qui gagne,
tu deviendras ma soubrette personnelle attitrée, et tu seras tous les jours à mon service !
Et tu devras déclarer à tout le monde que je suis ton seigneur et maître lorsque nous rencontrerons des gens !
— Ahahahaha ! J'espère que l'uniforme sera joli, parce que sinon, je ne le ferai pas !
— Oh, t'inquiète pas pour ça, ma grande, ce sera le Chef qui s'occupera de ça.
Il t'en fera des sur mesures, des traditionnels, des modernes,
et aussi des modèles spéciaux qui affoleront les sens et les palpitants !
Alors, qu'est-ce que t'en dis ? Ça donne envie, hein ?
— Oui, ça m'a l'air vachement bien !
Je n'ai pas la moindre intention de perdre, mais ça m'a l'air très rigolo !
Ahahahahaha !
— Et maintenant, si c'est toi qui gagnes, Rena.
Keiichi fit une légère pause.
— ... Si c'est toi qui gagnes, alors, je croirai à ton histoire.
Rena avait été joyeuse jusqu'à présent, mais à ces mots, elle perdit son sourire.
— Je te croirai sur parole. Les extra-terrestres viendront envahir la Terre, aidés par les parasites qu'ils ont planqués dans nos cerveaux.
Et les Sonozaki ont fait des recherches dessus en secret, pour les aider. Ouais, je suis prêt à le croire.
Ah oui, et aussi, tu vas mourir ce soir, à cause du poison, hein ?
T'inquiète pas, je serai à ton chevet quand tu rendras ton dernier soupir, je te le promets.
— ... J'ai un peu l'impression que si je gagne, ce ne sera pas très amusant.
Pour le coup, il vaudrait mieux que tu gagnes.
— Bah, qu'est-ce que tu veux, c'est la vie, hein.
C'est bien à cause de tout ça que tu t'es résolue à prendre l'école en otage, non ?
— ... Oui, si, tu as raison.
C'est fou, j'ai même failli oublier ça.
Un sourire triste se dessina sur ses lèvres. Il disparut bientôt, comme les messages disparaissent sur le sable lorsque vient le ressac de la mer, et son visage redevint terne, sans aucune émotion.
— Tu sais Rena, vu la récompense qui m'attend si je gagne,
je suis quand même à peu près sûr de gagner, hein.
— Bouh, bouh, bouh !
Même si je gagne, ce sera nul, je vais me faire chier comme un rat !
— Et alors quoi, tu veux changer les gages ? C'est un peu tard, mais bon, dis toujours.
Tu veux quoi si tu gagnes ?
... Alors enfin, Rena retrouva une lueur vive dans le regard.
Une brise fraîche vint jouer dans nos cheveux et nous débarrasser de notre sueur.
C'était vraiment très agréable.
Nous étions calmés, maintenant, même malgré la présence de la lune.
Nous étions prêts à passer un moment simple, ensemble, dans la tranquillité.
Et je parie que si nous avions pu nous coucher sur le toit, côte à côte, et regarder la lune, nous aurions pu passer un moment formidable.
Rena eut un faible sourire, et parla d'une voix un peu timide.
— Je…
j'aimerais la même chose que toi, Keiichi.
— Quoi ?
Tu veux dire quoi par là, tu veux que je sois ta soubrette attitrée ?
Non mais ça va pas, la tête ?
— Oh, mais t'es pas obligé de devenir ma soubrette, hein.
... Mais je veux la même chose.
Je veux que tu me dises bonjour le matin, et bonne nuit le soir.
Je veux que tu sois gentil avec moi, toute la journée, tous les jours.
......Hmm ?
... Ahahahaha !
Et comme ça...
Que ce soit toi ou moi qui gagne...
Nous...
Nous resterons ensemble pour toujours.
— Oui, nous serons ensemble, mais il y aura une sacrée différence dans notre situation, quand même !
— Ahaha... Ahahahahahaha...
— Hahahahaha! Hahahahahahahahahahahahahahahahahahaha.
— Je me demande bien pourquoi je fais tout ça, Keiichi. Je t'adore, pourtant. Je ne comprends pas.
— Bah, va savoir, ma grande.
Et puis déjà, qu'est-ce qu'on fout sur le toit ?
Je sais même plus pourquoi on est montés.
— Ahahahahaha ! Oui, moi non plus.
Je ne me souviens pas pourquoi nous sommes là, moi non plus.
— Bah, tu sais ce qu'on dit, il n'y a que la fumée et les simples d'esprit qui montent aux cieux.
Ce qui signifie que nous sommes tous les deux particulièrement stupides !
— Oui, deux idiots inséparables.
— Deux amis inséparables, oui.
— Hahahahaha! Hahahahahahahahahahahahahahahahahahaha.
— ... Bon, ben on pourrait peut-être y aller, tout doucement ?
Sinon, on va perdre tout l'effet bénéfique de l'échauffement !
— Oui, tu as raison.
Il vaut mieux en finir avant que nos corps ne reprennent froid.
Pendant quelques secondes, chacun brandit son arme et prit soigneusement la pose, prêt à se lancer dans la dernière attaque.
— ... ... Tu sais...
J'ai presque envie de...
de te demander...
d'en arrêter là.
D'un geste lent mais décidé, je fis non de la tête.
— Non, Rena, non.
Il nous faut absolument arriver à nous départager.
... Parce que sinon, ce combat n'en finira jamais.
Et ce combat, il était magnifique.
Mais on ne peut pas le finir sans y apporter une conclusion, sans mettre une fois pour toutes les choses au clair.
Il faut qu'il y ait un point final, un résultat indiscutable.
— ... Mais pourquoi ?
Je veux dire, quel que soit le vainqueur, nous n'aurons peut-être jamais l'occasion de profiter de la récompense !
— ... ... Ben ouais, mais qu'est-ce que tu veux, c'est le jeu. Alors si jamais ça devait arriver, on ne pourra pas se plaindre.
Et c'est pour ça que je veux te dire une dernière chose.
— ... Quoi ?
— Je me suis vraiment bien amusé.
— ... ... ... Moi aussi, Keiichi. Moi aussi...
— Rena.
Même si l'un d'entre nous devait mourir maintenant, je sais que nous nous reverrons dans une autre vie.
... Alors quand on se reverra...
— Keiichi, je veux que la prochaine fois, tout soit plus normal et naturel entre nous.
On se parlera, on jouera ensemble, on rigolera.
... Et on tombera amoureux.
Et jamais, on ne doutera de notre sincérité.
On aura une confiance absolue l'un dans l'autre.
Alors... Tu veux bien me promettre qu'on se reverra ?
Tu me le jures,
hein ?
— Ouais...
Ouais, Rena, t'as ma parole d'honneur...
Je vis les larmes lui monter aux yeux.
Et je sentais bien que j'avais les yeux rouges et chauds.
— Bon
......
...
alors... Allons-y.
Il n'y eut aucun signal entre nous.
Et pourtant, nous nous mîmes tous les deux à courir l'un vers l'autre exactement en même temps...
Nos deux silhouettes se découpèrent dans la pleine lune.
Curieusement, alors que nous nous étions frappés si vite et si violemment jusqu'à présent, cette fois-ci, tout se passa au ralenti, comme un spectacle en ombres chinoises...
Tout le monde regarda nos deux ombres danser ensemble.
Puis l'ombre de Rena heurta ma batte avec sa machette,
... si fort qu'elle me glissa des mains...
Elle partit en tournoyant dans les airs, retomba une fois avec un bruit sec sur le toit, puis disparut en contrebas, dans la cour.
J'avais perdu mon arme, je n'avais plus que mes poings.
Alors forcément, logiquement, naturellement, Rena s'approcha de moi pour en finir une fois pour toutes...
Elle me poussa en arrière. Je tombai et tentai de me relever aussitôt, mais Rena s'abattit aussi sec sur moi.
Elle plaça ses deux genoux sur mes coudes, pour m'empêcher tout mouvement. Je ne pouvais plus me défendre.
Je levai les yeux et vis que la lune était coupée en deux.
Droit devant moi, Rena avait armé son bras, levant très haut sa machette.
C'était l'instant décisif.
— ... Eeeeh merde.
Va chier, putain, t'es vraiment forte.
J'arrive plus à bouger mes bras.
— Keiichi...
Le combat est fini, hein ?
Nous avons un vainqueur, n'est-ce pas ?
— Quoi ? Mais non, pas du tout !
Le combat est pas encore fini ! Tu dois d'abord abattre ta machette sur ma tête et me la couper en deux !
— ... Non...
— Pardon ?
— Non, Keiichi ! Je veux pas...
…
Je veux pas !
Rena restait immobile, le bras en l'air, les larmes coulant à grosses gouttes sur ses joues.
— ... Mais comment est-ce que tout ça est arrivé ?
Où est-ce que tout a foiré ?
Je vous aimais, pourtant !
Je vous faisais confiance !
Quand est-ce que tout a commencé à changer entre nous ?
— ... ...
— Pourquoi est-ce que je suis là, prête à te tuer d'un coup de machette ? Je ne sais même pas...
Pourquoi…
Pourquoi je…
fais tout ça à mes amis ?
Comment ai-je pu vous faire des choses aussi horribles ?
— ... Rena...
Ne me dis pas que...
Tu t'en es rendu compte ?
Oh putain, mais alors, dans ce monde-ci, tu as réussi à t'en rendre compte ?!
— Je ne comprends rien à rien à ce que j'ai fait...
J'étais pourtant tellement heureuse !
Alors pourquoi je...
Pourquoi ?
C'est pas comme si j'avais manqué de quelque chose ou...
comme si j'avais eu des angoisses...
alors pourquoi j'en suis arrivée à me détruire comme ça ?
— Oh putain, Rena... Mais t'es vraiment incroyable, tu sais ?!
Moi, je n'avais rien remarqué !
Même après avoir vu les corps sans vie de mes amies, j'ai juste continué à divaguer et à raconter des conneries ! J'en ai même parlé au téléphone avec l'inspecteur... et jusqu'à ma mort, je n'ai rien remarqué...
J'ai cru jusqu'à mon dernier souffle que c'était la faute à quelqu'un d'autre.
Et même après être mort !
Je n'ai pas su me rendre compte de l'énormité de mon crime !
Je n'avais pas su à quel point il était triste de tuer mes amis sur de simples malentendus, sans même remarquer qu'ils essayaient de me sauver.
Et
je n'avais pas su à quel point le fardeau de la culpabilité de ses crimes
était lourd et difficile à supporter...
— Crois-moi, Rena, tu es formidable !
Tu n'as tué personne.
Tu t'es rendu compte de l'énormité de ce que tu allais faire, avant de commettre l'irréparable !
Ahaha, AHAHAHAHAHAHA !
Rah la vache, Rena, sacrée toi !
Alors là, vraiment, bravo !
T'es vraiment bien meilleure que moi ! Je le savais !
Rena se releva, très lentement, puis baissa lentement le bras.
— Mais pourtant, je vous ai fait mal. Je vous ai blessés.
Regarde ce que j'ai fait à Mion...
— Et alors ? Tu n'auras qu'à lui demander pardon.
Et pour être honnête avec toi, je suis bien content qu'il y ait cette blessure, ça va me permettre de savoir quand est-ce qu'elle échange sa place avec sa sœur jumelle pendant un bon moment.
— Mais c'est pas tout, Keiichi. ... J'ai commis des meurtres.
— Quoi ?
Mais non, t'as tué personne.
T'as tué qui ?
— ... Rina Mamiya... et Teppei Hôjô.
— Aaaaah, ouais, eux, c'est vrai...
— ... Je pensais qu'il était juste de les tuer, ces deux-là.
Mais depuis ce jour-là...
le monde est devenu fou.
... Ce qui voudrait dire que...
Qu'il ne fallait pas
les tuer ?
— Je ne sais pas si c'était bien ou pas bien de les tuer, mais en tout cas, c'était pas la meilleure solution.
— ... La meilleure solution ?
— Mais enfin, me dis pas que tu ne sais même pas ça, quand même ?!
Je la chopai par le col et l'attirai à moi, puis la lâchai pour mieux la prendre dans mes bras et la serrer très fort, tout contre moi.
Puis, je lui dis haut et fort ce qu'il fallait lui dire.
Ça n'était pas très compliqué.
C'était une solution qui s'offrait à tout le monde, à un moment ou à un autre.
Mais Rena n'avait pas l'air de la connaître.
Tout comme moi non plus, à l'époque, je ne l'avais pas connue.
— Lorsque tu as des problèmes dans la vie,
si jamais tu as un doute,
si jamais il t'arrive de traverser des moments difficiles...
Il y a une solution toute simple...
— ... Demande conseil
à tes amis ! Ils sont là pour ça !
— Oui, tu as raison...
... Tu as raison...
...Ooh...
whaaaahhhhh…
Rena se mit alors à pleurer à chaudes larmes.
Pendant un long moment, je la tins tout contre mon cœur, tandis qu'elle versait des larmes amères à cause de l'erreur monumentale qu'elle avait commise, dès le départ.
Le choix qu'elle n'avait pas su faire n'était pas spécialement difficile à trouver.
C'était un choix tout bête, très naturel, toujours à portée de soi.
Il est parfaitement ridicule de se ronger les sangs tout seul face à ses problèmes.
Surtout quand on a des amis.
Et elle avait eu des amis. Des amis en qui elle pouvait avoir entière confiance.
Et pourtant, elle s'était imaginée qu'elle ne pouvait pas parler de ses problèmes à ses amis les plus proches !
— J'ai été complètement stupide...
Mais pourquoi est-ce que je ne vous ai rien dit ?
Pourquoi est-ce que je ne vous ai pas fait confiance, alors que justement, je vous faisais confiance ?
— ... Tu sais, il m'est arrivé la même chose à moi aussi, il y a bien longtemps.
Alors crois-moi, je serai bien le dernier à me moquer de toi.
Mais tu t'en es rendu compte à temps, Rena.
Beaucoup plus tôt et beaucoup plus rapidement que moi !
Croyons l'un en l'autre.
Il ne faudra plus jamais douter de la sincérité de nos amis.
Ayons confiance les uns en les autres.
Et après nous être concertés à propos de nos soucis, aidons-nous les uns les autres pour les résoudre.
C'est comme ça que font les amis pour se frayer ensemble un chemin dans la vie et pour surmonter tous les problèmes...
— ... Bon, eh bien alors, Rena...
Je crois que nous en avons fini ici. Tu veux m'aider à accompagner la tombée de rideaux ?
Et après ça, ce sera terminé.
— Qu'est-ce que tu veux dire par “la tombée de rideaux” ?
— Ah, euh, bah, t'inquiète pas, je parle tout seul, je me comprends.
Reste juste avec moi pour la fin, s'il te plaît.
Je lui pris la main. Elle plaça ses doigts entre les miens et se tint à mes côtés.
Nous nous tournâmes alors face aux gens, la lune dans notre dos.
Je regardai Rena et acquiesçai de la tête. Elle lança alors sa machette mollement devant elle et celle-ci disparut dans les ténèbres, en contrebas.
Puis je pris une voix ferme et résolue et m'adressai aux spectateurs des enfers, qui ne s'étaient certainement pas attendus à voir ce dénouement.
Je voulais leur signifier notre victoire totale !
— Eh ben alors les gens, ce sera tout pour ce soir !
Nous avons vaincu ! Nous avons triomphé de la tragédie !
Plus jamais nous ne douterons de nos amis.
Nous resterons désormais toujours unis comme les doigts de la main !
Alors ne vous imaginez pas que nous abandonnerons face à la tragédie, face à n'importe quelle tragédie, d'ailleurs !
Je n'en ai rien à foutre, de vos scripts sanglants et déchirants !
Vous pouvez vous pointer avec autant de variantes, toutes plus horribles les unes que les autres, nous les ferons toutes capoter,
ET VOUS POURREZ TOUTES VOUS LES CARRER BIEN PROFOND !