— Je vais y aller franchement... Il n'y aurait pas une drogue ou un médicament qui pousse au suicide ?
— Non. Pas directement en tout cas.
— Tu tournes autour du pot, là.
Donc, il existe des médicaments qui feraient ça indirectement, c'est ça ?
— Ils peuvent provoquer un état psychique extrêmement instable qui pourrait pousser au suicide...
Tu me suis ?
— C'est une formulation bien tarabiscotée, dis-donc.
Qu'est-ce que tu veux dire par là exactement ?
— La dépression est provoquée par un état mental très négatif, le patient voit tout en noir, et cela entraîne un état très passif.
On dit souvent que c'est lorsqu'un dépressif devient maniaco-dépressif qu'il y a le plus de chances pour qu'il se suicide.
Être maniaco-dépressif, c'est tout autre chose qu'être simplement dépressif.
La dépression est provoquée par un état mental très négatif, le patient voit tout en noir, et cela entraîne un état très passif.
Un maniaco-dépressif, par contre, alterne des périodes passives avec des périodes d'activités extrêmement intenses.
— Les patients dépressifs n'ont aucune confiance en eux, ils sont toujours négatifs.
Mais ils ne se suicident pas,
tout simplement parce qu'ils n'ont même pas la force de se suicider.
Les maniaques ne se suicident pas non plus.
Eux sont très positifs, ils se surestiment tout le temps, ils pensent que tout va bien.
Et donc ils ne se suicident pas.
— C'est marrant, ça, tiens.
Lorsqu'ils sont soit l'un soit l'autre, ils ne se suicident pas, mais lorsqu'ils passent d'un état à l'autre, il y a un risque ?
— Le dépressif veut se suicider, mais il n'a pas la force de s'atteler à une tâche pareille, cela représente trop d'efforts pour lui.
Mais lorsqu'il passe à l'état contraire, il regagne lentement le contrôle de son corps et sa volonté d'agir.
— Aaaah, je vois !
Donc en fait, il obtient la force de passer à l'acte ?
— En gros, c'est ça.
C'est pour cela qu'on prescrit à ce genre de patients des tonnes de psychotropes.
— Et donc, M. Tomitake était un patient maniaco-dépressif ?
— Les maniaco-dépressifs font des suicides bien comme il faut.
Ils sautent dans le vide ou ils se pendent.
Rien à voir avec cette automutilation, c'est plutôt le cas chez les accros en manque !
— Ouais, je ne dirais pas que son suicide est traditionnel...
Donc on en revient à la thèse d'une overdose de drogue.
Tu veux bien me dire quel médicament peut provoquer un état suicidaire, comme tu me l'as dit au début ?
— On sait qu'une overdose d'amphétamine provoque des symptômes proches de ceux constatés chez un maniaco-dépressif. Des stimulants, quoi.
On rapporte aussi quelques cas de comportements irrationnels avec une overdose de dérivatifs d'acide barbiturique, mais c'est nettement plus rare... Ah, les somnifères, si tu préfères.
— Il n'y avait aucune trace de stimulants, non ?...
... Tu vois une autre possibilité ?
— Une maladie mentale, peut-être, mais je ne vois rien d'autre.
Certaines maladies auto-immunes comme la maladie de Barsedow déclenchent parfois des réactions semblables aux symptômes des troubles bipolaires,
mais la maladie de Barsedow a des tas de symptômes très caractéristiques.
Le macchabée ne les présente pas.
— Il n'y a rien qui puisse déclencher un suicide rapidement, genre, tout d'un coup ?
Quelque chose de vraiment très soudain comme dans cette affaire ?
— Est-ce que tu connais les troubles mentaux organiques aigus ?
Pour faire court, c'est le fait de devenir arrangé du ciboulot à cause d'un choc au cerveau.
Ça arrive lors d'une overdose, mais ça peut aussi venir d'une lésion, d'un choc, d'une encéphalite, d'une apoplexie ou d'une tumeur cérébrale.
— Si je te suis bien, on peut se retrouver dans un état mental anormal sans utiliser de drogues ?
— Il était cerné et il risquait sa peau, non ?
Un taux de stress anormal qui s'ajouterait à des sécrétions endocrinales trop élevées, et il est fort possible qu'un choc violent à la tête ait occasionné une lésion cérébrale qui aurait entraîné une automutilation... C'est pas impossible.
— ... ... ... Et en résumé, ça donne ?
— Bah,
il s'est pris un gnon dans la tronche pendant la bagarre et il est devenu complètement frappadingue !
— Ahahahahahahaha !
Mais alors, le meurtrier n'avait pas l'intention de tuer !
Il voulait seulement faire l'aumône en se servant dans le portefeuille, et, par un hasard extraordinaire, il a frappé au mauvais endroit !
BWA HA HA HA HA HA HA !
— ... ... ... pas vraiment, hein ?
— Ahem.
Non, en effet.
— De toutes manières, que le suicide soit dû à des drogues ou à une cause mentale, c'est la vie du macchabée qui nous en apprendra le plus sur ce qui peut s'être passé.
Comment ça se passe, ton enquête, t'as trouvé quelque chose ?
— Ouh lààà, mais j'avais pas vu l'heure, moi !
Il faut que j'y retourne, Nounours va s'énerver sinon.
— Ouais.
Ben écoute, accroche-toi, hein ?
Allez, bonne année !
— Ouais, bonne année !