Un vieux couple résidant dans la préfecture d'Ôsaka découvrit un jour une cassette audio parmi les affaires de leur fils, mort 8 années auparavant.

Le fils aîné de ce couple (âgé de 47 ans au moment de son décès accidentel) était mort en l'an 7 de l'ère Heisei (1995) en tombant de sa barque de pêche.

La cassette avait été trouvée seulement 8 ans plus tard, lorsque le couple s'était décidé à ranger les affaires de leur fils défunt et ainsi faire leur deuil.

Le fils en question avait été journaliste indépendant pour la presse à scandales.

De 1975 jusqu'à 1989.

On pense que la cassette datait de cette époque.

Sur le label autocollant, il était marqué : “28-11-58-Keiichi-Maebara”.

Il est donc supposé que la cassette contient l'enregistrement d'une conversation avec Keiichi Maebara, le seul survivant de la grande catastrophe naturelle de Hinamizawa du 22 juin 1983.

À l'époque, nombreuses furent les personnes à vouloir savoir ce que ce jeune homme avait à dire sur les événements de la nuit du 21 juin. Mais bien qu'étant le seul survivant, il n'avait jamais tenté d'en parler en public.

C'est pourquoi cette cassette fut rapidement l'objet de toutes les convoitises.

Début de la cassette.

Keiichi

— Maintenant que je sais que vous enregistrez, je suis un peu gêné.

Journaliste

— Mais t'en fais pas, gamin.

Regarde, on va faire comme ça, et tu verras, ça ira mieux.

(Le son devient alors bien plus étouffé.

Le dictaphone a dû être recouvert ou caché par autre chose, peut-être ?)

Journaliste

— Alors, on commence, d'accord ?

Première question :

où étais-tu la nuit de la catastrophe ?

Keiichi

— Je suis parti du temple et je me suis enfoncé dans la forêt...

jusqu'au pont suspendu

qu'il y a avant d'arriver dans le domaine de la montagne.

Je suis tombé du pont et j'ai perdu connaissance.

Journaliste

— C'était la nuit du 21 au 22 ? Tu es allé là-bas en pleine nuit ?

Keiichi

— ... Non.

C'était le mardi 21 au matin.

Je me suis réveillé le mercredi après-midi dans la rivière, donc je pense être resté inconscient pendant plus d'une journée.

Journaliste

— Mais pourquoi étais-tu là-bas ?

Journaliste

Je sais que c'est une question que tout le monde a dû te poser, mais... c'était un jour de semaine, c'était très loin de chez toi, et ce n'était pas exactement sur le chemin de l'école, non ?

Keiichi

— ... ... ...

Journaliste

— Il y a des gens qui imaginent qu'en fait, tu savais que cela allait se passer et tu t'es enfui.

Tu serais tombé du pont uniquement par le plus pur des hasards, pendant ta fuite.

Keiichi

— Je ne trouve pas cela très drôle.

Ne racontez pas ce genre de sottises, à l'avenir.

Journaliste

— Oh, tu sais, je suis d'accord avec toi sur ce coup-là.

Ce n'est pas moi qui le raconte.

Dis-moi, ce pont dont tu m'as parlé, c'est celui-là sur la carte ?

Journaliste

On part du temple, on traverse la forêt et on arrive là.

Keiichi

— ... Probablement, oui.

Je n'y allais pas souvent, alors je connaissais pas trop le coin.

Journaliste

— Ahahahaha !

Mais alors, pourquoi aller là-bas en pleine semaine ? On en revient au point de départ.

Keiichi

— ... ... ...

Journaliste

— Et donc... je voulais te demander si tu savais ce qu'il se dit à propos de la rivière dans laquelle tu t'es réveillé. On raconte que c'est pas possible.

Keiichi

— “C'est pas possible”...

de pas possible...

il s'est passé quelque chose de pas possible…

Encore une fois...?

Encore une fois…

Encore une fois…

(Pendant quelques instants, Keiichi Maebara répète plusieurs fois “c'est pas possible”, comme s'il se parlait à lui-même)

Keiichi

— Et pourquoi ce serait impossible ?

Journaliste

— Tu sais que l'épanchement de gaz provenait du marais, n'est-ce pas ?

Journaliste

Les scientifiques ont fait des simulations et ont découvert quelque chose de trèèèèèèèèèès intéressant.

Keiichi

— ... ... ...

Journaliste

— Les gaz volcaniques sont plus lourds que l'air ambiant,

alors ils longent le sol et se déplacent toujours vers les endroits plus bas, un peu comme de l'eau.

Journaliste

Et donc ils ont simulés ce qu'il s'est passé, combien de temps il a fallu pour que le gaz recouvre le village, et caetera.

Journaliste

Et là, ils se sont rendus compte qu'en fait,

le gaz a dû passer

pile-poil

par la rivière où tu étais inconscient.

Keiichi

— ... Je comprends pas trop où vous voulez en venir.

Journaliste

— Si réellement tu étais évanoui là-bas cette nuit-là, alors tu es resté toute la nuit en plein milieu des gaz mortels.

Journaliste

Il est donc scientifiquement prouvé que tu ne pouvais pas te trouver là-bas.

Keiichi

— ... ... ... ...

Journaliste

— J'vais te dire,

je pense qu'en fait, tu es en train de nous mentir à tous.

Journaliste

Le soir de la catastrophe, tu es allé te réfugier dans un endroit sain et sauf. Puis tu as attendu que les gaz soient moins denses pour retourner au village... et voilà ! Un miraculé, un !

Alors,

j'ai tout bon ?

(Pendant plusieurs instants, le journaliste se moque de Keiichi Maebara, qui, lui, ne fait que pousser de profonds soupirs de temps à autre.)

Keiichi

— ... Même si les scientifiques disent vrai, je dois dire que ça ne m'étonne pas.

Journaliste

— C'est-à-dire, “ça ne t'étonne pas” ?

Keiichi

— Vous l'avez dit tout à l'heure,

“c'est pas possible”.

Keiichi

Mais à Hinamizawa, il s'en passait tous les jours, des choses “pas possibles”.

On voyait parfois des gens à certains endroits alors qu'ils étaient en réalité complètement ailleurs.

Keiichi

On a eu même un mort, enterré, qui est rentré chez lui une heure après et qui a continué à vivre comme si de rien n'était.

...C'est pas vraiment si inhabituel.

Keiichi

Mais je dois dire que je trouve ça assez marrant qu'en fin de compte, moi-même, je servirais à prouver qu'un homme mort pouvait quand même être vivant... Héh.

Ahahaha, AHAHAHAHA !

Journaliste

— Ahhahahahha !

(Keiichi et le journaliste rient ensemble pendant encore une petite minute.)

Journaliste

— Alors, parlons d'autre chose.

Certaines personnes pensent que cette catastrophe serait en fait le résultat de la malédiction de la cinquième année. Qu'est-ce que tu en penses ?

Keiichi

— Non, ils se trompent.

La malédiction de la cinquième année, c'est moi.

Journaliste

— Quoi ?

Ahahahahahaha !

Mais de quoi tu parles ?

Keiichi

— Ben... je réponds à votre question.

Keiichi

— Cette catastrophe... Bah, vous ne me croirez pas, mais tant pis.

C'est moi qui en suis responsable.

J'ai pensé très fort “Crève, sale village de merde”, et le lendemain, mon vœu s'est exaucé.

Journaliste

— Ahahahahahhaha !

Mais c'est une histoire splendide !

Keiichi

— Splendide ?

Je suppose que c'est une façon de voir les choses...

Keiichi

J'ai tué Mme Takano, puis le chef, et même l'inspecteur Ôishi de cette manière.

À cette époque, j'avais des pouvoirs divins.

Aaah oui, et les bruits de pas.

Journaliste

— Les bruits de pas ?

Ahahahahaha, mais qu'est-ce que tu racontes ? C'est quoi encore, ça ?

Keiichi

— Quoi, vous n'avez jamais entendu de bruits de pas de votre vie ? Quand vos pieds marchent sur le sol ?

...Tip tap.

Click click.

Ku-ku-ku.

Keiichi

À partir d'aujourd'hui, vous devriez y prêter attention. Marchez, et d'un seul coup, arrêtez-vous tout net ! Vous verrez, c'est un jeu très amusant.

Keiichi

Et si par hasard,

juste après que vous vous arrêtez,

vous entendez un bruit de pas en trop, alors là…

là, à votre place, je ferais trèèèès attention…

héhéhéhéhé

Journaliste

—  Ahahahhahahahaha !

Ah, d'accord, merci du conseil !

Ahahahahahahaha !

Keiichi

— ... Vous trouvez franchement ça drôle ?

Keiichi

Vous ne faites que rire depuis tout à l'heure.

... Je vois, vous êtes comme le chef.

Keiichi

Vous avez pitié de moi, alors vous écoutez mon histoire, mais dans votre tête, vous me méprisez...

Journaliste

— Hahaha,

meeeuh non voyons, faut pas dire ça…

ahaha, aaaah.

Keiichi

— Oh, je le sais bien.

Vous avez le même regard que lui.

Keiichi

... Depuis ce jour, je n'entends plus de bruits de pas.

Donc je pense que je n'ai plus mes anciens superpouvoirs…

Keiichi

mais je vais essayer quand même.

Vous m'avez emmerdé avec vos histoires,

Keiichi

alors vous allez mourir.

Hmmm... j'ai tué Mme Takano en la faisant brûler, alors pour vous...

on va prendre le contraire. C'est l'eau qui vous tuera.

Vous mourrez en vous noyant, ça vous tente ?

Keiichi

Quand j'étais en pleine forme, à l'époque, il me fallait une nuit pour que mon souhait devienne réalité.

... Je me demande combien de temps il faudra, cette fois-ci !

Ahahahahahahahahahhahaha !

Keiichi

Faites attention, hein ?

Je

vous

ai

maudit,

mais

essayez

de

ne

pas

mourir

tout

de

suite

ok ?

...

...

Ha

ha

ha

ha

ha

ha

ha

ha

ha

ha

ha

ha

ha

ha

ha

ha

ha

ha

ha

ha

ha

(L'enregistrement prend fin en plein milieu de rires incontrôlables.)