Ôishi

— Non, non, ne vous en faites pas, Mademoiselle.

Mes heures supplémentaires ne sont pas payées, mais je dois les faire quand même, de toute façon.

J'essayai de savoir son état d'esprit en analysant ses façons de parler.

J'avais vraiment une chance sur deux de tomber sur la bonne réponse, il était difficile à cerner.

S'il est de l'autre côté, il essaiera d'amener la conversation soit vers une rencontre pour m'arrêter, soit vers des questions pour obtenir les cahiers de Miyo.

... Ça ne m'aidait pas beaucoup.

Surtout que de toute manière, j'étais obligée de lui parler des cahiers de recherches de Miyo Takano...

Je sentis mon cœur battre la chamade.

Même en imaginant que, par chance, il ne fût pas à la solde des Sonozaki, je devais quand même lui faire croire à cette histoire invraisemblable de complot...

qui plus est, au téléphone !

À quoi bon me casser la tête dessus ?

De toute façon, foutu pour foutu, j'ai pas le choix.

Si je ne tente pas ma chance, la roue du destin ne risque pas de tourner !

Rena

— Je vous en ai déjà un peu parlé, mais... Je crois qu'il y a vraiment quelqu'un qui en a après moi.

Ôishi

— Ah oui ? Vous êtes sûre, vraiment ?

Rena

— Oui.

J'avais de vagues doutes, je me disais que je me faisais des idées, mais depuis hier, ça s'est pas mal précisé. Je suis plutôt convaincue d'avoir raison, désormais.

Ôishi

— ... C'est-à-dire ?

Rena

— Plusieurs voitures semblent très intéressées par ce que je fais.

Surtout une camionnette blanche. C'est une équipe de quatre hommes dedans, toujours les mêmes, en uniforme de jardiniers.

Ôishi

— Vous pensez qu'ils forment une équipe d'assassins ? Ceux des Sonozaki ?

Rena

— Oui,

je pense ne pas me tromper en l'affirmant. Ils sont même venus à l'école aujourd'hui.

Je me suis enfuie au dernier moment, mais j'ai vraiment eu de la chance, c'était ric-rac.

Ôishi

— ... Mais je ne comprends pas pourquoi ils seraient aussi pressés, en fait.

Ne me dites pas qu'ils vous croient en train d'enquêter sur la mort de Tomitake et de Takano ?

Il ne parle pas des cahiers.

C'est bizarre qu'il parle uniquement du meurtre de Tomitake, c'est comme s'il faisait exprès de ne pas les mentionner.

Mais en même temps, je ne lui ai jamais parlé des cahiers de recherche, il n'est peut-être pas au courant, auquel cas sa réaction est normale...

Ôishi

— Pour tout vous dire, je viens d'entendre un bruit de couloir qui ne me plaît pas trop.

Ôishi

Je préfèrerais attendre un peu avant de vous en parler, mais je vous ai promis de vous dire tout ce que j'apprendrais, alors...

Ôishi

Bref, je dois vous dire que

Ôishi

je sais que la pègre des Sonozaki s'active.

Rena

— ... Elle s'active ? Ça veut dire quoi ?

Ôishi

— Eh bien,

ça va peut-être vous choquer, mais...

Il paraît qu'ils ont ordonné à leurs jeunes hommes de main de chercher quelqu'un.

Rena

— De chercher quelqu'un ?

Mon cœur fit un énorme bond dans ma poitrine.

Ne me dites pas que...

Ôishi

— Je vais être honnête, j'ai du mal à y croire.

Ôishi

Il paraît qu'ils vous recherchent, vous.

Ôishi

On leur a donné l'ordre de chercher où était Rena Ryûgû.

Ôishi

Je viens de l'apprendre il y a quelques minutes, je ne sais absolument pas pourquoi ils feraient ça. Mais c'est votre nom que mon informateur a donné, et il ne peut pas l'avoir inventé.

Rena

— Alors vous me croyez quand je vous dis que je me sens en danger ?

Ôishi

— ... Oui.

Ôishi

Nos deux sources d'informations indépendantes concordent parfaitement, je n'ai aucune raison de douter de vous.

Ôishi

... Qu'est-ce que ça veut dire, Mademoiselle Ryûgû ?

Ôishi

Vous n'avez pas une petite idée sur la question ?

Je sais qu'ils en ont après les cahiers en ma possession.

Ils veulent sûrement savoir où je les ai cachés, mais en même temps, ils savent que je suis la seule à savoir où ils sont.

Donc s'ils me font taire à tout jamais, ces cahiers ne feront plus jamais surface. Problème réglé.

Je décidai de ne pas le dire tout de suite à l'inspecteur, et commença par lui retourner la question.

Rena

— Et vous, Monsieur ? Vous n'avez pas une piste ?

Parce que franchement, je ne sais pas trop ce que j'ai pu faire pour leur déplaire.

Ôishi

— Ah, mais moi non plus, malheureusement.

Je n'arrive pas à réaliser qu'ils ont mobilisé leurs hommes pour vous courir après.

Et pourtant, c'est un fait indéniable.

Je tiens cette information de source très sûre.

Rena

— Mais... Peut-être que la pègre des Sonozaki n'a rien à voir avec moi ?

Ce ne serait pas plutôt le clan principal qui pourrait être derrière eux ?

Ôishi

— ... Hmmm....

Vous savez, ils le font de temps en temps, mais très rarement.

C'est généralement quand quelqu'un a piqué de grosses sommes dans la caisse et qu'il faut rattraper un fuyard qu'ils font ça.

Ôishi

Mais ce fuyard, c'est toujours un membre de la pègre, jamais un non-mafieux. Vous êtes la première.

Rena

— C'est beaucoup d'honneur que vous me faites là, mais je vais vous dire, ça me fait une belle jambe !

Ôishi

— ... Allons, allons, Mademoiselle,

calmez-vous, il ne faut pas dire ça !

Et puis, c'est à votre tour de parler, maintenant.

Rena

— ... De parler de quoi ?

Ôishi

— Mademoiselle Ryûgû,

une famille mafieuse ne se met pas à la recherche d'une personne non-mafieuse pour une broutille.

Ce n'est peut-être qu'un simple malentendu, mais quand bien même, c'est trop inhabituel.

Ôishi

Vous êtes sûre que vous n'avez pas une petite idée ?

Rena

— ... ... ...

Ôishi

— Et puis vous savez, c'est peut-être un simple malentendu entre eux et vous.

Ôishi

Je vais vous dire ce que j'en pense : vous avez été renifler d'un peu trop près les affaires des Sonozaki, et vous avez découvert quelque chose d'énorme sans le savoir, ou en tout cas c'est ce que eux pensent.

Ôishi

Et ce n'est pas quelque chose qui arrive par hasard au cours d'une journée banale.

C'est quelque chose qui sort de l'ordinaire.

Alors, une idée ?

Je n'arrivais toujours pas à définir s'il était de mon côté ou pas.

Oh, et puis va chier, il faut bien se lancer un jour !

Rena

— Eh bien en fait... Je pense que c'est parce que j'ai en ma possession les cahiers de Miyo.

Ôishi

— Miyo ?

Vous voulez dire, Miyo Takano ?

Ses cahiers ?

Et... pourquoi sont-ils importants ?

S'il était de mes ennemis, il serait plus excité que ça.

Mais là, il n'a franchement pas l'air emballé par la conversation...

Rena

— Oui, eh bien...

Rena

Pour tout vous dire, j'ai rencontré par hasard Miyo à la bibliothèque, quelques jours avant son assassinat.

Rena

À cette occasion, nous avons discuté et nous nous sommes trouvé des points communs. Alors elle m'a fait cadeau de quelques cahiers dans lesquels elle avait consigné l'essentiel de ses recherches.

Ôishi

— De ses recherches ?

Hmm. Hmm.

Rena

— Eh bien en fait,

Miyo étudiait la culture et l'histoire de Hinamizawa.

Et elle a tout consigné dans des cahiers.

Rena

Je pense qu'ils se sont rendu compte après l'avoir tuée qu'ils manquaient certains cahiers. Ils ont dû comprendre que je les avais.

Ôishi

— Mais alors, ils en ont après ces cahiers, vous pensez ?

Mais pourquoi ? Qu'est-ce que ça veut dire, Mademoiselle Ryûgû ?

Rena

— Les cahiers parlent de l'ancien temps, quand Hinamizawa s'appelait encore “le village des abysses des démons”.

Ils expliquent la naissance du culte de la déesse Yashiro.

Ôishi

— Le culte de la déesse Yashiro...

Ah, vous voulez dire, cette histoire d'ogres mangeurs d'hommes ?

Rena

— Oui.

Au cours de ses recherches, Miyo a découvert un lourd secret à propos de la déesse Yashiro.

Un secret qui serait une insulte pour tous les gens qui ont participé au culte de la déesse.

Ôishi

— ... Je vois, je vois. Je suppose que les gens les plus fervents n'ont pas vraiment apprécié...

L'inspecteur prenait des notes.

J'entendais son crayon glisser sur le papier, à l'autre bout du fil.

Rena

— Ils ont tué Miyo et ils ont voulu détruire ses recherches.

Rena

Au début, je pense qu'ils ne savaient pas que c'était moi qui avais les manquants,

mais… depuis hier... ils ont changé d'approche.

Ils ont décidé de tuer tous les suspects.

Ôishi

— Hmm...

Ôishi

Oui, ce n'est pas une situation agréable, je me doute.

Ôishi

Je vais vous donner une protection policière.

Ôishi

Il faudra aussi que je puisse lire ces cahiers pour mieux cerner la situation.

Ôishi

Et puis, il y a peut-être des éléments dans ces cahiers qui m'aideront dans l'enquête sur son meurtre.

Rena

— Ah...

… Non…

Euh... Je ne veux pas vous vexer, mais ils ont sûrement des taupes chez vous.

Je préfère rester seule, merci.

Je sais me défendre.

Pour les cahiers...

C'est un peu le même problème. Ils veulent les détruire.

Rena

Qu'ils soient en possession de la Police ou non ne change rien au problème.

Ôishi

— ... Oui, si le chef de clan des Sonozaki a ordonné à la pègre de vous chercher, cette éventualité est très plausible.

Ôishi

Si vraiment le clan principal est dans le coup, ils ont sûrement quelqu'un chez nous qui les renseigne de l'intérieur.

Rena

— Merci de comprendre.

Ne vous en faites pas pour moi.

Par contre, j'aurais un service à vous demander.

C'est très, très important.

Ôishi

— Eh bien, je vous en prie,

qu'y a-t-il ?

Rena

— ... Si les recherches de Miyo ont vu juste,

alors il se trame quelque chose de terrible à Hinamizawa, en ce moment-même. Et les événements seront déclenchés dans peu de temps.

Ôishi

— Quelque chose de terrible, vous dites ?

Qu'est-ce donc, un complot ? Que voulez-vous dire au juste ?

Je me sentis devenir très nerveuse.

Si je lui dis tout, il va croire que je lui mens.

Je vais lui cacher les éléments les plus loufoques.

Comme ça, mon histoire sera plus crédible.

Rena

— Ceux qui sont derrière tout ça sont des fanatiques de la déesse Yashiro.

Rena

Ils veulent remettre au goût du jour les vieilles traditions, celles qui se sont perdues depuis la révolution de l'ère Meiji. Ils veulent revenir aux lois dures qui étaient en place avant.

Ôishi

— ... OK...

Oui...

Allez-y, je vous écoute ?

Je prends des notes, en fait.

Rena

— D'après les recherches de Miyo, l'élément qui a déclenché la naissance de la légende de la déesse, c'est un début d'épidémie.

Rena

Les symptômes les plus violents de cette maladie étaient si impressionnants que les gens pensaient à une malédiction. Alors lorsqu'une personne a trouvé le moyen d'enrayer la maladie, cette personne fut considérée comme un dieu, et elle eut l'honneur de diriger le village.

Ôishi

— ... Ah oui ?

Très intéressant ! Je comprends, oui... Je ne m'en serais jamais douté... Continuez ?

Rena

— Cette maladie était due à un parasite un peu spécial.

Mais au fil des générations, la sélection naturelle a joué et les seules souches de ce parasite qui ont subsisté furent les plus inoffensives pour l'homme.

Rena

D'ailleurs, aujourd'hui, plus personne n'en souffre. Mais pour les fanatiques, si la maladie est inoffensive, alors il n'y a plus de malédiction. Donc il n'y a plus besoin de personne pour les sauver de cette malédiction.

Rena

Et donc la déesse Yashiro ne peut pas rester une déesse respectée, dans ces conditions.

Ôishi

— Mais alors pour faire revivre le culte de la déesse,

ils ont besoin de réintroduire cette maladie, non ?

Rena

— Si, c'est exactement ça !

Ils veulent faire reprendre la légende à zéro, recréer l'apparition de la déesse Yashiro sur la Terre !

Rena

Pour cela, ils ont sûrement tenté de recréer une souche très virulente de l'ancien parasite.

Rena

Les meurtres en séries sont en fait les résultats des expériences menées au cours de ces recherches.

Rena

Et cette année, avec M. Tomitake, ils ont pour la première fois réussi à recréer le symptôme de la “poussée d'asticots” qui est décrit dans les anciens parchemins sacrés.

Rena

En cinq ans, à force de tests, ils ont réussi à recréer le parasite d'antan !

Ôishi

— ... Oh la vache... Mais c'est de l'inconscience !

Rena

— Leur objectif final est de répandre le parasite dans la région et de n'offrir le remède qu'aux fidèles les plus fervents. Ainsi, ils pourront se créer une sorte de paradis avec uniquement des gens “élus”.

Ôishi

— Vous êtes bien sûre de ce que vous me dites là ?

Rena

— Miyo explique dans ses cahiers que le parasite est présent chez presque tous les habitants du village.

Elle se base sur des observations médicales pour dire ça, elle pouvait le prouver.

Ôishi

— ... C'est complètement fou.

Ôishi

... Rah putain, je savais que la vieille Oryô était pas loin d'y passer,

Ôishi

mais faut croire qu'elle ne veut pas clamser toute seule ! Elle a peur de pas savoir nager dans la rivière des morts ou quoi ?

Ôishi

C'est du terrorisme aveugle, bête et méchant !

Ôishi

Rah, c'est pas possible...

Rena

— Le parasite n'est normalement effectif que s'il reste dans la région de Hinamizawa, mais...

Rena

Disons que d'après leurs principes religieux, on peut facilement penser qu'ils aient voulu élargir leur rayon d'action. Il y a de fortes chances pour qu'ils l'aient rendu résistant à d'autres environnements.

Rena

Par contre, je ne sais pas trop à quoi m'attendre.

Rena

Est-ce que seule Okinomiya est concernée ?

Ou bien est-ce que tout le district doit être alerté ?

Qui sait, peut-être même toute la préfecture !

Ôishi

— C'est pas vrai, MERDE !

Mais qu'est-ce qu'on peut faire ?

Vous savez qui est derrière tout ça ?

Rena

— Les trois clans fondateurs.

Rena

Je pense que le chef des Sonozaki en porte la plus grande partie des responsabilités.

Rena

Mais je ne saurais pas dire si Oryô est à la tête du projet ou si elle-même n'est qu'un pion.

Rena

Je ne sais pas qui ils sont au juste,

Rena

je ne sais même pas combien ils sont...

Ôishi

— Vous savez où est-ce que ces recherches ont été faites ?

Je ferai boucler l'endroit !

Rena

— Ce n'est pas marqué dans les cahiers, malheureusement.

... Et vous, Inspecteur, vous n'avez pas une idée ?

Ôishi

— ... Ben, ça me dépasse un peu, mais s'ils peuvent analyser des parasites et je ne sais quoi, c'est qu'ils ont du matos.

Des pistolets modifiés, on peut faire ça dans son garage, mais des recherches scientifiques ?

Rena

— ... Miyo travaillait à la clinique Irie.

Vous pensez que ça pourrait être là-bas ?

Vous savez, c'est louche de voir un bâtiment aussi moderne dans un village paumé comme Hinamizawa.

Ôishi

— Hein ?

La clinique Irie ?

Hmmm…

Pour faire ce genre de recherches dangereuses et pointues, il faut prévoir des salles spéciales, cela se réflète déjà pendant la construction.

Peut-être que je fais le lien entre des recherches bizarres et la clinique parce que je n'y connais rien.

Et puis, c'était un peu fort de café d'imaginer une partie secrète à l'intérieur de la clinique.

Rena

— En tout cas, je ne sais pas où ils font les recherches exactement.

Est-ce que vous pourriez chercher vous ?

Vous ne pouvez pas aller inspecter tous les endroits suspects ?

Ôishi

— ... Non, comme vous le savez, la Police a besoin d'un mandat de perquisition pour s'inviter chez les gens.

Alors oui, je peux m'arranger avec mes supérieurs et l'obtenir après coup, mais…

Ôishi

uniquement si j'obtiens des preuves au cours de cette perquisition.

Oui, c'est un policier, après tout.

S'il veut user de ses prérogatives en tant que policier, il doit se plier aux lois...

Rena

— Il n'empêche que des gens ont le projet de faire une attaque bactériologique, c'est un fait avéré !

Rena

Et regardez la mort de Miyo, c'était si soudain ! Je suis presque sûre qu'ils se préparent à bientôt passer à l'action !

Ôishi

— D'accord, d'accord, j'ai compris !

Je vais essayer de faire ce que je peux, c'est promis !

Avec un plan aussi invraisemblable, le clan ne pourra pas faire le dos rond et tenir d'un seul bloc !

Ôishi

Il y aura forcément quelqu'un qui ne sera pas d'accord.

Je vais voir si je ne peux pas entrer en contact avec l'une de ces personnes.

Ne vous en faites pas, je suis plutôt doué pour ce genre de travaux !

Éhhéhhéhhéhhé !

L'inspecteur se mit à rire, comme pour me remonter le moral.

Au départ, j'étais persuadée de ne pas pouvoir compter sur la Police en général, mais Ôishi savait comment rendre confiance aux gens.

Il était un peu un hors-la-loi.

C'était une arme des plus efficace, car elle n'était pas restreinte par les règles de la société.

C'était la meilleure personne pour agir rapidement contre un ennemi sans avoir de preuves irréfutables.

On ne pouvait pas appliquer la méthode normale ; enquêter après que la catastrophe eut eu lieu n'était résolument pas la bonne solution.

Si la catastrophe devait avoir lieu, les conséquences en seraient colossales.

Rena

— Vous savez... Je pense que Miyo a dû avoir très peur en découvrant ce complot. J'en ai moi-même froid dans le dos.

Ôishi

— ... Oui, et elle a eu une fin misérable, pauvre jeune femme.

Ôishi

Nous l'avons retrouvée entièrement brûlée dans un vieux baril vide, dans les montagnes de Gifu.

Ôishi

C'est vraiment moche.

Ôishi

... Ah tiens d'ailleurs,

Ôishi

à propos de sa mort, il y a un détail bizarre.

Rena

— Un détail bizarre, vous dites ? Vous pensez à quoi ?

Ôishi

— Oh, je ne dis pas ça sérieusement.

Ôishi

Au départ, je me suis dit que c'était important pour l'enquête,

Ôishi

mais franchement dit, comparé aux révélations que vous m'avez faites, mon histoire ne vaut pas un clou.

Ôishi

C'est sûrement une bête erreur pendant l'autopsie.

Rena

— Allons, racontez-moi ça.

Vous m'aviez promis de tout me dire !

Ôishi

— Non, je ne comptais pas vous le cacher, voyons.

Mais bon, c'est une bonne histoire à raconter à vos amis, quand vous irez camper pendant l'été.

... Mademoiselle Ryûgû, vous vous souvenez du soir de la fête ?

Après la fête,

Ôishi

vous et vos amis avez discuté joyeusement avec M. Tomitake et Madame Takano, n'est-ce pas ?

Rena

— Je n'irai pas jusqu'à dire que nous avons beaucoup ri ensemble,

mais nous avons discuté un peu, c'est vrai.

Ôishi

— Eh bien, écoutez-voir ça :

Ôishi

nous avons retrouvé le corps de Madame Takano cette nuit-là. Sauf que la personne qui a fait l'autopsie à Gifu nous a écrit dans son rapport qu'elle était morte depuis plus de 24h.

Ôishi

Mais si c'est le cas, alors ce n'est pas normal !

Ôishi

Cela voudrait dire que Madame Takano a été tuée la veille de la fête !

Rena

— Elle avait déjà été tuée ?

Cette histoire devient compliquée.

Si le cadavre de Miyo qui a été découvert était vieux d'au moins 24h... Alors...

Ôishi

— Eh bien, pour faire simple, le jour de la fête,

Madame Takano était déjà morte.

Donc la personne avec qui vous avez parlé était un zombie !

Ahhahahahaha !

Ôishi

Elle est bien bonne, non ? Aaah, leur médecin-légiste doit commencer à devenir gâteux.

... Dans ma tête, je sentis des copeaux de glace me remonter le long du cerveau.

L'inspecteur était en train d'en rire, mais c'est parce qu'il ne savait pas.

... Ce décalage entre l'heure de la mort et sa disparition...

confirmait la toute dernière hypothèse qu'elle avait posée.

Cette toute dernière hypothèse était tellement stupide, tellement idiote, tellement ridicule, que je n'en avais jamais parlé à personne. Ni à l'inspecteur, ni à Keiichi.

Je savais que si je leur en parlais, cela rendrait tous mes efforts pour me faire croire absolument inutiles.

Parce que cette hypothèse, c'était vraiment du grand n'importe quoi.

En tout cas, cette information à propos de sa mort s'avérait extrêmement importante.

Quelle ironie du sort, tout de même...

C'est son propre cadavre qui a prouvé sa théorie !

Quoique, non,

son corps n'est pas une preuve.

Mais...

Si vraiment c'est vrai...

Alors ils apparaîtront encore.

Rah, mais non…

C'est pas possible, mais si jamais c'est vrai... Ce serait trop énorme !

Je n'arrive pas à y croire.

Pourtant, l'inspecteur Ôishi vient de le dire.

Miyo était déjà morte lorsque nous l'avons rencontrée à la fête ce soir-là.

Ce qui veut dire que la personne qui tenait le bras de M. Tomitake ce soir-là n'était pas Miyo.

Si Miyo Takano était déjà morte, elle ne pouvait pas être avec nous.

Ce qui signifiait qu'avec nous...

C'était...

Depuis mes pieds jusqu'à ma tête, une peur indescriptible me remonta tout le long du corps.

C'était bien plus que de la peur, mais je ne savais pas ce que c'était. Je ressentais cela pour la toute première fois de ma vie.

C'était peut-être ça, la peur face à la Vérité.

Il est des moments où un être humain doit accepter la Vérité, même si elle ne lui fait pas plaisir. Et ces moments se vivent dans une peur sans nom.

J'avais moins peur de cette Vérité que de savoir que les Sonozaki pouvaient me brûler dans un baril et me cacher dans la montagne.

C'était vraiment une chose inéluctable qui me remontait tout doucement dans chaque fibre de mon corps.

Ôishi

— Écoutez, Mademoiselle Ryûgû, je dis ça pour votre bien.

Ôishi

Je peux comprendre que vous n'ayez pas confiance en la Police.

Ôishi

Le clan des Sonozaki dirige beaucoup de choses dans le coin, c'est vrai.

Ôishi

Ils font d'ailleurs souvent pression sur mes supérieurs.

Ôishi

Mais vous êtes en danger.

Ôishi

Est-ce que vous pouvez au moins me faire confiance à moi ?

Je peux vous donner une planque dans un endroit que je suis le seul à connaître.

Je vous en supplie, faites-moi confiance !

Oh, je n'avais pas l'intention de mettre en doute sa sincérité.

J'avais d'ailleurs presque confiance qu'il pourrait me tirer d'affaires.

Si je n'avais pas su pour Madame Takano, je lui aurais dit oui sans hésiter.

Mais là... Les choses étaient différentes maintenant.

Si la mort de Madame Takano signifiait ce qu'elle signifait...

Je crois en l'inspecteur.

Il cherchera les ennemis et frappera s'il les trouve.

Mais je préfère largement me défendre toute seule plutôt que de m'en remettre à quelqu'un d'autre !

... Si cette hypothèse s'avère vraie...

Alors je ne peux plus avoir confiance en personne.

D'ailleurs, si ça se trouve, moi aussi, j'apparaîtrai...

Rena

— Monsieur Ôishi, merci beaucoup pour ce que vous faites pour moi.

Rena

Je vous en supplie, trouvez ce laboratoire et arrêtez-les avant qu'il ne soit trop tard.

Rena

Je compte me faire discrète pendant quelque temps.

Rena

Je vous recontacterai ! Au revoir !

Après avoir raccroché, il m'apparut enfin que j'étais restée très longtemps au téléphone.

Qui serait assez stupide pour rester dans une cabine téléphonique lumineuse comme un phare pendant aussi longtemps ? C'était comme si j'avais placé des flèches en néon sur moi en disant “coucou, je suis ici” !

Ôishi

— Allô ?

Allô !

... Rah, elle a raccroché.

L'inspecteur claqua la langue. Il aurait vraiment voulu parler un peu plus avec elle.

Juste à cet instant, le jeune Kumadani entra dans le bureau.

Kumadani

— Monsieur Ôishi,

je crois que ça sent le roussi !

Vous savez qui cherche Rena Ryûgû ?

Tatsuyoshi Kasai !

Ôishi

— Kasai ?!

Mais c'est le bras droit d'Akane Sonozaki ?

Tatsuyoshi Kasai était l'un des hommes les plus importants parmi la Pègre.

Il avait été le parrain local pendant de nombreuses années, avant d'être gravement blessé lors d'une rixe. Depuis, il se contentait d'être le conseiller des membres les plus importants du clan.

Il était surtout très apprécié par Akane Sonozaki, la plus belliqueuse du lot, et nombreux étaient ceux qui les craignaient.

Dans le monde de la pègre, tout le monde savait que si Kasai se déplaçait, c'était pour mettre les pendules à l'heure.

Il servait à aller déclarer la guerre aux autres clans. C'était un violent. Certains vieux gangsters disaient que la pluie se changeait en sang partout sur son passage.

Ces derniers temps, il était nettement plus calme, mais si l'on devait compter le nombre de rixes sanglantes qu'il a provoquées, on y serait encore demain...

En plus, il fait partie des quelques hommes entraînés tout spécialement par le clan lors des affrontements du barrage. Lui et ses hommes sont des pros parmi les pros.

Ils étaient prêts à prendre le ministère du développement urbain par les armes ! C'étaient des fous furieux !

Kumadani

— Les informateurs en sont tout retournés.

Ils se racontent que la gamine a dû découvrir un truc vraiment dangereux pour le clan.

Ôishi

— Et ils ont un sacré flair, roh putain, la vache...

... Ça va être un sacré morceau, c'est moi qui te le dis !

Kumadani

— Monsieur Satô pense qu'elle doit avoir l'enregistrement des tractations entre Oryô et le ministre.

... Si c'est ça, elle risque d'y passer...

Si seulement c'était juste une cassette audio compromettante...

Si ce qu'elle m'a dit est juste, on a là un complot gigantesque sur les bras.

C'est pas avec un ou deux morts qu'on va se retrouver.

Avec un peu de malchance, tous les habitants du village pourraient y passer, si ce n'est pas pire !

Ôishi

— ... Rena Ryûgû... Ça sent pas bon pour elle, je te le dis.

... Nounours,

mets des voitures banalisées devant chez elle.

Ôishi

Elle nous a appelés aujourd'hui-même pour nous dire qu'elle se sentait en danger, et nous savons qu'un groupe armé et violent est à sa recherche.

Ôishi

Je parlerai au chef ensuite, mais pour l'instant, il lui faut une protection policière.

Kumadani

— Aah... Euh... En fait, je vous ai pas dit, mais il paraît qu'elle n'est pas rentrée chez elle.

Kumadani

L'officier en faction à Hinamizawa dit qu'elle aurait volé quelques centaines de milliers de yens pour se cacher dans les nuages.

Kumadani

Il a aussi dit qu'il avait remarqué qu'une voiture des Sonozaki restait toujours près de chez eux.

Ôishi

— ESPÈCE DE TROU DU CUL !

Ôishi

Tu pouvais pas le dire plus tôt, non ?

Ôishi

La gamine est en danger de mort, des pros sont à sa recherche !

Ôishi

Elle vient d'appeler, mais pas de chez elle !

Ôishi

Il nous la faut vivante, à tout prix !

Ôishi

Fais tourner le moteur, on y va tout de suite !

Ôishi

Il faut appréhender les hommes postés devant chez elle !

Eh, les jeunes !

Bougez vot'cul, venez avec !

Détectives

— OUI, CHEF !

Shion

— Heiiiin ?

Rena n'est pas chez elle ?

À cette heure-ci ?

Kasai

— Non.

J'ai attendu devant chez elle pendant quelque temps, mais elle n'avait pas l'air de vouloir revenir, alors je suis rentré.

Shion

— Elle est peut-être allée s'amuser chez ses amis ?

Imagine, je parie qu'elle est chez ma sœur, en train de faire leurs jeux du club ! Ce serait drôle !

Shion se tourna pour s'installer confortablement sur son sofa, imaginant la scéne, et se mit à rire.

Kasai

— ... J'ai pensé à cette éventualité. Je suis passé rendre visite au clan principal, mais elle n'était pas là-bas.

Kasai

Mademoiselle Mion ne semblait pas non plus savoir qu'elle n'était pas rentrée. J'ai bien vu que la nouvelle la rendait très anxieuse.

Shion

— ... Ah bon ?

Qu'est-ce qu'il a bien pu se passer... Bizarre.

Hmm ?

Kasai

— C'est rare à Hinamizawa, mais elle est peut-être tombée sur des voyous.

J'ai demandé à nos hommes d'ouvrir leurs yeux et leurs oreilles.

Shion

— Oh, je pense qu'elle saurait se débrouiller, tu sais.

On dirait pas, mais elle est forte, physiquement.

Ahahahaha !

Kasai

— Bref, passons. Puis-je savoir pourquoi vous m'avez fait mander chez elle ?

Kasai se mit à défaire sa veste.

Il avait juste reçu l'ordre d'aller la voir, car elle avait semblait-il quelque chose pour lui.

Shion

— Ben,

Shion

je te l'ai pas dit ?

Shion

Il paraît qu'elle a ramassé quelque chose qui t'appartient.

Shion

Ma sœur m'a dit que Rena voulait absolument te le rendre en mains propres.

Shion

... Eh ben mon grand, c'est la fête ? Tu plais aux jeunes femmes ! J'espère que t'es content☆?

Kasai

— Allons, ne soyez pas ridicule.

Enfin, j'espère pour elle qu'elle va bien.

Soudain, le téléphone sonna.

Kasai défit sa cravate, puis se leva et décrocha.

Kasai

— ... Oui.

... Très bien.

... C'est compris.

J'y vais immédiatement.

Entendant le changement soudain de la voix de Kasai, Shion sut qui était au bout du fil.

Shion

— Alors ?

C'était Papa ?

Kasai

— Oui.

Le clan principal a donné l'ordre de trouver et de ramener Rena Ryûgû le plus vite possible dans les terres du clan.

Shion

— L'ordre vient de la vieille folle, carrément ?

Shion

... Ouh là là, mais qu'est-ce qu'elle a glandé ?

Aaah, elle va y laisser des ongles, hein ?

Oooh, la pauvre, elle va avoir mal... C'est ballot, je l'aime bien.

Vite, vite, touchons du bois !

Keiichi

— Quoi ? Rena est toujours pas chez elle ?

Mion

— Non.

Et c'est même pire, j'ai entendu qu'elle s'était enfuie pour se cacher dans les nuages.

Keiichi

— Pour se cacher dans les nuages ?

Déconne pas, elle va pas se tuer ?!

Mion

— Mais non, c'est une expression de chez nous, tu connais rien ou quoi ? Elle se planque. Et elle fait bien, parce que quelqu'un de bien informé m'a dit qu'elle avait les flics au cul.

Keiichi

— C'est pas vrai ?!

Mion

— Si, si, il y a une voiture banalisée de la Police devant chez elle !

Et les gens ont vu plusieurs voitures de police “normales” dans le village, qui roulaient sans sirène.

Mion

Ils ont d'ailleurs appelé M. Kimiyoshi -- tu sais, le maire -- et ils lui ont demandé le registre des numéros de téléphone des gens de l'association de quartier, pour pouvoir appeler tout le monde et entrer en contact avec elle le plus vite possible.

Keiichi

— ... Mais alors... Putain, c'est pas vrai, ils ont trouvé les sacs ?

Pourtant, on les avait enterrés dans un coin super paumé !

On avait tout bien effacé ! Ils ont pas pu trouver ça comme ça, c'est pas possible !

Mion

— Aaaah, non, non, c'est pas à cause de ça, p'tit gars, tu peux me croire sur parole à 100%.

Je te le garantis.

Keiichi

— Ah ouais, à 100%, carrément ? Tu m'as l'air bien sûre de toi !

Mion

— Oui, ben je veux, hein ?

C'est moi qui ai demandé à nos gens de les déterrer et de les mettre dans un endroit sûr, caché quelque part dans notre propriété.

Keiichi

— Un endroit caché chez vous ?!

Mion

— Nan mais c'est rien, c'est pas important,

Mion

te casse pas la tête dessus, c'est ma famille, tu sais, c'est compliqué.

Mion

En fait le truc, c'est que j'ai appris en lisant le journal du village que le mois prochain, les bénévoles des Eaux et Forêts comptaient justement aller défricher la forêt pile dans le coin où nous avions mis les corps.

Mion

Alors quand j'ai su ça, ben, je pouvais pas laisser les choses en l'état, quoi, il fallait bien faire quelque chose.

Keiichi

— Ah bon, OK, je comprends...

Purée, c'est cool de t'avoir à nos côtés, j'aimerais pas t'avoir dans les rangs adverses, t'es vachement efficace !

Mion

— Héhéhéhé !

Non mais garçon, tu sais pas qui j'suis, ou quoi ?

Keiichi

— ... Ouais, bref.

Euh, si c'est pas les corps, pourquoi la Police veut-elle la voir ?

Mion

— J'en sais rien.

Les gens du milieu savaient que Teppei Hôjô et Rina Mamiya essayaient de bouffer les Ryûgû.

Peut-être que c'est à cause de ça, la Police est tombée sur un bon indic'.

Mion

Mais en tout cas, ils la veulent pas en tant que suspect.

Même si j'imagine qu'ils la garderont en tant que témoin.

Keiichi

— Ouais, mais attends, c'est un peu la même, non ?

Keiichi

Putain, merde !

Keiichi

Quand je pense qu'elle pouvait enfin tout laisser derrière elle !

Keiichi

Elle peut pas foirer son coup maintenant, c'est pas juste !

Keiichi

Mion, il faut absolument qu'on fasse quelque chose, il faut la couvrir !

Mion

— Ben je veux, mon neveu !

J'ai déjà demandé aux gens d'Okinomiya de nous aider à la retrouver et de nous la ramener.

Notre clan saura la protéger de la Police, t'en fais pas !

Keiichi

— Ouais, mais c'est pas en la cachant que ça résoudra le problème, non ?

Elle aura l'air suspecte, il faut régler ce problème-là plutôt !

Mion

— Oui, mais on peut y réfléchir une fois qu'on l'aura retrouvée.

On peut lui créer un alibi de toutes pièces, c'est pas le souci, et je peux lui payer les meilleurs avocats du pays.

Mion

Nous sommes amies, je ne la laisserai jamais tomber !

Keiichi

— Oui, bien dit !

Il faut la protéger.

Putain, ça me fait chier, je peux rien faire à part compter sur toi, moi !

Mion

— Allons, allons, tu sais ce qu'on dit, hein, les rusés se reconnaissent entre eux !

Je ferai tout mon possible, alors laisse faire le pro !

Mion

Ensuite, il nous faut une histoire pour rouler la Police dans la farine.

Mion

Je vais faire courir le bruit que Rena a été aperçue à Gogura,

Mion

les flics devront bien se séparer pour couvrir toute la distance entre ici et là-bas...

Keiichi

— Ah ouais... Ouais, ouais, ouais, c'est une super idée !

Mion

— Aaah, on le faisait souvent pendant la guerre du barrage, on est rôdés !

Mion

T'inquiète, on la protègera.

Mion

Et maintenant p'tit gars, écoute-moi.

Mion

Elle te faisait confiance, surtout à toi.

Mion

... Il ya de fortes chances pour qu'elle essaye de venir te voir.

Mion

Je veux absolument que tu la retiennes, OK ?

Mion

Tu me préviens directement si elle vient te voir !

Keiichi

— Ouais, ça roule !

Mion

— Rena est forte.

Elle s'en remettra, tu verras.

Keiichi

— ... Ouais, t'as raison.

J'eus quand même une légère hésitation.

La Rena habituelle pourrait survivre à la fin du monde, mais celle des derniers jours ? Je n'en étais pas si sûr...

Elle croyait dur comme fer au contenu des cahiers de Madame Takano.

Elle s'imaginait donc que les Sonozaki étaient les grands méchants dans l'histoire.

J'étais pas sûr qu'elle se placerait sagement sous leur protection...

Mion

— Mais t'inquiète, c'est ma meilleure amie aussi, eh !

Mion

Si je lui parle sérieusement, les yeux dans les yeux, elle se rendra bien compte que c'est un malentendu.

Mion

Toi aussi tu te faisais des films, non ? On a discuté, et tu t'es bien rendu compte que t'avais faux, quand même ?

Mion

Héhéhéhé,

Mion

rien que d'y penser, t'es quand même un sacré barbot pour croire à ces idioties !

Keiichi

— Ouais, ouais...

Nan, c'est vrai que je me demande comment j'ai fait pour y croire, en fait.

Je crois que c'est la plus grosse honte de ma vie...

Mais j'y avais cru quand même -- jusqu'à ma discussion avec Mion.

Je lui avais fait des promesses de mon amitié éternelle, et quelques jours plus tard, je l'avais soupçonnée des pires atrocités.

Madame Takano avait quelque chose. Elle avait un charme un peu malsain. Elle était fascinante comme peut l'être le Mal parfois. Et je pense qu'il en va de même pour ses cahiers.

Ils peuvent rendre fous ceux qui les lisent.

Ils sont un peu comme... Comme le fruit de la connaissance du jardin d'Eden. Des manuscrits interdits.

Et Rena a goûté au fruit défendu. Elle est sous le charme de Miyo, charme sûrement décuplé par sa mort.

Si on ne la fait pas revenir rapidement à la raison... Qui sait de quoi elle pourrait être capable ?

Mion

— Ah, désolée, mais j'ai de la visite !

Ouh, ça c'est les flics.

Bon, je raccroche.

Keiichi

— Ouais, compris !

Mion

— T'es sûr ? À partir de demain, Rena sera aperçue à Gogura, n'oublie pas !

Et si la Police te demande quoi que ce soit, tu réponds que tu sais pas !

Keiichi

— Okie dokie !

Satisfaite de ma réponse, Mion raccrocha.

À peine cet appel terminé, je me rendis compte qu'en fait, Rena était embarquée dans une affaire invraisemblable.

Et puis, c'est déjà dur avec la Police, mais alors en plus imaginer Rena qui doit flipper à cause des histoires de Madame Takano... Elle n'en menait sûrement pas large en ce moment.

... ... ... Je sais !

Bien sûr... Elle est sûrement dans sa cabane secrète, à la décharge !

Elle m'avait dit qu'elle y allait quand elle ne voulait pas gêner son père et Rina, ou bien quand elle ne voulait pas les voir.

Et d'ailleurs, c'est là qu'elle a caché les cahiers de recherches !

Elle doit être là-bas... Elle doit avoir faim, du coup, la pauvre !

Je vais lui ramener des petits gâteaux...

Je tapai sans vergogne dans notre réserve de sucreries et lançai quelques mots à ma mère, qui me regardait médusée, les yeux ronds comme des billes.

Keiichi

— Ah, désolé, M'man,

mais je dois sortir ! Je reviens tout de suite, à plus !

Maman de Keiichi

— Quoi, à cette heure-ci ?

Non mais ça va, la tête ? Il est tard, tu restes là !

Keiichi

— Mais c'est super important !

Et puis je reviens tout de suite, j'te dis.

Ah ouais, et si Rena vient pendant que je ne suis pas là, tu dis rien et tu la fais monter dans ma chambre, s'te plaît.

Keiichi

Et si jamais la Police appelle pour demander si tu sais où elle est, eh ben tu sais pas, c'est compris ?

Je ne lui laissai pas le temps de me répondre avec son regard méfiant et la plantai là.

Prenant machinalement la lampe-torche accrochée au mur du garage, j'enfourchai mon vélo et pédalai comme un fou, m'enfonçant dans l'obscurité.

Ce soir, la lune était vraiment très belle dans le ciel, trop belle, en fait, c'était presque dérangeant.

Je sais pas pourquoi, mais je suis sûr qu'il se trame un truc de dingue en ce moment.

Je ne sais pas ce que c'est, mais je sais que ça va nous tomber bientôt sur le coin de la gueule,

et sans nous demander notre avis !

Seule la lune devait savoir. Elle devait bien rigoler, de tout là-haut, à nous voir aller à droite à gauche, sans arrêt.

Va chier, va !

T'as qu'à te marrer, si ça t'amuse !

Fous-toi de not' gueule, fous-toi de toute cette histoire !

Mais moi, ça me fait pas rire !

Je compte bien me rebeller et arrêter tout ça !

Je ferai absolument tout pour faire foirer les plans du Destin !

Rena, j't'en supplie, j'espère que tu seras là-bas !

Rah, putain de vélo à deux balles, la chaîne est encore une fois à court d'huile ou quoi ?

Elle fait un boucan du tonnerre !

Pff, même mon vélo se fout de ma gueule...