Je me dirigeai rapidement vers le vestibule et vit Rena en charmante discussion avec mes parents.
... Dans ces moments-là, je dois dire que je ne suis pas très rassuré.
Mes parents sont capables de lui raconter des histoires sur moi, ou de lui révéler des trucs embarrassants.
Si jamais Rena devait apprendre que je pissais encore au lit à l'âge de * ans,
toute l'école, que dis-je, tout le village serait au courant en moins de 24h !
— Salut, Rena !
Ça va ?
Désolé de t'avoir fait attendre.
— Keiichiiii ! Ahahahahahahaha !
Rena et mes parents me dévisagèrent une seconde, tous les trois silencieux, puis ils éclatèrent de rire.
C'est pas une réponse normale pour dire bonjour...
Ce qui veut dire que je suis arrivé en retard pour empêcher les informations de filtrer.
Elle a dû apprendre un secret drôle ou en tout cas négatif pour moi...
Je décidai que la meilleure chose à faire était de l'éloigner le plus vite possible de mes parents, aussi je mis mes chaussures en quatrième vitesse et la poussai au dehors.
Je sais pas ce que mes parents s'imaginent sur elle et moi, mais en tout cas, ils nous firent de grands sourires et de grands signes de la main.
— Amusez-vous bien !
Rena, occupe-toi bien de mon garçon !
— Hauuuu !
Ne vous in-inquiétez pas,
je veillerai à... enfin, je veillerai, quoi ☆ !
— Je ne sais pas de quoi tu parles, mais ce sera pas nécessaire !
La traînant derrière moi comme un sac, j'allai au garage, les joues en feu.
Nous devions aller à Okinomiya, il me fallait donc mon vélo.
À l'aller, c'est très simple, car la route ne fait presque que descendre.
Par contre, au retour, logiquement, la route grimpe presque tout le temps.
Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression que Rena me lance des regards timides en rigolant toute seule.
Mais qu'est-ce que mes parents ont bien pu lui raconter pendant les quelques secondes où je me suis changé dans ma chambre ? Ça me rend dingue !
Je vais devoir prendre la tangeante et amener le sujet dans la conversation... ou mieux, lui faire penser à complètement autre chose.
— Dis-moi Rena, tu t'entends bien avec mes parents, à ce que je vois.
— Oui,
plutôt, en effet.
On se parle souvent, tu sais.
— Comment ça, “souvent” ?
Où ? Je vous ai jamais vus ensemble, avant.
— Je vois souvent ta mère en allant faire les courses.
Surtout pendant les promotions.
— Aaah oui, c'est vrai que ma mère fait très attention à ça.
Elle a des tas de papiers accrochés avec les trucs magnétiques sur le réfrigérateur.
À chaque fois, ça parle des viandes en promotion dans tel ou tel magasin.
— Oui, je lui demande souvent ce qu'elle a l'intention de préparer.
Alors quand le roux de curry est en promo, nous en prenons toutes les deux, et nous finissons par nous donner des idées de recettes pour le soir.
— D'ailleurs, en parlant de curry, on en a eu hier soir.
Toi aussi, du coup ?
— Exact !
Avant-hier, vous avez eu de l'émincé de porc avec de la sauce curry, non ?
Le porc était pas cher, j'en ai pris aussi.
Alors quand je mange, il m'arrive de me dire que toi aussi tu manges la même chose que moi en ce moment !
Hauu ☆
Mais alors, elle sait presque tous les jours ce que j'ai eu à manger ?
C'est pas super important, mais enfin, je sais pas, je trouve ça un peu... Je veux dire, c'est gênant, quoi.
— Par contre, ton père, je ne le vois que lorsqu'il accompagne ta mère faire les courses.
Ils s'entendent plutôt bien, tes parents, je trouve.
— Oui, c'est vrai qu'ils vont souvent faire les courses ensemble. Rah, à leur âge, en plus.
J'espère juste qu'ils ne me mettent pas la honte en public.
— Mais non, va ! Et puis de toute façon, c'est bien qu'ils soient si proches.
Non mais faire les courses ensemble ! On dirait de jeunes mariés, je suis jalouse, presque !
— Oui, bon, et si on parlait d'autre chose que de mes parents ?
Et les tiens, ils sont comment ?
Ils s'entendent bien ?
— Oui.
Ils s'entendent très bien,
un peu trop bien, toujours collés l'un à l'autre.
… Hauu…
J'ai un peu honte de les déranger en restant à la maison...
Un couple toujours vautré l'un sur l'autre, donc.
... Je n'ai jamais rencontré la mère de Rena, mais je parie qu'elle lui ressemble comme deux gouttes d'eau.
Si son père ne se rase pas impeccablement, je la vois bien partir d'un grand “Ohh, de la barbe poivre et sel, mais qu'elle est mimii☆!” énamouré.
Et de là, elle lui passe ses doigts sur la bidoche en disant “Oooh, mais c'est à qui ces jolies poignées d'amour tendres et rebondies ? Hmm ?”, avec des “Hauuu” en-veux-tu-en-voilà.
C'en était trop pour ma contenance.
— AHAHAhahahahahahaha !
— Mais qu'est-ce que tu as à rire comme ça ? J'ai dit quelque chose ?
— Tu sais quoi, j'ai vraiment envie de voir à quoi ressemble ta mère.
Je vais venir te rendre visite un de ces quatre, il faut que je sache !
— Quoi ?
NON ! Non mais t'es fou ? Surtout pas, non, non, non !
— Oah, allez, quoi, tu papotes bien avec la mienne, non ?
J'ai bien le droit de taper l'incruste une fois, quand même ?
— Mais oui mais tu sais, ça t'apportera rien de la rencontrer, je pense,
c'est pas une personne très recommandable...
— Allons, allons, je sais bien à quoi m'attendre, va !
J'en suis persuadé !
C'est ton portrait craché, hein ?
— Hein, quoi ? Non mais ça va pas ?
Ah mais pas du tout, alors là, non !
Je ne lui ressemble carrément pas !
— ... Tu protestes un peu trop pour être honnête, toi.
En tout cas,
moi, j'ai envie de la voir, du coup !
Et pis d'abord, tu pourras pas m'en empêcher ! Je viendrai dès demain, tiens, alors sois prête !
— Hauuuuu ! Non, non, non, non !
Si tu viens, je vais me mettre en colère, je te préviens !
— Bonjour, Madame, votre fille s'occupe très bien de moi, je lui suis très reconnaissant de...
Hmmm, non, il faudrait un truc encore pire, genre
“Je sors avec votre fille, et entre nous, c'est du sérieux !”
Ahahahahaha ! J'imagine vos têtes !
— ...Hau…
Keiichi... Si jamais tu viens chez moi, je raconterai à Mii et à tout le monde des histoires sur toi, de quand tu étais plus jeune...
— Euh... C'est à dire ? Aurais-tu un exemple un peu plus concret ?
— Eh bien, ta mère m'a raconté…
un truc de quand tu avais 4 ans...
et aussi une histoire de toboggan quand tu avais 6 ans,
et aussi... Hmmm...
— Je suis extrêmement confus, Mademoiselle, veuillez accepter mes plus plates excuses, mon humour est disgrâcieux, vraiment.
Tant que vous serez vivante, je vous jure de ne jamais m'approcher à moins de 100m de votre demeure !
— Éhéhéhéhé, merciiiiii !
Rah, mais M'man !
Tu pouvais pas te taire, non ?! Je me vengerai, un jour ! JE ME VENGERAI !
Lorsque nous arrivâmes devant la gare, notre destination se dressa à peine quelques mètres plus loin.
Le restaurant en face de la gare, l'Angel Mort, nous attendait aujourd'hui.
Mais la vue qui nous y attendait fut pour le moins surprenante.
D'habitude, c'était un restaurant tout ce qu'il y avait de plus banal, mais aujourd'hui, pour je-ne-sais-quelle raison, des masses de gens se pressaient à ses vitres et à ses portes.
Ce n'était pas une file pour entrer, c'était vraiment une foule.
S'ils avaient voulu entrer, ils n'avaient qu'à le faire, pourtant ?
— La vache,
mais qu'est-ce que c'est que tous ces gens ?
— Il y a un truc spécial aujourd'hui.
Il paraît que certaines personnes viennent de très loin spécialement pour.
Devant l'établissement, un présentoir proclamait fièrement : Festival des desserts.
Apparemment, l'Angel Mort organisait quelques journées spéciales pendant l'année, avec à chaque fois un énorme succès à la clef.
— Aujourd'hui, seules les personnes ayant été tirées au sort ont gagné un ticket d'entrée.
Et avec chaque ticket, un groupe de quatre personnes peut entrer.
— Aaaah, je comprends, comme ça tu peux inviter trois amis avec toi ? Et donc ces gens-là attendent leur copain gagnant ?
— Euh, non, je ne pense pas.
À mon avis, ils espèrent que quelqu'un vienne avec un ticket, mais que le groupe de quatre ne soit pas au complet.
— ... OK, donc en gros,
ils regardent s'il n'y a pas moyen de gruger ?
À peine avais-je terminé ma phrase que la foule eut un mouvement de recul.
Mais qu'est-ce qu'ils ont, bon sang ? Quoi encore ?
— Ce gars à un ticket !!!
— Enfin, vous ne pouvez décemment pas faire ça ?
Ayez pitié de trois pauvres bougres !
— S-si v-vous me laissez entrer, j-je vous donne une carte à collectionner rare à l'ef-l'ef-l'effigie du café !
— Et moi un artbook limité du cercle Front Wing !
— Moi je vous file une version bêta de Higurashi, avec les mini-jeux censurés et le mode poupée pour changer les habits des personnages !
— Allez, pour une figurine modifiée faite par un grand maître du porno !
— Moi, je te file du cash, 10 000Yens, là tout de suite !
— Non mais oh, t'es pas bien ?
Les transactions en argent réel sont interdites !
J'ai sage,
filtré, reporté, et appelé les flics !
Hammer…
BAN !
— ... J'ai rien compris à ce qu'ils ont dit...
— Ahahahahaha !
Oui, bah, que veux-tu, ils sont un peu, comment dire, spéciaux☆?
— Et d'ailleurs, tiens, nos tickets, ils sont comment ?
Je veux dire, on est cinq dans le club, non ?
Comment on est sép--
— Chhhhhhut !
Bah, le café appartient à un oncle à Mii, en fait, donc…
Tu vois, quoi ?
— La vache, Mion sait être impressionnante quand elle le veut...
Rena serra les poings et inspira un grand coup.
— Bon ! On y va !
Je te préviens, il faut les passer d'un seul coup.
— Ouais, je pense que c'est la meilleure solution.
... OK...
Je la regardai. Elle me regarda. Nous acquiesçâmes en même temps.
Nous étions deux.
Forcément, nous pouvions au moins prendre deux personnes avec nous.
Ils vont nous encercler...
Nous nous plaçâmes tous les deux en position, comme sur les starting blocks.
Les gens attroupés devant le café remarquèrent notre curieuse position.
— Hey !
Regardez ces deux-là ! Ils veulent passer en force !
— En plus, il compte remplir une table tout seul avec une fille ? Perversion ! Hérésie ! Au bûcher !
— Camarades, tuons dans l'œuf toute atmosphère romantique entre ces deux dissidents !
— Tenez-bon, résistez à l'ennemi, jusqu'au dernier coup !
Montrez-leur la volonté d'acier des Tout-en-Noir !
Merde, ils forment une mêlée !
Ils sont prêts à tout pour nous empêcher d'entrer, ma parole ?
— Aujourd'hui, les trois autres doivent subir le gage !
Si nous n'entrons pas, nous aurons gagné hier pour rien !
— Ouais, ça va clairement pas être possible.
On a obtenu cette victoire à la force des poings, après avoir tout donné !
Il nous faut regarder Mion et les autres se faire humilier, c'est notre droit !
— C'est même notre devoir !
— Oui, enfin, je sais bien que pour toi, il y a un autre motif...
— Hauuuuu !
Je me demande ce que Rika et Satoko portent aujourd'hui !
Ce soir, je les ramène à la maison !
— Espèce de sale jeune couple mièvre et dégoulinant de bons sentiments !
Donnez-nous votre ticket !
— Ahahahaha !
Vous ne passerez pas !
— Je ne permettrai pas que l'on gâche des places assises dans l'Angel Mort !
Prenez deux d'entre nous avec vous !
D'un côté, Rena et moi, et de l'autre, pour nous affronter, une armée de zombies tendant les bras vers nous, espérant voler notre ticket !
La distance entre nous rétrécissait...
Pourtant, au milieu de ce chaos, nous gardions la tête froide.
Je dirais même que nous trouvions cela amusant.
— Ahahahahaha ! C'est presque comme si nous étions à nouveau dans le combat d'hier !
— Ouais, c'est plutôt marrant, en fin de compte !
Bon, on leur met une dérouillée et on y va ?
— Reçu 5 sur 5.
Comparé à Mii ou à Satoko, je pense qu'ils nous poseront... moins de problèmes, je dirais. Et toi ?
— Affirmatif.
Ils sont quoi, 20, 30 à tout casser.
Je suis horriblement navré pour eux, mais c'est carrément pas assez pour nous empêcher de passer !
— Ahahahahaha !
OK, tu es prêt ? C'est parti !
— Ouais !
Ils n'étaient qu'une grosse vingtaine pour nous arrêter !
Bande de blaireaux, il vous en faudrait au moins dix fois plus !
Prenez ÇA dans les dents, bande de moules !