Commissariat d'Okinomiya

— Ici le Commissariat Central d'Okinomiya, à toutes les voitures,

je répète, le Commissariat Central à toutes les voitures !

Prise d'otage dans le bâtiment des Eaux et Forêts de Hinamizawa.

Ils sont nombreux.

Commissariat d'Okinomiya

Ordre à toutes les voitures disponibles de s'y rendre immédiatement.

Ôishi

— Nounours !

Désolé d'être en retard !

Quelle est la situation ?!

Kumadani

— Merci d'être venu, Chef !

Kumadani

Aujourd'hui à 13h, quelqu'un a pris les enfants de la classe d'école installée dans le bâtiment des Eaux et Forêts de Hinamizawa en otage.

Kumadani

Ils étaient 25 en classe aujourd'hui, et ils sont attachés.

Kumadani

Le preneur d'otage a tout d'abord exigé que personne n'entre dans l'enceinte du bâtiment, puis une ligne directe sur l'extérieur.

Ôishi

— ... OK, donc en fait, depuis le départ, il a l'intention de trouver un arrangement avec la Police ?

Mais qu'est-ce qu'il peut bien vouloir de nous ?

Kumadani

— ... Il a aussi spécifiquement demandé à vous parler à vous, Chef. Nommément.

C'est Rena Ryûgû qui a pris l'école en otage.

Ôishi

— Quoi ?!

Ôishi

... OK, je vois.

D'accord, de toute façon, au point où j'en suis, je peux lui accorder cette faveur.

Il faut boire le vin jusqu'à la lie !

L'inspecteur Ôishi eut un rire amer en disant cela.

Kumadani

— Pour l'instant, nous ne savons pas si elle a un complice.

Les rideaux sont fermés, donc aucune reconnaissance visuelle n'est possible.

Ôishi

— Et la personne qui nous a prévenus, elle n'a pas une petite idée ?

Kumadani

— Non, en fait, c'est Rena Ryûgû qui nous a appelés.

Kumadani

C'est pourquoi nous n'avons aucune information extérieure.

Kumadani

Tout ce que l'on sait, c'est qu'elle a appelé la maîtresse d'école pour l'éloigner. Elle a profité de son absence pour passer à l'action.

Ôishi

— ... Je vois, donc c'était prémédité.

Aucun otage parmi les gens des Eaux et Forêts ?

Kumadani

— Non, il n'y avait personne aujourd'hui.

Les seuls otages sont les 25 élèves de l'école.

En tous cas, ceux qui ont répondu à l'appel aujourd'hui.

Ôishi

— D'accord, donc eux et le preneur d'otage, c'est tout ?

Vous avez vu quelqu'un d'autre de louche ?

Kumadani

— Non, il y a eu plusieurs fois du mouvement près des rideaux, mais à chaque fois, c'était Rena Ryûgû qui regardait dehors.

Kumadani

... En se basant sur le terrain qu'elle doit surveiller, il est fort probable qu'elle se fasse aider par une, voire deux autres personnes.

Ôishi

— ... Non.

Je te parie qu'elle a agi toute seule.

Rena Ryûgû avait gobé les histoires abracadabrantes des cahiers de recherches de Miyo Takano.

Elle s'imagine que tout le village est contre elle.

Elle n'a normalement personne sur qui compter.

... Quoique. Si même moi j'ai pu croire pendant un court instant aux choses décrites dans ces cahiers...

Alors il n'est pas impossible qu'elle ait pu convaincre quelqu'un d'autre.

Kumadani

— Chef, voici le Directeur et la maîtresse !

Ôishi

— Aah, bonjour madame Cie.

Ôishi

Oh, est-ce-que vous allez bien, vous êtes sûre ?

L'inspecteur se mit à courir pour rattraper la pauvre femme qui, éplorée, semblait sur le point de s'évanouir.

Cie

— Rena est une fille si gentille et si sérieuse !

Je n'arrive pas à y croire... C'est un mauvais rêve, je vais me réveiller... Ce n'est pas possible...

Oooh !

Ôishi

— Écoutez, normalement, je commencerais par vous demander comment elle était ces derniers jours, mais...

Je crois qu'en ce qui la concerne, je suis nettement plus au courant que vous.

Ôishi

Allons, ne faites pas cette tête.

Je ferai tout pour régler le problème de la manière la plus douce possible, je vous le promets.

La maîtresse ne semblait plus en état de suivre la conversation.

À l'inverse, le Directeur avait l'air alerte, mais calme et mesuré. Il semblait chercher un moyen d'aider, à la hauteur de ses responsabilités.

Directeur

— Monsieur l'inspecteur Ôishi, je compte sur vous...

Si jamais cela était possible, j'aimerais prendre la place des otages.

Laissez-moi y aller !

Cie

— Non, Monsieur le Directeur, c'est à moi de le faire,

c'est de ma faute, tout est de ma fauuuuute...

Ôishi

— Allons, allons, vous n'y êtes pour rien, vraiment.

Par contre, vous pouvez m'aider, en me parlant de l'école et de la disposition des lieux par exemple. Je vais avoir besoin de vous !

Ôishi

Eh, Bonchi !

Demande-leur tout ce qu'il nous faut pour la carte.

Kumadani

— Excusez-moi, Chef !

Monsieur Takasugi veut vous parler, il est à la CB, dans la voiture 1 !

Ôishi

— Oui, allô, ici Ôishi.

Takasugi

— Ah, Ôishi, merci d'être sur place !

Kumadani m'a donné un rapide résumé de la situation.

Le preneur d'otage est mineur, donc ?

Fais attention à bien museler les journalistes !

Ôishi

— Oui, je sais.

Par contre, une question : elle a demandé à ce que ce soit moi qui fasse les négociations avec elle. Je peux ?

Takasugi

— ... J'ai lu cette histoire de parasite l'autre jour, je sais qui c'est, cette Ryûgû.

Takasugi

D'après ce qu'il se passe, je pense qu'elle doit te considérer comme étant le seul policier de son côté.

Takasugi

Tu es donc le seul à pouvoir mener les négociations avec elle !

Takasugi

Je compte sur toi !

Ôishi

— Héhhéhhéhhé ! Vous savez, je n'en ai vraiment pas envie, mais bon, c'est un peu ma faute, tout ce qu'il arrive, alors si je peux réparer un peu ma faute, je suis preneur.

Kumadani

— Chef !

Elle vous demande au téléphone, dans la voiture ! C'est le preneur d'otage, Rena Ryûgû !

Ôishi

— Bon, ben Chef, je vous laisse, elle me demande au téléphone,

alors j'y vais.

... Merci.

Oui allô ? Ici l'inspecteur Ôishi.

Rena

— M. Ôishi ?

Bonjour, c'est Rena.

Ôishi

— ... Oui,

bonjour, bonjour.

Rena

— Ça pose un problème, le téléphone dans la voiture ? On ne risque pas d'être coupés ?

Je ne vous entends pas toujours.

Ôishi

— Héhhéhhé !

Bah, il est comme moi, il se fait vieux, il va bientôt prendre sa retraite !

Pendant encore quelques instants, l'inspecteur et moi eûmes une conversation des plus banales.

Depuis la porte de la salle des professeurs, un long, très long câble se prolongeait jusque dans la salle de classe, sur l'estrade de la maîtresse.

Il passait à chaque fois entre les interstices des portes et des murs.

Rena

— Bon, eh bien, on va passer aux choses sérieuses, si ça ne vous dérange pas.

Je vais d'abord m'assurer que vous êtes bien indiqué pour ce travail.

Ôishi

— .. Je ne suis pas sûr d'être à la hauteur, je dois dire.

Mais bon, posez toujours vos questions.

Rena

— Vous... Vous êtes de mon côté, n'est-ce pas, Inspecteur ?

Ôishi

— Mais bien évidemment !

J'ai besoin de vous pour révéler au monde les plans des Sonozaki !

... L'inspecteur avait répondu sans montrer d'hésitation particulière.

Je pense qu'il est encore avec moi.

À moins qu'il ait suffisamment de métier pour pouvoir mentir comme il respire ?

De toute manière, je n'ai pas le choix, il faut que je lui fasse confiance.

Si jamais je ne peux plus lui faire confiance, de toute façon, je suis bloquée.

Mais bon, si jamais ça devait en arriver là, je prendrai mon courage à deux mains et je ferai ce que j'ai à faire.

Rena

— Keiichi, pendant un moment, tu ne me croyais plus, n'est-ce pas ?

Mais tu me crois, maintenant ?

Je regardai Keiichi, agenouillé les mains derrière la tête dans le coin opposé de la pièce.

Rena

— Alors ? Tu es avec moi dans cette histoire, j'espère ?

Keiichi

— ... Ouais... Bien sûr que oui...

Elle a demandé à Keiichi s'il était de son côté, mais je n'ai pas entendu sa réponse.

... Est-ce que c'est pour me faire croire qu'il est vivant, ou est-ce qu'il ne peut pas se révolter ?

Ôishi

— Tiens donc, Maebara aussi est de notre côté ?

Tant mieux !

... Mais au fait, vous n'avez pas eu des doutes à son sujet, vous aussi ?

Rena

— Si.

Rena

Quand j'ai entendu pour cette histoire de pistolet à air comprimé, il m'a franchement dégoûtée.

Rena

... Mais bon, c'est du passé, je ne dois pas le juger sur ses actes passés.

Rena

Tout le monde se sert de ses erreurs passées pour devenir quelqu'un de meilleur, à défaut d'être quelqu'un de bien.

Ôishi

— Héhhéhhéhhé !

C'est très juste, ce que vous venez de dire.

Vous avez tout à fait raison.

Rena

— C'est pourquoi je lui ai pardonné, et lui aussi m'a pardonnée.

C'est pourquoi je ne remets plus sa loyauté en doute.

C'est un ami en qui je peux avoir confiance.

Ôishi

— Très bien.

Donc cela veut dire qu'il est aussi quelqu'un de confiance pour moi.

Vous pouvez lui dire que je compte sur lui ?

Rena

— Oui, je lui dirai.

Ôishi

— ... Vous savez quoi, vu que je vous ai déjà au téléphone,

est-ce que je pourrais lui parler ? Histoire de faire les présentations.

... ... ...

La conversation était très bien partie, mais là, le rythme était complètement cassé.

J'eus des sueurs froides derrière la tête.

Rena

— Oui.

D'accord.

Keiichi ? Tiens, c'est l'inspecteur Ôishi, pour toi.

La ligne eut beaucoup de friture. J'entendis régulièrement le bruit du combiné qui heurtait des objets -- elle le traînait, sûrement.

Keiichi

— ... Allô ?

Ici Keiichi Maebara.

Il parlait d'une voix monotone.

J'eus la certitude qu'il ne faisait qu'obéir aux ordres parce qu'il ne pouvait pas faire autrement.

Ôishi

— Bonjour, M. Maebara !

Ici l'inspecteur Ôishi, du commissariat d'Okinomiya.

Je compte sur vous !

J'espère que nous tiendrons bon, tous les deux.

Keiichi

— ... Oui.

Oui, moi aussi, j'espère que nous ferons du bon travail.

Ôishi

— Que fait mademoiselle Ryûgû ?

Keiichi

— ... Elle marche dans la classe.

Ôishi

— OK, écoutez-moi.

Si c'est oui, dites “oui”. Si c'est non, dites “ouais”.

... Vous savez ce qu'elle a l'intention de faire ?

Keiichi

— ... Ouais.

OK, j'en sais suffisamment.

Il n'est absolument pas de son côté, ce gamin.

On ne peut pas préparer un coup aussi énorme sans en parler à ses complices et leur expliquer le pourquoi du comment.

Qui aiderait à faire un coup pareil sans avoir de détails ?

Ôishi

— OK, alors allons-y franco :

Vous êtes son complice ou pas ?

Non, laissez-moi reformuler la question.

Est-ce que vous faites juste semblant de lui obéir ?

Keiichi

— Oui.

Parfait, il va pouvoir me servir de taupe !

Je fis un signe aux autres dans la voiture. Ils avaient tous des poses triomphantes, se retenant de crier de joie.

Ôishi

— Elle est donc seule à vous prendre en otage ?

Keiichi

— Oui.

OK, donc maintenant que nous savons ça, ça va pas mal changer nos possibilités d'action.

... Ce qui veut dire que personne d'autre n'a cru aux histoires des cahiers de Takano.

... Rah, putain, j'ai pas l'air d'un con, moi, merde !

Alors que je me demandais quoi poser comme question, j'entendis l'appareil bouger.

Rena lui avait arraché l'appareil des mains. Elle parla dans le combiné.

Rena

— Alors ?

Vous voyez, c'est un ami.

Ôishi

— Oui, effectivement, c'est un ami.

Je suis bien content qu'il soit avec vous.

Rena

— Bon, alors maintenant, c'est à vous de me parler.

Comment avance l'enquête sur les Sonozaki ? Les perquisitions donnent quoi ?

Rena

Vous avez trouvé leur centre de recherches ?

Pendant un court instant, je me suis demandé quoi lui répondre.

Je pourrais lui mentir et lui dire que c'est en cours. Ou bien lui dire la vérité.

Tu me diras, c'est peut-être une question-piège. Elle sait sûrement que rien n'a avancé.

Ôishi

— ... Eh bien, la brigade anti-terrorisme est en ce moment en train de préparer ses hommes.

Ôishi

Vous savez, c'est pas une opération de petite envergure, alors, ça leur prend un peu de temps.

Rena

— On n'a PAS le temps !

Rena

Je croyais pourtant que vous aviez compris l'urgence de la situation ? Apparemment ce n'est pas le cas !

Rena

Vous savez dans quel merdier se trouve Shishibone, en ce moment ? On n'a pas le temps d'attendre !

Rena

... Inspecteur, vous êtes sûr que vous jouez le jeu ? Vous croyez en mon histoire, n'est-ce pas ?

Rena

Vous êtes bien de mon côté, non ?!

Rena

Non ?

RÉPONDEZ-MOI !

Ôishi

— Mais oui, bien sûr !

Ôishi

Mais vous savez, ce n'est pas aussi simple que ça !

Ôishi

Je vous assure que je fais tout ce qui est en mon possible pour faire accélérer les choses !

Ôishi

Mais bon...

C'est vraiment une opération de grande envergure, nous ne pouvons...

Rena

— Inspecteur.

Rena

J'ai été empoisonnée, je ne sais pas quand, mais ils m'ont eue.

Rena

Ils m'ont injecté une souche du parasite, je mourrai dans les mêmes conditions que M. Tomitake.

Rena

Depuis hier, mon cou me gratte, vous ne pouvez pas imaginer.

Rena

Pour l'instant, j'arrive encore à me retenir, mais je vous jure que ça me rend folle.

Rena

Je me suis déjà grattée jusqu'au sang cette nuit.

Rena

Je ne sais pas quand est-ce que je pèterai les plombs. Mais vous, vous prenez votre temps !

... Je savais qu'il n'avait pas compris à quel point la situation était urgente !

Il a compris qu'il y avait un complot à Hinamizawa, mais il ne rentre pas dans sa petite tête que les choses sont déjà en mouvement !

Quand je pense que la mort se propage déjà lentement en moi ! Que je vais finir comme M. Tomitake !

Ôishi

— Je suis désolé de ne pas être à la hauteur, mais je vous assure que je fais tout ce que je peux.

Ôishi

Le plus gros problème, c'est que personne ne veut me croire sur parole !

Ils veulent tous…

Ils me demandent des preuves, quoi.

Rena

— Des preuves ?

Si vous aviez des preuves, vous pourriez bouger immédiatement ?

... Donc, il veut les cahiers de recherches de Miyo.

C'est vrai qu'ils seraient très efficaces pour convaincre les idiots têtus et obstinés qui dirigent la Police. C'était un atout très puissant.

Jusqu'à présent, j'avais peur de les lui donner, car les agents infiltrés n'auraient aucune difficulté à les faire disparaître.

... Mais soyons honnête, je n'en ai plus pour longtemps à vivre.

Je serai probablement morte aux environs de demain matin.

D'ailleurs, je sais très bien que je ne vivrai pas jusqu'à demain.

Je mourrai cette nuit, si ce n'est pas déjà ce soir...

Rena

— Très bien, c'est d'accord,

je vais vous donner les cahiers de Miyo Takano.

Avec ça, débrouillez-vous pour convaincre vos supérieurs !

Ôishi

— Oui, bien sûr, vous m'enlevez une grosse épine du pied !

Ces cahiers me seront très utiles !

Je regardai mon sac, posé sur l'estrade.

L'un des cahiers dépassait par l'ouverture.

Rena

— Ces cahiers, ce sont nos cartes maîtresses.

Inspecteur, j'espère que… Non.

Ne faites pas le con avec, c'est clair ?

Ôishi

— Oui, je comprends.

Faites-moi confiance.

Je réussirai à tirer cette affaire au clair !

Rena

— ... Vous savez, je me doutais que ça n'irait pas facilement, la Police, c'est une grande organisation très rigide, après tout.

Rena

C'est pour ça que je fais tout ça, pour forcer un peu la main du destin.

Rena

Et puis comme ça, ça vous fera une excuse.

Rena

Mettez-moi tout sur le dos, mais profitez-en pour faire ces perquisitions !

Ôishi

— Merci ! Merci du fond du cœur !

Je ferai tout pour que vos efforts ne soient pas en vain !

... Euh, on fait comment ?

Je viens les chercher ?

... J'imagine bien qu'elle ne me laissera pas rentrer.

Elle doit être très prudente.

De toute façon, je sais comment lui présenter les choses, donc autant tenter une autre méthode, pour avoir un plan B en cas de besoin.

J'écrivis quelques ordres à mes hommes et leur tendis la feuille.

Rena

— Je ne peux pas me permettre de m'éloigner d'ici. Je vais envoyer Keiichi à la place.

Ôishi

— Oui, c'est peut-être le plus intelligent.

Si jamais vous sortiez, il pourrait vous arriver quelque chose.

Rena

— ... C'est-à-dire ?

Ôishi

— Eh bien... J'imagine que les Sonozaki savent que vous avez pris l'école en otage.

Et comme ils ne pensaient pas que vous en arriveriez là, ils vont sûrement tenter de vous faire taire par la force.

Rena

— Me faire taire ?

Vous voulez dire quoi par là ?

Ôishi

— Ils enverront des tireurs d'élite.

Ôishi

Les hommes de mains des Sonozaki ne vont pas avoir le choix, s'ils veulent vous stopper avant qu'il ne soit trop tard.

Ôishi

Donc vous avez bien raison, ne sortez pas !

Ôishi

D'ailleurs, essayez de ne pas trop regarder par la fenêtre non plus,

Ôishi

c'est très dangereux, ce que vous faites.

Ils n'auront aucun problème pour vous viser...

Rena

— Mais enfin, vous faites quoi ?

La Police entoure le bâtiment, quand même, non ?

Vous ne pouvez même pas les empêcher ?!

Ôishi

— Si c'est possible, nous le ferons,

mais le terrain est très dégagé.

Un tireur entraîné peut abattre une cible à plus de 400m de distance, vous savez.

Ôishi

Alors en plus, un tireur entraîné avec les meilleurs, spécialement pour tuer...

Ne les sous-estimez pas.

Ôishi

J'ai vraiment besoin de vous pour mener cette enquête jusqu'à son terme !

Rena

— ... Je vois.

Eh bien, merci de m'avoir prévenue.

Je sais que de toute façon, je mourrai d'ici demain, mais autant essayer de survivre le plus longtemps possible.

Ôishi

— Je suis tout à fait d'accord avec vous !

Alors, c'est compris ? Ne vous montrez pas à la fenêtre !

Restez sur vos gardes !

Je raccrochai.

OK, donc Keiichi Maebara va sortir avec les cahiers dans quelques instants...

Ôishi

— Vous avez préparé ce que je vous ai demandé ?

Kumadani

— Oui, Chef !

J'espère juste que nous pourrons les lui donner...

Ôishi

— Je lui ai fait croire qu'elle pourrait se faire tuer par des tireurs d'élite.

Normalement, elle ne regardera pas, mais bon, j'imagine qu'elle le fera quand même.

Il va falloir être discret, c'est tout.

D'après la conversation du téléphone, je savais déjà à quoi m'attendre.

Rena

— Bon, eh bien, Keiichi ?

... Tiens, prends ces cahiers. Ils sont très, très importants.

Ils apportent des preuves des conspirations des Sonozaki.

Rena

Tu vas les donner à l'inspecteur Ôishi et revenir ici.

Et tu ne traînes pas en route,d'accord ?

Je te regarde.

Et si tu fais quelque chose de louche, je risque de me mettre en colère.

Rena ouvrit son sac et en sortit quelques cahiers sales, maintenus ensemble.

Elle me les tendit, puis regarda Mion du coin de l'œil.

Rena

— Je t'en parlerai après, Mii.

Tu verras, ta famille prépare quelque chose d'horrible.

... Enfin, tu es peut-être déjà au courant ?

Rena

AhahAHAHAHAhahahahaha !

Rena

Bon, alors, Keiichi, tu y vas ?

Rena

Pas la peine d'aller plus loin que le milieu de la cour.

Rena

Et ne discutaille pas.

Rena

D'ailleurs, tu n'as même pas besoin de parler du tout.

Rena

Je te l'interdis, c'est compris ?

Rena

Si tu papotes...

la maîtresse tape sur la tête avec l'équerre en bois, donc...

moi aussi, il faudra que je tape. Mais avec quoi, je me le demande...

Keiichi

— Ouais, c'est bon, j'ai compris. Je lui donnerai ça sans rien dire. Et maintenant baisse cette machette !

... On est ensemble, non ?

Alors fais-moi un peu confiance, merde !

... Ben quoi, c'est vrai, non ?

Rena

— ... ... ...

Moui. Si, tu as raison, il faut que je te fasse confiance.

Mais essaye quand même de ne pas me trahir, d'accord ?

... Je plongeai mon regard dans le sien. Il était très expressif.

Il disait clairement qu'elle ne me faisait absolument pas confiance...

Mais même dans son état mental, elle savait encore, quelque part, que normalement, elle ne devrait pas douter de la bonne foi de ses amis.

C'est peut-être pour ça qu'elle arrive à cacher son jeu. Qu'elle arrive à faire semblant de me croire.

Et c'est la seule raison pour laquelle je n'étais pas attaché comme tous les autres.

Keiichi

— Bon, ben alors, j'y vais.

Je reviens tout de suite.

Rena

— Oui. Je compte sur toi.

Je passai mes autres camarades couchés au sol et me dirigeai vers la sortie.

... Je croisai leurs regards.

Certains étaient apeurés.

D'autres m'accusaient d'en profiter pour me casser et ne plus revenir.

D'autres encore avaient peur de se faire tuer parce que je tenterais quelque chose...

Vous en faites pas, les enfants.

Je la laisserai pas vous toucher.

Si jamais elle essaye de vous tuer, eh bien, tant pis pour moi.

Je l'arrêterai moi-même, dussé-je y perdre la vie...

Pour l'instant... je dois tout faire pour éviter que les autres se fassent tuer.

Je dois éviter d'énerver Rena et guetter une chance de passer à l'action...

J'allai à l'entrée, remis mes chaussures, déverrouillai la porte et sortis.

La chaleur de la fin de l'après-midi me fouetta le visage.

De nombreux gyrophares m'accueillirent.

Et aussi les regards insistants de nombreux policiers...

À peine entré dans la cour de l'école, une émotion qui m'avait épargné jusqu'à maintenant se mit à me susurrer des mots doux à l'oreille.

... Après tout, j'étais libéré de Rena.

Je n'avais plus qu'à traverser la cour et j'étais sain et sauf.

Sauf que non, Keiichi Maebara !

Si tu le fais, Rena pète un câble, et les conséquences seront terribles !

Le plus important en ce moment, c'est pas de sauver ta peau ; c'est de sauver celle de tous les autres !

Je vis un homme assez imposant s'approcher de moi.

... C'était sûrement lui, l'inspecteur Ôishi.

Ôishi

— Vous êtes Keiichi Maebara, j'imagine ?

Bonjour, je suis Ôishi, du commissariat d'Okinomiya.

Vous pouvez m'appeler Choupinet, si vous v--

Keiichi

— Écoutez,

Rena m'a interdit de vous parler,

alors prenez les cahiers et restons-en là,OK ?

Ôishi

— ... Je vois. C'est entendu.

Et donc, ce sont eux, les fameux cahiers de recherches ?

Ôishi

Je vous les prends.

Je les lui tendis, mais il se déplaça légèrement du côté en venant vers moi, comme pour m'éviter.

... ? Mais qu'est-ce qu'il fout ?

Je me tournai et lui retendis les cahiers.

Cette fois-ci, il les prit.

Alors, il fit glisser un objet grand comme un paquet de cigarettes depuis sa veste jusque dans la poche frontale de ma chemise.

Ôishi

— Ne vous en faites pas.

Vous êtes pile dos à l'école. Même si Rena Ryûgû regarde par la fenêtre, votre dos lui cache ce que mes mains font. Elle n'a pas pu capter que je vous ai donné quelque chose.

Keiichi

— Et... C'est quoi, ça ?

Je ne pouvais pas regarder dans ma poche, c'eût été trop louche. Mais par rapport à sa petite taille, l'objet était très lourd.

Ôishi

— J'ai aussi placé un mémo pour vous.

Lisez-le en cachette, avant de retourner en classe.

Ôishi

Bon, et maintenant, repartez.

Sinon, elle va se douter de quelque chose.

Je préférai me taire et obéir à ses consignes.

... J'avais déjà peur de la réaction de Rena.

Je regardai les rideaux -- pas l'ombre d'une personne en vue.

Ce qui ne voulait pas dire que Rena ne nous observait pas depuis un interstice, quelque part...

Je retournai à l'entrée, puis, après avoir un peu hésité, je refermai la porte à clef.

Si jamais Rena devait remarquer la porte ouverte par la suite, qui sait quel foin elle ferait...

Rena était encore dans la salle de classe.

Elle n'avait aucune raison de venir me rejoindre à l'entrée.

Vu qu'elle agissait seule, elle ne pouvait pas se permettre de perdre ses otages de vue, car sinon, à peine partie, ils se lèveraient tous et s'enfuiraient.

Ils ne le font pas parce qu'elle est là et qu'elle est armée... mais ils attendent tous leur chance.

Donc normalement, l'entrée de l'école était un endroit sûr où elle ne pourrait pas m'observer.

Je fis semblant d'enlever mes chaussures et de les placer dans mon casier pour en sortir mes pantoufles. Je laissai mon casier ouvert pour couper la vue, et vérifiai rapidement ce qu'Ôishi m'avait fait parvenir.

... C'était une sorte de poste radio émetteur avec des écouteurs.

Il y avait aussi une sorte de mini-matraque de police, toute noire.

Et aussi un petit papier plié en 8.

En le dépliant, je pus y lire un message qui m'était destiné.

— Maebara,

cache le micro dans ta poche.

Il est sensible, alors tu pourras t'en servir en nous parlant à voix très basse.

Mets l'écouteur dans le lobe de ton oreille pour que nous puissions te parler.

Le gaz lacrymo est puissant et pourra incapaciter ton adversaire.

Il n'est efficace qu'à moins d'un mètre.

Il faudra bien viser le visage.

Alors ça, c'est une arme ?

En même temps, ouais, maintenant qu'il le dit...

Si j'appuie ici, le gaz sortira. Je vois, je vois...

C'était moins impressionnant que la machette de Rena, mais au moins, je pouvais la tenir cachée dans le creux de ma main.

Ou ailleurs, mais en tout cas, c'était rassurant de l'avoir sur soi.

... J'avais donc maintenant la possibilité de stopper Rena par moi-même.

Réalisant d'un seul coup que les vies de tous mes camarades de classe reposaient sur mes épaules, je me mis à transpirer à très grosses gouttes.

Le mémo ne s'arrêtait pas là.

— Le gaz lacrymo est juste là pour te défendre.

Il peut faire tousser la personne qui t'agresse, et la priver de la vue pendant plusieurs minutes, mais ce n'est pas un objet miracle qui la fera tomber dans le coma non plus.

N'oublie pas qu'elle pourrait paniquer et frapper en aveugle autour d'elle.

Utilise ce gaz lacrymo en toute dernière instance seulement.

Si tu pouvais d'ailleurs ne pas t'en servir du tout, ce serait même mieux, mais si tu n'as pas le choix, n'hésite pas !

Ôishi

Bon alors quoi ? Il veut que je m'en serve, ou pas ? Faudrait savoir !

Sûrement une de ces excuses d'adultes.

Si jamais je fais mon héros et que des otages meurent, ce sera la faute de la Police.

Donc ils me filent les armes, mais je dois me démerder pour les utiliser.

Je cachai rapidement le micro et la bombonne dans chacune de mes poches, mis mes pantoufles et retournai en classe.

... Je ne sais pas si c'était la nervosité ou quoi, mais ma vision était trouble.

Jusqu'à présent, j'avais toujours obéi aux ordres.

C'est pourquoi je n'avais pas eu le temps d'avoir peur.

Mais tout était différent, désormais.

J'avais obtenu des crocs pour mordre à mon tour.

Le seul problème, c'est que même si la situation s'était énormément améliorée pour moi, j'avais nettement plus les boules de foirer mon coup.

L'être humain n'est pas très logique -- et ça ne m'aidait pas trop...

Bordel de merde...

Je fais quoi, maintenant ?

Allez, Keiichi...

Une idée, vite !

Je me bats contre elle ?

Ils avaient dit de m'en servir à moins d'un mètre.

C'était pas pour m'en servir en gardant mes distances.

Je ne pouvais l'utiliser que si j'en venais aux mains avec elle.

Ce qui signifiait obligatoirement que je n'aurais qu'une seule chance.

C'est pas comme si je pouvais sortir un deuxième sabre si le premier rate sa cible.

En plus, je dois la toucher en plein visage.

Saloperie de merde, ça va pas être facile !

En plus, Rena se méfie de tout.

Est-ce que j'aurai l'occasion de m'approcher d'elle, de face, et de la prendre par surprise, à moins d'un mètre ?

Sûrement pas, mais c'était quand même une mince possibilité de gagner contre elle !

... Dans l'état où elle est, Rena n'hésitera pas à tuer pour atteindre ses objectifs.

... Tout comme moi, je l'ai fait, à l'époque.

Oh, bien sûr, la situation était déjà grave.

Ce n'était pas comme si elle allait pouvoir rentrer chez elle après quelques heures en garde à vue et après s'être excusée.

Mais au moins, elle n'avait encore fait aucune victime !

Plus le temps passait, et plus Rena s'impatienterait, c'était certain. Elle se croyait condamnée à mort.

Elle est tout à fait capable d'exiger quelque chose et de tuer un otage pour l'avoir plus rapidement !

... C'était trop tard pour faire marche arrière... mais la tragédie n'avait pas encore eu lieu.

Oh, la tragédie est là, toute proche, elle attend son heure.

Il suffira d'un rien.

Je fermai les yeux et imaginai Rena en train de tuer les autres à la machette, dans de grandes gerbes d'hémoglobine.

Ma chambre avait été recouverte de sang rien qu'avec Rena et Mion.

Alors avec plus de vingt victimes... Ce serait sûrement une mer de sang dans la pièce !

... Et comment réagira Rena quand elle s'en rendra compte ?

Est-ce qu'elle continuera à croire à son histoire ? Est-ce qu'elle se grattera le cou jusqu'à s'arracher la carotide ?

Si jamais elle le fait... alors le jour où elle s'en rendra compte...

ce sera comme une énorme croix qu'elle portera sur le dos.

Je suis sûr qu'elle ne s'en remettra pas...

... Moi, je souffre du fardeau de mes crimes, et ça suffit largement comme ça !

Je ne peux pas laisser Rena connaître aussi cette souffrance !

Putain de merde, mon corps est tout mou, et il n'en finit pas, ce con de couloir !

La salle de classe, c'est pourtant la porte à côté, au pied de la lettre !

Plus j'avançai, et plus ma résolution devint ferme.

Rena aurait sûrement un choc si je devais la trahir.

Mais puisqu'elle était incapable de sortir de ses cauchemars, quelqu'un devait bien l'aider à le faire, non ?

Et ça, c'était une tâche qui nous incombait, à moi et à ses autres amies !

Rena

— Ah, te revoilà, Keiichi.

Il disait quoi, l'inspecteur ?

Keiichi

— Euh, il dis-- eh, qu'est-ce que ça sent, ici ?!

Une puanteur prit d'assaut mes narines dès que je posai le pas dans la pièce.

Je remarquai alors que les élèves avaient été déplacés dans un coin de la pièce.

Il flottait dans l'air cette odeur si particulière des stations services...

Mais alors...

Ça sent l'essence, ici !

Au pieds de Rena, un grand jerrycan rouge gisait, le bouchon ouvert.

Il était en fer. Il avait l'air très solide.

Et il y avait marqué “Gas-oil” dessus, pour qu'on sache bien ce qu'il y avait dedans.

Elle en avait mis partout dans la pièce. L'odeur était si forte que je sentais venir le mal de crâne.

D'ailleurs, en regardant bien, je remarquai un détail encore pire que tout...

Elle en avait aussi versé sur les otages !

Je vois... C'est un peu comme ceux qui ont des explosifs sur eux.

Si jamais la Police tente de venir les déloger, ils menacent de tuer tout le monde... Donc Rena aurait aussi cette intention ?

Dans sa main gauche, Rena jouait avec un briquet. Je ne savais pas d'où elle le sortait, mais il était là, dans sa main.

Keiichi

— Rena ! Mais qu'est-ce que c'est que tout ça ?

Rena

— Oh, je n'ai pas l'intention de tout faire cramer.

Rena

C'est juste une assurance, juste au cas où.

Rena

Tu sais, je vous aime bien, tous autant que vous êtes. Je n'ai pas envie de vous voir au barbecue.

Rena

Alors si possible, j'aimerais en finir sans avoir à mettre ma menace à exécution.

Rena me montra le briquet, comme pour me défier ; c'était un Zippo.

Elle avait l'intention de s'immoler par le feu ?

Comme les gens qui s'imbibent de kérozène pour se suicider ?

... Les gens qui n'y connaissent rien s'imaginent qu'il suffit d'éteindre les flammes tout de suite pour s'en sortir indemne.

Sauf que la peau, c'est un organe super important. Si elle brûle sur 30% de sa surface, vous avez de fortes chances d'en mourir.

Ce qui veut dire que si toute votre peau brûle... vous êtes sûr et certain d'y passer !

De plus, la situation était à mon désavantage.

Je pouvais empêcher Rena de voir devant elle et de respirer correctement, mais cela ne l'empêcherait pas d'allumer le Zippo.

Même si d'aventure je réussissais mon coup, elle n'aurait qu'à faire un petit geste de la main.

Et le pire -- mais ça, je ne savais pas si c'était fait exprès ou pas -- c'était que les Zippo avaient une particularité bien spéciale : une fois allumés, ils ne s'éteignent plus, tout du moins tant que l'on ne les referme pas complètement.

Il lui suffisait donc de l'allumer et de le laisser tomber par terre...

Ce qui signifiait, au bout du compte, que même avec mon gaz lacrymo, je ne pourrai rien faire !

L'atout que l'inspecteur Ôishi m'avait donné ne me servait plus à rien, maintenant !

Keiichi

— Mais c'était pas la peine !

Avec les cahiers de Miyo, l'inspecteur Ôishi ne devrait avoir aucun mal à convaincre les autres.

Il n'a plus qu'à faire les perquisitions et à découvrir le pot-aux-roses !

...

Non ?

Rena

— ... Tu penses vraiment qu'ils vont se bouger ?

Les fonctionnaires ne sont pas connus pour leur propension à bouger leur gros cul de leur rond de cuir...

Je sus alors que Rena avait l'intention de menacer la Police de tout faire brûler s'ils n'allaient pas assez vite.

Keiichi

— Pour l'instant... Faisons confiance à l'inspecteur.

On n'a plus qu'à attendre les bonnes nouvelles, non ?

Rena

— ... J'imagine que oui.

Bon, alors, je continue mon histoire.

Et donc,

comme je disais, le problème, c'est qu'avec le temps, le parasite est devenu inoffensif.

Sauf que ça, ça n'a pas plu à certaines personnes.

Rena

Certaines personnes des trois clans fondateurs.

C'est pourquoi ils...

Apparemment, Rena leur racontait ce que Miyo Takano avait écrit dans ses cahiers.

Je me retournai, sans en avoir l'air, et me mis à parler à voix basse, à peine audible.

Keiichi

— ... En tout cas, ça sent sacrément fort.

... Je pensais pas que ça sentait si fort, l'essence, en fait. Faut dire que c'est tout un jerrycan, aussi...

Comme je faisais semblant de me parler à moi-même, je ne pouvais rien dire à voix haute.

Et pourtant, ce n'était pas l'envie qui m'en manquait.

J'avais peur. Et si l'inspecteur ne m'avait pas entendu ?

... Mais bien sûr, suis-je bête !

J'avais un moyen de vérifier... alors je me remis à parler tout seul pour ajouter une dernière chose.

Keiichi

— ... On n'entend plus les voitures... Même pas un petit coup de klaxon...

Ôishi

— Nounours, le klaxon ! Juste une fois, très court !

L'inspecteur Kumadani réalisa ce que son chef lui disait, et il appuya une fois sur le volant, très brièvement.

Kumadani

— ... En tout cas, l'essence, c'est un gros problème, Chef.

Kumadani

Mais ça explique pourquoi j'avais l'impression qu'il y avait une drôle d'odeur.

Kumadani

Je pense qu'elle veut s'en servir comme atout pour nous imposer ses revendications.

Ôishi

— Nounours,

il a dit “un jerrycan”. Un gamin normal, à son âge, tu crois qu'il sait ce que c'est, un vrai jerrycan ? À ton avis, il parle simplement d'un grand bidon ? Ceux de 18 litres ?

Kumadani

— Alors là, Chef, je sais pas du tout. Probablement, oui.

Ôishi

— Eh, Komiyayama !

Tu as encore quelqu'un des Eaux et Forêts, ici ?

Tu peux leur demander de venir ?

Ôishi

— Je vois, et donc vous écrivez sur vos réservoirs

si c'est de l'essence ou du kérozène ?

Garde forestier

— Ah ben oui, je pense bien !

Si vous mettez pas le bon produit, les machines peuvent exploser, vous savez, alors on fait tout pour pas se tromper !

La plupart des gens ne le savent pas, mais normalement, il ne faut pas mettre d'essence dans un simple bidon.

C'est un liquide inflammable utilisé dans la vie de tous les jours, mais très dangereux. Il suffit d'un peu d'électricité statique pour le faire brûler.

C'est pour ça que normalement, il faut le transporter dans des jerrycans en métal.

On les appelle généralement des “réservoirs de transport”.

Ôishi

— Donc si Maebara a dit que c'était de l'essence, nous pouvons le croire sur parole.

Et sinon, vous avez des réservoirs de quelle taille ?

Garde forestier

— Oh, nous avons quelques réservoirs de 18l, et d'autres de 5l seulement.

Ôishi

— Ceux de 5l, ce sont les modèles plats ?

Garde forestier

— Oui.

Ils sont rouge vif, plats, et il y a une poignée du côté.

Ôishi

— ... Maebara n'a pas précisé. Il y a juste dit “un jerrycan”.

Vous pensez que ce serait un de 18l ?

Garde forestier

— Je pense surtout qu'il a dit le premier mot qui lui est venu à l'esprit.

Mais quel que soit le modèle, la situation est extrêmement dangereuse.

Sous forme liquide, l'essence s'enflamme facilement, et elle brûle pour longtemps.

Mais là où elle est vraiment dangereuse, c'est quand elle s'évapore.

Les vapeurs de gaz, en présence d'une flamme, provoquent une explosion.

En plus, l'essence est très volatile, car elle s'évapore même à des températures en dessous de 0°C.

Donc, pour le cas qui nous intéresse...

Si l'on verse de l'essence dans la classe et que l'on ferme tout le plus possible, elle va progressivement s'évaporer et s'accumuler dans la pièce... et toute la salle va se transformer en une énorme bombe.

Ôishi

— Nounours, tu connais les quatre substances dangereuses ?

Kumadani

— Non.

Je sais que les gaz d'évaporation de l'essence sont dangereux, mais je connais pas les détails.

Ôishi

— Il nous faudrait quelqu'un pour nous dire quels seront les dégâts avec 5l et avec 18l.

Ôishi

... Je sais, on va demander au vieux.

Eh, appelez le central, demandez le médecin légiste.

Médecin légiste

— Salut gamin, j'ai entendu pour toi !

Alors, tu as la côte auprès des criminels, dis voir ?

C'est quoi le souci, y a une annonce et t'as peur de tout faire péter en jouant dans son jeu ?

Ôishi

— Héhhéhhéhhé !

Ouais, en gros, il arrive même à voir à travers mon jeu,

et ouais, je risque de “tout faire péter”.

Tu aurais pas les quatre substances dangereuses, par hasard ?

Médecin légiste

— Quoi, tu as quatre incompétents avec toi ?

Médecin légiste

Hahahahahaha !

Médecin légiste

Bah, je suis sûr qu'à nous tous, on devrait arriver à faire mieux.

Médecin légiste

Plus sérieusement, c'est quoi le souci, t'as un fou qui s'est enfermé dans une pièce et qui a foutu de l'essence partout ou quoi ?

Ôishi

— Ouais, c'est exactement ça, figure-toi.

J'ai pu placer un micro sur l'un des otages, et il m'a fait savoir que le preneur d'otage a versé de l'essence dans la salle.

Sauf que je sais pas quel bidon il a pris.

Ôishi

Alors j'ai besoin que tu me dises ce qui se passera avec les deux types de bidon.

Médecin légiste

— Elle est grande comment, ta salle ?

Ôishi

— Ohf, je sais pas, peut-être 50m² ?

Médecin légiste

— Elle est bien fermée, la salle ?

Ôishi

— Sûrement, oui.

Ça doit puer la mort, là-dedans.

Médecin légiste

— ... Choupinet, ça sent pas bon du tout.

Ôishi

— J'avais peur d'entendre ça. On va pas beaucoup rigoler, alors ?

Médecin légiste

— L'explosion va détruire toute la pièce !

S'ils sont tous dedans, il n'y aura aucun survivant, c'est sûr et certain.

Ôishi

— OK, et ça, donc, c'est si c'est le gros bidon de 18l ?

Médecin légiste

— Mais non, trou du cul, c'est pour 5l !

Il y a une formule compliquée, mais en gros, pour faire sauter une pièce qui a 8m de côté, il suffit de 4l d'essence !

Mes collègues devinrent pâles.

Avec 8m de côté, la salle ferait 64m².

Or, il y avait plus que 4l d'essence dans la salle, pour moins de surface !

Ôishi

— Héhhéhhéhhé !

Ôishi

Ah ben alors, si j'en rajoute, il me jettera la monnaie à la figure !

Ôishi

C'est pas le genre d'annonce que j'aime suivre au mah jong, ça.

Ôishi

J'ai vraiment pas envie de le savoir, mais qu'est-ce qu'il se passera si c'est un bidon de 18l ?

Médecin légiste

— Hahahahahaha !

Ben, disons que ça te fera un mah jong par Paix, annoncé par Vent Est, obtenu encore pendant le tour de l'annonce, sans utiliser de tuile majeure, avec deux rouges et deux dragons supplémentaires !

Kumadani

— ... Euh, Chef, ça veut dire quoi ?

Ôishi

— Comme c'est Vent d'Est, la figure compte double, donc elle coûte 24000 points.

En début de partie, tu commences avec 25000 points, donc après ça, il te reste à peine un bâton de 1000 points.

Médecin légiste

— Hahahahaha !

Eh ouais ! Il restera à peine un poteau debout à la place de l'école... et encore.

Ôishi

— Ouais, c'est clairement pas le genre d'annonce que j'aurais envie de suivre...

Héhhé…

Médecin légiste

— Appelle les pompiers, dès maintenant. Demande-leur d'amener le camion chimique.

Tu auras besoin de leur expertise pour savoir quoi faire quand tu auras désarmé ton problème.

Ôishi

— ... Ça m'arrange pas, si les pompiers se pointent, le preneur d'otage comprendra qu'il y a un mouchard.

Ou alors, il faut qu'ils viennent en silence et qu'ils soient garés plus loin, pour ne pas se faire voir.

Médecin légiste

— Ouais, c'est une bonne idée.

Juste un truc, c'est quoi c't'histoire de mouchard ?

Ôishi

— Ben en fait,

j'ai pu entrer en contact avec un otage

et je lui ai placé un micro dans une poche, discrètement.

C'est comme ça que j'ai su pour l'essence.

Médecin légiste

— ... Ça sent vraiment pas bon, ton histoire.

Médecin légiste

Parfois, les explosions chimiques peuvent être déclenchées tout bêtement en allumant une ampoule électrique.

Médecin légiste

La température d'auto-combustion de l'essence est assez basse, même pas 300°C.

Médecin légiste

Il suffit d'une étincelle, même pas, d'un coup de jus à cause de l'électricité statique, et tout explose !

Ôishi

— Putain, mais c'est une blague ?!

Mais pourquoi un truc aussi dangereux se trouve à la portée du premier imbécile venu ?!

Médecin légiste

— Mais qu'est-ce que j'en sais, moi ?!

Médecin légiste

Demande aux lobbies de l'industrie automobile !

Médecin légiste

On est en juin, donc normalement, l'air est pas archi-sec comme en plein été. Mais juste au cas où, dis au gamin d'éteindre le mouchard !

Kumadani

— ... Chef,

d'après ce que l'otage dit, le preneur d'otage a un briquet.

Ôishi

— Ce qui veut dire que même les gaz lacrymo qu'on a filés au gamin ne l'empêcheront pas de tout faire péter.

Et en plus, il va falloir éteindre le micro !

Saloperie de merde !

Médecin légiste

— Ôishi,

le briquet, c'est grave !

Il ne faut surtout pas qu'il l'allume !

Je parie que ton loulou ne sait même pas à quel point les gaz d'essence sont dangeureux,

sinon, il n'en aurait pas mis autant partout !

D'un seul coup, je sentis une sueur fraîche m'inonder le dos.

... Putain, mais pourquoi tout part dans le mauvais sens ?

Je savais même pas que l'essence était aussi dangereuse.

D'ailleurs, c'est pas comme si les voitures explosaient dans tous les accidents de la route.

Oui, c'est dangereux, mais je pensais pas que ce serait si terrible !

Comme quoi, c'est en s'évaporant que l'essence révèle tout son potentiel de dégâts.

Entre deux véhicules qui s'enflamment et une pièce pleine d'essence laissée telle quelle, le danger est pas du tout le même !

J'aurais pu le savoir rien qu'en réfléchissant au fonctionnement d'un moteur, en fait.

Dans une voiture, l'essence part du réservoir pour être amenée sous forme gazeuse dans le moteur, où l'on la fait exploser pour qu'elle libère de l'énergie.

La chambre d'un moteur à explosion, c'est un peu un modèle miniature de la salle de classe de l'école.

Et plus la chambre d'explosion est grande, plus l'énergie libérée est importante.

Mais combien d'énergie est-ce qu'un moteur de la taille de l'école pourrait-il produire ? J'en ai aucune idée...

Je suppose que les gens qui s'y connaissent en automobile savent à quel point l'essence est dangereuse, mais franchement…

Je sais pas qui est vraiment au courant pour les gaz !

Ils sont presque trop ancrés dans le quotidien !

Bon, alors on a 25 enfants plus un preneur d'otages enfermés dans une grande bombe.

En plus, Rena est capable de faire exploser le tout à n'importe quel moment, sans le vouloir !

Il lui suffirait de jouer un peu avec son briquet, pour leur faire peur,

et tout partirait en flammes...

Je regardai mes collègues : nous étions tous blancs comme des linges.

Pour l'instant, tout était calme, mais tout pouvait exploser à n'importe quel moment.

Comment on pourrait faire pour libérer les otages dans ces conditions ?

En plus, le preneur d'otages est fou dans sa tête. Nous ne pourrons jamais répondre à ses exigences, car il demande des choses qui n'existent pas !

Policier

— ... Chef, excusez-moi de vous déranger !

Nous avons trouvé une lettre dans les cahiers reçus tout à l'heure, écrite par le preneur d'otages.

L'officier me présenta une lettre pliée.

Je l'ouvris, bien conscient du regard des autres collègues derrière mon épaule...

Rena avait une très belle écriture, mais un peu fantaisiste.

Elle l'avait sûrement préparée avant de passer à l'action aujourd'hui.

Cher monsieur l'Inspecteur Ôishi,

Si vous lisez cette lettre, c'est que nous en sommes à la dernière étape.

Je suppose que je suis dans l'école et que j'ai déjà pris les élèves en otage.

J'ai l'intention de vous faire venir pour négocier avec moi. J'espère que vous pourrez faire ce que vous avez à faire, en mettant la faute sur mon dos.

La première chose que je dois vous dire, c'est que nos ennemis sont non seulement les Sonozaki, mais aussi le parasite. Celui-ci est en fait la forme prise par une race extra-terrestre, qui dirige les clans en secret.

Ôishi

— ... Des extra-terrestres ???

Je me suis bien doutée que je n'arriverais pas à vous convaincre si je vous le révélais tout de go, alors je vous l'avais caché jusqu'à présent.

Mais si vous prenez la peine de tout lire, vous comprendrez que je vous dis la vérité.

Ils sont venus sur Terre en astronef, dans des temps immémoriaux.

Ils ne sont pas atterris n'importe où : ils se sont posés dans le marais des abysses des démons.

Ils se sont installés ici pour se reproduire dans les habitants du village.

Ils ont l'intention de s'améliorer et de se rendre plus forts, petit à petit, pour pouvoir étendre leur influence et contrôler la planète entière.

Détective

— ... Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire...

Les autres policiers levèrent les sourcils, clairement déboussolés.

Ôishi

— Oh, moi, je ne m'étonne plus de rien.

Ôishi

J'ai lu les autres cahiers de Miyo Takano. Ils contiennent tous des histoires complètement dingues.

Ôishi

Même si j'avoue, j'ai une petite préférence pour sa théorie du monstre du Loch Onigafuchi...

Les cerveaux des gens qui dirigent le village sont contrôlés par ces extra-terrestres.

Ils essaient de faire renaître le culte de la déesse Yashiro, mais en faisant cela, ils servent la cause des parasites et permettent leur développement.

Oh, ils sont très malins. Ils se sont implantés dans les cerveaux de leurs hôtes pour que ceux-ci ne remarquent pas leur présence.

Je suis certaine qu'ils font des recherches dans la clinique Irie.

Allez perquisitionner là-bas et vous verrez.

Aussi, allez draguer le fond du marais.

Vous devriez normalement retrouver l'épave de l'astronef.

Si cela ne suffit pas, faites analyser aux rayons X les membres des lignées des clans fondateurs.

Vous trouverez les traces de parasites en eux.

Mais faites très attention !

Lorsqu'ils découvrent un être humain qui aurait eu vent de leur existence, ils en créent un double et s'en servent pour remplacer l'impudent.

Il y a donc de fortes chances qu'il y ait déjà des extra-terrestres parmi les habitants du village. Ils essaieront très certainement de vous mettre des bâtons dans les roues.

Dans les faits, je connais l'existence de trois clones : celui de Miyo Takano, le mien, et celui de Rika Furude.

Si jamais vous deviez les rencontrer, vous pouvez les arrêter sur-le-champ.

Ils sont la preuve vivante que les extra-terrestres sont cachés parmi nous.

Kumadani

— ... Miyo Takano ?

Mais pourquoi elle ?

Ôishi

— Aaaah... Je sais pourquoi.

Je lui ai dit, au téléphone. Tu sais, le premier rapport des gens de Gifu disaient que la personne était morte depuis plus de 24h. Je lui en ai parlé.

Kumadani

— Ah oui, l'erreur que leur médecin légiste a fait ?

Ôishi

— Oui, et moi j'en ai rajouté un peu, tu vois, pour lui donner de quoi raconter à ses amis autour d'un bon feu de camp, la nuit, seuls dans la forêt. Je lui ai demandé comment Madame Takano avait fait pour mourir et pour être quand même à la fête le jour d'après.

Ôishi

... Je dois dire que je m'attendais pas à cette interprétation.

Je voulais juste lui faire un peu peur, mais pour le coup...

Kumadani

— Mais c'est quand même bizarre qu'elle donne aussi son nom dans la liste.

Elle s'est vue dans une glace et ne s'est pas reconnue ou quoi ?

Un jeune officier qui se tenait du côté ouvrit la bouche, réalisant quelque chose.

Il avait participé aux recherches des nuits précédentes.

Détective

— ... Je crois que je sais pourquoi.

Détective

La nuit où nous avons commencé les recherches, on a eu une info comme quoi Rena Ryûgû avait été vue à Gogura.

Détective

C'est ça.

Détective

Il se trouve que c'était une fausse piste lancée sûrement par un villageois pour nous éloigner d'ici.

Détective

Sauf que si elle aussi l'a entendue, elle a dû se dire que... son clone, là, avait été lâché dans la nature.

Ôishi

— Putain de merde, mais c'est pas vrai !

Ôishi

Mais c'est comme l'autre idiot, là,

Ôishi

le Nostradamus !

Ôishi

Ses prophéties aussi sont toujours tellement vagues, que n'importe quoi peut être interprété comme juste !

Ôishi

Je parie qu'elle serait capable de rejeter tout sur la faute des extra-terrestres, même simplement une constipation passagère !

Kumadani

— Ou bien alors, elle a préparé ça en se disant que les gens la croiraient folle, pour se dédouaner de toute responsabilité au procès...

Ôishi

— Non, je ne suis même pas sûr qu'elle sache ce que c'est, un procès !

Ôishi

Cette gamine y croit dur comme fer !

Ôishi

Je vous jure !

Ôishi

Même moi, elle a réussi à me convaincre.

Ôishi

Quand elle en parle, on sent qu'elle est absolument, intimement convaincue de la véracité de ce qu'il y a de marqué dans ces torchons !

Kumadani

— Euh, il y a une deuxième lettre, lisez !

... Alors, ça raconte quoi ?

P.S. :

Ils ont réussi à m'empoisonner avec le même produit que celui qui a entraîné la mort de M. Tomitake.

Mon cou me gratte depuis hier soir. Je pense que je ne tiendrai plus très longtemps.

D'ici cette nuit, je me serai grattée jusqu'au sang.

Si jamais vous trouviez l'antidote dans les locaux de la clinique Irie, soyez gentil, faites m'en parvenir le plus vite possible.

Ôishi

— ... Ça par contre, c'est bon à savoir.

Kumadani

— Oui, on pourra s'en servir.

Si elle croit effectivement à cette histoire, il sera facile de lui faire croire à l'antidote.

Mais malheureusement, il est possible que vous ne trouviez rien, ou bien que vous arriviez trop tard.

J'ai un peu calculé le temps qu'il me reste à vivre. En me basant sur ces calculs, j'ai décidé de fixer la dernière limite des négociations à 19h.

Si vous n'avez pas procédé aux perquisitions et récupéré un antidote jusque-là, je pense asperger les otages d'essence et nous immoler par le feu.

Ôishi

— ... 19h ?

Il est quelle heure, là ?

Kumadani

— Pas loin de 18h !

C'était la saison où les jours étaient les plus longs.

Même en début de soirée, il ne faisait pas trop sombre.

C'était probablement vers 19h que le rouge du soleil couchant se dispersait et ne laissait que du bleu plus grisé et plus sombre.

Ôishi

— Il ne nous reste qu'une heure, alors !

Et encore, si elle fait l'idiote avec son briquet, l'école explosera avant cela !

PUTAIN DE MERDE !

On fait QUOI, maintenant !

Kumadani

— Elle me fait rire, avec son combat contre l'invasion extra-terrestre !

Et en plus, elle veut entraîner les otages avec elle, mais c'est complètement dingue !

Ôishi

— Oui, c'est complètement dingue.

Nous ne pourrons jamais négocier avec elle.

Le pire, c'est qu'elle est persuadée d'avoir raison, on ne pourra jamais la convaincre du contraire.

Kumadani

— Ch-ch-Chef ! Lisez la suite !

Ôishi

— Hmm ?

... COMMENT???!?!?!?!

Je compte verser de l'essence partout dans la pièce.

Je pense que vous êtes bien placé pour savoir que c'est très, très dangereux.

Alors expliquez bien à vos supérieurs que si vous ne faites pas ce que je vous dis, vous allez être dans un sacré merdier.

De plus, j'attacherai les otages aux casiers avec des anti-vol.

Donc même si des policiers à la solde des extra-terrestres devaient réussir à me tuer, ils devront fraiser les anti-vol pour libérer les otages.

Sauf qu'ils ne pourront pas, puisque la lame créerait des étincelles.

Ils devront donc attendre pendant très longtemps, le temps de recycler complètement l'air de la pièce, avant de pouvoir les sortir de là.

Ce qui veut dire que cela va leur prendre un sacré moment pour sortir tout le monde.

De plus, j'ai préparé un plan B pour faire exploser les gaz qui seront dans la salle de classe.

C'est un peu une sorte de bombe à retardement, toute simple, faite avec un minuteur de cuisine.

Un minuteur, c'est tout bête, ça sert juste à enclencher un appareil à une heure donnée.

Et comme j'ai sectionné une partie des connecteurs, quand l'électricité passera, cela fera une jolie étincelle -- et c'est tout ce dont j'ai besoin.

J'ai programmé le minuteur pour qu'il se mette en route à 19h.

Donc à 19h, que je sois vivante ou morte, l'essence prendra feu.

Si à cette heure-ci, vous n'avez toujours pas évacué les gaz de la salle de classe, alors cela créera une réaction en chaîne.

Je suis désolée de vous forcer la main en utilisant des moyens aussi lâches, Inspecteur, mais j'espère que vous ferez tout pour éviter la tragédie.

Dans la salle de classe, il y aura le chef de clan, Mion Sonozaki, ainsi que la mascotte du village, Rika Furude. Expliquez bien cela aux trois clans fondateurs.

Si l'un d'entre eux daigne vous aider, Inspecteur, alors nous aurons fait la lumière sur cette affaire d'ici la tombée de la nuit.

Ils se préparent à envahir la planète entière.

Je vous en supplie, il vous faut agir vite.

Je sais que vous êtes de mon côté.

Rena Ryûgû

Smash !!

L'inspecteur lança de toutes ses forces le cahier dans sa main sur le sol !

Ôishi

— Bordel !!

Je vais t'en foutre, moi, des “vous êtes de mon côté” !

Kumadani

— Le minuteur de cuisine, il ressemble à quoi ? C'est un peu comme un réveil ?

Ôishi

— Ouais, il y a quelques années, la plupart des autocuiseurs de riz n'avaient pas de minuterie intégrée.

Alors du coup, les gens achetaient des sortes de réveils spéciaux, équipés d'une prise de courant femelle.

Ôishi

En branchant l'autocuiseur dessus, tu pouvais dormir tranquille, le riz commençait la cuisson à l'heure fixée sur le réveil, quand celui-ci amenait l'électricité pour mettre ton autocuiseur en route.

Kumadani

— ... C'est super pratique, n'empêche.

Ôishi

— Oui, c'est vrai qu'avec un appareil comme ça, on peut facilement faire une bombe à retardement.

Putain, rien que le fait de penser à un minuteur de cuisine, quoi ! C'est une sacrée gamine, merde !

Kumadani

— Vous croyez qu'on pourrait demander aux gens de la centrale électrique de couper les câbles qui alimentent les bâtiments ?

Kumadani

Si son truc fonctionne avec un câble aussi, normalement, pas de jus, pas d'étincelle !

Kumadani

Aaah mais non.

Kumadani

Si elle voit que nous coupons l'électricité, elle utilisera son briquet...

Ôishi

— ... Hmmmmm...

Ôishi

Mouais, donc le mieux,

Ôishi

ce serait d'avoir un somnifère à effet non-immédiat. Vous avez entendu ?

Ôishi

Elle demandera sûrement à essayer le “vaccin” sur quelqu'un d'autre avant.

Ôishi

Alors faites bien attention à ce que vous choisirez !

Kumadani

— Entendu, Chef !

Je vais demander ça !

Ôishi

— ... Il faut aussi qu'on parle encore une fois à Maebara.

Ôishi

Il doit absolument se débrouiller pour qu'elle ne touche pas à son briquet.

On doit aussi lui dire d'éteindre le micro.

D'ailleurs, ça donne quoi, le micro ?

Ôishi

C'est intéressant, ce qu'il se passe ?

Kumadani

— Apparemment, le preneur d'otage est en train de frapper quelqu'un.

Ôishi

— QUOI ?

Kumadani

— Si j'ai bien compris, c'est Mion Sonozaki qui se fait frapper.

Keiichi

— Arrête ! Arrête, Rena !

Rena frappait Mion, encore et encore, qui elle, ne pouvait pas se défendre, ayant les bras attachés derrière le dos.

Rena la frappait non pas avec ses poings, mais avec le dos de la machette.

Rena

— Keiichi, tu m'as promis de ne pas bouger de l'autre mur, alors tu y restes !

Sinon je me fâche !

... Merde, merde, MERDE !

Je pouvais voir clairement la folie furieuse dans son regard.

Elle avait laissé toutes ses émotions s'accumuler en elle, et maintenant, je sentais bien que ça débordait.

Si jamais je m'interposais, elle était capable de couper un bras à Mion, rien que pour faire bonne mesure.

Rena

— Ce que je ne peux vraiment pas te pardonner, Mion, c'est d'avoir été récupérer les corps pour me vendre à la Police !

Comment as-tu pu oser me faire ça !

J'avais confiance en toi, moi !

Rena faisait exprès de frapper Mion au visage.

Mion n'avait pas seulement les mains liées derrière le dos.

Elle avait aussi le cou attaché à la bordure de la fenêtre avec un anti-vol.

Alors même si elle essayait de tourner la tête, elle n'arrivait pas à esquiver les coups.

Je ne sais pas si c'était à cause de son nez qui avait lâché ou si c'était l'arcade sourcilière, mais en tout cas, elle saignait.

Il y en avait même sur le dos de la lame. Mion en avait un peu partout sur la figure.

En même temps, le dos de la lame était fait en métal. Si vous frappez quelqu'un avec du métal, évidemment, ça fera super mal !

Bien sûr, Mion ne pouvait pas avouer qu'elle avait caché les corps -- elle avait sa position d'héritière du Clan, et le déshonneur de ses aveux aurait des répercussions gigantesques. Il lui fallait donc garder le silence et encaisser.

Mais Rena ne montrait pas signe de vouloir s'arrêter.

Elle n'était plus capable de se mesurer.

Elle risquait fort de continuer jusqu'à lui casser les dents !

Keiichi

— Arrête ça, Rena !

Mion, ça suffit, maintenant, tu crois pas ?

Je lui dirai tout ! Rena, moi, je t'en parlerai, je te dirai ce qu'il s'est réellement passé ! Alors arrête de la frapper !

Rena

— ... Ce qu'il s'est réellement passé ?

Tu veux dire quoi, par là,

Keiichi ?

Mion

— ... ... Tais-toi, faut pas lui dire...

P'tit gars...

Keiichi

— OK, les enfants, écoutez-moi tous !

Keiichi

Vous allez tous faire comme si vous n'entendiez rien, d'accord ?

Keiichi

Je vais sûrement vous faire peur, mais c'est pas pour être méchant.

Keiichi

Alors n'écoutez pas, ou bien si vous entendez tout, alors oubliez ça tout de suite !

Keiichi

OK ?

Rena

— ... Eh bien alors, Keiichi ?

Je suis toute ouïe.

Keiichi

— C'est pourtant pas compliqué à comprendre, Rena.

Elle l'a fait... pour te couvrir !

Elle a appris que l'endroit des corps serait nettoyé par les Eaux et Forêts pendant l'été !

Keiichi

Alors elle a pensé que ce serait dangereux de les laisser là. Et elle les a emmenés dans un endroit plus sûr !

Rena

— Tu m'as déjà raconté ces fadaises l'autre soir !

Et je t'ai déjà dit que ce n'étaient que des mensonges, il me semble !

Keiichi

— Et pourquoi ce seraient des mensonges, hein ?

C'est pourtant normal de sauver la peau de ses amis, la question ne se pose même pas !

C'est évident qu'elle l'a fait pour toi !

Rena

— Non, tu mens, c'est pas vrai, je n'y crois pas !

Sinon, pourquoi elle l'aurait fait en cachette, sans m'en parler, hein ?

Ça tombait pourtant sous le sens.

Elle ne se rendait pas compte combien elle comptait pour Mion, ou quoi ?!

Elle avait tout fait pour garder le secret sur les meurtres !

Elle avait fait exprès de ne pas lui en parler, pour ne pas lui rappeler les faits et lui permettre d'oublier toute cette histoire !

Alors pourquoi est-ce que Rena ne pouvait pas la croire ?!

Rena

— Non, Keiichi, non, tu n'y es pas du tout.

Rena

Mii, tu es vraiment la dernière des salopes, comment peux-tu oser lui mentir, à lui !

Rena

Je peux bien te pardonner de mythonner pendant les activités du club, mais il y a des limites à ne pas franchir !

Rena

Tu n'as pas le droit !

Pas le droit !

Je ne te le permettrai pas !

Keiichi

— Arrête !

Cesse de la frapper immédiatement !

Elle a rien fait de mal !

J'aurais jamais cru que c'était si terrible d'avoir les mains liées dans le dos !

Mion reçut de nombreux coups sur la tête.

Et pas avec n'importe quoi, le dos de la machette devait être dur comme de la pierre !

Mais Mion n'avait pas le choix, elle devait serrer les dents...

C'était cruel et terrifiant de ne pas pouvoir se défendre !

Rena

— Alors, c'est vrai, ce qu'il raconte, Mii ?

Mais si c'est vraiment le cas, pourquoi tu ne m'en as jamais parlé, hein ?

Keiichi

— Mais enfin, tu imagines bien pourquoi elle n'a pas voulu t'en parler, quand même !?

Et sa famille, il lui arriverait quoi si ça se savait, hein ?

Et puis d'abord, pourquoi tu lui dis pas merci ?!

Rena se retourna lentement, dodelinant de la tête.

J'avais sûrement dit un truc qui ne lui avait pas plu.

Rena

— Tu as raison sur un point, Keiichi.

C'est pour sa famille qu'elle ne m'a rien dit.

Pour mieux aller me dénoncer à la Police !

Alors que c'était mon amie, alors que j'étais son amie, alors que c'était ma meilleure amie !

Rena

Comment t'as pu me faire ça à moi !

T'étais ma meilleure amie, bordel de merde, alors POURQUOI ?

Comment t'as pu oser me faire ça...

Whaaaaahhhh !!!

Tout commençait à partir n'importe comment.

Rena pleurait à chaudes larmes, comme si Mion l'avait tabassée, alors que c'était elle qui la frappait.

C'était paradoxal, presque illogique !

Et pourtant, moi, j'avais déjà vécu cette situation.

Je leur avais fait confiance.

Je les avais adorées.

Mais à travers les larmes, je les avais tuées.

J'avais vu Rena se fait défoncer le crâne, alors qu'elle me suppliait de la croire.

Je l'avais vécu du point de vue de celui qui frappe.

Arrête... Arrête, Rena !

ARRÊTE !

Est-ce que tu te rends seulement compte de ce que tu fais en ce moment ?

Tu es en train de faire souffrir quelqu'un pendant que tu lui dis que tu l'adores !

Je sais ce que tu ressens, Rena.

Tu es triste et blessée, car tu te sens trahie par tes amis.

Mais là où tu te trompes, c'est qu'ils ne t'ont pas trahie !

Nous n'avons trahi personne, et nous pensons toujours à toi, nous sommes de ton côté !

Sauf que…

tu ne t'en rends pas compte !

Et même si tu meurs, même si tu nous tues…

Tu ne te rendras pas compte de ton erreur !

Mais un jour...

un jour viendra...

où tu finiras par t'en souvenir et t'en rendre compte.

Si même moi, le dernier des abrutis, ai pu m'en rendre compte, alors Rena aussi.

Et alors, elle souffrira beaucoup plus que maintenant !

Un jour, je suis sûr qu'elle se souviendra du visage ensanglanté de Mion.

Et alors, elle s'en voudra, car elle saura que c'est elle qui lui avait fait ça.

Mais je suis le seul à savoir ça, car je suis le seul à m'en être souvenu.

... Rena ne peut pas comprendre. Comment pourrait-elle comprendre ?

Mais alors, celui qui souffre le plus dans cette histoire, c'est moi ?

Au bout du compte...

je n'ai pas pu éviter la tragédie.

À bien y regarder...

la tragédie a eu encore une fois lieu.

Elle a simplement eu d'autres acteurs.

Le héros de l'histoire, ce n'est plus moi, mais Rena. C'est la seule différence, les actes tragiques, eux, se répètent.

Et moi ?

Moi, je suis en bas de la scène, je suis devenu spectateur.

Je sais comment tout va se terminer, mais je ne peux rien faire. Je pleure comme un idiot, sans pouvoir monter sur scène et faire bouger les choses...

Keiichi

— Arrête... arrête, Rena...

Rena... Rena, je t'en prie... j't'en supplie...

Rena

— ... Pourquoi tu pleures ?

Rena

Qu'est-ce qu'il t'arrive, Keiichi ?

Je me relevai, lentement, et m'approchai d'elle.

J'ouvris grand les bras, pour la prendre dans mes bras, comme elle avait tenté de le faire, lorsque nos rôles étaient inversés.

Keiichi

— J't'en supplie, Rena, arrête.

Faut qu't'arrêtes.

Keiichi

Peut-être que tu ne comprends pas pourquoi.

Keiichi

Peut-être que là, maintenant tout de suite, tu ne comprends pas pourquoi.

Keiichi

Mais…

si tu n'arrêtes pas... un jour viendra où tu le regretteras. Et alors, il sera trop tard.

Keiichi

Alors arrête...

Rena

— Keiichi,

retourne au mur, sinon je me fâche, je te préviens !

Je la vis plisser des yeux et raffermir la main sur le manche de la machette.

Mion

— Ar-- arrête, 'tit gars... J'vais bien... J'ai rien...

Mion faisait sa forte, mais vu tout ce qu'elle avait perdu comme sang, elle ne pouvait pas aller bien.

Keiichi

— Rena...

Tu me frapperais ?

Avec la machette ?

Rena

— Seulement si tu t'approches encore.

Rena

Oui, je te frapperai.

Rena

Et je ne me gênerai pas.

Rena

Je n'ai plus besoin de toi pour mettre mes plans à exécution.

Rena

Mais j'ai envie de t'avoir à mes côtés jusqu'au bout.

Rena

Alors essaie de ne pas me mettre en colère,

Rena

d'accord ?

Elle parlait gentiment, mais son regard en disait long : elle n'aurait pas la moindre hésitation à me frapper.

Elle me frappera de toutes ses forces, pour me faire vraiment mal.

Sauf que pas de bol pour elle, mais moi, ça ne me dérangeait absolument pas.

Keiichi

— ... Rena. Si nous étions dans des positions inversées,

est-ce que tu crois que tu t'enfuirais pour sauver ta peau ?

Rena

— Ahahahahaha, bien sûr que oui ! Quand ton adversaire a une arme, il ne faut pas faire le malin !

Moi en tout cas, je partirais sans demander mon reste !

Keiichi

— MENTEUSE !

Moi, je savais.

Je savais qu'elle n'hésiterait pas à sacrifier sa vie pour essayer de sauver ses amis.

Alors maintenant, c'était à moi de le faire !

C'était à mon tour de me sacrifier !

Keiichi

— Tu sais, Rena, je suis comme toi.

Keiichi

Si c'est pour sauver un ami, alors je suis prêt à risquer ma vie.

Keiichi

Si tu la veux, y a pas de souci, tu peux me tuer, même, ça me dérange pas !

Keiichi

Mais s'il te plaît, arrête tes conneries !

Keiichi

Si vraiment tu fais confiance à tes amis, alors arrête de les frapper !

Keiichi

Un jour, toute la souffrance que tu leur auras occasionnée, elle se retournera contre toi, alors arrête !

Keiichi

Personne n'est en train de te menacer, là, non ?

Keiichi

Tout le monde pense à ton bien, Rena !

Keiichi

Alors ne remets pas ça en doute !

Keiichi

Fais-nous confiance, merde !

Keiichi

Fais-moi confiance !

Keiichi

S'il te faut ma tête d'abord avant de vouloir me croire, alors vas-y, frappe-moi !

Je ne me défendrai pas !

Rena

— Ne... Ne t'approche pas !

Si tu viens encore plus près, je fous le feu !

Rena tendit son autre bras du côté et se tint prête.

Keiichi

— ESPÈCE DE SALE CONNE, T'EN AS PAS MARRE ?

Keiichi

Y en a PLEIN LE CUL de tes conneries, alors OUVRE LES YEUX, PUTAIN !

Keiichi

Tu le sais, pourtant, non ?

Keiichi

Que tu es en plein cauchemar !

Keiichi

T'es la première à venir pleurer que tu voudrais qu'on t'aide !

Keiichi

C'est pour ça que je suis là !

Keiichi

Je suis là pour te sortir de ce mauvais rêve !

Rena

— C'est toi qui dois ouvrir les yeux, Keiichi !

Rena

Tu ne comprends toujours pas qu'ils ont le village entier sous leur contrôle ?

Rena

Tu m'avais pourtant crue à un moment,

Rena

alors pourquoi tu doutes de moi ?!

Rena

Tu ne peux toujours pas me faire confiance ?

Rena ouvrit le capuchon du Zippo et plaça son pouce en position, prête à battre le briquet à tout instant.

Elle avait eu l'intention de se suicider avec nous depuis le début.

Elle mourrait dans l'ignorance la plus totale,

toujours persuadée que le monde était devenu fou,

et s'enfoncerait dans les ténèbres éternelles en crachant sa haine envers les autres.

C'est ça, le scénario de prévu, non ?

Nous sommes un peu comme une pièce de théâtre, en train de jouer les enfers.

J'aime bien le script, il est super marrant.

C'est qui qui l'a écrit, le Juge des Enfers ?

Non, parce qu'il faudrait peut-être aussi voir à PAS SE FOUTRE DE LA GUEULE DU MONDE !

Non mais vous croyez quoi, que je vais vous laisser faire ?

Eh les enfants, je suis le héros des fois précédentes, ne me prenez pas pour un idiot !

Ne croyez pas que vous allez pouvoir me niquer la gueule deux fois de suite avec la même histoire !

Je vais vous montrer ce que j'en fais, moi, de votre script à la con !

Cette histoire va bien se terminer, vous verrez !

Si vous attendez des morts et du sang partout, vous allez être déçus !

Keiichi

— C'est TOI qui ne nous fais pas confiance, espèce de conne !

Keiichi

J'te d'mande pas d'réfléchir, j'te d'mande de me croire, alors ferme ta gueule et crois-moi sur parole, putain, c'est quand même pas si compliqué ?!

Keiichi

Je te jure que tout se passera bien pour toi, Rena !

Keiichi

J'étais à ta place, c'était moi le héros de la tragédie, avant, je sais ce qu'il va se passer !

Keiichi

Alors écoute-moi et fais ce que j'te dis, et discute pas !

Rena

— Je ne comprends rien à ce que tu racontes, Keiichi...

Pourquoi te croire sur parole ?

C'est TOI qui refuses de me croire, Keiichi !

Pourquoi tu ne veux pas ?

Keiichi

— Aaaaah mais FERME-LA !

Keiichi

Je SAIS que c'est toi qui as tort, je dois te le dire comment ?

Keiichi

Je sais comment tu finiras, et je sais que tu le regretteras dans une vie future !

Keiichi

Tu ne sais pas à quel point c'est déchirant de tuer ses amis de ses propres mains !

Keiichi

Tu ne connais pas le poids de la culpabilité qui pèsera sur ta conscience !

Rena

— ... ... Tu débloques complètement, Keiichi, je comprends rien à ton charabia.

T'es sûr que ça va, dans ta tête ?

Keiichi

— Oh, je me doute.

Keiichi

Je me doute que tu ne comprends rien, va.

Keiichi

Et pourtant, je vais te dire, justement, exprès, je vais t'en parler.

Keiichi

Laisse-moi te conter l'histoire d'un gros connard fini.

Keiichi

Il était une fois une sale merde qui s'appelait Keiichi Maebara.

Keiichi

Il était très content d'avoir des amis, et tout allait pour le mieux, et puis un jour, il s'est mis à douter d'eux.

Et ensuite, de fil en aiguille, il s'est mis à douter d'absolument tout...

Il n'a pas remarqué que les gens autour de lui faisaient tout pour ne pas le brusquer.

Il les a insultés,

il les a blessés...

Non mais tu te rends compte ?

Il avait confiance en ses amis, et ses amis avaient confiance en lui, et pourtant, le doute s'est installé entre eux...

Ce genre d'humour noir, d'ironie tragique, ça ne devrait pas être permis !

Keiichi

— Et puis à la fin, ... j'ai fini par vous tuer, toi et Mion.

...

...

...

...

...

Keiichi

À grands coups de batte de base-ball !

Keiichi

Et pourtant, toi, jusqu'au bout, tu m'as parlé. Tu m'as demandé de te croire, de te faire confiance.

Keiichi

Jusqu'à ton dernier souffle, tu ne t'es pas protégé la tête, alors que je frappais comme un âne.

Keiichi

Tu n'as même pas essayé de te protéger. Tu es morte avec les bras écartés, tendus vers moi !

Keiichi

Et moi, comme un gros con, je ne me suis pas rendu compte de l'énormité de ce que tu faisais. Et je t'ai tuée !

Keiichi

Tu n'imagines même pas à quel point c'est un acte abject de tuer quelqu'un,

qui plus est un ami !

Keiichi

C'est pour ça que...

je dois tout faire

pour racheter mon geste.

Je veux t'empêcher te faire la même connerie !

Rena

— ... Si tu t'approches encore plus, je te jure que je le fais !

Keiichi

— Tu as donné ta vie pour me sauver, Rena, et maintenant, c'est à moi de le faire !

Tu sais, je me souviens parfaitement de tes derniers instants.

Il n'y avait aucune peur dans ton regard...

Il n'y avait que l'espoir.

L'espoir que sûrement, je finirais par te croire, si tu me le demandais encore une dernière fois.

Keiichi

— Fais-moi confiance !

RENA !

Juste à ce moment-là, Rena me frappa en pleine tête avec sa machette, de toutes ses forces.

Je titubai en arrière et tombai finalement sur mes fesses.

Elle avait évidemment frappé avec le dos de la lame, puisque j'étais encore vivant, mais je saignais quand même.

Mon sang coula le long de mon visage.

Rena

— J'ai de la peine pour toi, Keiichi.

Rena

Je sais que tu ne fais pas ça de ta propre volonté.

Rena

C'est juste le parasite qu'ils t'ont implanté dans la tête qui a pris le contrôle de ton corps.

Rena

Mais ne t'en fais pas, l'inspecteur Ôishi va bientôt nous ramener l'antidote.

Rena

Je t'en ferai boire avant les autres, même avant moi, tu l'as bien mérité.

Rena

Et alors, tu seras enfin libre de leur influence.

Et tu redeviendras le Keiichi que j'ai toujours adoré.

Alors sois patient, je sais que c'est dur, mais ça ne devrait plus tarder...

Keiichi

— ... Espèce de... pauvre... CONNE !

Soudain, le téléphone retentit en salle des professeurs.

Rena resta silencieuse, à écouter les sonneries résonner de l'autre côté du couloir, puis elle finit par se rendre compte que la Police voulait sûrement la joindre.

Elle alla sur l'estrade de la maîtresse, mais le téléphone placé là n'était qu'un poste interne.

Elle ne savait pas comment lui dire de récupérer l'appel depuis l'extérieur. Maugréant, elle dut se résoudre à aller en salle des professeurs.

Rena

— ... Bon, je vais répondre.

Rena

Si quelqu'un en profite pour se faire la malle, ça va barder.

Rena

S'il en manque ne serait-ce qu'un seul quand je reviens, Mion va avoir un léger problème. J'espère que je me suis bien fait comprendre ?

Elle nous regarda avec de gros yeux, puis tourna les talons et partit.

... J'entendis alors un petit coup de klaxon.

C'était comme tout à l'heure, quand j'avais voulu leur parler !

Mais alors... Ils auraient, eux, quelque chose à me dire ?

Je me repliai sur moi-même, pour être sûr de ne pas me faire caler, et plaçai discrètement l'écouteur dans mon oreille...

Kumadani

— Est-ce vous m'entendez ?

Je suis l'inspecteur Kumadani, du commissariat d'Okinomiya.

Si vous m'entendez, toussez.

Keiichi

— ... *Koff*,

*koff* !

Kumadani

— Pouh, très bien.

Kumadani

Bon, alors écoutez-moi bien.

Kumadani

L'essence qui a été répandue dans la salle est extrêmement dangereuse.

Kumadani

Elle s'évapore et s'accumule, et du coup, la salle est comme une sorte de bombe, prête à exploser à la moindre flamme.

Kumadani

Alors surtout, ne la contrariez pas, et surtout évitez de lui faire sortir son briquet.

Vous avez eu de la chance à l'instant, ne refaites plus jamais ça, s'il vous plaît.

Keiichi

— ... C'est pas si bien que ça, les micros, finalement.

Kumadani

— Les gaz d'essence peuvent s'enflammer très, très facilement.

Kumadani

C'est pourquoi ce sera notre dernière communication, vous devrez couper le micro.

Kumadani

C'est juste au cas où.

Kumadani

Sinon, j'ai une dernière chose à vous dire, de très importante.

Kumadani

Le preneur d'otage nous a avoué qu'il avait placé une bombe à retardement dans l'école.

Keiichi

— ... Une bombe…

à retardement ?

Kumadani

— En fait, il s'agit juste d'un mécanisme d'ignition très simple, fait avec un minuteur de cuisine. Mais la simple étincelle qu'il produira devrait suffire à faire exploser la salle dans laquelle vous êtes.

Kumadani

Nous sommes en ce moment en train de préparer un puissant somnifère dont l'effet n'est pas immédiat sur l'organisme, pour le donner comme antidote au poison dont elle se croit victime.

Kumadani

Mais nous ne disposons que de très peu de temps.

Kumadani

Le minuteur fera tout exploser à 19h.

Je regardai l'horloge accrochée au mur. Il était 18h45.

Il ne restait donc qu'à peine quinze minutes.

J'entendis Rena crier de colère dans le combiné.

Rena

— Non, tout se fera à l'heure prévue !

Alors magnez-vous le train, Inspecteur !

Vous n'aurez pas droit à une seule seconde de retard !

Kumadani

— Je pense que vous avez entendu, mais Rena Ryûgû n'a pas voulu faire retarder l'explosion.

Elle a vraiment l'intention de se suicider dans un quart d'heure.

Je sais qu'à l'époque, après avoir tué Mion et Rena, j'ai pensé que la Police finirait par enquêter là-dessus,

et j'ai espéré qu'elle ferait la lumière sur l'affaire.

Mais alors... Rena avait sûrement préparé cette prise d'otage en sachant pertinemment qu'elle serait poussée à se suicider ?

Keiichi

— ... OK, d'accord, et qu'est-ce que vous voulez que je fasse ?

Kumadani

— Le somnifère ne devrait plus tarder,

mais si l'école explose pendant que nous essayons de le lui faire parvenir, nous ne serons pas plus avancés.

Nous avons besoin que vous trouviez le minuteur et que vous le désamorciez.

Keiichi

— ... Le fil rouge sur le bouton rouge, le fil vert sur le bouton vert ?

Kumadani

— Non, c'est sûrement encore plus simple que ça.

Comme elle nous l'a dit, le détonateur est un minuteur de cuisine.

Il ne fonctionne pas à pile, il faut le brancher dans une prise.

Kumadani

Il n'y a rien de branché dans les prises de la salle ?

... Je crois qu'il y a deux prises, une à l'avant et une à l'arrière de la salle.

Mais même en vérifiant les deux, je n'y vis rien d'installé.

Keiichi

— Je veux pas vous décevoir, mais je ne vois rien dans les prises de la classe.

Kumadani

— Hmmm, pourtant, il faut que ce soit ici, sinon l'étincelle ne pourra pas enflammer les gaz.

C'est forcément ici.

Keiichi

— Non... il n'y a rien.

Le câble qui vient de l'extérieur, c'est le cordon du téléphone de la maîtresse.

Vous êtes sûr que le minuteur n'est pas un modèle à piles ?

Kumadani

— Non, il doit aussi donner l'electricité à un autre appareil, il lui faut une prise et un câble pour ça.

Kumadani

En même temps, il est possible qu'elle l'ait branché dans une autre pièce.

Kumadani

Si elle a versé de l'essence dans une autre pièce, alors il est sûrement branché là-bas.

Keiichi

— ... Donc en gros, je suis bon pour chercher dans toute l'école ?

Et j'ai que quinze minutes ?

Putain, je suis blessé, moi, merde !

Mais bon, si je ne bouge pas, dans un quart d'heure, j'aurai un problème autrement plus important sur les bras.

... C'est clairement pas le moment de se plaindre.

C'est sûrement ma dernière chance d'empêcher la catastrophe !

Elle a versé l'essence pendant le peu de temps qu'il m'a fallu pour aller donner les cahiers et revenir.

... Franchement dit, je me demande si elle a eu le temps d'en mettre ailleurs.

Mais dans ce cas, où a-t-elle pu placer le détonateur ?

Kumadani

— Nous faisons tout ce que nous pouvons.

Je vous en prie, faites tout ce qui est en votre pouvoir, de votre côté aussi.

Ce sera tout.

Si vous n'avez pas de question, j'en terminerai là. Vous voulez dire quelque chose ?

Keiichi

— ... ... Non, rien de spécial.

Ah, si, une chose, juste.

Kumadani

— Allez-y ?

Keiichi

— Dites à Ôishi de ma part,

Keiichi

merci de raconter les secrets des gens aux autres, sale enculé.

Keiichi

Si je m'en sors vivant, je lui colle un pain dans la gueule comme il n'en a jamais pris de sa vie.

Keiichi

D'ailleurs, il en prendra deux, même.

Keiichi

Un pour avoir parlé de mon passé à Rena, et un autre pour m'avoir parlé à moi du passé de Rena.

Kumadani

— Entendu.

L'inspecteur est déjà bien honteux de s'être fait berner par Rena Ryûgû,

je pense qu'il n'y verra pas d'objection.

Est-ce que ce sera tout ?

Keiichi

— Ouais.

On a déjà trop papoté.

Je coupe.

Kumadani

— Je vous souhaite bo--

Click...!

Rena était encore au téléphone.

J'imagine que l'inspecteur lui parlait de plein de choses pour la garder là-bas.

D'après le peu que j'entendais de leur conversation, il lui racontait un truc complètement dingue, soi-disant à propos d'une salle secrète souterraine découverte dans le jardin attenant à la propriété principale du clan Sonozaki...

C'était un truc complètement débile, mais pourtant, l'inspecteur devait bien savoir qu'elle goberait tout !

En plus, vu l'état dans lequel Mion était... Si Rena la frappait encore, ça serait vraiment dangereux pour elle...

Rika

— ... Keiichi.

Me retournant, je vis soudain que Rika et Satoko avaient rampé vers moi.

Keiichi

— ... Vous avez entendu ce que j'ai dit dans le micro ?

Satoko

— Les pièges sont ma spécialité.

Satoko

Et je dois vous avouer ne pas être particulièrement heureuse de voir notre chère Rena tenter de m'enlever cette dernière fierté. Je refuse de mourir sans lui avoir fait payer cher cette impudence !

Satoko avait beau parler avec sa verve habituelle, je lisais bien dans son regard la peur et l'angoisse de la mort toute proche.

Elle faisait preuve d'un grand courage à essayer de donner le change.

Keiichi

— Satoko, s'il te plaît, même si nous devions y passer, ne maudis pas Rena.

Keiichi

Elle est... Elle est juste un peu malade.

Keiichi

Elle n'a pas eu de chance.

Keiichi

Je veux dire, tu as bien vu comment elle était avant, non ?

Keiichi

Comment elle riait, comme elle était gentille ?

Rika

— ... ...

Rika

— ... Satoko.

Je suis sûre que Rena est encore et toujours de notre côté. C'est notre amie.

Satoko

— ... ... Vous considérez la maniaque violente qui a houssiné cette pauvre Mion comme étant notre amie ?

Rika

— ... Allons, Satoko.

... Tu dois pourtant avoir une idée de l'impuissance que l'on ressent lorsque le démon emprisonné dans son cœur prend le dessus et qu'il est impossible de l'arrêter.

Satoko

— ... ... ...

Je vis Satoko devenir visiblement beaucoup plus pâle, puis baisser le regard.

Je n'étais pas sûr de comprendre ce que Rika voulait dire.

... À moins que... Ne me dites pas que...

Satoko

— ... Soit. Je veux bien lui accorder le bénéfice du doute.

Keiichi

— ... Bravo, Satoko. Et merci.

Je lui caressai lentement la tête, lui ébouriffant légèrement les cheveux.

Rika, les bras liés dans le dos, ne pouvait rien faire, sinon placer son front sur celui de sa camarade, en signe de gentillesse.

Keiichi

— Bon, eh bien... J'ai besoin de l'avis de la meilleure experte en piège du monde.

Si je veux faire exploser cette salle, je le place où, le détonateur ?

Satoko

— Laissez-moi faire, je vais vous dire ça.

Il faut obligatoirement le brancher sur une prise secteur, n'est-il pas ?

Keiichi

— Ouais, c'est ça.

Mais bon, pas forcément dans cette pièce ici.

Elle a peut-être versé de l'essence ailleurs.

Rika

— ... Non, elle n'aurait pas eu le temps.

Rena devait avoir caché l'essence tout près, car elle ne fut pas longue à aller la chercher et la répandre ici.

Keiichi

— ... Si je me souviens bien, elle m'a dit hier soir qu'elle avait beaucoup de préparatifs à faire.

Donc elle peut avoir déjà préparé autre chose hier soir, non ?

Satoko

— J'en sais suffisamment pour reconstruire son raisonnement, je pense.

C'est un jeu de déduction des plus retors que je connaisse, je dois dire.

Keiichi

— Oui, mais toi, tu sauras trouver la réponse.

Si toi tu n'y arrives pas, je n'ai aucune chance.

Alors je compte sur toi. J'ai foi en toi.

Rika

— ... Tu vas y arriver, Satoko.

S'il te plaît, pense bien que grâce à toi, tout le monde sera sauvé. Même Rena.

Satoko

— Je suppose que vous ne me laissez guère le choix.

Eh bien soit, je vais vous montrer la différence de niveau entre elle et moi...

Keiichi

— Alors, reprenons.

Si je veux faire exploser cette pièce, je le place où, le détonateur ?

Satoko eut un petit sourire en coin, puis elle ferma les yeux et se mit à se concentrer...