... Même lorsque je me réveillai, j'étais encore tout excité.
Je suis sûr d'avoir fait un rêve super.
Je ne saurais pas dire de quoi j'avais rêvé -- en ouvrant les paupières, mes yeux avaient dû appuyer sur un bouton dans mon cerveau et tout effacer, j'imagine.
Mais je suis sûr et certain que c'était un rêve super.
C'est pourquoi je restai un moment à regarder le plafond, content de moi.
Aujourd'hui, nous étions dimanche.
De l'autre côté de mes vitres, des oiseaux piaillaient joyeusement.
En semaine, les oiseaux semblaient toujours vouloir me dire “Allez, lève-toi, dépêche, tu vas être en retard à l'école !”, mais le dimanche, c'était une toute autre chanson.
Ils donnent presque l'impression d'être tout excités en voyant le soleil se lever si haut le matin, et pépient à qui-mieux-mieux pour prévenir leurs amis.
En fait, c'est bien simple, j'ai l'impression que ce ne sont carrément pas les mêmes oiseaux qu'en semaine.
Je me demande si ça existe, ça, tiens. Des oiseaux qui ne chanteraient que le dimanche ?
Ce serait un truc de riches, ça. C'est un peu trop demander.
Je devrais arrêter de me poser des questions stupides et écouter les oiseaux, ce serait dommage de gâcher leur concert...
Lorsqu'enfin je finis par me réveiller, toute ma conversation interne sur les oiseaux me parut délicieusement ridicule.
— ... Hhhha... hhhaaaeurmngahh.
Je poussai un bâillement formidable, puis m'étirai de tout mon long et restai quelques instants à me délecter de la sensation du sang qui courait dans mes veines.
Me tournant sur le côté, prêt pour un nouveau roupillon, je remarquai ma montre, qui indiquait 10h passées.
Il me souvint qu'avant, le dimanche à 10h du matin, je partais pour une école de cours privés.
Bien sûr, c'était avant d'emménager à Hinamizawa.
J'allais dans pas mal d'écoles spécialisées à l'époque, mine de rien.
Celle du premier et troisième dimanche du mois étaient très loin, je devais changer de ligne de train assez souvent.
Enfin bon, à l'époque, je n'aurais jamais pu me réveiller à une heure pareille.
Ma mère me levait à la même heure que pendant la semaine, et j'avais intérêt à me dépêcher si je ne voulais pas être en retard.
C'est pour ça qu'en fait, c'était vraiment très bizarre pour moi de me réveiller naturellement -- ça ne m'était jamais arrivé avant d'emménager ici, et c'est pour ça que je le savourais tellement.
... Même si récemment, cela commençait à perdre de sa nouveauté.
Cela faisait plusieurs dimanches que je n'émergeais de ma couette que sur le coup de midi.
J'ai l'impression que ma vie a changé du tout au tout en arrivant ici.
Avant mon déménagement, je n'avais remarqué que les mauvais côtés, le manque de tout, la distance à la ville, et franchement dit, ça ne m'emballait pas de vivre dans l'arrière-pays paumé dans la pampa.
Mais tout cela avait très vite changé, en quelques jours à peine.
Les commodités de la ville avaient été éclipsées par tout ce que la vie ici avait à m'offrir.
Et quand je dis “tout ce que la vie avait à m'offrir”,
en fait,
je pense surtout à tout ce qu'il m'arrive grâce à mes nouvelles amies.
Il faut croire que j'ai vraiment pris mon pied hier pendant cette bataille de pistolets à eau.
Tss, une bataille de pistolets à eau, à mon âge ? Non mais, sérieux ?
Les jeunes de mon âge en ville ne feraient jamais ça. Même s'ils en avaient envie, d'ailleurs.
Et déjà, franchement dit, je ne suis même pas sûr qu'ils en aient envie, à la base.
Il est là, le problème, en fait, personne là-bas n'a remarqué qu'un jeu aussi simple peut être aussi génial.
Je descendis au rez-de-chaussée, où mes parents étaient lancés dans une grande discussion devant un programme télé particulièrement sérieux et probablement rébarbatif.
— De toute façon, je te l'ai déjà dit, le problème, c'est que l'abonnement de base est trop cher au Japon.
C'est parce que l'État a le monopole exclusif, il peut se permettre de fixer les prix qu'il veut.
— Oui, mais si le téléphone se fait privatiser, cela veut dire que l'on passera d'un service rendu au public à un produit marketing, il y aura des endroits où tu paieras moins cher, je suis d'accord, mais dans les régions plus éloignées, au contraire, les prix vont encore augmenter.
Tu penses vraiment qu'ils pourront garder, ou qu'ils voudront garder, d'ailleurs, un tarif unique pour tout le monde, sans discrimination ?
Les commentateurs à la télé menaient à peu près la même conversation.
Apparemment, le gouvernement aurait décidé de privatiser le secteur des télécommunications.
Je ne vois absolument pas en quoi ça améliorerait les choses -- pour la bonne et simple raison que je suis très jeune et que je ne suis pas sûr de comprendre ce qu'une privatisation veut dire au juste. Et puis, j'ai autre chose à penser dans ma vie...
... Le jour où ils feront ça pour la Poste, ce sera sûrement le même cinéma.
J'observai mes parents. Ils avaient un différent d'opinion assez... vocal, disons, mais le reste du temps, ils s'entendaient vraiment bien tous les deux.
C'est peut-être pour ça qu'ils peuvent en parler aussi ouvertement.
Ils n'étaient pas comme ça, avant. En tout cas, je ne me souviens pas les avoir vus comme ça.
... C'est l'une des choses qui se sont améliorées lorsqu'on a emménagé ici, je pense.
Heureusement, d'ailleurs. Pour un enfant, voir ses parents se faire tout le temps la gueule, c'est comme du poison.
— Ah, tiens, Keiichi.
Tu es bien matinal pour un dimanche.
Tu veux un petit-déjeuner ?
— Non, pas aujourd'hui.
D'ailleurs, je vais sortir, donc pas la peine de préparer de repas de midi pour moi non plus.
— Ah oui ? Tu pars avec des amis ?
Avec les filles de ce club dont tu parles si souvent ?
— Oui et non, c'est pas vraiment pour le club.
C'est pour le gage d'hier.
La sonnette nous interrompit.
Je regardai ma montre : c'était déjà l'heure de rendez-vous que j'avais fixée à Rena.
J'aurais pas dû profiter de ma bonne humeur au lit !
Je courus dans ma chambre pour me changer à toute blinde.