— Eh, mais qui êtes vous, vous ?
— Retirez-vous immédiatement.
Qui est le responsable ici ?
Des plusieurs voitures arrivées en grande pompe, plusieurs hommes qui n'étaient pas d'Okinomiya descendirent.
Un homme dans un costume impeccable malgré la chaleur écrasante se rendit prestement vers l'école. Poussant facilement l'inspecteur Kumadani sur le côté, il se dirigea d'un pas ferme vers l'inspecteur Ôishi.
— ... Tiens donc, Ôdaka ?
T'es passé au Commissariat Central, hein ? Ça fait un bail, grand !
— Tu vas me parler sur un autre ton, Ôishi.
Nous ne sommes plus du même grade, alors pour toi, ce sera Monsieur Ôdaka.
— Ouais, ouais, je suis content de te voir aussi, Ôdaka.
Écoute, j'ai pas trop le temps de discuter, là, j'ai du travail sérieux qui m'attend et c'est assez urgent.
Ou bien quoi, le Commissariat Central vient prendre les choses en mains ?
Et qui t'as donné l'autorisation de venir ici, déjà ?
— C'est moi qui l'y ai autorisé, Ôishi !
— Ah tiens, Grand Chef ?
— Takasugi m'a expliqué la situation.
Je sais aussi que c'est toi qui as amené à cette situation.
Alors maintenant, laisse faire la brigade anti-terrorisme !
— La QUOI ? Ôdaka, me dis pas que tu veux y aller en force ?!
— Je sais très bien que c'est dangereux,
mais nous n'avons plus que quelques minutes avant l'explosion.
Tu as perdu trop de temps à parlementer,
alors maintenant, c'est moi qui dois venir torcher ta merde.
Retire tes hommes et laisse-nous faire.
Placé au pied du mur, en présence de ses chefs, Ôishi n'avait théoriquement qu'une seule solution : obéir.
— Chef, c'est qui, lui ?
— Ôdaka ?
Oh, un jeune connard qui se prenait pour un caïd au mah jong, alors je lui ai rabattu son caquet.
Mais il m'en veut peut-être plus à cause de la compétition officielle de Kendô. Je lui avais mis un coup tellement fort au masque qu'il s'était évanoui devant les juges.
Il apparaissait évident que les deux se connaissaient depuis longtemps, et qu'ils n'étaient vraiment pas en bons termes.
— Ôishi, explique-moi la situation.
— T'as vraiment l'intention d'envoyer une escouade ?
Non, parce que nous, on devrait pas tarder à obtenir le somnifère.
Tu veux tout foutre en l'air ou quoi ?
— Il est trop tard.
Si nous avions encore une heure devant nous, je n'aurais rien dit, mais là ?
Quoi qu'il en soit, les experts de nos forces spéciales s'occuperont de ça.
Reste en retrait, au cas où.
— ... Chef,
vous, vous connaissez la situation, pourtant ?
Il y a des gaz d'essence partout dans le bâtiment, à la moindre étincelle, tout va péter !
Mais le plus dangereux, c'est encore le preneur d'otage en lui-même !
C'est à dire Rena Ryûgû !
Et nous venons enfin de la calmer ! Nous pouvons encore résoudre tout ça sans faire trop de tapage.
Alors oui, c'est vrai, il nous reste moins de dix minutes.
Mais notre méthode à nous, elle est sûre de fonctionner !
C'est moi qui lui apporterai l'antidote pour sceller notre accord.
Et si je rate mon coup, et bien j'exploserai avec le bâtiment.
Vous n'avez qu'à rester à l'écart et si tout pète, vous pourrez vous foutre de moi !
— Ôishi.
Les forces spéciales du Commissariat Central ne sont pas n'importe qui.
Si je te parle de la deuxième unité anti-terroriste, ça doit bien te parler, à toi ?
— ... C'est qui, ces gens, Chef ?
Elle est célèbre, cette unité ?
— C'était il y a quoi, cinq ans maintenant.
Tu te souviens de la prise d'otage à Dacca, organisée par l'Armée Rouge Japonaise ?
Depuis cet incident, on raconte qu'il y aurait une unité secrète qui serait entraînée pour parer aux prises d'otages dans les avions.
Mais je pensais pas qu'elle existait vraiment...
— Mais pourquoi une unité pareille se trouvait par chez nous ?
Le commissaire divisionnaire eut un large sourire arrogant.
— Ils étaient justement en train d'entraîner nos hommes quand nous avons entendu pour ton affaire,
alors ils ont gentiment proposé leur aide.
— Éhhéhhéhhé... Aaah, t'as pas changé, hein ?
Toujours à rechercher le sensationnel.
Des hommes lourdement armés, résolument très différents des policiers japonais habituels, sortirent des voitures et des camions et se placèrent en position.
Ils n'avaient franchement rien de comparable avec les forces habituelles de police.
— Ôdaka,
mais tu vas quand même pas sérieusement envoyer des gens armés avec des Hôwa dans une école primaire, mais t'es pas bien dans ta tête ?
Au premier coup de feu, l'école va exploser !
— Pour ça, pas de souci.
Ce ne sont pas des armes à feu,
elles tirent des gaz paralysants.
Il y a aussi du gaz narcotique mélangé dedans.
Tout ira bien.
— ... Ah ouais, tu vas y aller avec des pistolets à eau ?
Mais c'est très pratique, dis-moi. Et ils peuvent tirer d'ici jusque dans la salle de classe, à travers les murs ?
— Ce n'est pas à toi de te préoccuper de ce problème.
Nous nous chargeons du reste.
Ôishi leva les bras au ciel et les laissa retomber, heurtant malencontreusement le klaxon.
Enfin bon, “malencontreusement”, on se comprend, hein.
— C'était pour prévenir Maebara, Chef ?
— ... Oui.
Il ne nous reste plus qu'à espérer qu'il l'aura entendu et qu'il saura quoi faire.
— Mais que voulez-vous qu'il fasse encore ?
— Ces idiots vont tranquillement balancer une grenade de gaz dans la salle et attendre.
Ils ne savent pas ce que Rena Ryûgû est capable de faire.
Elle est prête à tout.
Dès qu'elle entendra la vitre se briser, elle mettra le feu à l'école, et tout explosera !
— ... Mais alors, ils ne réussiront pas à régler le problème ?
— ÉVIDEMMENT QUE NON !
Pourquoi tu crois que j'y suis allé prudemment ?!
Rena Ryûgû a prévu de se suicider, depuis le début !
Ça ne sert à rien de tenter de reprendre le bâtiment par la force !
La seule chance qu'il nous reste, c'est le gamin !
— ... Ch-c-Chef !
Il a répondu !
— Oui allô, ici Ôishi.
Si vous m'entendez, toussez.
— ... *Koff*, *koff*, *koff*.
— J'ai un message urgent à vous faire parvenir,
alors écoutez-moi bien.
— ... Des mauvaises nouvelles, je parie ?
— ... Oui, malheureusement.
On a un crâneur du Commissariat Central qui est venu faire son malin.
Il va envoyer une escouade anti-terroriste, ils se préparent à entrer dans la cour.
— ... Oh putain, mais vous n'êtes pas sérieux, là ? Et moi je me retiens d'utiliser le gaz lacrymo parce que même en une seconde, elle pourra tout faire péter, et vous, vous venez avec l'artillerie lourde ?
Mais ils n'arriveront à rien, c'est évident !
— Je suis d'accord. Il ne savent pas à quel point Rena Ryûgû est déterminée.
Ils s'imaginent que le briquet, c'est juste pour vous faire peur.
Ils passeront à l'attaque dans moins de cinq minutes.
Alors essayez de lui prendre le briquet d'ici là !
— Vous êtes marrant, vous, je dois faire ça en plus de désamorcer la bombe à retardement ?
— ... Ouais.
— ... Oh putain... Vous manquez vraiment pas d'air, quand même.
Je dois juste lui piquer le Zippo, trouver et désamorcer la bombe, en moins de cinq minutes ?
… Sérieux…
— Vous êtes le dernier qui puissiez faire quelque chose !
Je vous en supplie !
— ... Satoko,
tu as une idée ?
— ... J'aimerais bien savoir pour le couloir du rez-de-chaussée.
Est-ce qu'il y en a ou pas ?
Vu la façon dont Rena réfléchit, si elle l'a mis au rez-de-chaussée, ce sera là-bas, mais si c'est à l'étage, ce sera sûrement là-bas...
— Je dois juste te dire s'il y a un câble dans le couloir ou pas, alors ?
— ... Normalement, il y en a...
Rah,
si Rena était normale, je pourrais vous le dire avec certitude, mais elle est imprévisible, dans cet état...
— OK, alors laisse-moi faire.
De toute façon, on n'a plus le temps de réfléchir.
Je vais aller vérifier les deux endroits !
J'en ai marre des tragédies.
J'imagine que dans le public, les monstres qui ont écrit le script se sont installés et ont préparé le popcorn.
Sauf que vous allez voir, les enfants, je vais tout foutre en l'air !
Et je vous ferai ramasser le popcorn si vous le jetez par terre !
Je me levai et interrompis Rena, qui parlait encore et toujours des extra-terrestres aux autres élèves.
— ... Quoi, Keiichi ?
Qu'est-ce qu'il se passe ?
— ... T'as rien entendu, là, à l'instant ?
— ... ...
Rena se tut et tendit l'oreille.
Elle était déjà paranoïaque.
Si j'arrivais à instaurer le doute en elle, elle n'arriverait plus à s'en débarrasser...
— ... Vraiment ?
Keiichi ?
— Ouais.
Je suis sûr d'avoir entendu quelque chose.
— ... ... ...
Elle voulait certainement aller vérifier par elle-même.
Mais en même temps, elle ne pouvait pas s'éloigner, car c'était peut-être un bruit anodin...
Elle n'avait donc pas d'autre choix que de m'envoyer moi.
Et apparemment, elle en était arrivée à la même conclusion.
— ... Keiichi,
va voir toi.
Elle avait un sourire vissé sur les lèvres, mais son regard chantait une toute autre chanson.
— ... D'accord. Entendu.
Je sortis de la salle, sentant le regard de Rena dans mon dos.
Elle me lança un dernier avertissement alors que j'entrai dans le couloir.
— ... Ne t'avise pas de me mettre en colère, d'accord ?
— Fais-moi confiance, Rena.
Je suis ton meilleur ami.
— ... Oui, je sais.
Je te fais confiance. C'est bien pour ça que je ne veux pas que tu me trahisses…
À peine disparu de son champ de vision, je me mis à chercher toutes les prises de courant dans le coin.
Je n'avais même plus cinq minutes !
... Où est-ce qu'il pourrait y en avoir le plus ? La salle des professeurs, sûrement...
Je me dirigeai vers là-bas.
... Merde, mais où elles sont, les prises ?
À la différence des interrupteurs de lumière, elles n'étaient pas obligatoirement placées près des portes...
Rah, et cette aiguille des secondes, mais quel boucan !
— Ne t'en fais pas, Satoko, Keiichi va la trouver.
— Rena... Je dois penser comme Rena...
Hmm...
Il me faut penser plus compliqué, elle est beaucoup plus rusée, aujourd'hui.
Où est-ce que je la placerais, à sa place ?
Si je n'arrive pas à la découvrir, j'aurais honte pour le reste de ma vie !
— ... Qu'est-ce que c'est que ça...
Derrière le bureau du directeur, il y avait une multiprise. De cette multiprise, un long câble s'étirait en direction de la salle de réception et disparaissait sous l'interstice de la porte.
Ce n'était pas normal de brancher un appareil dans une pièce à côté.
Normalement, on prenait l'électricité directement dans la pièce où l'on en avait besoin.
Marchant sur la pointe des pieds pour ne pas me faire entendre, j'allai à la porte et l'ouvris discrètement.
Elle grinça horriblement.
Le bruit était vraiment désagréable, aussi ne l'ouvris-je qu'un tout petit peu.
Je passai la tête à l'intérieur et me rendis compte que le câble filait droit à travers la pièce pour se diriger sous la porte qui menait vers le couloir.
Suivant le mystérieux fil funeste,
J'ouvris le panneau de la porte en la faisant glisser sur le côté. Le câble continuait droit en face et entrait dans la remise des équipements.
À l'intérieur de la remise, je savais qu'il y avait de la cire pour les meubles, des délavants et d'autres produits de nettoyage. D'ailleurs, à peine avais-je ouvert la porte que leurs effluves si particulières me prirent le nez.
Le câble continuait à l'intérieur...
J'ouvris lentement la porte et allumai la lumière.
Le câble entrait dans un enrouleur, et au-dessus de cet enrouleur...
un réveil !
Un réveil qui n'avait clairement rien à faire ici !
— ... Oh putain...
Je l'ai trouvé !
Le détonateur de la bombe !
Donc je n'avais plus qu'à retirer le cordon du réveil et nous serions sauvés !
Je pris le réveil dans les mains.
... Il ressemblait à n'importe quel autre réveil.
... D'ailleurs, c'était un banal réveil.
L'inspecteur Kumadani m'avait parlé d'un minuteur de cuisine.
Il avait dit que ça ressemblait à un réveil.
Mais là, j'avais vraiment un bête réveil dans les mains !
Les réveils, je sais quand même ce que c'est ! Ce sont des sortes de grosses montres qui fonctionnent à pile !
D'ailleurs, celui-là aussi.
... Même en cherchant sur les prises de l'enrouleur, il n'y avait aucun câble de branché ici.
... Y a pas comme un problème, là ?
Mais alors, elle sert à quoi, cette rallonge ?
Pourquoi est-ce qu'elle est tirée
depuis la salle des professeurs pour mener jusqu'ici ?
— Non, ATTENTION, Keiichi !
FUYEEEEEEEEZ !
— S-Satoko ?
— Ce n'est pas le bon, elle nous a eus !
Je vis une ombre se dresser derrière moi.
Mon corps devint froid comme de la glace, très sec aussi, j'eus l'impression que ma peau allait craqueler.
Je me retournai et vis la silhouette de Rena, la machette à la main, le bras tendu vers moi...
— Ah... Euh...
J'en laissai tomber le réveil, figé par la surprise.
Il éclata au sol, faisant un grand bruit.
— ... Pourquoi est-ce que tu as suivi la rallonge, Keiichi ?
Qu'est-ce que tu faisais avec ce réveil dans les mains, dis-moi ?
En un seul instant, toutes les cellules de mon corps m'apportèrent la réponse.
C'était un piège tendu par Rena.
En même temps, c'était normal, elle n'avait confiance en absolument personne.
Elle avait dû imaginer le cas où l'un des otages serait en contact avec les policiers, dès les préparatifs.
C'est pour ça qu'elle avait placé ce piège. Pour pouvoir éventuellement découvrir qui était la taupe...
Les seuls à savoir qu'il y a une bombe à retardement sont les policiers qui sont dehors.
Il n'y aurait bien que l'idiot qui serait en contact pour leur donner des infos qui apprendrait son existence
et qui se mettrait à suivre les câbles
et à prendre le réveil en main...
— ... At-
Attends,
Rena !
— Ahahahaha, ahaha, aHAHAHAHAhahahaha ! Aah, tu sais Keiichi, j'avais vraiment confiance en toi. Tu me déçois beaucoup.
Comment t'as pu me faire ça ?
Tout à l'heure, elle m'a frappé avec le dos de la lame.
J'ai eu super mal, mais bon, rien de grave.
Sauf que là, elle était parée pour me frapper avec le tranchant de la lame.
Si elle réussissait à me frapper avec...
Je ne préfère pas savoir ce que j'aurai comme blessure !
Rena leva sa machette bien haut, parée à frapper.
J'eus l'impression que son bras laissait derrière lui un écho visuel... et Rena m'apparut comme le buddha aux mille mains.
C'était vraiment très impressionnant.
Elle me donnait envie de prier.
... De prier ?
Mais pourquoi ?
De prier pour ma vie !?
— Ouohhh !
Au départ, je ne compris pas trop ce qu'il s'était passé.
Apparemment, Rika avait sauté par derrière sur le dos de Rena.
Elle avait dû la frapper avec quelque chose, parce que Rena se plaignait d'avoir mal.
Je revins alors à moi.
C'était franchement pas le moment de rester planté comme un idiot à les regarder !
On s'en fout de sa machette, il faut lui enlever le Zippo !
— Eeeeeh !
— ... Ne t'imagine pas que tu vas pouvoir me battre en force physique !
Rena s'agrippai comme elle pouvait au briquet, sachant parfaitement que c'était son meilleur atout !
Rika s'occupait de l'autre main, celle qui tenait la machette.
J'avais bien envie de lui dire de s'enfuir, mais grâce à elle, je pouvais me servir de mes deux mains pour reprendre le Zippo !
— Et voilà !
Le briquet nous glissa des mains, éjecté violemment dans la pièce.
Il heurta le mur et tomba au sol.
Je le ramassai à toute vitesse.
Juste à ce moment-là, Rena réussit à se débarrasser de Rika.
C'est maintenant ou jamais !
Je me retournai dans la direction de Satoko.