Il n'y avait personne à l'école.

D'habitude, chaque fois que je venais ici, l'endroit était vivant, il y avait des cris d'enfants... alors ce silence impressionnant, aujourd'hui, c'était quelque chose que je vivais pour la toute première fois.

Mais malgré cela, je me fis le plus petit possible et tentai de percevoir la moindre présence dans les environs.

Il faisait de plus en plus sombre, et pourtant, bizarrement, ma vue devenait meilleure.

Je m'assurai que tout était en ordre, puis m'approchai lentement de l'endroit où j'avais caché la batte.

Pendant un bref instant, il me vint à l'idée que quelqu'un avait peut-être découvert la batte et l'avait prise avec soi.

Si jamais c'était le cas, est-ce que ça m'empêcherait de mettre mon plan à exécution ?

Pas impossible... Je ne savais pas...

Je sentis alors le contact froid du métal sous ma main.

Elle n'avait pas disparu.

Enfin, pour ainsi dire, elle n'avait pas pris la fuite.

Satoshi n'avait pas pris la fuite.

Il m'avait attendu ici, patiemment.

Keiichi

— Désolé de t'avoir fait attendre, Satoshi.

... Ça va, c'était pas trop long ? T'es prêt ?

Satoshi se mit à sourire.

Eh gamin, c'est à moi de te poser la question.

J'ai déjà fait ce que tu vas faire, moi.

C'est pas moi qui doit être prêt, je sais comment ça marche...

Keiichi

— J'te prends au mot, Satoshi.

... On va leur montrer.

La batte était de plus en plus légère dans ma main, et elle y était comme collée.

Je fis quelques moulinets -- j'eus de parfaites sensations.

Elle était facile à maîtriser, comme si elle n'était que le prolongement naturel de mon bras droit.

... C'était normal.

Satoshi et moi étions deux à tenir la même batte.

Maintenant... il me faut prendre un téléphone et l'appeler.

Hmm, l'heure est assez propice.

Mes amies sont sûrement à la fête en train de s'amuser dans les stands.

... Je ne savais pas d'où j'allais passer le coup de fil fatidique.

J'habitais loin de chez Satoko. Si j'appelle de chez moi, je n'arriverai jamais à temps au petit bois.

... Je dois pouvoir utiliser le téléphone de l'école, je pense.

Mais évidemment, le bâtiment est fermé et il n'y a personne...

Et meeeeeerdeeee...

Comment j'ai fait pour ne pas penser à ça ?

Bon sang, mais j'aurais dû décider de ça hier soir !

Je ne peux pas l'appeler...

Est-ce que mon plan va tomber à l'eau pour si peu ?

...

Putain... merde... je suis désolé, Satoshi...

Alors que je commençai à me haïr, il y eut un miracle.

Un vélo pénétra à l'intérieur de la cour.

Je le connais, cet homme.

Il travaille aux Eaux et Forêts.

Mais pourquoi ? On est dimanche, pourtant !

Il a peut-être oublié quelque chose...

Une fois arrivé à la porte de derrière, l'homme fouilla ses poches, sortit ses clefs, ouvrit la porte et entra dans le bâtiment.

Keiichi

— ... ... ...

C'était un hasard trop prodigieux pour être innocent... Satoshi venait de faire un miracle.

Son poids dans ma main me fit comprendre que c'était ma seule chance.

La partie destinée aux Eaux et Forêts et la partie utilisée par l'école étaient bien distinctes.

L'homme de tout à l'heure était allé dans la réserve des Eaux et Forêts -- c'était très loin dans le territoire qui nous était interdit, à nous simples élèves.

La porte de derrière bâillait, entr'ouverte, aguicheuse...

Je respirai un grand coup et me jetai à l'eau.

Sur la pointe des pieds, faisant attention au moindre bruit, je me dirigeai vers la salle des professeurs.

Il n'y avait qu'un seul téléphone, et il était là-bas.

Une fois dans la pièce, je retins ma respiration, tentant de rester le plus discret possible. J'entendis les pas de l'employé qui revenait.

Il repartit vers la porte, puis la ferma à clef.

Par une fenêtre, je jetai précautionneusement un coup d'œil dehors. L'employé enfourcha son vélo comme si de rien n'était puis quitta l'école.

À nouveau, un silence religieux enveloppa le bâtiment.

Je restai un instant sans bouger, m'assurant bien que j'étais seul, puis je pris le combiné sur le bureau du Directeur.

Je sortis de ma poche le numéro de téléphone de Satoko.

Le numéro qu'elle avait marqué dans le registre de l'école était celui de la maison de ses défunts parents, l'endroit où maintenant, elle vivait avec l'autre enfoiré.

J'allais composer le numéro lorsque j'eus une hésitation -- qu'est-ce que j'allais lui dire quand il décrocherait ?

Je m'étais pourtant cassé la tête dessus hier soir.

Je crois que tout foutait le camp maintenant que j'étais au pied du mur. Ma tête était comme un vieux seau fissuré qui laissait s'échapper un filet d'eau mince mais constant.

Il faut rester simple et concis.

Et il faut y aller au culot, de sorte qu'il ne se doute de rien.

Je comptis les battements de mon cœur, et à trois, je composai rapidement le numéro.

Ça sonne.

... Je me demande s'il va répondre.

La peur m'assaillit. S'il ne décroche pas, je ne pourrai pas la sauver... mais en même temps, je n'aurai pas besoin de le tuer...

Teppei

— ... Ouais, allô ?

Il n'était pas trop de bonne humeur, comme s'il venait de se lever.

Mais au moins, il a décroché...

Teppei

— ... Allô ?

Putain, mais donne ton nom, connard, tu sais pas répondre au téléphone ou quoi ?

J'ai pas envie de tuer le mauvais mec, moi...

Bon, il me faut garder l'initiative.

Allez, on y va !

Keiichi

— Ici la police d'Okinomiya, district de Shishibone.

Je suis bien chez M. ou Mme Hôjô ?

J'espère qu'il ne remarquera pas que je n'ai pas encore tout à fait une voix d'adulte.

J'espère surtout qu'il me croira pour cette histoire de police...

Teppei

— Euh, oui.

Hôjô à l'appareil.

Keiichi

— Nous avons recueilli votre fille Satoko.

Teppei

— Quoi ?

Satoko ?

Qu'est-ce qu'elle a encore été faire comme co- comme bêtise ?

Il est tombé dans le panneau...

Il est tout énervé, il n'a donc aucun soupçon...

Keiichi

— J'aimerais en parler avec vous au poste.

Est-ce que vous pourriez vous rendre chez nous maintenant ?

Teppei

— Quoi, maintenant genre maintenant tout de suite ?

Je viens de prendre mon bain, j'ai plus envie de sortir, moi...

Mais il est pas net, ce mec ?

Il croit que ça va passer ?

Keiichi

— Oui, maintenant tout de suite.

Teppei

— ... Tout de suite ?

Pfff, eh merde, qu'est-ce qu'elle a fait ?

Keiichi

— Je vous expliquerai cela en détail lorsque vous serez arrivé.

Je vous attends.

Teppei

— Ah !

Eh,

attendez, oh, une seconde !

Je sais pas où c'est moi, le commissariat.

J'y vais comment ?

Keiichi

— ... Eh bien...

Mais quel connard fini !

Il sait même pas où est le commissariat ?

Mais moi non plus !

Mais putain, il a vécu toute sa vie ici, merde !

Il pourrait au moins savoir ça !

Je me mis à trember de tout le corps.

J'étais pétrifié, incapable de sortir le moindre mot... lorsqu'il parla.

Teppei

— Hmmm, c'est près des pompiers, hein ?

Putain, ça fait loin...

Heureusement qu'il s'en est souvenu, purée...

Je me fous de savoir où c'est, le commissariat,

je veux juste qu'il sorte de chez lui.

Keiichi

— Bien. Je vous attends donc.

Teppei

— Ah, eh,

mais une seconde, oh !

Je demande qui à l'accueil ?

Vous vous appelez comment ?

Mais putain, qu'est-ce que ça peut te foutre, mon nom ?

SORS de chez toi, bordel de merde !

Keiichi

— Maeba-- Maebashi ! Demandez Maebashi.

À tout de suite.

Il était moins une...

J'ai failli lui dire mon vrai nom.

Heureusement que j'ai changé la fin...

Je raccrochai sans lui laisser le temps de reprendre.

Mes doigts tremblaients, et j'avais de la transpiration très froide sur tout le corps.

Pas seulement à cause du coup de téléphone...

Maintenant, tout allait commencer.

Je quittai l'école.

L'employé avait fermé en partant, mais elle était ouvrable depuis l'intérieur, en fait.

Sauf qu'après, il serait impossible de la refermer.

J'aimerais bien fermer, histoire que tout fût parfait, mais j'ai pas le temps de chercher la clef.

Je devais désormais me rendre à toute vitesse là où je l'attaquerais.

Je revins dans le petit bois à la vitesse maximale.

S'il passe par là avant moi, tout est foutu.

S'il découvre qu'il n'existe pas de Maebashi parmi les hommes du commissariat, ça va créer un tas de problèmes.

Pendant le retour, je vis pas mal de familles en kimono d'été.

Elles allaient à la fête, selon toute évidence.

Même si je ne les connais pas, eux me connaissent peut-être.

Je n'étais pas tranquille à l'idée de les croiser.

Mais en même temps, comme je ne viens jamais par ici, il est possible que les gens du coin ne me reconnaissent pas.

Mais bon, c'était pas le moment d'y penser.

Il me fallait retourner là-bas le plus vite possible... pour reprendre mon souffle et l'attendre...

Je cachai mon vélo dans les buissons des sous-bois et serrai la batte de Satoshi très fort contre moi.

Puis, cachant ma respiration, je me mis à sonder les environs...

Il n'est pas encore passé, j'espère...

Il a quand même pas fait du zèle pour une fois dans sa vie ?

Je ne savais pas comment faire pour vérifier, et commençais sérieusement à devenir nerveux.

Calme-toi, Keiichi, reste zen.

Même s'il est déjà passé, il faudra bien qu'il repasse pour rentrer à la maison.

Le résultat sera le même.

Tu le crèveras ici et pas ailleurs.

Il viendra sûrement en mobylette.

Comment tu comptes l'arrêter ?

En fait on s'en fout, je n'ai qu'à me jeter sur lui quand il passe, il y aura bien moyen.

Et puis, la route n'est pas goudronnée.

Si je réussis à le percuter ou à lui faire perdre un peu l'équilibre, il ira se planter dans le décor, de toute façon.

... Et là, d'un seul coup…

les cigales cessèrent de chanter.

Au loin, j'entendis le bruit d'une mobylette qui se rapprochait.

Je ne savais pas quel bruit faisait sa mobylette, mais je savais à peu près à quoi il ressemblait.

Elle se rapprochait de plus en plus.

Elle était presque là.

Encore un peu, et il arrivera dans mon champ de vision.

Je vais devoir vérifier si c'est lui en un instant…

et si c'est lui…

si c'est lui…

je passe à l'action.

La mobylette apparut.

Quelques détails très parlants me confirmèrent ce que je pensais : c'était sa mobylette.

C'est vraiment lui, alors ?

Pas d'erreur ?

C'est pas moi qui me fais des films ?

Je le regardai encore une fois.

Couleur…

modèle…

et surtout les fringues…

et sa tête !

Je réprimai

mes dernières hésitations.

Satoko... ... Totoche va mettre fin à tes cauchemars.

Elle se rapproche, encore et encore.

Allez, Satoshi,

on y va !

Satoshi

— Ouais, allons-y.

Woosh !!!

Je sortis des buissons à toute vitesse.

Je courus, l'épaule en avant, déterminé à percuter la mobylette sur le côté.

Teppei

— Ooohaaaaa !

Eh, oh, ooooh !

Il perdit l'équilibre et se mit à pencher un peu dans tous les sens.

Puis, tombant sur le côté, la mobylette râcla le sol et tournoya au sol.

L'oncle resta un moment à grogner au sol, groggy, ne comprenant pas ce qu'il lui arrivait.

Haaa, haaaa, haaa !

Ma respiration commença à s'accélérer.

C'est pas bon, ça, je ne dois pas m'exciter !

Les sécrétions dans mon cerveau risqueraient de me rendre fou...

Il est à terre, il est encore sonné... c'est maintenant ou jamais ! Mais merde, qu'est-ce que je fous ?

Le monde devint entièrement silencieux.

D'un seul coup, tout fut très clair dans ma tête. Je sentis la chaleur dans ma nuque devenir comme une couche de sueur glacée.

La tension dans mes muscles partit, me laissant là, les bras ballants.

Mais ce n'était pas une baisse de tension.

Alors, tu es calmé, Keiichi ?

Keiichi Maebara.

Tu as besoin que je te rappelle pourquoi tu es là, aujourd'hui ?

Je fis un pas en avant.

Puis un autre.

Le gravier crissa sous pieds, à chaque pas qui me rapprochait de ma cible.

À chaque pas, mon calme augmentait.

À chaque pas, mon corps devenait plus froid, gelé même.

... OK.

Il a définitivement perdu la permission de vivre.

C'est moi qui la lui ai révoquée.

Alors il n'a plus le droit de résider en ce bas-monde.

S'il continue à vivre encore et à faire du mal à Satoko,

alors tous ses malheurs seront de ma faute.

... Le froid parvint jusqu'à toutes mes extrémités.

L'oncle était encore à terre, à mes pieds.

J'eus un petit rire méprisant à son égard.

Teppei

— ... Oh puTAIN... la vache... j'ai mal !

Oooh, pauvre chou, tu as mal ? Je vais te montrer ce qui fait mal.

Tu vas souffrir comme tu as fait souffrir Satoko.

Et tu le paieras de ta vie !

Suppression de toute émotion inutile.

Prioritée absolue à la cible devant moi.

Exécution.

Exécution…

Exécution !

PAN !

Avec la plus grande concentration, je portai le premier coup à la tête.

Je voulais le frapper à un endroit sensible tant qu'il n'était pas encore remis de sa chute.

Teppei

— Aaaah !

Évidemment, il leva ses bras pour se protéger la tête.

C'était un réflexe, un mécanisme de défense plutôt automatique.

Mais du coup, il ne pouvait pas se relever.

Je le frappai plusieurs fois, comme on sarcle les patates.

Quand il se protègait la tête, je visais les côtes.

Il se mit en boule, alors je frappai le dos.

Il se roula par terre, alors je visais les pieds,

les genoux.

Les coudes.

Peu importait.

Je devais juste le frapper, encore et encore, pour le faire paniquer.

J'étais largement en position de force, mais ce n'était pas encore assez pour lui porter de blessure vraiment grave.

Teppei

— Aaaaaaaaaaaaaah !

Teppei

!!!

Après avoir fait un roulé-boulé, il se remit sur pieds et partit comme une flèche.

Il n'a même pas regardé qui l'attaquait.

Il est simplement parti en courant, pour fuir le danger le plus vite possible, sans réfléchir.

J'avais eu très peur de sa contre-attaque, car il était plus barraqué que moi.

Mais bon, même si là, il est en train de fuir,

je dois dire que tout se passait plutôt bien pour l'instant.

Le mieux, c'est qu'en plus, au lieu de fuir vers un endroit où il pourrait y avoir du monde, il avait choisi de couper à travers bois.

Il fuyait vers un endroit où personne ne pourrait l'entendre appeler au secours... aahahahahaha !

On dirait une souris qui cherche un endroit de plus en plus petit pour se cacher -- il passait d'un endroit à un autre sans vraiment se décider.

En fait, il avait peut-être cessé d'être un être humain.

Il n'était plus qu'une souris, un rat.

Livraison accrue d'oxygène aux membres inférieurs.

Course basse lancée, vitesse accrue, réactivité maximale.

Je devins une ombre rapide comme le vent,

et me mis à sa poursuite, sans respirer.

Sautant par dessus les buissons, je passai les lignes d'arbres en écrasant les feuilles mortes et les brindilles sur mon passage.

Il ne me fallut qu'un très court instant pour le rejoindre

et me remettre à le rouer de coups.

Tout mon corps et toute mon âme tendait vers un seul but : débarrasser le monde de cette vermine.

C'était la première fois de ma vie que je ressentais ça.

... Oui bon, évidemment, c'était la première fois de ma vie que je tuais quelqu'un.

Forcément, tout ce qu'il m'arrivait était tout nouveau.

Mais alors, ça voudrait dire qu'en fait…

si ça se trouvait…

j'étais doué pour assassiner les gens.

Ou bien alors cela voulait dire que tuer était un acte à la portée du premier idiot.

Je ne ressentais aucune fatigue et aucune douleur à le poursuivre.

Il avait beau courir, je le suivais de très près, fidèle comme son ombre.

Je n'avais aucune difficulté à viser son dos, ses épaules, sa tête, quelle que soit la position de son corps, il en prenait pour son grade.

À chaque coup, je l'entendais gémir et implorer ma pitié, mais ses cris ne m'atteignaient pas.

Je ne ressentais aucune aversion et, contrairement aux jours précédents, aucune hésitation.

Je me sentais comme un prédateur.

Bien sûr, l'oncle ne voulait pas mourir, et je sentais son instinct dans sa fuite désespérée.

Il fuyait comme il le pouvait, ne lésinant pas sur les efforts, dans un simple espoir de survivre, tel un animal pris en chasse.

Il avait déjà subi plusieurs attaques et reçu de nombreux coups, mais il continuait toujours à courir.

C'était impressionnant de le voir courir si vite sur le sol meuble et accidenté de la forêt.

Mais je n'avais pas besoin d'en éprouver un quelconque respect.

C'était une preuve supplémentaire qu'il n'était qu'un animal.

Si tu es poursuivi, prends la fuite.

Si quelqu'un veut te tuer, prends la fuite.

Il savait montrer les dents contre les faibles, mais contre les forts, il ne cherchait même pas à résister.

C'était une enflure, une belle saloperie…

peureuse et pitoyable.

Quand je pense que c'est lui qui a fait du mal à Satoko.

Il lui a infligé des blessures physiques et psychiques terribles, qui ne disparaîtront peut-être jamais...

Teppei

— Au…

Au

secours !!

AAaaAAAhhh !

Keiichi

— GrrraaaaAAAAAAHHH !

Le calme de glace en moi se transforma en une rage primitive et bestiale.

Je laissai mon instinct meurtrier prendre les commandes pour achever le minus devant moi.

Teppei

— EEeeeeeeeh !

Au son de mon cri, il glapit et pousuivit sa course en se protégeant la tête avec les bras.

Putain de ta vieille, mais comment tu fais pour courir aussi vite dans des conditions pareilles ?

OK, ok, ok, tu veux courir, cours.

Je suis la Mort.

Tu n'auras qu'à me choisir quand tu en auras assez de fuir.

Quand tu auras mal aux jambes, mal aux poumons, mal à la tête, quand la douleur sera trop intense pour que tu puisses la supporter,

alors, tu n'auras qu'à t'arrêter de courir, et je serai là.

Mais il courait, encore et encore, à s'en étouffer, sans oser se retourner, la peur de mourir le poussant de l'avant.

Il courait, je le rattrapais, le frappais à la tête, et récoltais sa sueur, sa bave, son sang.

Il éructait incontrôlablement, tout en proférant des cris très aigus, mêlés à des pleurs.

Et puis il réclamait ma pitié.

Chaque seconde de ce processus était une seconde passée au purgatoire.

Eh ben alors, cours ! Allez, cours ! Cours ! Cours ! Mais COURS, bordel !

Casse-toi la gueule, souffre, et crève !

Et puis d'abord, d'où tu viens, saloperie ?

T'étais pas là avant !

T'avais pas besoin de venir ici !

Si t'étais pas venu, nous aurions pu vivre tranquillement !

J'aurais pu aller tranquillos au temple aujourd'hui et m'amuser avec tout le monde !

Je parie que nous ferions la tournée des stands en ce moment.

Il y aurait probablement un concours de bouffe avec des trucs plus ou moins exotiques, mais je nous vois bien faire une compétition avec les petits poissons ou avec le tir à la carabine.

Mion ne raterait pas cette occasion pour en faire des activités de club et instaurer des gages de fous.

Puis nous regarderions tous Rika faire sa dance religieuse, puis nous nous dirions au revoir, le sourire aux lèvres, la tête pleine de souvenirs, décidés à en reparler le lendemain.

Ç'aurait été un moment magique passé avec mes amis.

Mais nous avions relâché notre attention une demi-seconde, et tu avais tout foutu en l'air !

Si tu n'étais pas venu, nous aurions pu faire tout ça !

C'est toi l'anormal,

c'est toi l'erreur !

Tu n'es qu'un pet de travers de l'univers !

Mais je vais corriger ça, ne t'inquiète pas.

Je vais te crever, et on va tous oublier les événements de cette semaine.

Ce soir, c'est la purification du coton.

C'est une soirée sacrée pendant laquelle on a le droit de tuer une personne, au nom de la malédiction de la déesse Yashiro.

Tiens ? J'ai pas fait attention, mais les cigales se sont tues.

Lorsque s'épanchera le sanglot des cigales,

tout prendra fin.

...

Ça y est,

l

e

s

c

i

g

a

l

e

s

se

sont

tues

.

OK, enflure,

t'as passé suffisamment de temps au purgatoire.

Les cigales se sont tues, alors tout est fini.

Tout est fini, tu m'entends ? Fini, fini, FINI !

Tu n'as plus besoin de fuir.

Je vais t'exploser la tête, et tu vas CREVER !

Guooohhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh!!!

Il y eut un coup de tonnerre, dont le bruit explosa tout près.

Je sentis le sol trembler, puis, peu après, une odeur de feuilles brûlées.

Quelque chose fut différent cette fois-ci.

La batte s'enfonca profondément à l'arrière de la boîte crânienne, comme si elle avait voulu happer la batte pour l'empêcher de repartir.

L'oncle avait trébuché encore une fois, et j'avais frappé de toutes mes forces.

Avec un peu de retard, son deuxième genou rejoignit le premier à terre,

puis il s'étala de tout son long.

Keiichi

— ... Haa... Haaaaa... Haa…

Haaa !

Haaa !

Je me mis à respirer à grandes goulées, complètement essoufflé.

Ma tête était légère, comme si j'avais le tournis. Incapable de garder mon équilibre, je dus m'appuyer sur un arbre à côté de moi...

L'oncle ne cherchait plus à protéger sa tête.

Il eut des sortes de convulsions, qui me donnèrent envie de vomir, puis il cessa de bouger.

Je l'ai eu ? Ça y est, je l'ai vraiment buté ?

Réprimant mon envie de me coucher tout de suite pour prendre du repos, je m'approchai de lui, la batte fermement tenue en main...

Il est peut-être en train de faire le mort et espère que je vais m'en aller.

Je pourrais lui prendre le pouls ?

Mais pas la peine de faire ça tout de suite.

Si j'avais un doute sur sa mort, je n'avais qu'à le frapper encore.

Je repris ma respiration.

Levant la batte très haut, je fis une pause dramatique,

puis frappai.

Clunk.

Son corps se banda comme un arc, mais il n'esquissa pas le moindre geste de défense.

Je relevai la batte et visai cette fois-ci la tête. Un coup sec.

Toujours le même manque de réaction.

À force de frapper sa tête comme un tas de riz gluant, le coin commençait à être maculé d'une substance rouge et noire, qui mouchetait un peu partout.

Bon…

là, je crois que c'est clair.

Je l'ai tué…

pour de vrai.

Je ne ressentis aucune fierté, aucune exaltation, mais je n'avais aucun regret non plus.

La colère envers lui avait disparu, la pitié envers Saotoko aussi.

Pour le moment, il pleuvait, et je restais debout sous la pluie battante, savourant sa délicieuse caresse...

Le corps trempé par l'eau de pluie, je restai là à sécher.

La tension et l'excitation m'avaient complètement quitté... et l'eau m'avait nettoyé.

En contrepartie, mes chaussures étaient maintenant gorgées d'eau et faisaient du bruit à chacun de mes pas.

La batte de Satoshi ne s'était pas spécialement déformée, malgré mon utilisation plus que maladroite.

Elle avait quelques creux et quelques traces, mais il était impossible de dire de quoi celles-ci venaient.

Par contre, elle était pleine de boue et de sang. Cela faisait un mélange rouge et noir particulièrement répugnant.

Mais c'était une preuve tangible.

C'était l'assurance que j'avais débarrassé Satoko de cet oncle une bonne fois pour toutes, que je ne l'avais pas rêvé.

... ... Bon, allez, Keiichi.

Calme-toi, maintenant.

Il ne faut plus être bouillant de haine.

C'est le moment de devenir froid et calculateur comme de la glace.

Bon, il faut enterrer le corps maintenant.

Mais d'abord, repérer où je suis.

Je l'ai poursuivi alors qu'il fuyait au hasard.

Je ne sais même pas combien de temps nous avons couru...

En plus il faisait noir, maintenant. Je devais me repérer grâce à l'éclairage public au loin.

C'était bizarre, d'ailleurs.

Il faisait pourtant clair jusqu'à tout à l'heure...

J'avais pu presque compter les cheveux sur la tête de l'autre idiot pendant que nous courions.

... En fait, je devais être super concentré à cet instant... je ne m'en étais pas rendu compte, sur le coup.

J'allai jusqu'à la première lumière sur le chemin.

Regardant à droite et à gauche, je fouillai ma tête à la recherche d'une information géographique.

Keiichi

— ... ... ... Mais c'est...

… Merde.

Je me trouvais sur l'unique chemin qui menait de Hinamizawa à Okinomiya.

Par rapport à la maison de Satoko, c'était... super loin.

Nous avons couru sur toute cette distance ?

C'était déjà surprenant en soi, mais le pire, c'est que pendant tout ce temps et tout ce chemin, nous avions dû faire un boucan pas croyable... et pourtant nous n'avions vu personne. C'était d'une chance insolente.

D'ici au trou que j'ai préparé, il y a une sacrée distance.

Je n'arriverai jamais à transporter le corps jusque là-bas.

Eh, mais j'y pense...

Sa mobylette est encore dans le chemin !

C'est un problème.

Si jamais la police voit le numéro, elle pourra savoir tout de suite à qui elle appartient.

Je ne peux pas la laisser là...

Le corps est, par chance, toujours dans la forêt.

Le plus important, c'est d'abord la mobylette, elle est bien visible sur la route, alors que le corps est dans les ténèbres de la forêt.

Et puis, il me faudra la pelle que j'ai laissée près du trou.

Faut être réaliste, je pourrai jamais transporter le corps jusqu'au trou.

Il va falloir creuser encore une fois.

Heureusement qu'il y a eu l'averse, le sol est meuble maintenant.

Si je me dépêche, je devrais pas avoir trop de problèmes.

Et puis, il y a mon vélo aussi.

Rah, j'en ai pas terminé avec cette histoire...

Le meurtre en soi, ce n'était que la moitié du plan.

Il va me falloir la même concentration pour passer à la seconde moitié du plan.

Je cacherai le corps, et l'affaire n'éclatera jamais.

Les gens oublieront sa présence, comme s'il n'avait jamais été là. Et nous redeviendrons heureux.

Je penchai la tête en arrière et inspirai profondément, pour me calmer un peu plus.

De grosses gouttes de pluie me tombaient encore sur le front, impitoyables.

Mais leur contact était plutôt agréable, aussi restai-je ainsi un moment, simplement debout sous la pluie.

Une fois redevenu ferme, les sens réaffûtés, je repris ma marche.

La mobylette se trouvait couchée à terre, dans le bas-côté.

La pluie et la boue qui la maculaient donnaient l'impression qu'elle avait traîné ici depuis des semaines.

J'avais l'intention de la jeter dans le marais.

Ce qui n'était pas très loin d'ici.

Keiichi

— ... ... ooooh HISSE !

Je relevai la mobylette.

Je la regardai, surpris.

Je n'aurais jamais cru, mais elle était sacrément lourde.

Heureusement, une fois debout, elle était facile à pousser.

Mais en même temps, c'était pas très plaisant de penser à tout le chemin à faire avant de la jeter, même si ce n'était pas si loin que ça...

J'étais crevé, et mon corps me le rappelait sans cesse. Je ne pouvais plus l'ignorer… Ramener cette mobylette jusque là-bas était un effort que je ne pouvais plus me permettre.

Hmm... Je pourrais peut-être rouler avec ?

Si j'arrive à la démarrer, le reste, c'est comme une bicyclette…

Ça ira super vite jusqu'au marais.

Je devrais avoir peur de me mettre en selle sur une mobylette, c'était la première fois de ma vie, et pourtant, l'envie de la facilité était la plus forte.

Je tournai la clef de contact. Il faut aussi appuyer sur la pédale, là, non ?

... OK…

Allez !

Le moteur démarra.

Ça y est !

Et maintenant... c'est celui de droite ou celui de gauche ?

Keiichi

— Ouoooh, oh, ooooooh...

J'ai dû serrer trop fort, car la mobylette partit sur une roue, comme un cheval fou.

Bon, je me suis fais une petite frayeur, mais après tout, c'est qu'une question de dosage.

Allez, on va réessayer.

Plus lentement cette fois-ci... gentiment...

La deuxième fut la bonne.

C'était très bizarre de faire avancer cette machine sans avoir besoin de pédaler, mais je m'y habituai vite.

Mion m'avait dit que le permis pour mobylette, on pouvait l'avoir en un jour,

eh bien, je comprenais maintenant ce qu'elle avait voulu dire par là.

Il faut aussi jeter la batte dans le marais, coûte que coûte.

Sauf que je ne voyais pas comment la transporter...

N'ayant pas vraiment le choix, je la rangeai dans mon T-shirt comme un ninja porte son sabre.

En plaçant le bout dans mon pantalon et en courbant le dos, elle ne tomberait pas si facilement.

Je me remis en selle et pus rouler avec assurance.

Il y avait un interrupteur avec marqué “phares” dessus -- sympa -- sur lequel j'appuyai, et qui aussitôt projeta une lumière plutôt forte sur le chemin devant moi.

Je savais bien que normalement, il vaudrait mieux ne pas les allumer, mais honnêtement, je ne me voyais pas rouler dans le noir -- je n'en avais plus la force.

Sous la pluie battante, je repris le chemin du marais.

En chemin, je croisai plusieurs groupes de personnes qui revenaient de la fête, mais ils étaient tous occupés à courir pour ne pas se faire trop saucer, ou bien ils avaient de larges parapluies vissés sur la tête.

Aucun ne fit attention à moi.

Jusque la veille, j'avais prêté attention aux passants, les évitant comme la peste, mais maintenant, ils n'avaient plus d'importance.

D'ailleurs, il valait mieux se déplacer sans faire de chichis pour ne pas paraître suspect.

... Même si honnêtement, je savais bien que ce n'était qu'une excuse pour en finir au plus vite.

Je montai une côte difficile.

En vélo, je me serais explosé les jambes et le cœur à pédaler jusqu'en haut. C'était pratique, une mobylette, finalement.

La lumière du phare éclaira un bref instant une pancarte.

Marais des abysses des démons / Ce n'est pas un terrain de jeu !

Enfin bon, le chemin n'était pas bloqué non plus, hein, donc je n'eus aucune difficulté à aller plus avant.

Les adultes nous menaient la vie dure s'ils apprenaient que nous avions été jouer là-bas, mais je savais que tous les garçons allaient là-bas pour choper des écrevisses grises -- c'était un peu un rite de passage.

Il fallait acheter des morceaux de pieuvre séchée, les entourer avec du fil à pêche et hop, vous aviez de quoi attirer toutes les écrevisses de la région... enfin bref.

Après la butte, je vis un petit temple creusé dans un rocher, et un arbre immense ceint d'une corde en paille ointe.

Puis, juste derrière, le marais, noir, la gueule ouverte, buvant goulûment la pluie, m'attendait.

Si je lance la mobylette avec l'accélérateur enfoncé, elle ira sûrement jusqu'au milieu du marais.

Il va falloir faire gaffe à pas tomber avec.

Si je tombe avec la mobylette, ça fera non pas une histoire terrible à se raconter entre gamins, mais une histoire drôle...

Le soir de la purification du coton, le cadavre de l'oncle de Satoko serait retrouvé sur le chemin qui mène à Okinomiya, et Keiichi Maebara serait porté disparu.

Les gens diraient que j'ai été enlevé par les démons…

ce serait pas très intéressant comme malédiction pour la cinquième année.

Je descendis de la mobylette et enfonçai l'accélérateur au maximum.

J'attendis que la machine fût prête à m'emporter avec elle avant de lâcher le guidon.

Elle fit un vol plané après la berge et tomba dans le marais, faisant nettement moins de bruit que je ne l'avais craint, puis s'enfonça dans les ténèbres aqueuses.

La surface de l'eau était pleine de terre.

Même la mobylette n'était déjà plus visible.

Je suppose qu'elle était lourde et qu'elle avait coulé à pic.

Le marais l'avait engloutie d'un seul coup.

Il la poussera vers les profondeurs, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle atteigne le royaume des démons.

J'avais déjà plus de réticence à jeter la batte de Satoshi, à vrai dire.

Les traces de sang étaient parties très vite, il avait suffit de la plonger un peu dans l'eau.

Cette batte me reliait un peu à lui, et nous avions vécu une expérience commune grâce à elle.

J'aurais préféré pouvoir la garder cachée quelque part près de moi.

Avec elle, je pourrais protéger Satoko encore et encore. Je n'aurais qu'à la ranger à nouveau dans son casier...

... ... ... ...

Keiichi

— Satoshi…

Je

crois qu'en fait… je m'étais…

Je m'étais trompé sur ton compte.

Il ne répondit pas, mais baissa la tête, souriant.

Maintenant que j'avais fait tout cela, j'avais une certitude.

L'année dernière, je sais que c'est toi qui as tué ta tante, pour sauver ta sœur.

Je croyais que tu étais un peureux et que tu avais fui tes problèmes, mais en fait, non.

Je sais que les autres imaginent que c'est un toxicomane qui a fait le coup, mais moi, je savais ce qu'il avait dû se passer.

C'est toi qui nous a rendu ce service, n'est-ce pas ?

Puis tu as disparu.

Tu étais à deux doigts de retrouver la tranquilité, mais tu as perdu en quelques jours.

C'est pourquoi je te fais la promesse solennelle de croquer la vie à pleines dents.

Je vivrai comme si aujourd'hui, comme si toute cette semaine n'avait jamais existé.

Mais je n'oublierai jamais ce lien entre nous. Jamais.

Je ne voyais pas son visage, mais... je savais qu'il devait sourire.

Nous voulions protéger la même petite fille... je savais ce qu'il devait ressentir.

Mon bras se mit à se balancer,

tout seul, naturellement...

puis, arrivée à son apex,

ma main lâcha la batte...

Elle décrivit un long arc dans les airs, comme suspendue. Pendant sa course, elle fit plusieurs tours sur elle-même, avant de disparaître, happée, dans les eaux noires du marais.

Il n'y eut même pas d'ondelettes à son point d'impact.

En même temps, la surface du marais était presque impossible à discerner à cause de la pluie.

... J'eus un bref regret en réalisant que je l'avais jetée.

Mais je me rendis compte que finalement, c'était peut-être là la volonté de Satoshi.

Keiichi

— ... Oui, tu as raison.

Je n'ai pas le temps de m'apitoyer, j'ai encore pas mal de boulot.

Je devais retourner prendre ma pelle, puis mon vélo.

Il fallait encore cacher le corps. Creuser le trou pour l'enterrer.

C'était une sacrée masse de travail, et il me fallait l'abattre impérativement ce soir.

Satoshi me mit une dernière fois en garde, m'enjoignant à ne pas perdre de temps,

puis il se tut, à tout jamais, entraîné peu à peu jusqu'au fond du marais.

Je retournai à l'endroit où j'avais attendu ma proie.

Je repris mon vélo, caché dans les fougères.

Mon corps était lourd, pataud.

Mais je devais tenir bon : il fallait absolument en finir avant d'aller me coucher ce soir.

Ouh, j'ai failli oublier !

Je ne suis pas venu juste pour le vélo.

J'ai aussi caché la pelle pas loin d'ici.

Rah là là, Keiichi,

un jour c'est ta tête que tu oublieras.

Reste concentré, autrement ta vision va encore couper.

Allez quoi, secoue-toi, merde !

T'as pas encore fini, alors du nerf !

J'entrai dans les sous-bois et cherchai la pelle.

Sauf que la forêt était très, très sombre, maintenant... je n'y voyais plus rien.

Reprenant un peu mes esprits, je me rendis compte que j'étais bien dans la mouise.

Keiichi

— ... ... ... Roh, mais meeeerde, c'est pas vrai....

Je me remis à suer à grosses gouttes.

J'étais bien profond dans la forêt, là où les lumières de l'éclairage public n'avaient aucun effet sur la nuit noire.

Je n'avais pas prévu une pénombre si insondable...

Je ne sais même pas si j'aurais réussi à l'enterrer ici en fait. Je ne trouvai déjà plus l'endroit...

Que faire, que faire...

Je retrouverai jamais la pelle ce soir.

Si je vais trop loin dans la forêt, je risque encore de me perdre comme un idiot.

Et même si je ne me perds pas, il y a toujours le risque d'une entorse.

Aaah, mais si j'ai bonne mémoire, on a encore une pelle comme ça dans la cabane.

Je vais aller la chercher, ça m'évitera de perdre du temps avec celle-là.

Et puis, c'est pas comme s'il y avait mon nom marqué dessus.

Hmmm, quoique, il paraît que c'est pas un modèle japonais, donc la marque est plutôt rare par ici...

Je n'ai pas envie de la laisser traîner.

Mais en même temps, il fait trop noir, j'y vois rien.

Tant pis, je lâche l'affaire, je vais chercher la deuxième pelle.

Ensuite, il me faudra une lampe, on a une lampe-torche normalement.

Je pourrai la chercher avec.

Hmmm... je me demande si la lampe-torche sera suffisamment efficace pour chercher dans des ténèbres pareilles.

Attends un peu, éclairer avec une lampe-torche ?

Les gens verront le rai de lumière...

et puis même, je sais pas si je trouverai la pelle avec un truc tout rikiki.

De toute façon, cela fait trop longtemps que j'ai laissé le corps sans surveillance.

La fatigue avait atténué mes sensations, mais mine de rien, j'avais peur.

Il me faut absolument cacher le corps, le plus vite possible, c'est la plus grande des priorités.

La pelle, si quelqu'un la trouve, ça lui fera de quoi raconter au café, mais le corps, c'est une autre histoire.

Si quelqu'un le trouve, il m'arrivera la même chose qu'à Satoshi.

Bon, ok, d'abord, la cabane à outils.

Ensuite, là-dedans, la pelle et la lampe-torche.

D'ailleurs, j'aurais peut-être même besoin de lumière pour creuser le trou.

Ensuite, donc, la pelle.

Et ensuite, faire disparaître le corps.

Et quand ce sera fini... je reviens par ici et je cherche la deuxième pelle...

Pourtant, je suis déjà exténué, mais j'ai pas le choix, je dois tout faire ce soir.

Bon, c'est pas en pleurant sur mon sort que ça va avancer.

Je vais pas tout foutre en l'air pour avoir fait mon Caliméro.

Ah ben ? Je me suis assis, moi ? Mais quand ?

Serrant les dents, je me remis debout.

La nuit sera longue.

Je crois que je n'ai jamais vécu une nuit aussi longue.

Bon sang, quand est-ce que ce sera fini ?

... C'est vraiment trop long.