Dimanche.

... Les feux d'artifices que nous avions entendus au loin ce matin étaient certainement le début officiel des festivités.

Aujourd'hui, il ne faisait vraiment pas un temps de fête. Le ciel était couvert.

Les prévisions météorologiques avaient annoncé le risque de fortes averses en début de soirée.

Mais bon, pour l'instant le temps se maintenait, donc la fête avait commencé.

Et heureusement d'ailleurs, car sans cela, ma journée ne commençait pas.

Je suppose qu'aujourd'hui, le sanctuaire Furude est décoré de partout et qu'il offre au regard un spectacle chatoyant.

Les rideaux rouges et blancs pour porter bonheur. Les lanternes pendues partout.

Le bruit du générateur électrique pour les stands.

Les cris des enfants courant partout.

Les parents et la famille qui les regardent, souriants.

Aujourd'hui était jour de fête. C'était la purification du coton.

Je me demande si les filles sont déjà en train de s'amuser.

Si Satoko est déjà en train de s'amuser.

Si elle était capable d'oublier un instant les mauvais traitements et d'offrir au monde son si joli sourire.

Aujourd'hui sera sûrement le jour le plus long de toute ma vie.

Le jour dont je me souviendrai toujours, jusque dans ses moindres détails.

Mes parents se la coulaient douce, se préparant à aller voir les stands en soirée.

Je ne pus m'empêcher de m'étonner de voir une telle différence entre les membres d'une même maisonnée.

Les surveillants du coin de l'œil, je me dirigeai vers le vestibule.

Pour serrer mes lacets et serrer les fesses.

Mes nœuds de lacets devaient être aussi solides que ma résolution.

... Lorsque je m'étais décidé à assassiner l'oncle de Satoko, j'avais été presque fou d'excitation.

Et pendant que j'avais planifié cet acte abject qui prenait à revers chaque élément de mon éducation et de mes convictions, mon âme avait perdu toute émotion, et j'étais devenu extrêmement calme.

Et enfin, hier...

... lorsque j'avais appris que Satoshi avait passé le même coup de fil que moi l'année dernière,

... une confusion indescriptible s'était emparée de moi.

Ce qui nous menait à aujourd'hui.

Je n'avais plus aucune émotion dans mon corps.

Pour faire une métaphore simple à comprendre... j'étais encore dans un état second, pas tout à fait réveillé, et aucune émotion ne réussissait à percer dans mon esprit.

Il n'y avait ni colère à l'encontre des actes inhumains qu'il avait fait subir à sa nièce, ni pitié ou commisération envers Satoko elle-même.

De même, l'apathie criminelle de mes amies et des adultes autour de moi m'était complètement égale.

Et je n'éprouvais aucune nervosité ou peur particulière à l'idée des événements que j'allais déclencher.

Bref,

j'étais dans une forme olympienne pour pouvoir faire ce que j'avais à faire.

Pendant l'acte en lui-même, il me faudra certainement laisser libre cours à mes émotions.

Mais jusqu'au tout dernier moment, je devais vivre comme un insecte,

uniquement concentré sur mon but, sans faire de bruit ou de déplacements inutiles, attendant ma proie.

Et dans ces moments-là, il n'y avait pas de place pour l'émotivité.

C'était d'ailleurs un peu ce qui faisait peur dans le règne animal.

Mais c'était le plus efficace.

Je le crèverai comme on écrase un insecte.

Ce qui est particulièrement comique en ce moment, car je me comporte moi-même comme un insecte.

......Tug.

Ayant renoué une dernière fois mes lacets, je sortis.

Je pris la pelle que nous avions dans la cabane à outils.

J'en avais besoin pour creuser sa tombe, à l'autre idiot.

Elle servait lorsque nous allions camper, et elle était très pratique. On pouvait la démonter en trois morceaux et comme ça, elle prenait moins de place, et donc elle était très facile à cacher sur soi.

Je fis coulisser le manche et la démontai.

Enfin, j'essayai, mais pour une raison inexplicable,

je n'y arrivai pas.

Comme si d'un seul coup, j'étais devenu incapable de mes dix doigts.

Oh, je sais bien.

Cela ne vient pas d'une quelconque nervosité.

C'est mon subconscient qui est trop faible et qui essaie de se défiler.

Il sait parfaitement que démonter cette pelle n'est que le premier pas sur le chemin qui me mènera au meurtre.

Keiichi

— Pu...tain !

La dernière torsion du manche me demanda un sacré effort, mais la pelle finit par céder face à ma détermination.

Les environs de la maison où vit Satoko se trouvent bien au delà de mon rayon d'activité habituel.

Le simple fait de rouler en vélo dans le coin pourrait déclencher la méfiance de quelqu'un...

Je devais absolument éviter de rencontrer quelqu'un de vaguement connu, ou de me faire apostropher par un habitant du village.

Il va me falloir choisir la route à suivre pour arriver dans la zone d'attaque avec la plus grande prudence.

Quelques détours seront nécessaires, mais peu importe.

Même si j'avance prudemment aujourd'hui, je ne risque pas d'être trop prudent pour ce que j'ai à faire.

Il n'empêche que je m'estimais très chanceux d'être arrivé dans la zone boisée sans rencontrer personne.

Je ne veux pas dire que je touche du bois -- le jeu de mot serait trop vaseux -- mais franchement, ça se présentait bien.

L'endroit où j'avais décidé de l'enterrer se trouvait plus avant dans la forêt.

J'eus soudainement peur de ne pas retrouver l'endroit sur lequel j'avais mis mes vues, mais en fait, je tombai dessus presque tout de suite, sans chercher.

Je jetai un coup d'œil alentour.

Pas l'ombre d'une présence humaine en vue.

L'air était un peu humide, mais la fraîcheur des sous-bois était très agréable.

Je sortis les morceaux de la pelle de mon sac, puis la remontai.

Puis, enfin, je posai le bord de la pelle sur le sol, et posai mon pied dessus.

... Il me suffirait d'appliquer une légère pression avec mon pied pour commencer à creuser.

Mais ce premier geste était d'une telle importance -- il n'y aurait plus moyen de revenir en arrière après cela -- que je m'en retrouvai tout hésitant.

Pourtant, ce n'était qu'un con de trou à creuser... mais je déglutis plusieurs fois.

Calme-toi, Keiichi, reste zen.

Allez, synchronise ta respiration avec la mienne.

À trois, on creuse.

Une…

deux…

Hein ?

Ce n'était pourtant pas bien difficile, il me suffisait de régler ma respiration correctement, mais je dus m'y reprendre au moins cinq ou six fois.

Mais merde, c'est qu'un con de trou, c'est quand même pas croyable !

À peine m'étais-je énervé que la force nécessaire fut transmise à mon talon, et, d'un coup brusque, la pelle s'enfonça dans le sol avec un petit bruit sec.

Keiichi

— ... Pouh…

............ngh.

............Hoo…

Mais le sol n'était meuble qu'en surface.

Je tombai presque tout de suite sur des racines et des roches, et sentis passer dans mes muscles la profondeur nécessaire pour enterrer un être humain...

Et puis d'abord, personne ne viendra jamais ici.

J'aurais juste à le recouvrir avec un peu de terre, en fait.

Mais chaque fois que ce genre de pensées me traversaient l'esprit, je serrais les dents et appuyais exprès encore plus fort sur la pelle.

“Bon, j'ai assez creusé...”

“Ça devrait suffir pour cacher le corps...”

À chaque fois, je prenais du recul, regardais la profondeur, et les malheureux centimètres gagnés me plongeaient derechef dans les affres du désespoir, ce qui me poussait à creuser encore, et encore, et encore.

À force, je me mis à transpirer, puis à suer à grosses gouttes, puis à grande eau.

Et mon dos, je ne vous raconte même pas.

Ma chemise me collait partout, c'était écœurant.

Enfin bon, le plus dur à supporter, à vrai dire, c'était les piqûres de moustiques.

Je ne sais pas si ma sueur sentait à des kilomètres, mais de nombreux moustiques blancs, noirs et tachetés vinrent me torturer pendant l'effort.

Il faisait chaud.

Je me sentais mal.

Je me sentais collant.

Ça me grattait de partout.

Toutes ces sensations désagréables venaient m'importuner, l'une après l'autre.

Keiichi

— ... Putain de merde...

Mais qu'est-ce qu'il y a ? Vous voulez pas que je creuse ? Que je rentre chez moi,

c'est ça ?

N'allez pas croire que je criais,

je me parlais juste tout seul, pour me tenir compagnie.

Pourquoi est-ce que je suis ici, à creuser ce con de trou ?

Qu'est-ce que ça m'apporte ?

Qu'est-ce que je risque à ne pas le creuser ?

Et puis d'abord, qui m'a dit de le creuser ?

À bien y penser, depuis mon arrivée à l'école, je... Non, en fait, depuis bien plus longtemps que ça.

Depuis vraiment tout petit, ma vie n'avait été qu'une suite d'ordres auxquels j'avais simplement obéi.

Oh, ça n'avait pas été désagréable pour autant. Et je ne voulais pas non plus insinuer que j'aurais préféré tout décider dans ma vie.

Mais bon, c'était un peu ma philosophie.

Je n'ai jamais été très doué pour l'effort physique.

Je n'ai pas eu de croissance rapide, et j'étais rarement le plus grand, toujours plus ou moins au milieu...

Mon record de saut à la corde et mon endurance sont tout ce qu'il y a de plus basiques.

Et les chefs d'équipes ne se sont jamais battus pour m'avoir avec eux.

D'ailleurs, quand je pensais à cette vie scolaire, où tout était décidé de par votre taille et votre croissance, je me disais que c'était franchement énervant.

Tout avait changé un jour, grâce à un truc que m'avait dit ma mère.

Maman de Keiichi

— Keiichi ?

Tu ne veux pas aller aux cours du soir ?

Quand tu comprendras de quoi parlent tes professeurs en classe, tu verras, l'école sera plus intéressante.

Le tout premier test que je dus faire aux cours du soir était une sorte de jeu, et j'avais trouvé ça très marrant.

C'était autre chose que ces tests tous pareils les uns aux autres, avec ces rangées de questions et ces rangées de réponses préformatées. Il y avait des images un peu partout, on aurait dit un manga plus qu'un livre, en fait.

Je me suis dit que l'école serait nettement mieux avec des cours comme ceux-là.

Et puis quelques jours après, j'y suis retourné avec ma mère.

Elle a discuté avec la personne de l'école pendant très longtemps, alors je me suis endormi au bout d'un moment, mais je me souviens encore de quelques bribes de conversation.

Ma mère avait poussé un grand cri de surprise.

Maman de Keiichi

— Comment ? 61, vous voulez dire, 61 de moyenne ?

Instituteur

— Non, madame.

Les élèves de notre école ont une moyenne de 61.

Mais par contre, son test simplifié montre des résultats extraordinaires.

Instituteur

La première chose que vous devez savoir, c'est que votre fils est très intelligent.

Maman de Keiichi

— Keiichi ?

Mais enfin, à l'école, il n'a pas de bonnes notes,

ses tests habituels ne donnent que des résultats tout à fait banals.

Vous vous trompez, ce n'est pas possible...

Instituteur

— Nous y avons comparé différents tests, et ils nous ont révélés quelque chose de très intéressant.

Votre fils a beaucoup de mal avec les questions qui n'ont pas de sens.

Instituteur

Il n'arrive pas à s'intéresser aux questions abstraites ou aux problèmes qui ne concernent pas son quotidien.

Maman de Keiichi

— Donc il ne comprend pas si vous lui demandez “2+3=?”, mais si vous lui demandez combien il a de pommes s'il en a deux devant lui et qu'il en ramasse encore trois, il pourra vous donner la réponse ?

Instituteur

— C'est exactement cela.

Instituteur

Si vous lui dites de dessiner les bases accolées d'un cube régulier, il va vous regardez comme si vous veniez d'une autre planète, mais si vous lui dites de dessiner les faces d'un dé les unes collées aux autres,

Instituteur

il saura tout de suite.

Alors il a montré l'une de mes feuilles de réponse.

C'était un problème de technologie.

J'en avais rarement à l'école, alors il m'avait intéressé...

Instituteur

— Pour cette question, il faut dessiner le patron d'un icosaèdre régulier.

Lorsque je lui ai demandé de me dessiner le patron d'un dé à vingt faces,

Instituteur

il m'a regardé et a commencé à le dessiner comme si de rien n'était.

... Je peux vous assurer que ce n'est pas à la portée du premier venu, madame.

Maman de Keiichi

— Keiichi,

tu as déjà eu ce genre de dessins dans un de tes livres ?

Les dés peuvent donner des chiffres de 1 à 6.

Jusqu'au soir où j'ai eu ce problème à résoudre, je ne savais même pas qu'il existait des dés avec plus que six faces.

C'est pour ça que j'avais trouvé super intéressant de réfléchir au problème.

Avec un dé comme ça, je ne risquais plus de perdre au jeu de l'oie !

C'est pour ça que j'y avais mis de l'entrain.

Puis, plus tard, l'entrée aux cours du soir.

J'étais dans une classe avec seulement quatre élèves, la classe d'élite.

C'était la classe la mieux cotée de l'établissement. Il y avait quelques élèves de ma classe d'école dans les classes en-dessous,

et quand je me suis rendu compte que j'étais meilleur qu'eux, je me suis découvert le moyen de me venger pour toutes les humiliations subies au sprint ou pendant nos jeux de balle aux prisonniers.

Même si mes capacités physiques étaient moindres, je pouvais leur montrer.

Au début, c'était très rigolo.

Plus j'en faisais et plus on me félicitait, les profs me respectaient, c'était très plaisant.

Mes parents aussi étaient très contents.

J'étais très satisfait de les voir comme ça.

Plus j'obéissais à leurs ordres, et plus cela devenait marrant.

Keiichi

— ... ... ...Pff.

Non,

là, je me fais des films.

Enfin bon... en fin de compte, cette existence n'aura pas duré bien longtemps.

Plus vous êtes doué, plus vite on vous retire le fun.

Je ne suivais plus les mêmes cours que mes amis, et puis les cours étaient devenus insipides au possible, car ils avaient trois classes de retard par rapport à mes cours du soir.

Progressivement, je perdis tout intérêt et tout respect pour mes professeurs.

Mais bon, le monde n'est pas tendre.

Les petits vantards ne restent jamais bien longtemps à faire les fanfarons.

Je recevais un ordre, et si j'y obéissais en obtenant un résultat meilleur que prévu, je recevais des éloges.

Et comme c'était très gratifiant, je répétais ce cycle comme on pédale sur un vélo.

Je croyais que c'était ça, vivre.

Je ne me suis rendu compte de mon erreur que lorsque j'ai déménagé pour aller à Hinamizawa.

Il s'était passé pas mal de choses dans ma vie, et nous avions décidé que changer d'air nous ferait à tous le plus grand bien.

Et là, mon père nous avait montré des photos.

Il avait visité un chouette village, il rêvait d'avoir un atelier là-bas.

Nous étions venus une fois, et nous avions dit oui.

Et là... je les avais vus pour la première fois.

Le premier jour d'école.

Je suis arrivé avec la maîtresse dans la salle de classe.

Je ne voulais pas rester dans l'ombre, alors j'avais ouvert la porte fièrement et j'étais entré d'un pas ferme et résolu.

Clatter.

Quand j'avais ouvert cette porte, c'était pour refaire ma vie, pour reprendre un nouveau départ, un nouvel élan.

Et quelques secondes après, j'avais morflé.

J'avais pris l'effaceur du tableau sur la tête.

En plus, il était lesté, il y avait une énorme pavasse à l'intérieur.

À bien y penser, Satoko m'avait piégé dès le premier jour !

J'avais eu peur, d'ailleurs.

J'ai bien pris la honte.

La classe aussi m'avait surpris.

Pas seulement parce que les élèves étaient de tous les âges.

Aussi et surtout parce qu'ils ne se comportaient pas du tout comme dans les autres classes dans lesquelles j'avais été.

Et après avoir fait connaissance avec les autres, j'avais été de surprises en surprises.

Et même aujourd'hui encore, je découvre des choses.

Depuis que je suis ici, je me suis pas ennuyé une seule fois.

Il y avait bien sûr les membres du club.

Le coup du pouilleux avec les cartes truquées.

Et la partie de trou de cul la plus épique de toute ma vie.

Et puis le tournoi dans ce magasin, en ville. Et encore tant d'autres...

Et puis il y avait eu ce fameux jour où nous avions fait la compétition sur les paniers-repas.

C'est ce jour-là.

Que j'ai découvert ce côté inattendu à Satoko.

Je n'avais mangé avec elle que deux soirs... mais quels moments formidables.

J'avais découvert son petit côté tendre qui espérait voir son grand frère de retour.

Satoko parlait très bizarrement, mais c'était une brave petite fille.

Ça m'avait tellement ému que je m'étais promis de devenir son Totoche.

Elle donnait l'impression de tout prendre en main, mais c'était un moyen pour elle de ne pas vous lâcher d'une semelle.

Satoshi et sa sœur devaient se sentir bien mal lorsqu'ils vivaient avec leur tante, mais ils devaient être très complices.

Je me demande quelle horreur a-t-elle bien pu les priver de cette tendre complicité.

Je savais pertinamment qu'il ne servait à rien de se lamenter, mais je le fis quand même.

Mais n'oublie pas, Keiichi,

c'est toi et toi seul qui as choisi de suivre cette voie pour retrouver ton bonheur perdu.

Personne ne t'en a donné l'ordre.

Tu l'as décidé tout seul,

sans même espérer de louanges en retour.

Tu as tout choisi,

et tu es en train de tout mettre en place, tout seul.

Même maintenant.

Ce n'est pas un chemin clair, tracé par mes parents ou par mes amis.

C'est un long sentier sinueux, constamment recouvert par les ténèbres, très étroit et très dangereux.

Mais ce chemin peut te mener où tu le désires.

Il n'existe aucune destination qu'il ne saurait atteindre.

Il est infini, s'il le faut, mais seul la personne qui le foule peut en modifier sa course.

C'est le chemin de la vie. N'aie pas honte de t'éloigner des routes bien goudronnées.

Au contraire, sois fier de marcher sur un chemin à nul autre pareil.

Et puis, je n'ai pas abandonné le chemin carrossable.

J'ai simplement décidé de faire un détour plus sombre, mais je reviendrai à la lumière.

Je posai la pelle.

Le trou que j'avais creusé était énorme, et très profond.

C'est moi qui ai creusé tout ça ? Sans déconner ?

Keiichi

— Bon, je pense que là, ça suffira largement.

Je laissai la pelle au fond du trou.

Il faudra ramener le corps, le jeter dedans et reboucher.

Puis je mettrai des feuilles. Même si ça risque de me prendre un peu de temps, ce sera nettement moins dur que de creuser le trou, j'avais fait le plus dur.

Je jetai un coup d'œil à ma montre.

Nous étions déjà en fin d'après-midi.

Même si je n'avais rien remarqué,

le temps s'était bel et bien écoulé pendant que j'avais creusé…

Je m'assis sur un rocher non loin de là et m'essuyai le front.

J'attends encore un peu, et quand il fera plus sombre, j'irai chercher la batte.

Puis je l'appelle au téléphone.

... Et ensuite…

Je passe à l'action.

J'avais de moins en moins d'étapes à franchir avant d'en arriver au grand moment.

Et je le sentais bien mieux que je ne ressentais les secondes s'égrener.

C'était paradoxal de ressentir cela alors que je n'avais aucune hésitation.

À chaque étape du processus, j'avais la possibilité d'hésiter, d'abandonner, de faire demi-tour.

C'était très difficile de résister à ces envies, c'était comme une torture incessante... Je ne sais pas trop comment vous le décrire.

Au début, je me disais que je devais être une chochotte, mais au fur et à mesure, ça m'est passé.

Finalement,

c'était très bien comme ça.

Ce n'était pas très gênant d'avoir des scrupules à commettre un meurtre.

Je ne vais pas non plus me transformer en psychopathe.

Après cette journée si anormale, je reprendrai une vie tout à fait banale.

D'ailleurs, au contraire, si je n'avais aucun scrupule à tuer, je commencerais à me faire du souci.

Et puis de toute façon, si je pète les plombs, je ne pourrai pas reprendre une vie normale.

Alors je n'avais pas à avoir honte de moi.

Après tout, je ne suis qu'un être humain.

Je sais, je sais, je vais remplacer la déesse Yashiro dans l'exécution de sa malédiction cette année, mais il n'empêche que j'étais humain quand même. Heh...

Je poussai un long soupir, puis me levai.

Puis, me concentrant, je laissai mes sens chercher toutes les autres présences alentour.

... Parfait.

Allons-y.

Un pas après l'autre.

Il me faut avancer sur le chemin de ma vie.

Celui que j'ai choisi tout seul.

Keiichi

— Allez, il faut y aller...

Keiichi maebara.

Les cris des grillons étaient désagréables.

Mais au moins, leurs chœurs cachaient mes bruits de pas et masquaient ma présence.

Et leur chant ininterrompu m'apprenait que j'étais seul ici, qu'il n'y avait personne d'autre avant un long moment.

C'était un peu comme si je marchais lors d'un triomphe et que les grillons remplaçaient les cris de délire de la foule.

Le ciel était haut.

Bientôt il ferait plus sombre.

Et à peu près à cet instant, les grillons se retireraient et laisseraient leurs places aux cigales.

Alors... j'en aurai peut-être déjà fini ?

Peut-être même que tout sera déjà fini.

Je m'étais dit la même chose le jour où j'avais laissé la place aux instances officielles de l'État.

Mais aujourd'hui, c'était différent.

C'était moi qui m'en occuperais.

Moi qui me chargerais de tout.

Moi qui mettrais fin à cette horreur.

Ce

sera

bien

tôt

fi

ni

...

Oui, ce serait bientôt la fin.

À

l'heure

sonne

rait

le

san

glot

des

ci

ga

les

.