Kasai

— C'est entendu, Mademoiselle.

Je vais faire placer deux jeunes devant la clinique.

Mion

— Je n'y crois pas trop, mais bon...

Je ne sais pas jusqu'où elle est capable d'aller.

Kasai

— Est-ce que nous pouvons la maîtriser de force, si nous la voyons ? Vous êtes sûre ?

Mion

— ... En temps normal, je te l'interdirais, mais là...

Je sais pas quoi faire.

Kasai

— Lors de la réunion d'hier, nous nous sommes engagés à remettre Rena aux forces de police si nous réussissions à l'arrêter.

Kasai

Donc même si nous devions la maîtriser de force et la garder quelques instants au Clan, nous remplirions notre part du marché.

Mion

— Je me moque pas mal de ça, c'est juste que ça me ferait de la peine pour elle !

Si possible, j'aimerais que tout se passe dans le calme, sans faire trop de remous...

Kasai

— Allons, elle est encore jeune.

Tant qu'elle n'a tué personne, elle n'aura qu'à s'excuser pour être pardonnée.

Mion

— Ahahahahahahahaha !

Dans ce cas-là... elle est dans la merde… Ah ha ha.

Kasai

— Ah... Euh... Mais ne vous en faites pas, tant que les corps restent cachés, tout ira bien.

Si, si, je vous assure, ça passera...

Il n'y a personne dans la région qui se fasse du mouron pour ces deux-là.

Kasai

Nous faisons passer le bruit qu'ils se sont enfui dans la nuit parce qu'ils avaient des problèmes avec d'autres gens crapuleux.

Kasai

Ces gens-là vont de ville en ville pour refaire leurs mauvais coups.

Kasai

Donc vraiment, tout ira bien.

Mion

— Bon, il faut savoir, mec, ça passe ou ça casse ? Bah, on le saura pas tant qu'on n'aura pas essayé, hein ?

Hahahaha !

Allez va, tant pis. Ben écoute, je compte sur toi, alors.

Kasai

— C'est bien compris.

... Donc, nous pouvons ?

Mion

— Allez-y mollo quand même, hein ?

Je compte sur vous pour la garder en un seul morceau.

Sur ces entrefaites, je mis fin à la conversation.

Après avoir reposé le combiné du téléphone sur son socle, j'eus l'impression de sentir le regard de la maîtresse sur moi.

En même temps, dans une pièce aussi exiguë, elle avait forcément dû entendre ce que j'avais dit...

Madame Cie posa sa cuiller et me demanda sur un ton un peu triste :

Cie

— Tu... étais en train de parler de Ryûgû, n'est-ce pas ?

Mion

— Euh... Oui.

Cie

— Sonozaki... Pourquoi Ryûgû a-t-elle fait cette fugue ?

Tu es au courant de quelque chose ?

À part moi et Keiichi, je suppose que personne n'imaginait l'état dans lequel elle était en ce moment...

Et donc tout le monde pensait qu'elle faisait une fugue.

Mais pour une simple fugue, la réaction de la Police était disproportionnée.

Ce connard d'Ôishi avait cru pouvoir obtenir les cahiers plus rapidement en faisant un battage monstre avec cette histoire.

Même si elles n'avaient pas roulé toutes sirènes hurlantes, il avait envoyé plusieurs voitures de police patrouiller dans le village. Il avait même réquisitionné la liste des numéros de téléphone.

C'est pourquoi les gens pensaient que Rena fuyait la Police, car elle aurait fait quelque chose de mal.

Pour moi, le plus difficile allait être de pondre une histoire pour la couvrir, une fois que Rena serait entre les mains de la Police...

Pendant qu'elle se promenait, elle est tombée, elle s'est cogné la tête contre un morceau de tôfu qui traînait justement dans les parages, et elle est devenue amnésique.

Mais l'inspecteur a cru que c'était plus grave, alors il l'a fait rechercher en urgence, et du coup, elle avait eu l'air d'une dangereuse criminelle...

Mouais, c'est un peu fastoche.

Au moins, la réunion a prouvé que c'était la faute à Ôishi.

Je dois absolument tout lui mettre sur le dos pendant qu'il est encore sous le choc...

Mais le plus important, c'est de réfléchir à l'après.

Il va falloir faire en sorte que Rena puisse tout oublier, si possible rapidement, et si possible sans faire trop de vagues. Mais ça va pas être facile à mettre en place.

Mion

— Allons, Madame, c'est pas si grave, ne vous en faites pas.

Mion

Rena est... un peu malade, c'est tout.

Mion

Mais le gros plein de soupe du commissariat est un peu stupide et il s'imagine des choses, et il en parle partout, c'est tout.

Mion

Vous ne pensez tout de même pas qu'elle a vraiment commis un crime et qu'elle est en cavale, tout de même ?

Cie

— ... Eh bien... Non, bien sûr que non,

mais... tu sais, faire une fugue, ce n'est pas rien, pense un peu à sa famille.

... Oui, elle a fait une fugue après s'être pris la tête avec son père.

On placera ça sur le compte de sa jeunesse et les gens n'en parleront plus...

Cie

— Je me demande ce qui la tracassait...

Je ne suis pas vraiment une bonne enseignante. Je n'ai rien vu venir.

J'aurais dû lui parler...

Mion

— Ahahahaha, allons, vous êtes trop pessimiste !

Ne psychotez pas, voyons, faut péter un coup, ça ira mieux !

Une fugue de temps en temps, c'est pas non plus si rare que ça !

Cie

— Aaaah ! Mais si Ryûgû devient une délinquante, maintenant ? Si elle fait une grosse bêtise ? Mais qu'est-ce que je vais faire ?

Au au auuuu !

Ryûgû devient déliquante

↓\nElle fait une bêtise et se fait arrêter

↓\nCe sera ma faute

↓\nJe passerai devant le conseil de discipline

↓\nJe ne pourrai plus manger de curry

↓\nJE VAIS MOURIR !

Cie

— Oh non... Non... Non...

La maîtresse semblait perdue dans je-ne-savais-quelle rêverie.

Enfin, si ça l'amuse, laissons-la tranquille.

Je sortis de la salle des professeurs et me dirigeai à nouveau vers la classe.

À peine étais-je sortie que le téléphone se mit à sonner.

Cie

— Oui, allô ?

Ici l'école de Hinamizawa.

Ah, oui, le Directeur n'était pas là aujourd'hui. La maîtresse devait s'occuper de tout, ça ne devait pas être facile.

Sans trop y réfléchir, je marchai dans le couloir.

Et là, j'entendis la voix de la maîtresse changer du tout au tout.

Cie

— Quoi ?

Mais... Où es-tu en ce moment ?

Je me retournai immédiatement.

C'était sûrement Rena.

C'était elle qui téléphonait à l'école !

Je voulus entrer à nouveau dans la pièce pour écouter la conversation, mais la maîtresse, tenant le téléphone d'une seule main, me fit signe de ne pas entrer de l'autre.

Après avoir dit oui plusieurs fois, la maîtresse regarda l'horloge dans la salle.

Cie

— Très bien, d'accord.

J'arrive tout de suite, ne bouge pas !

Eh, tu m'as promis, hein ? Ne t'en fais pas, je serai bientôt là. Courage.

Elle raccrocha immédiatement, ouvrit son casier et prit son sac à main.

Cie

— Déléguée,

j'ai une affaire urgente à régler.

Je sors pour un instant, dites aux élèves de rester en classe et de faire leurs devoirs.

Elle ouvrit son sac à main et en sortit ses clefs de voiture.

Il paraissait évident que Rena lui avait donné rendez-vous quelque part.

Mion

— Madame, c'était Rena au téléphone ?

Cie

— Ce sera tout pour vous, Déléguée.

Allez vous occuper de la classe.

Ignorant superbement mes questions, la maîtresse s'en alla au pas de course.

Elle passa l'entrée du bâtiment, traversa la cour, puis monta dans sa voiture.

Je la vis démarrer et partir. Je courus alors moi aussi dans la cour.

Je m'approchai en toute hâte de la voiture laquée noire arrêtée près des grilles de l'école et frappai au carreau.

Gangster des Sonozaki

— Ah, bonjour Madame.

Pour l'instant, rien à signaler.

Mion

— Non, c'est pas pour ça !

Vous avez vu la voiture qui vient de partir ? Suivez-la !

Elle va aller retrouver Rena !

Gangster des Sonozaki

— OK, à vos ordres !

Mion

— Rena se méfie de tout le monde, alors restez sur vos gardes.

Mion

Attrapez-la, contente ou pas, et ramenez-la au Clan. De là, vous faites ce que Kasai vous dira de faire, c'est compris ?

Mion

Et une dernière chose, n'oubliez pas que c'est ma meilleure amie.

Mion

Si vous lui faites du mal, je vous jure que vous le regretterez, capice ?

... Rena a sûrement demandé à la maîtresse de venir seule, pour lui parler en privé.

Sinon, elle n'aurait pas ignoré mes questions.

Ça me faisait chier de ne pas respecter leurs arrangements, mais je voulais absolument arrêter Rena avant qu'elle ne fît une grosse connerie.

Si j'arrivais à l'avoir maintenant, tant qu'elle n'avait rien fait, alors je pourrais toujours dire qu'elle s'était engueulée avec son père et qu'elle avait fait sa crise d'ado.

Les gens ne comprendraient pas tous, mais ce serait gérable.

... Si je faisais ça trop tard et qu'elle avait déjà mis le feu à la clinique, les gens lui en voudraient toute sa vie.

La voiture noire démarra, les pneus crissant sur les gravillons. Elle fit un virage brusque et repartit en trombe pour rattraper la maîtresse.

Je restai là, à les regarder disparaître au loin.

Je ne pouvais faire qu'une chose : prier pour une issue paisible à toute cette histoire.

Mion

— Eh, les enfants, écoutez-moi, oh !

Euh, le cours de l'après-midi est supprimé, alors restez à vos places et trouvez de quoi vous occuper en silence !

Je relevai la tête, incapable de comprendre.

Keiichi

— ... Comment ça, supprimé ?

Mion vint alors vers moi et me parla à voix basse.

Mion

— ... Rena a appelé au téléphone.

Keiichi

— Hein ?

Sans déc' ?

Mion

— Oui, elle a appelé dans la salle des profs.

La maîtresse est partie, sûrement pour la rejoindre.

Keiichi

— ... Je me demande ce que Rena a derrière la tête...

Mion

— Alors là, aucune idée, p'tit gars.

Mais bon, nos hommes suivent la voiture de la maîtresse.

Je suis désolée pour Rena, mais je préfère l'attraper maintenant.

Keiichi

— Ouais, ben espérons que ça marche sans encombres...

Mion

— Bah, ils ont l'habitude des situations difficiles.

Laissons-les faire.

Keiichi

— Tu crois que si nous tenons Rena, le problème sera résolu ?

Mion

— Oh oui.

On la placera à l'hôpital.

Je suis sûre que si un bon médecin l'examine, il va nous trouver une explication logique qui va tout dédramatiser.

Mion

Genre un bête choc post-traumatico-mi corazón, enfin, tu vois le genre, quoi.

Keiichi

— ... ...

Pendant que nous, nous étions peinards à nous la couler douce à l'école, dans la chaleur de l'après-midi,

ailleurs, Rena attendait la maîtresse, et les hommes des Sonozaki l'arrêteraient, et tout serait réglé.

La suite des événements ne sera pas facile, mais j'imagine bien que Mion fera tout pour Rena.

Et au bout du compte, l'histoire officielle, ce sera une dispute avec son père qui l'aura poussée à fuguer, et tout sera bien qui finira bien.

Keiichi

— ... ...

Mion

— Alors, c'est dans la poche, non ?

Elle me fit un clin d'œil, comme si tout était déjà rentré dans l'ordre.

Sauf que moi, il y avait encore un détail qui me chiffonnait.

... Je ne voyais pas pourquoi Rena appellerait la maîtresse.

Je ne saurais pas trop comment décrire le problème, mais c'était... bizarre.

Je ne peux pas insinuer qu'elles ne s'entendent pas bien toutes les deux, bien sûr.

Rena était une bonne élève, la maîtresse l'aimait bien.

... Mais que pouvait vouloir faire Rena en appelant la maîtresse ?

À peine avais-je pensé à cela que la porte de la salle de classe coulissa sur le côté à grand bruit. Une élève revenait des toilettes.

Et elle n'était pas seule.

Keiichi

— R... Rena ?!