— Je tenais à m'excuser, Rena, je...
Quelque part, je ne croyais pas vraiment à ce que tu m'avais raconté.
Je te demande pardon.
— Non, Keiichi, c'est pas grave.
... Grâce à toi, j'ai évité leur piège.
— Mais qui sont-ils, ces gens ?
Tu crois qu'ils étaient les hommes de main des fanatiques religieux dont tu m'as parlé ?
— Hmm, je pense pas qu'ils s'en rendent compte, tu sais.
Celui qui leur donne des ordres en fait partie, c'est sûr, mais eux ? Non...
Mais ils sont peut-être déjà actifs depuis l'époque de la guerre du barrage.
— ... Hmmm, j'ai entendu dire par pas mal de gens que les Sonozaki étaient derrière pas mal de choses louches pendant la guerre du barrage.
— Oui,
ils sont assez célèbres pour ça, effectivement.
L'inspecteur m'a raconté un truc,
il m'a dit que pendant toute cette histoire, il y avait eu un enlèvement.
L'histoire est restée secrète, mais en fait... Eh bien, le petit-fils du ministre du Développement Urbain s'est fait enlever, c'est ce qui a mis fin au projet en fait.
— Le petit-fils du ministre ?
Attends, attends, attends, mais c'est la première fois que j'entends parler de ça !?
— Comme le ministre a donné suite aux revendications des ravisseurs, l'affaire n'a jamais été dévoilée au public.
L'inspecteur a enquêté là-dessus à l'époque, c'est pour ça qu'il est au courant.
— ... OK, je vois, ouais.
Et ?
— D'après l'inspecteur, les gens qui ont mis ce chantage sur pied et qui ont organisé l'enlèvement étaient très bien organisés.
La seule chose de sûre, c'est que les ordres ont été donnés par les Sonozaki, mais l'affaire n'a jamais été résolue.
À l'époque, la chef de clan, Oryô Sonozaki, avait décidé d'aller jusqu'au conflit armé pour empêcher le projet. Comme elle a la pègre locale sous ses ordres, elle a pris plusieurs hommes de main et a formé des unités d'élite.
Pour le cas où le gouvernement refuserait d'arrêter la construction du barrage, ces unités armées étaient censées prendre le ministère du développement urbain d'assaut. Ça paraît complètement dingue, mais c'est vrai.
Tout le monde savait que le clan des Sonozaki avait utilisé des méthodes de temps de guerre pour résister et gêner la progression des travaux.
Ça ne surprenait donc personne de savoir que l'assaut du ministère était planifié.
C'était eux tout craché -- Mion était tout à fait capable de lancer ce genre d'idées en l'air.
— En fin de compte, ce plan n'a jamais été mis à exécution, mais les unités d'élite ont reçu leur entraînement -- et ils n'ont pas fait semblant, à ce que les gens se racontent.
L'inspecteur Ôishi a appris quelque chose d'énorme grâce à son informateur, juste après la fin des affrontements du barrage.
Oryô Sonozaki aurait ordonné aux membres de l'association de rester chez eux si le barrage venait à être construit, pour mourir lors du remplissage du bassin artificiel et montrer l'exemple.
Et tous les membres avaient accepté de suivre le mouvement, le cas échéant.
Elle était complètement folle, cette femme, et c'est pour ça que les rumeurs les plus insensées n'étaient pas à prendre à la légère : Oryô Sonozaki était largement capable de tout, même de prendre d'assaut un ministère.
D'après l'indicateur de l'inspecteur, cette solution était envisagée comme le dernier recours, au cas où toute autre forme de résistance ou de négociation aurait échoué.
Et les préparatifs étaient déjà bien avancés, le clan avait suffisamment d'armes à feu et avait fini d'entraîner les hommes recrutés pour les unités d'élite.
Ils avaient été choisis parmi les membres de la pègre et envoyés en Amérique, aux frais du chef de clan.
Dans une région désertique du sud américain, d'anciens retraités de l'armée leur avaient donné un entraînement de pro.
L'assaut du ministère n'avait pas été mené, mais ces troupes d'élite avaient été recyclées en assassins discrets, placés directement sous les ordres d'Oryô Sonozaki. On imagine sans peine qu'ils devaient être impliqués dans de nombreuses affaires jamais résolues, comme cette histoire d'enlèvement.
— ... C'est un peu gros, quand même, je t'avoue...
— Tu te souviens, quand Mii s'est présentée la première fois ? Elle t'a dit qu'elle savait tout faire, monter une CB, piloter un hélicoptère, etc.
Évidemment, ça passe pour être une plaisanterie, mais en fait, elle sait réellement faire tout ça.
Mii a été envoyée là-bas pour superviser que tout se passait bien, et à ce que l'on dit, elle a participé à l'entraînement aussi.
— Oh putain... Sans déconner ? Rah la vache !
— ... Écoute, pour Mii, c'est peut-être du flan, elle était jeune et puis, elle est du genre à aimer se vanter.
Mais les troupes d'élite sont bien réelles ; il y a à Hinamizawa des gens qui ont le savoir-faire pour organiser un enlèvement et mettre la pression sur le gouvernement.
... Je n'avais pas observé les gens dans la camionnette, en tout cas pas plus que ça. Mais oui, ils avaient eu l'air organisés, prêts à l'action.
Ils faisaient une pause, et pourtant, la tension entre eux avait été palpable.
— Et donc... Ils en ont après toi ? Ils veulent te tuer ?
— Ne sois pas ridicule, Keiichi,
s'ils avaient voulu me tuer, je serais morte depuis longtemps.
— Ouais, bien sûr.
Donc en fait...
Ils en ont après les cahiers de Madame Takano, tu crois ?
— Comme tu l'as constaté aujourd'hui, ils sont sur leurs gardes.
Ils ne sont pas non plus du genre à foncer dans le tas sans réfléchir, sinon ils n'auraient qu'à s'introduire chez moi pendant mon sommeil...
— Ouais, s'ils ne l'ont pas fait, c'est qu'ils sont très prudents.
— Je pense simplement qu'ils n'ont pas la preuve formelle que j'ai les cahiers manquants.
Ils ont tué Miyo et ont voulu détruire toutes les traces de ses recherches…
sauf que la partie la plus importante manquait.
Ils ne vont pas mettre longtemps à comprendre qu'elle a dû donner cette partie à quelqu'un d'autre.
Et je fais partie des personnes possibles,
sauf qu'ils n'ont pas de preuves, alors ils ne passent pas à l'action.
— ... ... Rena...
Je sais que c'est pas nouveau, mais...
t'es sacrément dans la merde, là, non ?
— Oui, si.
Je dois avoir peur, mais je ne m'en rends pas trop compte.
Et puis, je n'ai pas l'intention de me faire supprimer sans rien faire.
Je suis en contact régulier avec l'inspecteur Ôishi.
Pour le cas où.
— Tiens, d'ailleurs, il en pense quoi, lui ?
— Il surveille les hommes de main des Sonozaki, pour voir s'ils préparent un coup ou autre chose.
— ... Tu lui as parlé des cahiers de Madame Takano ?
— Non.
... Non, je ne lui ai encore rien dit.
— Tu devrais en parler à la Police, tu sais.
Ils doivent bien être capables de faire quelque chose !
— ... ... Keiichi, tu ne comprends pas.
Je ne t'ai même pas tout dit à toi, parce que même si tu es mon ami, je ne suis pas sûre que tu veuilles me croire si je te raconte tout.
... Si j'en parle à l'inspecteur, il ne me croira pas. Jamais. Il me laissera me débrouiller toute seule.
— Rena,
s'il-te-plaît, tu pourrais arrêter de rester vague, comme ça ?
Raconte-moi tout.
C'est quoi le problème ?
Il y a marqué quoi dans ces cahiers ?
Qu'est-ce qui a pu justifier le meurtre de Miyo ?
— Pour faire simple... Si la théorie de Miyo est juste, leur déesse sera humiliée.
— Mais... Comment est-ce que l'on fait pour humilier une déesse ?
— Eh bien,
si la théorie de Miyo se sait, la déesse Yashiro perdra son caractère sacré et divin.
Donc forcément, les gens qui militent pour le renouveau du culte ne veulent pas que ça se sache.
— Rena, sois plus claire, je m'excuse, mais j'arrive pas trop à comprendre ce que tu veux dire.
T'as pas un exemple concret ?
— Tout bêtement, la déesse Yashiro n'est pas une déesse.
— ... Ce n'est pas une déesse ?
Je n'étais pas plus avancé, mais une chose était sûre : les fanatiques qui la vénéraient ne verraient dans cette théorie qu'une insulte, un blasphème, un sacrilège.
— La déesse Yashiro a énoncé de nombreuses règles, mais la plus ancienne de toutes, celle qui vraiment est la plus importante,
c'est le duo “Ne pars pas du village” et “Ne laisse entrer personne au village”.
En lisant bien les autres règles, on se rend compte qu'elles ne font que suppléer à ces deux-là.
Quant au reste, “Aime tes voisins” ou “Prends soin des tiens”, ce sont des choses greffées par-dessus, bien après.
La déesse Yashiro n'existe que pour empêcher les gens de partir du village.
Elle n'est ni une déesse protectrice, ni généreuse. Elle n'accorde rien à personne.
Ce ne sont que des enjolivements rajoutés par la suite, après plusieurs générations.
À l'origine, pourquoi la déesse est-elle apparue ?
C'est parce que des démons sont sortis du marais et ont attaqué les villageois.
— Eh bien en fait, c'est pas tout à fait ça.
Ce ne sont pas des démons qui sont sortis du marais.
Mais si un être humain se fait avoir par ce qui est sorti du marais, alors il se met à attaquer les autres.
— ... Je comprends pas, Rena.
Ça veut dire quoi ?
La chose qui est sortie du marais a contaminé une personne pour se développer dans son sang, la contrôler et lui faire attaquer d'autres gens. Ces gens sont devenus des “démons”.
Les gens n'ont pas pu résister à cette chose. Ils sont tous devenus agressifs et ont attaqué les habitants des autres villages, qui sont à leur tour devenus des démons.
Ce qui veut tout simplement dire
qu'il y a eu une épidémie avec une bestiole qui est apparue dans le marais.
Épidémie due donc à un parasite inconnu, qui rend ses hôtes violents.
À l'époque, les gens n'ont rien compris à ce qu'il se passait.
Ils ont cru que des esprits maléfiques étaient venus tout droit des enfers pour posséder des humains et en faire des démons.
C'est ça, la réalité des faits suggérés dans la légende.
— ... ... Hmmm...
Ouais, c'est une théorie qui a le mérite d'expliquer beaucoup de choses...
Et donc du coup... La déesse Yashiro serait...
Un médecin ?
Qui serait venu d'une autre région ?
— C'est pas bête, oui.
C'est pas tout à fait ça, mais c'est l'idée, c'est une sorte de médecin.
Elle est arrivée au village et a pu enrayer l'épidémie.
Mais elle n'a pas pu soigner la maladie, juste donner une solution temporaire, prodiguer les premiers soins, si tu veux.
Elle a pu atténuer les signes visibles de la maladie, mais pas résoudre le problème.
Ce qui veut dire que les habitants ont pu se retenir d'agresser les autres, mais ils n'ont pas pu se débarrasser des parasites dans leurs corps.
Alors du coup, le village s'est scindé en deux.
D'un côté les gens infectés, de l'autre les gens encore sains.
On imagine facilement le regard des autres sur les gens infectés. Ils devaient être craints et méprisés.
Alors les gens sains ont décidé de noyer tous les infectés, de les tuer tous jusqu'au dernier.
Mais cela ne résoudrait pas le problème.
La cause de cette épidémie, le parasite, il était vivant quelque part dans les profondeurs du marais -- il n'aurait qu'à attaquer d'autres personnes, et tout recommencerait.
Il était impossible de reboucher le marais, et même en admettant cette possibilité aujourd'hui, que faire sans eau potable ? Surtout à l'époque !
Et puis, c'était la terre de leurs ancêtres, leur seule possession au monde. Ils ne pouvaient pas partir sur un coup de tête.
Grâce à “la déesse Yashiro”, les gens infectés pouvaient vivre sans montrer de signes apparents de la maladie.
Alors les gens se sont décidés pour vivre tous ensemble, sans faire de distinction, pour vivre en symbiose avec le parasite.
Heureuse de voir que les gens étaient redevenus raisonnables, “la déesse Yashiro” décida de rester vivre ici pour continuer de soigner les malades...
— Et alors ce serait ça que la légende voudrait dire... ... Ah ouais...
— C'est dingue, hein ?
Et pour que les villageois infectés continuent à ne pas développer les signes de la maladie, elle a érigé plusieurs lois.
La plus importante, la seule à respecter, en fait, était de ne pas sortir du village et de ne laisser entrer personne.
— Je comprends la décision d'empêcher de nouvelles personnes de venir ici
et de tomber malade,
mais pourquoi interdire aux gens de partir ?
— Parce que c'est un parasite qui ne vit à son aise que dans un périmètre géographique très limité.
Et donc si un porteur du parasite s'éloigne, le parasite n'est pas content et il se réveille en force, provoquant des tas de choses à l'intérieur du corps, ce qui mène à la mort de l'hôte.
C'est ça, la vérité derrière “la malédiction de la déesse Yashiro”.
Le signe le plus visible de la maladie, c'était l'apparition d'hallucinations et de comportements violents.
Il faut se rendre compte qu'au Moyen-Âge, les gens ont fait avec les moyens du bord pour trouver une explication. Ils ont donc comparé ces gens violents et fous à des démons, ce qui a donné naissance au mythe du village des démons -- c'était sûrement terrifiant à l'époque.
C'était pourquoi il ne fallait surtout pas laisser des gens infectés partir du village.
Ils finiraient par devenir fous et violents dans leur nouvelle contrée, provoquant toutes sortes d'incidents graves.
C'est pourquoi ils ne laissaient personne hors du village.
Ceux qui tentaient de s'enfuir étaient ramenés de force.
C'était ça, le véritable visage de “l'enlèvement des démons”.
— Attends, attends, Rena.
... Ça voudrait dire que tous les habitants sont contaminés ? Toi et moi aussi ?
Mais pourtant, moi, j'ai pas eu de problème ?
Il y a plein de gens du village qui se marient et qui partent vivre ailleurs.
Il n'y a pas d'exemple connu de personne de Hinamizawa qui serait devenue folle en déménageant.
— Non, effectivement,
mais ça, c'est parce que la déesse Yashiro a eu la bonne idée d'ériger ces lois plusieurs siècles auparavant.
Je ne sais pas si tu comprendras comment,
mais elle avait une bonne raison de laisser le parasite ici, tout seul, séparé du monde : c'était pour l'affaiblir.
Pour un parasite, l'hôte est un élément indispensable, une condition sine qua non à sa survie. Le parasite partage tout ce que son hôte vit et subit.
Les hôtes qui deviennent fous et qui attaquent les autres sont finalement appréhendés par l'ordre public et mis à mort, ce qui entraîne la mort du parasite.
— ... !!!! Mais bien sûr !
La sélection naturelle...
— Ouah, bravo Keiichi, tu es vraiment fort en sciences nat' !
Oui, tu as tout bon.
En confinant ce parasite à ce village et en enfermant tous les hôtes potentiels dans cette région, la Nature a pu faire son œuvre.
Les êtres humains trop sensibles au virus sont devenus fous et sont morts.
Quant aux souches de virus tellement fortes qu'elles provoquaient des symptômes même chez des gens résistants, eh bien c'est rebelote : leurs hôtes sont devenus fous et ils sont morts, emportant la souche virulente avec eux.
Du coup, les seuls humains qui sont restés en vie ici sont tous résistants, ou bien alors, seuls les parasites les moins violents ont pu survivre.
C'est cette situation qui est décrite dans le passage où la légende dit qu“ils eurent une descendance commune et le sang des démons se mélangea à celui des humains”.
— Mais alors…
si je comprends bien, les seuls parasites encore vivants aujourd'hui sont inoffensifs ?
— Eh oui.
D'après les recherches de Miyo, il y a beaucoup de cas où les animaux sont parasités par des corps totalement inoffensifs.
Chez les humains aussi, ça dépend des habitudes alimentaires. Dans les pays où l'on mange de la viande crue, par exemple, près de 80% de la population est infectée par des parasites de toutes sortes.
Mais comme aucun de ces parasites n'a d'effet négatif sur l'hôte, personne ne les remarque, donc personne ne cherche à s'en débarrasser.
Et donc ces parasites subsistent.
— ... Ahaha, ah ouais, c'est pas bête...
— Jadis, la purification du coton avait un autre sens. Ils n'écrivaient pas l'idéogramme du coton, ils mettaient celui des entrailles à la place.
Ils éviscéraient quelqu'un qui était devenu fou, et ils mangeaient ses organes internes.
C'est écœurant, mais c'était nécessaire.
— ... Mais pourquoi manger quelque chose d'infecté ?
Oh ! C'est pas vrai... C'était un peu comme pour faire un vaccin, non ?
— Ahahahaha, alors là, Keiichi, tu m'épates !
Oui, c'est ce que Miyo pensait aussi.
La légende dit qu'on les disséquait vivants et mangeait encore tout frais, c'est assez gore, mais dans les faits, ça devait être quelque chose de beaucoup plus modéré, presque clinique.
Ils ont dérivé une sorte de vaccin à partir des tissus malades, pour l'inoculer aux villageois et renforcer leurs défenses naturelles.
— ... Putain, mais c'est quoi, cette déesse Yashiro ?
Un médecin ?
Hmmm, la médecine a surtout été développée…
en Allemagne.
Tu crois que ça pourrait être une femme médecin sur un bateau, qui aurait échoué sur une plage japonaise ?
— Oui, c'est la déduction logique la plus rationnelle, en effet.
Ce n'était pas une allemande, mais c'était quelqu'un avec le savoir pharmacologique nécessaire.
— Je sais pas pour toi, mais je trouve que c'est super excitant de découvrir tous ces secrets cachés dans les légendes !
Héhéhé...
Finalement, cette histoire n'était pas aussi invraisemblable que ça.
Enfin, si, quelque part, elle prenait des dimensions complètement surréalistes, mais elle expliquait parfaitement les passages énigmatiques de la légende.
— ... ... Mais alors, je suis contaminé aussi ?
Purée, rien que d'y penser, ça me gratte de partout, du coup...
— Tu sais, un être humain, c'est tout un univers à lui tout seul.
Nous avons des milliards de microbes, bacilles et autres bactéries dans le corps.
Et certaines sont nécessaires pour nous aider à vivre.
— Ouais, ils en parlent souvent dans les pubs pour les yoghourts.
… Je vois.
— J'en sais pas plus, mais Miyo cite quelques exemples.
Il paraît que les termites,
eh bien elles ne digèrent pas le bois.
Mais elles ont une bactérie qui peut dissoudre les tissus du bois et qui en retire des éléments nutritifs.
C'est un exemple de collaboration parmi d'autres.
Ça par contre, je ne savais pas.
Comme quoi, même si on a tendance à rejeter les parasites et les petites bêtes, un peu à l'instinct, eh bien, ce n'était pas très malin, en fait. Il n'y avait pas que des mauvaises bactéries.
— C'est pourquoi les germes qui ont généré cette épidémie dans le passé sont tous morts.
En fait non,
ils se sont affaiblis et ils sont devenus inoffensifs.
— Au début, je me disais que c'était un peu n'importe quoi, ton histoire,
mais finalement, c'est assez logique. Je trouve ça super intéressant. C'est presque marrant, quelque part.
— Oui, pour nous, c'est rigolo,
mais pour les gens qui ont passé des siècles à vénérer la déesse Yashiro et à se cloîtrer dans une région ? Tu crois qu'ils vont beaucoup rire ?
Ouais, évidemment que non.
... Si Madame Takano a vu juste, alors la déesse Yashiro n'était pas une déesse.
Et la malédiction de la déesse était encore moins que ça, c'était une bête maladie, comme la fièvre ou l'acné.
Oui, bien sûr...
Je comprenais maintenant ce que Rena voulait dire quand elle parlait d'humilier la déesse...
— Mais alors... si elle arrive à découvrir l'agent pathogène et qu'elle en parle dans une revue scientifique... le culte de la déesse disparaîtra à tout jamais.
— Exact.
Je pense que c'est ce qu'ils craignent le plus.
Et apparemment, elle a essayé d'identifier cet agent pathogène.
... Et elle a été supprimée, donc...
— Tu crois qu'elle a réussi ?
— Il faut croire que oui.
Mais bon, elle n'est plus vivante pour en parler. En tout cas, ses cahiers ne mentionnent pas la découverte.
C'est bizarre, parce que franchement, je ne vois pas d'autre raison pour vouloir la tuer.
— Mais quand même, je sais pas, moi, on est à la fin du XXème siècle !
Les habitants du village ne sont pas si loin que ça de toute civilisation, ils ont bien dû être observés à l'hôpital un jour où l'autre !
Avec une prise de sang, tout aurait dû être découvert depuis longtemps, non ?
— Si.
Et pourtant, l'agent pathogène n'a toujours pas été identifié.
Par contre, la présence des parasites a été prouvée.
— Quoi ? Sérieux ?
Putain, sans déconner ?!
Le corps humain tente de se débarrasser des intrusions avec des leucocytes, ce sont les fameux globules blancs. Il en produit de plusieurs sortes, des éosinophiles, des macrophages, des lymphocytes, enfin bref.
Pour ce faire, les cellules produisent des anticorps, en particulier de l'immunoglobine E.
En regardant le taux de cet anticorps dans le sang, on peut savoir directement si le patient est habité par un parasite ou pas.
D'après les recherches de Madame Takano, les gens de Hinamizawa ont des taux d'IgE plus élevés que la moyenne.
Mais pas seulement.
Les habitants de Hinamizawa présentent aussi une autre caractéristique de la présence d'un parasite :
l'absence de réaction allergique.
L'IgE produite en grande quantité va déclencher une inflammation dans le sang, ce qui stimule les mastocytes. Celles-ci vont émettre de l'histamine et de la sérotonine pour prévenir le corps qu'il est en train de faire une réaction allergique.
C'est assez désagréable pour l'être humain, ça peut même être dangereux, mais c'est nécessaire pour éradiquer l'agent pathogène.
Sauf que le parasite, pas stupide, pour ne pas se faire éliminer, va libérer des agents chimiques qui vont neutraliser l'immunoglobine E.
Du coup, l'IgE ne prévient plus les récepteurs des mastocytes.
En réaction, les mastocytes ne libèrent pas d'anticorps : la réaction allergique n'a pas lieu.
Les gens qui ont donc ce parasite dans le corps ont un taux élevé d'IgE, mais ne présentent pas de réaction allergique.
Pour aller plus loin, cela signifie par la même occasion que les gens infectés par ce parasite ne peuvent pas être allergiques au pollen.
Le mécanisme derrière le “rhume des foins” est le suivant : le corps du patient imagine à tort que le pollen respiré est un parasite. Il produit alors une grande quantité d'IgE.
Résultat, son sang devient bourré d'histamine, de sérotonine, etc. Sauf que le parasite qu'ils doivent éradiquer n'est pas là -- il n'y a jamais eu de parasite !
Et donc du coup, le corps continue de produire de l'IgE en masse.
Ce qui amène une réaction allergique, puis une autre, puis encore une autre, en continu.
Mais si le patient avait un parasite qui ferait dysfonctionner l'immunoglobine E, les sécrétions d'agents chimiques pour déclencher l'allergie cesseraient.
Et donc, le patient ne ferait pas d'allergie.
Ce qui veut dire que si l'on se penchait sur la question, on pourrait trouver que d'une, les habitants de Hinamizawa ne sont jamais allergiques au pollen, et de deux, des personnes allergiques au pollen seraient guéries si elles venaient vivre quelque temps à Hinamizawa.
— ... Mais alors, même si elle n'a pas identifié l'agent pathogène, elle peut prouver qu'il existe ?
— Exact.
Oui, c'est tout à fait ça.
— Dans ce cas, je peux tout à fait comprendre que les autres fanatiques religieux aient eu très peur de ces cahiers.
Je veux dire, si l'existence du parasite est prouvée, ensuite, l'identification, c'est une formalité.
— Oui,
si l'existence du parasite est prouvée, Miyo devient très dangereuse pour eux.
— En tout cas, c'est un énorme secret !
C'est pas si difficile à comprendre avec toutes les explications, mais si tu m'avais sorti ça cash cet après-midi, je t'aurais regardée bizarrement.
— Alors, tu vois ?
Moi non plus, au début, j'y croyais pas. C'est pour ça que je ne voulais pas t'en parler, je savais que tu ne me croierais pas, ou en tout cas, je le craignais.
— Et donc, pour en revenir à nos moutons, il y a des gens dangereux qui se bougent dans l'ombre pour cacher à la face du monde cette réalité ?
— Oui.
Il nous faut surtout nous concentrer sur eux, c'est le plus important en ce moment.
Pour les fanatiques de la déesse Yashiro, sa résurrection est évidemment sacrée.
Or, pour lui redonner sa suprématie, il faut lui redonner son pouvoir.
Et son pouvoir, c'est de calmer l'épidémie -- il faut donc qu'elle existe, cette épidémie.
Enfin bon, il n'y a pas besoin de la déclencher à travers tout le pays.
Une petite endémie suffirait largement.
De toute façon, le parasite n'a jamais survécu qu'ici, pas la peine d'en faire plus.
Le problème étant que le parasite qui déclenche la maladie est aujourd'hui bien différent de son ancêtre.
La sélection naturelle a fait que seules les souches les moins virulentes ont pu survivre, et il est devenu inoffensif.
Inoffensif dans le sens d'inefficace sur un être humain.
Autrefois, lorsqu'il était efficace, les gens le décrivaient comme une malédiction.
Comme la malédiction est devenue le symbole de la puissance de la déesse, on en déduit que si le parasite est inoffensif, la déesse n'a plus aucun pouvoir.
Donc, recréer la malédiction devient un moyen de rendre à la déesse toute sa légitimité.
Il faut donc chercher à recréer une souche virale aussi efficace que l'était le parasite autrefois.
— Attends une seconde, oh !
Les fanatiques, ils ne savent pas que leur déesse n'est qu'un parasite !
Pourquoi ils étudieraient le virus ?
C'est pas contradictoire ?
— Si, ça l'est.
Je pense que seuls les membres les plus importants de la secte sont au courant des recherches.
Ils mobilisent leurs autres fidèles avec la foi et le culte, mais je pense qu'ils savent parfaitement de quoi il en retourne. Ils veulent déclencher la malédiction de la déesse de leurs propres mains, à volonté.
— ... ... Ouais, après tout, c'est logique.
Mais du coup... Roh la vache, mais c'est énorme !
— Les cahiers de Miyo n'en parlent jamais, mais je pense que la clinique Irie est suspecte.
— Quoi ? La clinique du Chef ?
Mais pourquoi ?
— Allons, regarde Hinamizawa, c'est un petit village de rien du tout ! Pourquoi construire une clinique aussi grande ici ?
Et puis, n'oublie pas que Miyo travaillait là-bas.
Le Chef est peut-être un chercheur en virologie employé par les Sonozaki...
— Quoi ? Attends, le Chef ?
— Écoute, Miyo s'est fait tuer car elle en savait trop.
Pourtant, le Chef est toujours en vie : pourquoi ? Je pense que tout simplement, c'est parce qu'il est de mèche.
— Et alors, ce serait lui...
Ce serait lui qui essaierait de recréer la souche virale ? Le Chef ?
— Non, pardon, Keiichi,
je sais pas, à vrai dire.
C'est juste une idée qui m'a traversé l'esprit.
Mais il y a quelqu'un qui mène ces recherches, ça, c'est évident.
Et aujourd'hui, après 5 ans de recherches, cette personne a réussi.
La première affaire concerne le meurtre avec démembrement du chef de chantier.
C'est une simple dispute qui a escaladé en meurtre. Est-ce que les ouvriers seraient devenus violents à cause d'une injection du parasite ? Ça pourrait être l'explication.
La deuxième année, c'est le meurtre des parents de Satoko.
Il n'y a aucun témoin oculaire, donc toutes les théories sont malheureusement possibles. On sait par contre que les deux sont passés par-dessus la rembarde du promontoire d'observation où ils se trouvaient.
Peut-être l'un des deux est devenu fou et a poussé l'autre ? Ils seraient tombés tous les deux...
La troisième année, le prêtre meurt d'une maladie inconnue et sa femme se suicide dans le marais.
Le prêtre a certainement eu une réaction trop forte au parasite, il est mort du choc allergique.
Quant au suicide de sa femme, si elle est devenue folle, elle peut très bien s'être jetée d'elle-même dans le marais dans je-ne-sais-quel but.
La quatrième fois…
Satoshi Hôjô a assassiné sa tante.
Tous ceux qui ont connu Satoshi à l'époque peuvent témoigner du changement en lui.
Il était devenu fou et violent.
Et enfin, la cinquième année.
Pour la première fois, la victime présente les signes de la “poussée d'asticots”, telle qu'elle est décrite dans les vieux parchemins du temple Furude.
Je ne saurais pas dire le pourquoi du comment, mais les malades infectés par le parasite d'antan ont peut-être tous les mêmes hallucinations : ils voient des asticots.
Ce qui signifierait qu'enfin, à la cinquième année,
ils auraient réussi à reproduire “la malédiction de la déesse Yashiro” telle qu'elle est consignée dans les sutras du temple.
La mort si étrange de M. Tomitake est sûrement un mystère pour tout le monde, sauf pour moi : j'ai vécu presque la même chose.
Il a continué à se gratter pour enlever les asticots qu'il sentait dans sa gorge, en dépit du bon sens, et il en est mort.
Cette théorie explique aussi pourquoi j'ai fait cette expérience à Ibaraki.
Étant loin de Hinamizawa, le parasite a commencé à se révolter.
Normalement, il est inoffensif, mais il m'a donné le mal du pays.
Puis il y eut le traumatisme du divorce de ma mère. Et là, d'un seul coup, toutes mes défenses naturelles ont foutu le camp.
Le résultat, c'est que le parasite normalement inoffensif s'est retrouvé à me faire un effet carabiné.
Ce qui m'a conduite à des actes de folie furieuse.
Je pense que lorsque j'ai vu la déesse Yashiro descendre sur la terre, dans son halo de lumière, j'étais en train de faire une expérience mystique.
Mon cerveau a utilisé mes souvenirs d'enfance pour me persuader toute seule de rentrer à Hinamizawa.
Il est fort possible que je ne sois pas la première à faire cette expérience -- qu'auraient pensé les premiers habitants du village ?
Ils ont certainement parlé de miracle et ont loué la déesse Yashiro avec ferveur.
Je ne sais plus dans quelle émission j'ai vu ça, mais je sais que certains peuples utilisent des plantes à l'effet narcotique pour se plonger dans un état second
et entrer en transe pour converser avec leurs dieux.
— Mais alors, le but de ces fous-furieux, c'est de répandre encore une fois le virus dans le village ?
— Je pense que c'est leur but ultime,
mais il ne feront pas ça discrètement.
En affaire de religion, le cérémoniel est très important.
Je pense que le jour où ils voudront passer à l'action, ils feront d'abord quelque chose de grand,
une procession peut-être, pour annoncer le retour de la déesse, et ensuite seulement ils le feront, selon un rituel précis au millimètre près.
Pour eux, ce sera un jour de fête -- un jour de renouveau. Ils ne feront pas ça en catimini.
— ... Mais, c'est plutôt...
une mauvaise chose, non ?
— Eh bien, ils veulent répandre un virus extrêmement dangereux et potentiellement mortel dans la population, donc je dirais que...
Ben... Ouais,
c'est clairement pas gentil.
— C'est pas du terrorisme bactériologique ?
Mais putain, mais c'est un truc de guerre !
Et si M. Tomitake est effectivement un “essai concluant”, ça veut dire que le jour de l'Apocalypse n'est pas loin !
— Hmmm, je ne sais pas.
Est-ce qu'on en est si proche que ça ? Ça peut être l'un comme l'autre...
— Rena, tu peux pas résoudre ce problème toute seule !
C'est pas un bête complot, c'est du sérieux, là !
Je plaisante pas, qu'est-ce que tu veux qu'on fasse ?
Il faut appeler les autorités !
— Tu penses qu'ils vont croire à mon histoire ?
— Ça, c'est à eux de le décider !
Mais il faut absolument les prévenir !
— Keiichi.
Si j'en parle à l'inspecteur Ôishi, c'est comme si je lui avouais que c'est moi qui ai les cahiers manquants en ma possession.
— Et... ça pose un problème ?
— L'inspecteur m'a contactée sans me donner de raison valable après la mort de Miyo.
Or, les gens qui ont fait ça doivent avoir constaté qu'il manquait des notes de recherche, et ils doivent savoir qu'elle m'a rencontrée à la bibliothèque quelques jours avant sa mort.
— ... Oh putain...
Tu veux dire que...
— Eh oui, j'en ai bien peur.
Il est tout à fait possible que l'inspecteur fasse partie de ces gens.
Il s'est rendu compte que c'était peut-être moi qui les avais, alors il est venu me voir.
Tu sais, il ne me dit jamais vraiment le fond des choses.
Il dit que les Sonozaki sont la source de tous les maux et qu'il est mon ami, mais rien ne me prouve qu'il n'est pas de mèche.
— ... Ouais, mais... Je veux dire, si tu fais pas confiance à la Police, tu peux plus faire confiance à personne, du coup...
— Keiichi, tu sais ce qu'il s'est passé la quatrième année ?
La tante de Satoko a été frappée à mort.
Je n'ai pas assisté à la scène, mais je suis prête à mettre ma main à couper que c'est Satoshi qui a fait le coup. Sauf que quelques jours plus tard, la Police a découvert que c'était un toxicomane qui était le responsable.
Qu'est-ce que tu en penses ?
— ... ... Tu crois qu'ils ont une taupe dans la Police et qu'elle a...
fabriqué un coupable ?
— Pense à l'autopsie du prêtre, ou aux circonstances bizarres de l'accident des parents de Satoko.
Si la Police est dans le coup, alors tout devient clair, et surtout, tout devient possible.
Les trois clans exercent des pressions sur la Police depuis l'époque de la construction du barrage, tu sais.
Et puis, même Mii se vante parfois que la famille Sonozaki est placée à tous les postes clef à Okinomiya.
— Ouais, je l'ai entendu aussi.
Pas seulement d'elle,
beaucoup de gens me l'ont fait remarquer.
La famille de Mion peut exercer une influence sur presque tout le monde dans la région...
— ... Tu vois où je veux en venir ?
S'ils sont partout, alors pourquoi pas dans la Police ? Je ne peux pas leur faire confiance.
— Dis-moi un truc, Rena.
Et je m'excuse si je suis direct, mais il faut savoir : qui est derrière toute cette histoire, les Sonozaki ?
Mion est impliquée ou pas ?
Il faut absolument que je sache !
— .. Je ne peux pas affirmer que Mii est directement impliquée là-dedans, mais elle est quand même l'héritière d'un des clans fondateurs.
Et rappelle-toi que les fanatiques peuvent utiliser à leur guise les ressources du clan Sonozaki.
Alors maintenant, est-ce que les fanatiques sont venus s'incruster chez eux ou bien est-ce que les gens du clan Sonozaki sont des fanatiques, je ne sais pas, mais bon...
— Ouais, vu que tu ne sais pas quel est le lien entre les deux, autant rester prudente, quoi ?
— Oui.
Je suis pas en train de soupçonner Mii, hein, je t'assure.
D'habitude, je peux toujours compter sur elle, et si c'était pour autre chose, je n'hésiterais pas une seconde à lui demander, mais là...
On entre carrément dans une autre dimension, tu crois pas ?
Et puis, je sais pas si tu as déjà vu Mion quand elle représente son clan.
Elle se fait vraiment froide et distante.
Mais même en dehors de ça, elle sera peut-être en danger si je lui en parle.
— Mais si elle est de notre côté, elle pourra nous être une aide formidable !
Moi je dis, ça vaut le coup de lui en parler !
— Mais justement, il ne faut pas !
Tant qu'on ne sait pas de quel côté elle est, on ne peut pas la mettre au parfum.
Tu as raison, si elle est de notre côté, elle sera une alliée précieuse, mais si elle ne l'est pas, on fait quoi ?
— Mais enfin Rena, on va pas se battre à deux contre toute l'organisation criminelle ?
— Ouais, je sais,
c'est assez désespéré comme combat.
C'est bien pour ça que je ne voulais pas te mêler à tout ça.
— ... ... ... Putain de sa race,
Madame Takano nous a pas loupés ! Quel cadeau empoisonné ! Elle pouvait pas les garder pour elle, ces cahiers ?
— C'est grâce à ça que j'ai découvert le pot-aux-roses.
Tu sais, ces notes de recherches, ce sont un peu son testament.
— Purée, j'y crois pas, on va se retrouver à deux gamins pour nous battre contre une organisation nébuleuse qui dirige le village en secret !
Ça ferait un putain de film.
Ça va être raide, tu sais.
— Oui, mais... je t'avouerai que je suis bien contente de te savoir à mes côtés.
Au moins, je peux partager mes pensées et mes peurs avec quelqu'un.
— ... ... ... C'est la moindre des choses, tu crois pas ?
Je suis ton ami, je tiens avec toi, moi, depuis le début !
— ... Oui. Oui.
Merci.
C'est plus facile à deux.
— Et puis, ça vaut mieux que d'avoir peur toute seule dans ton coin !
— Oui.
Nous allons devoir en discuter entre nous avant de nous lancer dans la bataille.
Aujourd'hui, je suis restée à la maison pour lire les cahiers, en fait, mais dès demain, je reprends le train-train quotidien.
Si je me comporte différemment, les gens vont se douter de quelque chose.
Keiichi, il faut que tu fasses pareil.
Fais attention avec Mion, elle est assez perspicace quand elle veut.
— OK, c'est compris,
je ferai comme d'habitude.
... Rah purée, je commence à trembler...
Le compte à rebours est en route, qui sait ?
Je sais pas comment je vais faire pour rester normal.
— Ne t'en fais pas, ce ne sera pas pour tout de suite.
Je te l'ai dit tout à l'heure, ce sera un événement pour eux, il leur faut une date symbolique, mais aussi décider de la cérémonie à suivre.
Ils voudront sûrement avoir l'attention du village entier.
À part lors de la purification du coton, je ne vois pas quand ils pourraient le faire, il n'y a rien d'autre à Hinamizawa.
— ... Mouais, donc tu penses que... nous avons jusqu'à la fête de l'année prochaine ?
— Je n'ai pas de preuves,
mais disons que je ne vois rien d'autre, surtout. C'est une fête importante, dédiée à la déesse. C'est le moment idéal.
Nous avons encore un an, au bas mot.
Mais la mort de Miyo avait précipité les choses. Et ça me rendait nerveuse.
Peut-être qu'il existe réellement un autre événement religieux dans l'année, plus important que la purification du coton... C'est juste que je ne suis pas au courant de son existence...
Peut-être qu'au contraire, il ne me reste que peu de temps.
Peut-être que le jour de la résurrection de la déesse Yashiro est tout proche.
— Reina ?
Tu es encore au téléphone ?
Il est tard, pipelette !
Depuis le salon, mon père pencha la tête dans le couloir pour me dire de raccrocher.
Souvent, je me suis demandée si je devais lui en parler.
Après tout, il est ma seule famille, il sera là pour m'aider.
Mais je sais aussi qu'il est faible. C'est pour ça que je ne peux pas tout lui avouer.
Il ne me croirait pas, de toute façon, tel que je le connais. Au mieux, il m'encouragera à aller voir la Police et à leur en parler.
Donc le mieux, c'est de le laisser dans l'ignorance.
Si tu veux tromper tes ennemis, commence par tromper tes amis, disait le vieux sage.
Si mon père ne sait rien sur les cahiers, il ne pourra pas en parler. Mes ennemis verront rapidement que la torture ne servira à rien. Ils le laisseront sûrement tranquille...
— Désolée Keiichi, mais il est tard,
je pense qu'on peut en rester là pour ce soir.
On se voit demain à l'école ?
— Ouais, bien sûr. À demain.
— ... Fais attention à toi, Keiichi.
Tu es impliqué là-dedans, maintenant.
— Ouais, t'en fais pas, je ferai gaffe à moi.
Me souvenant de ces hommes dans la camionnette, une fraîcheur descendit le long de ma colonne vertébrale.
Ils avaient l'air de gens du coin, mais à bien les observer, ils étaient d'ailleurs.
Ils avaient fait semblant d'avoir l'accent de la région. Pourquoi déguiser leur accent ? Pourquoi cacher qu'ils n'étaient pas d'ici ?
Plus j'y réfléchissais, et plus ils étaient louches, ces gens.
Nous ne sommes peut-être finalement pas tant en sécurité que ça, dans ce village.
Si Rena dit vrai, ils ont des soupçons sur elle, mais ils n'en sont pas sûrs.
Mais ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas flippants ni dangereux !
Je parie que Rena a fait déjà plusieurs rencontres louches comme ça ces derniers jours, et qu'elle s'est rendu compte qu'elle est en danger.
Mais je suis sûr que le fait de savoir qu'ils n'attaquent pas et qu'ils ne font qu'observer doit lui faire encore plus peur.
De toute façon, s'ils passent à l'action, elle peut toujours prévenir la Police.
Mais tant qu'ils ne feront que regarder, elle ne pourra pas porter plainte. La police ne l'écouterait pas.
Rena n'a probablement pas la moindre envie d'aller à l'école. Elle préfèrerait sûrement rester cloîtrée chez elle.
Mais si elle ne se comporte pas comme tous les jours, elle leur mettra la puce à l'oreille.
Il nous faut trouver la parade. Le moyen de contre-attaquer, sans faire de choses sortant de l'ordinaire.
On ne peut plus retourner en arrière ! On ne peut plus retourner en arrière ! Après me l'être répété encore plusieurs fois, je raccrochai enfin le combiné -- à l'autre bout du fil, la communication avait coupé depuis bien longtemps...