Le lendemain, j'eus le réveil très mauvais.

Je me sentais lessivé et j'avais mal à la tête.

Maman de Keiichi

— Eh bien alors, qu'est-ce qu'il se passe ?

Keiichi ?

Tu es tout pâle ce matin.

Tu t'es couché à quelle heure hier soir ?

Apparemment, ma mère avait remarqué que je n'allais pas bien.

Hier soir... je me suis réveillé à maintes reprises en plein milieu de la nuit.

À chaque fois, je suis certain que j'avais ressenti une présence.

La présence de quelqu'un, debout juste derrière ma porte.

Je me suis dit et répété des dizaines de fois que c'était mon imagination.

Je me suis même levé pour ouvrir la porte une paire de fois.

Évidemment, personne ne s'était trouvé là.

J'ai bien dû le faire trois ou quatre fois.

Peut-être même plus...

Et puis le matin est venu, et avec lui l'heure du petit-déjeuner. C'était plutôt rassurant.

Keiichi

— Je suis peut-être malade, qui sait ?

J'ai pas d'appétit.

Maman de Keiichi

— Tiens donc ?

Hmm, tu as un peu de fièvre, non ?

Tu fais quoi ?

Tu peux aller à l'école ?

Ouais, enfin bon, à l'école, je suis presque tout le temps laissé à moi-même pour les leçons...

Je ne vois pas le problème à manquer un jour de classe.

Si ça se trouve, je me sens mal depuis quelques jours parce que je couvais vraiment quelque chose.

Je vais me prendre des médicaments, et pioncer un bon coup. Peut-être que je retrouverai le sourire demain...

Ding Dong !

Je regardai la porte, puis la pendule.

J'avais déjà dix minutes de retard par rapport à d'habitude.

C'était Rena.

Maman de Keiichi

— Rena est là. Tu fais quoi ?

Tu te reposes aujourd'hui ?

Rena est gentille.

Elle est zarb' parfois, mais elle est mignonne.

Elle sait cuisiner, elle sait s'occuper des gens.

Alors pourquoi est-ce qu'elle me fait si peur ?

Ce n'est pas de sa faute.

C'est sûrement un problème dans ma tête.

C'est sûrement la fièvre.

Je crois... J'espère.

Keiichi

— Je reste à la maison.

Désolé.

Maman de Keiichi

— Bon, ben je vais le lui dire.

Ma mère se dirigea vers l'entrée.

Il me faut passer devant le vestibule d'entrée pour retourner dans ma chambre.

Je ne pouvais pas regarder Rena en face... alors je décidai de m'allonger dans une couverture, sur le sofa.

Comme je n'avais que peu dormi, je fus prompt à sombrer dans un profond sommeil.

J'avais pensé juste piquer un petit somme, mais lorsque je rouvris les yeux, il était déjà presque midi.

J'appelai mes parents, mais personne ne répondit. Sur la table de la cuisine, je trouvai un repas tout fait et un petit mot.

Mes parents étaient partis en voiture et ne reviendraient pas avant tard le soir.

Sûrement pour le travail.

Cela arrivait de temps en temps, rien de bien surprenant.

Comme ils ne rentreraient pas avant le dîner, si ce n'est plus tard, ils m'expliquaient où ils avaient rangé les certificats de l'assurance maladie.

Je n'avais plus qu'à aller voir un médecin à la clinique du coin.

Il y avait même une carte pour m'indiquer comment m'y rendre.

C'est vrai qu'après tout...

Je savais qu'elle existait, cette clinique, mais je ne savais pas où elle était située.

Je pris mon repas de midi (enfin bon, c'était surtout les restes du petit-déjeuner) puis je décidai de me rendre à la clinique.

Ça me faisait tout bizarre d'être dehors dans les rues un jour d'école.

Je n'étais pas censé être là. Cela me mettait mal à l'aise.

Je suivis les instructions de la carte et pris des chemins que je n'utilisais jamais en temps normal, pour finalement voir l'entrée de la clinique.

La plaque de l'entrée était plutôt jolie. On pouvait y lire “Clinique Irie”.

La clinique n'était pas très grande, mais par rapport à Hinamizawa, c'était tellement neuf et beau que cela faisait vraiment tache dans le paysage.

Il y avait un grand parking, avec même des emplacements pour les bus.

Ils doivent bien gagner leur vie...

J'entrai dans la salle d'attente climatisée et restai assis, plânant un peu, en attendant que l'on appelât mon numéro.

Infirmière

— M. Maebara. Veuillez vous rendre en salle de consultation, s'il vous plaît.

Je répondis sans grand entrain aux questions du docteur, qui, lui, était une sacrée pipelette. Il finit par me dire que j'avais tout simplement pris froid.

Il me fit une piqûre et me donna des médicaments pour trois jours.

Je trouvai que c'était beaucoup, mais bon, si cela me débarrassait de ma mauvaise humeur en même temps, je ne disais pas non...

Après avoir payé la prescription, j'allai en vitesse encore aux toilettes, puis en sortant, après m'être lavé les mains, j'entendis quelques personnes âgées discuter entre elles.

Évidemment, je n'avais aucune intention d'écouter leur conversation...

jusqu'à ce que je distingue une expression bien particulière.

Villageois

— ...Elle a été enlevée par les démons, c'est sûr.

Villageois

— Ouh, je sais pas,

elle était jeune, hein.

Elle a peut-être fugué avec son amant.

Villageois

— Qui donc ?

Villageois

— Ben ! Vous connaissez quand même ce jeune qui vient à la belle saison ?

Il est de la capitale, il a toujours un appareil photo énorme autour du cou !

Elle était liée avec lui, vous saviez pas ?

Ils parlent de Tomitake, là ?

Je sentis mes oreilles se dresser comme des radars.

Villageois

— Ah non, je savais pas.

Mais quand même, quand on file avec son amant, on laisse au moins un mot pour le dire, non ?

Elle aurait pu appeler au travail pour dire qu'elle partait !

Villageois

— Mais c'est exactement parce qu'elle n'a rien dit qu'elle est avec son amant, pour sûr !

Villageois

— Oh bah ça va être bien triste par ici, tiens, sans son joli minois à regarder...

Villageois

— Bah, elle est sérieuse la petite Takano.

Elle s'en sortira, va.

Elle s'appelait Takano ?

La femme avec Tomitake.

Et elle travaillait ici ??

Encore une fois, l'ombre de la déesse Yashiro m'avait retrouvé.

Je restai un moment à espionner leur conversation, mais ils étaient partis sur la pêche et ils n'avaient pas l'air de vouloir en finir, alors je laissai tomber.

Ainsi, même un jour spécial comme celui-ci, où je m'échappais du cadre de l'école, l'ombre de la déesse m'avait rattrapé.

Après tout, c'est peut-être normal.

C'est quand même la divinité protectrice du village...

d'Hinamizawa.

Tant que je vivrai au village, je ne pourrai pas lui échapper...

Comme j'avais quand même pas mal marché, j'eus faim tout d'un coup.

Avec la monnaie qu'il me restait, je pourrais me prendre un petit quelque chose en rentrant...

Mon plan arrêté, je tournai dans une rue qui m'était familière.

C'est alors que soudain, j'entendis une voiture klaxonner derrière moi.

Je ne suis pourtant pas au milieu de la chaussée. Est-ce que je gênerais ?

Je me mis un peu plus du côté, mais la voiture klaxonna à nouveau. Énervé, je me retournai.

Ôishi

— M. Maebara,

bonjour.

C'était l'inspecteur Ôishi.

Il avait sorti un bras par la fenêtre et me faisait de grands signes.

Ôishi

— Eh bien alors,

vous séchez les cours, aujourd'hui ?

Keiichi

— Non, je ne me sentais pas bien ce matin, alors je me repose.

Je comptais justement m'acheter à manger et rentrer chez moi.

Ôishi

— Ça tombe bien.

Moi aussi, je comptais prendre ma pause de midi. Vous voulez qu'on mange un morceau ensemble ?

... Oh, mais si vraiment vous ne vous sentez pas bien, ce n'est pas un problème, hein !

De toute façon, je comptais rentrer et m'allonger, car je n'avais rien d'autre à faire.

Et puis d'abord, je n'étais pas vraiment malade.

Ôishi

— La cantine du village, ce n'est pas l'extase.

Que diriez-vous d'aller en ville ?

Je peux vous y conduire !

Je vous présenterai un petit resto bien sympa dont vous me direz des nouvelles !

Je commençais à avoir l'habitude des détours qu'il prenait.

... Il veut me parler de quelque chose qui ne plaira certainement pas aux habitants de Hinamizawa...

Je montai dans sa voiture. Pour ne pas changer, la climatisation était mise à fond.

On ne se serait jamais douté qu'il faisait si chaud dehors.

Ôishi

— Désolé pour hier soir.

Vos parents ne vous ont pas grondé, au moins ?

Keiichi

— Non, non...

J'eus le souvenir vivace de Rena, debout derrière ma porte, à écouter notre conversation.

Même en plein jour, par une chaleur pareille, ça me faisait froid dans le dos. Je me sentis mal à l'aise.

La voiture quitta soudain le chemin terreux pour rejoindre la voie goudronnée.

Dans un sursaut, je tournai la tête en arrière.

...

C'était ici que Tomitake était mort.

Ôishi

— L'enquête sur le meurtre de Tomitake piétine.

Ôishi me jeta un regard oblique puis se décida à parler.

Ôishi

— Je suis persuadé que l'on a utilisé un médicament hallucinogène pour le pousser à se trancher la gorge avec ses propres ongles,

Ôishi

mais malgré toutes nos recherches, il semblerait que ce genre de produits... ne coure pas vraiment les rues.

Ôishi

Bien sûr, j'ai demandé à ce que l'on fît particulièrement attention à ce genre de traces pendant l'autopsie, mais ça n'a rien donné.

Keiichi

— Mais je croyais que... Enfin, vous savez, quoi, on lit ça souvent dans les mangas et dans les romans policiers.

Keiichi

Ils utilisent un trucmuche, là, cette fameuse substance qui se transforme en autre chose quand elle est dans le corps de la victime et du coup, ça ne laisse pas de traces.

Ôishi

— Oui, c'est vrai, ce genre de produits existe vraiment.

Le chloride de succiny... ... bidule-chouette.

Oui, c'est sûr, il y en a à la pelle des substances qui ne laissent pas de traces.

Ôishi

Mais aucune ne peut provoquer les symptômes observés chez Tomitake.

Keiichi

— ... ... ... Vous n'allez pas me dire que la police considère que Tomitake est mort de la malédiction, quand même ?!

Ce n'était pas pour me désespérer de la nullité des inspecteurs de la police que je disais cela.

C'était surtout parce que j'avais espéré qu'elle pourrait au plus vite écarter le côté surnaturel du meurtre.

Ôishi

— J'enrage autant que vous, mais pour l'instant, nous n'avons rien de mieux.

Ce qui est sûr, c'est qu'avant de mourir, il a été pris à partie et frappé par plusieurs personnes.

Ôishi

... Ce sont les hommes qui tuent les gens, pas les malédictions, c'est sûr et certain.

C'était peu... mais c'était rassurant.

Enfin nous arrivâmes devant la gare. Le coin était plutôt mort, mais encore toujours plus vivant que Hinamizawa.

Ôishi se gara sur le parking d'un restaurant, puis je le suivis à l'intérieur.

C'était assez animé, mais tous les clients étaient des adultes. Évidemment, à cette heure en pleine semaine, il ne pouvait pas y avoir d'enfants.

Ôishi

— Une table pour deux. Les fumeurs ne me dérangent pas.

Serveuse

— Si vous voulez bien me suivre.

Appelez-moi quand vous aurez fait votre choix.

Une serveuse habillée avec un uniforme pour le moins étrange nous mena à une table séparée, où nous prîmes place.

Ôishi

— Qu'est-ce que vous en dites ?

Pas mal, la vue, non ?

Keiichi

— Pardon ?

Oh... euh... je suppose que oui ?

Ôishi

— ... ... Vous savez, ce café a un succès énorme.

La cuisine et surtout les serveuses y sont bonnes...

Keiichi

— Si vous le dites.

... Monsieur, votre regard ! On dirait un vieux pervers.

Ôishi

— Hmm, vous dites ?

Moi, un pervers ? Maiiiis nooon voyons...

Hé hé hé...

Je ne m'étendrai pas sur le sujet des uniformes des serveuses, mais la nourriture fut très correcte.

Nous discutâmes de tout et de rien, finîmes notre repas, puis le café de l'inspecteur Ôishi fut servi.

Ôishi

— Je vous ai parlé du passé de Hinamizawa hier, vous vous souvenez ?

Keiichi

— Ah, vous m'avez raconté que c'était un village d'ogres mangeurs d'hommes, c'est bien ça ?

Ôishi

— Je ne suis pas un expert en la matière, alors ce matin j'ai demandé à ma mère ce qu'elle en savait.

Ôishi sortit alors des feuilles de papiers pliées de la poche de sa chemise.

Ôishi

— Il paraît que jadis, Hinamizawa s'appelait en fait “Onigafuchi”, ou “les abysses des démons”.

Keiichi

— Onigafuchi...

C'est un nom plutôt impressionnant.

Ôishi

— Oh, mais vous savez, il n'a pas disparu.

Le marais dans lequel la femme du prêtre s'est jetée porte encore ce nom.

Les gens croyaient autrefois que le marais était relié au royaume des démons.

Évidemment, personne n'avait jamais jugé utile de me mettre au courant de l'existence de ce marais...

Ôishi

— Et écoutez-voir ça.

Onigafuchi était craint, mais en même temps vénéré.

Une forme de respect inspiré par la peur.

C'est une sorte de sacralisation, peut-être.

On donne une dimension sacrée à ce lieu, ce village où vivent des choses qui ne sont pas humaines.

Ôishi

— Les démons étaient en fait des ascètes, enfin, c'est ce que l'on raconte.

Ôishi

Pour vous donner un exemple... Il paraît que l'on transportait les malades que l'on ne savait pas guérir à Onigafuchi, pour qu'ils y obtiennent les soins nécessaires.

Mouais, donc en fait, on les appelait démons, mais ils étaient plutôt comparables à des sages retirés du monde, des ascètes ou à la rigueur des lutins des montagnes.

Keiichi

— Pour des démons, ils ne sont pas si mauvais que cela, au fond.

Ôishi

— Ben il paraît qu'ils étaient quand même cannibales.

Ôishi

Ma mère m'a raconté une histoire où une femme ramène son enfant malade, et ils lui disent “Bon, on te guérit ton fils, mais ensuite on te mange toi !”

... Apparament, c'est comme ça que ça se passait.

Keiichi

— Le prix à payer pour sauver la vie de son fils, c'était sa propre vie ?

... C'est assez flippant comme histoire.

Ôishi

— Et bien sûr, la femme prend son fils et s'enfuit.

Ôishi

Et là, il se passe un truc.

Les habitants d'Onigafuchi, les fameux “démons” dont il est question, hein,

eh bien ils se mettent à la poursuite des deux fuyards, et ils les rattrapent.

Tout le village se mobilise et se met à leur poursuite...

... ...

... Ça, par contre, c'est un spectacle qui doit être vraiment terrifiant.

Ôishi

— Et finalement, la femme et son fils sont faits prisonniers, et les villageois les mangent.

Et tout est bien qui finit bien.

Keiichi

— Mais il y a quelque chose qui cloche dans cette histoire.

Si les deux ont été mangés, alors personne n'a pu raconter ce qu'il s'est passé.

Ôishi

— Hein ?...

Ahahahaha, aaah oui, pas bête. Mais bon, ça arrive souvent dans les vieilles histoires, vous savez.

Le rire amusé d'Ôishi, qui buvait tranquillement son café, contrastait fort avec la cruauté et la violence de l'histoire qu'il me racontait.

Ôishi

— Oui, mais bon, ce que je voulais vous dire...

Ôishi

C'est que c'est un détail qui revient très souvent dans les histoires que l'on raconte sur Onigafuchi.

Ôishi

Le fait que les démons qui vivent au village se mettent tous ensemble pour chasser leur proie, je veux dire.

Je me souvins brusquement de ce que m'avait dit Mion.

Les habitants du village avaient combattu tous ensemble pour empêcher la construction du barrage. Tous ensemble... C'est un détail, mais c'est un élément commun.

Ôishi

— Les démons chassent toujours une seule proie, et elle est toujours choisie déjà bien à l'avance.

Keiichi

— ... Pardon ?

Cette information était trop importante pour que je n'y réagisse pas.

Ôishi avait pris un air sérieux et grave. Il savait pertinemment que c'était une information intéressante...

Ôishi

— D'après ce que m'en a dit ma mère, il ne faut surtout pas déranger les démons lorsqu'ils chassent leur proie.

Il faut s'enfermer chez soi et se cacher sous ses couvertures.

Keiichi

— ... Et il faut en déduire quoi de tout ça ?

Ôishi

— Il ne faut pas aider la proie à fuir, ne pas la cacher non plus.

Tant que l'on n'empêche pas les démons de pourchasser leur futur repas, on ne risque rien.

C'est la règle du jeu.

Donc en gros, ne t'avise pas d'aider la future victime.

Fais semblant de ne rien voir.

Keiichi

— Et si on ne respecte pas la règle ?

Ôishi

— Allez savoir...

Mais bon, ce sont des démons mangeurs d'hommes, alors je pense que l'on peut se faire une petite idée sur la question...

C'était une histoire intéressante sous bien des aspects.

Elle donnait un écho à la théorie qu'Ôishi m'avait exposée l'autre jour, comme quoi le village entier était impliqué dans l'affaire.

Même si tous les villageois n'étaient pas forcément dans le coup, on pouvait penser que quelques-un avaient “chassé leur proie” et que les autres “n'avaient rien vu”. Pourquoi pas ?

En tout cas, c'était une théorie absolument terrifiante, rien qu'à l'idée de la formuler.

Keiichi

— ... Et donc, M. Ôishi... Vous pensez que les villageois, ou tout du moins plusieurs villageois, sont les coupables ?

Ôishi

— Qu'est-ce que vous en pensez, vous, M. Maebara ?

Ah, s'il vous plaît ?

Je peux avoir encore un peu de café ?

C'est moi qui avait posé la question le premier.

... ... peut-être qu'en fait, chacun de nous essaye de pousser l'autre à dire tout haut ce que l'on pense tout bas...

Nous restâmes silencieux pendant que la serveuse lui resservait du café.

Ôishi

— ... ... ... Lorsque Satoshi a disparu l'année dernière, j'ai eu un doute.

Ôishi avait murmuré. Son regard était perdu dans le petit nuage de lait qu'il avait versé dans son café.

Ôishi

— Satoshi avait exactement les mêmes amis que vous, vous savez. Alors, j'ai... j'ai fouillé un peu—

Juste un peu, hein !

—dans leur passé.

Lorsqu'Ôishi m'avait dit qu'il soupçonnait mes amies l'autre jour, je m'étais emporté,

mais aujourd'hui je décidai de le laisser parler.

Ôishi

— C'est... Je vous préviens, ce n'est pas très agréable à entendre.

Si vous ne voulez pas en apprendre davantage, vous pouvez m'interrompre à tout moment, d'accord ?

Je ne vous embêterai plus avec cette histoire.

Ôishi ne m'avait jamais paru aussi sérieux.

Il est en train de me dire de bien m'accrocher.

Cela fait déjà plusieurs fois que je regrette avoir écouté ce qu'il me dit.

Mais je pense que c'est la première fois qu'il essaye de me faire peur.

En mon for intérieur, mon autre moi sonnait le tocsin.

Arrête, Keiichi.

C'est ta dernière chance de po...

Je respirai un grand coup pour le faire taire.

Je ne veux pas fuir la réalité... Je veux regarder la vérité en face.

Keiichi

— Je vous écoute.

Je lui signalai mon accord sobrement.

Ôishi me regarda droit dans les yeux, comme pour s'assurer de ma résolution. Puis il se mit à parler.

Ôishi

— La victime de la première année, c'est le chef du chantier du barrage. Dans les semaines qui ont précédé son assassinat, la police a dû intervenir plusieurs fois pour interrompre des altercations dans lesquelles il était pris à partie.

Ôishi

Parmi ses agresseurs, on retrouve plusieurs fois mademoiselle Mion Sonozaki.

Je savais déjà par M. Ôishi que Mion avait été plutôt zélée pendant les échauffourées.

Il faut dire que ce n'était pas très difficile à croire. Si elle s'énerve, elle en tout à fait capable.

Ôishi

— La deuxième année, un homme et une femme tous deux favorables au projet du barrage sont retrouvés morts.

Leur petite fille était aussi sur les lieux de l'accident mortel.

Cette fille, c'est Satoko Hôjô.

Keiichi

— QUOI ??

Satoko ?

Vous voulez dire... Satoko ??

Ôishi fit courir rapidement son regard dans le café, me signifiant que mes éclats de voix n'étaient pas les bienvenus.

Me rendant compte de cette erreur, je baissai ma voix d'un cran.

Ôishi

— La troisième année, le prêtre et sa femme sont morts.

Ils laissent derrière eux leur fille unique, Rika Furude.

Keiichi

— ... ...Rika ???

Ôishi

— Quant à la victime de la quatrième année, je pense que vous le savez déjà.

C'était la tante de Satoko Hôjô.

C'est elle qui l'avait recueillie après la mort de ses vrais parents.

Ôishi

Elle vivait dans la maison de la victime.

J'avais les lèvres et la gorge sèches.

Je restai bouche bée un bon moment, oubliant complètement comment je devais bouger mes muscles pour pouvoir fermer la bouche.

Pour moi, toute cette affaire était sordide, mais quelque part, elle ne me concernait pas directement, elle était aliénée, distante.

Mais avec ces nouveaux éléments... J'avais l'impression d'entendre quelqu'un marcher dans la boue derrière moi, pour venir se placer tout contre moi, pour ne plus me lâcher d'une semelle...

Ôishi

— Et accessoirement, le jeune Satoshi Hôjô qui a disparu la quatrième année est le frère de sang de Satoko.

Keiichi

— Que-Hein ?... Je ... Comment ça ? Je-Une seconde !

C'était un commentaire misérable, mais ce fut tout ce que je réussis à prononcer intelligiblement.

Je vidai mon verre d'eau d'un seul trait, puis m'essuyai le front avec ma serviette de table fraîche.

Calme-toi, Keiichi Maebara !

Malheureusement, Ôishi se montra sans pitié sur ce coup-là.

N'attendant pas que je puisse me remettre du choc...

Il me dit tout haut ce que je ne voulais pas entendre.

Ôishi

— Pour une raison encore inconnue, toutes les personnes qui sont dans votre groupe d'amis sont directement liées avec les victimes.

Keiichi

— C'est un hasard ! Un pur hasard !!

Ôishi

— M. Maebara, soyez donc plus discret !

Les gens nous regardent...

Mion...?

Satoko !?

Rika ???

Et alors, le lien avec les victimes ne prouve rien !

Vous pensez sérieusement que...

Vous êtes vraiment en train de me dire que tout mon groupe d'amis est dans le coup ?!

C'est ridicule, c'est impossible !... Impossible... Et Rena ! Rena, alors ? Rena est différente des autres !

Elle n'a aucun lien avec les victimes !

Ôishi

— Rena Ryûgû habitait dans la banlieue d'Ibaraki jusqu'à l'année dernière.

Oui, c'est vrai qu'elle ne connaissait aucune des victimes directement, mais bon...

Mais bon, quoi ?

Il ne va pas me dire qu'elle est aussi mêlée à tout ça ?

Ôishi

— D'après ce que j'ai pu découvrir sur elle, mademoiselle Ryûgû a été renvoyée de son école pour quelques jours.

On dit qu'elle a déambulé dans l'école pour y casser toutes les vitres.

Keiichi

— Rena a fait QUOI ???

... Elle a cassé toutes les vitres de son ancienne école ?

Rena ? Elle qui a toujours l'air si... deux de tension ?

Je n'arrivais pas à me l'imaginer.

Ôishi

— Elle a été expulsée pour trois jours, mais elle n'est jamais revenue à l'école.

Ôishi

Entre-temps, elle avait été admise en service de neurologie. On lui a diagnostiqué une dystonie neuro-végétative et elle a été suivie par un médecin pendant plusieurs semaines, avec un traitement médicamenteux.

C'est quoi alors, une névrose ou un truc du genre ?

Il me semble avoir entendu dire que les gens assez maniaques et les gens sensibles étaient plus sujets à ce genre de maladies.

... ... Ça ne colle pas avec Rena... Enfin, à ce que je sache.

Ôishi

— Il se trouve que tout ce qui fut dit lors des séances avec le médecin fut consigné pour pouvoir affiner le diagnostic et estimer l'évolution de la maladie.

Ôishi

J'ai lu ces rapports et Rena parle de quelque chose...

Ôishi

assez souvent d'ailleurs.

Keiichi

— Et quoi ?

Je posai la question sans vraiment y réfléchir.

Ce n'est pas comme si j'allais regretter de le savoir...

Ôishi

— Il y a cette expression qui revient dans la conversation...

“la déesse Yashiro.”

J'ai eu l'impression de sentir quelqu'un me caresser la colonne vertébrale avec ses mains glacées...

... ... Pourquoi est-ce que Rena parlait de la déesse Yashiro alors qu'elle n'habitait pas encore à Hinamizawa ?

Ôishi

— Elle raconte qu'une sorte de fantôme qu'elle nomme “la déesse Yashiro” vient la voir la nuit.

Elle s'arrête devant son lit, près de sa tête, et elle la fixe du regard.

Je n'arrivais plus à réfléchir.

Je ne comprenais plus rien à ce qu'il me racontait...

Ôishi

— Et peu après, elle a déménagé pour aller vivre à Hinamizawa.

... ... Ah, au fait,

mademoiselle Ryûgû n'est pas une étrangère, vous savez.

Keiichi

— Pardon ?

Ôishi

— En fouillant un peu dans les archives communales, je me suis aperçu que les Ryûgû avait habité autrefois à Hinamizawa.

Ils ont déménagé juste avant que leur fille unique Rena ne rentre à l'école primaire.

Je ne voyais plus que des milliers d'étoiles blanches dans ma tête.

Ça ressemblait un peu à la neige que l'on voit lorsque les chaînes cessent d'émettre, pendant la nuit.

Mes oreilles aussi ne percevaient plus qu'un sifflement strident et continu...

Ôishi

— M. Maebara ? M. Maebara, tout va bien ?

Vous voulez que l'on arrête ?

À ces mots, je repris soudain mes esprits.

Je devais absolument en savoir plus !

Keiichi

— Ok, d'accord, admettons pour Rena.

Mais alors, qu'en est-il pour Tomitake ?

Avec qui a-t-il un lien parmi elles ?

C'était ma dernière carte, mon ultime mécanisme de défense.

Ôishi

— ... Avec toutes.

Ôishi

Ne me dites pas que l'avez déjà oublié, M. Maebara ?

Ôishi

Vous avez pourtant passé une soirée très amusante tous ensemble avec M. Tomitake le soir de la cérémonie.

Ôishi

Les forains vous ont vus, les habitants aussi, et même certains des policiers qui étaient de garde ce soir-là.

Je ne trouvai plus rien à dire.

Je baissai la tête et sombrai dans un silence total...

Ôishi

— Nous devrions partir, il est temps.

Au fait, M. Maebara, vous avez pris vos médicaments ?

J'avais complètement oublié que j'avais été à la clinique aujourd'hui...

Je pris encore un verre d'eau fraîche, que je bus d'un seul trait, puis nous sortîmes du restaurant.

Je montai à nouveau dans sa voiture et nous reprîmes le chemin délabré qui menait à Hinamizawa.

Je n'y avais jamais prêté attention quand j'étais à vélo, mais en voiture, le chemin nous secouait beaucoup. Ou bien était-ce une impression ?

J'aurais pu jurer que les chemins essayaient désespérément de me dire quelque chose...

Clank !

Ah, ça, c'est l'endroit où la route goudronnée redevient un chemin de terre.

Ce bruit, c'était un peu le cri silencieux d'agonie de M. Tomitake...

Je restai assis en silence dans la voiture, me laissant balloter par les chocs et les accrocs de la route.

Ôishi

— Je vais vous raccompagner jusque chez vous.

Vous êtes malade aujourd'hui, après tout.

Je m'excuse de vous avoir retenu si longtemps dehors.

Keiichi

— Pourquoi est-ce que vous me racontez toutes ces choses ?

Je lui répondis dans un murmure à peine audible.

Cela avait été un murmure à peine.

Je ne m'attendais pas à ce qu'il me répondît.

Ôishi

— Je vous ai dit que vous pouviez m'interrompre, il me semble ?

Vous étiez prévenu, non ?

Keiichi

— Ce n'est pas ce que je veux dire et vous le savez !

... ... Pourquoi est-ce c'est avec moi que vous avez établi le contact ?

Je comprenais bien qu'Ôishi faisait son enquête correctement...

Mais pourquoi me révélait-il tous les détails ?

Je ne savais rien de ce qu'il se passait, et je ne risquais pas de lui être d'un grand secours dans l'enquête.

Il n'arrêtait pas de me révéler des trucs que j'entendais pour la première fois de ma vie.

Et de toute façon... Je viens d'emménager. Qu'est-ce qu'il s'imagine, que j'ai la science infuse ?

La seule raison qu'il peut avoir de venir me raconter tout cela...

... c'est qu'il soupçonne les filles d'avoir commis ces meurtres.

Ôishi

— C'est ma dernière année dans la police.

Ôishi

J'ai atteint l'âge de la retraite, et quand je l'aurai prise, je déménagerai pour Hokkaido, avec ma mère.

Ôishi

C'est pour cela que je veux absolument pouvoir mener cette enquête à son terme pendant que je suis encore en service.

Keiichi

— ... ... ... ... Et donc ? Vous soupçonnez mes amies d'avoir monté le coup ?

Toutes mes amies.

Il ne répondit pas.

C'était un peu tard pour avoir la décence de ne pas vouloir m'offenser.

Ôishi

— C'est juste... mon intuition. Cela fait 30 ans que je fais ce métier, M. Maebara.

Et mon intuition me dit que vous êtes en danger.

Keiichi

— Hein ?

J'aurais voulu lui dire d'arrêter de raconter des âneries, mais je n'en avais plus la force.

Ôishi

— C'est ma dernière année en service. Je ne serai pas là l'année prochaine, le jour de la purification du coton.

C'est pour cela que je veux en finir maintenant.

Il essaye de me faire comprendre que la victime de l'année prochaine, ce sera moi...

Ôishi

— Le Chef du Commissariat m'a rappelé à l'ordre et m'a sommé de faire attention.

Ôishi

Les différents incidents ont tous été résolus séparément et ne sont pas liés les uns aux autres. Ne fouillez plus là-dedans, m'a-t-il dit.

Ôishi

Il y a des pressions, apparemment.

Keiichi

— Des pressions ? Mais de qui ?

Ôishi

— De certaines personnes de Hinamizawa.

... ... Nous sommes arrivés.

Je peux vous déposer ici ?

Je n'avais rien remarqué, mais nous étions arrivés devant la petite côte qui menait chez moi.

Il était 14h.

J'étais surpris qu'il fût encore si tôt.

Il faisait chaud dehors.

Les cigales faisaient un boucan infernal.

Ôishi

— Vous n'êtes pas obligés de vous souvenir de tout ce que je vous ai dit aujourd'hui.

Mais je continuerai à mener cette enquête.

Je mettrai cette année un terme à la malédiction de la déesse Yashiro.

Keiichi

— Qu'est-ce que vous voulez insinuer ? Que je dois vous appeler s'il se passe quelque chose ?

Ôishi

— Si ça vous chante..

Si vraiment vous vous sentez obligé de m'appeler, alors je vous en prie, ne vous gênez pas

Je n'avais ni le calme ni la concentration nécessaires pour comprendre ce qu'il essayait de me dire à demi-mots.

Ôishi

— Reposez-vous bien.

Je suis désolé de vous avoir ennuyé avec tous ces détails.

Je n'ai pas dit que je l'aiderais.

Ôishi

— Je suis et je resterai toujours de votre côté.

Je vous en donne ma parole.

Bonne journée à vous.

La voiture décrivit un demi-tour en épingle puis disparut dans un nuage de poussière et un crissement de pneu.

J'ai franchement eu l'impression d'être accroché à une bouée au mileu des requins, pendant qu'un hors-bord se faisait la malle un peu plus loin devant moi.

C'est là que, pour la première fois, je me suis dit que M. Ôishi était franchement une enflure.

Il vient et m'annonce tranquillement que je serai le prochain à y passer, puis me laisse tout seul en me disant de l'appeler au cas où.

Ce n'est pas une enquête de police, ça.

C'est une partie de pêche.

Et c'est moi l'appât.

Ôishi compte-t-il pêcher le ou les assassins ?

Ou bien s'attend-t-il à ce que la déesse Yashiro morde à l'hameçon ?

Peu importe. Dans un cas comme dans l'autre, le poisson m'aura déjà avalé...

Keiichi

— ... Putain de sa race... J'ai pas envie de mourir...

Je restai abasourdi pendant un moment, incapable de faire autre chose que de fixer la flaque d'eau laissée par la climatisation de la voiture de l'inspecteur...

Combien de temps s'écoula-t-il après que je me fus couché ?

Il commençait à faire sombre dehors.

Mon corps était trempé de sueur.

... ... Il valait peut-être mieux mettre mon pyjama.

Ce fut alors que la sonnerie du téléphone retentit.

Probablement ma mère...

Il faut dire qu'elle se fait toujours du souci.

Si ça se trouve, elle a déjà appelé plusieurs fois, mais je n'ai pas entendu le téléphone...

Keiichi

— Allo, Maebara à l'appareil.

Mion

— Ah ! Il est vivant ! Oui, allô ?

C'est Mion.

Comment que c'est ?

Keiichi

— Ah, vous êtes une amie de Keiichi ?

Il est couché.

Vous voulez que je vous le passe ?

Mion

— Hein ??

Oh, vous- c'est monsieur son père ?

Oh, je suis vraiment confuse, je, je suis vraiment désolée pour ce ton désinvolte, je-

Keiichi

— HAHAHAHAHAHAHAHA !

Pauv' cloche !

J't'ai eue !

Mion

— De... Hein ????

Kei !

C'était la même ambiance que tous les jours, et nous nous mîmes à rire.

Et pourtant, même à travers mes rires, je ne pouvais empêcher le doute de m'assaillir.

Est-ce qu'elles n'ont réellement rien à voir avec ces meurtres ?

J'étais triste de ne pas pouvoir l'affirmer haut et fort.

Mion

— Tu as l'air en forme, je suis rassurée.

Mion

Rena se faisait du souci aussi, tu sais ?

Mion

Satoko était contente, elle a dit que c'était bien fait pour toi.

Mion

Rika a dit “Oooh le pauvre garçon, il est tout malade”, enfin, tu vois le genre, quoi.

Keiichi

— Ouais, donc en gros, c'était la fête, mais sans moi ?

Mion

— Mais non, faut pas dire ça, voyons. Et donc.

Ça dérange si on te rend visite, là ?

Keiichi

— Me rendre visite ?

Mais c'est bon, vous n'avez pas besoin. Je suis pas à l'article de la mort.

Mion

— Ma grand-mère a préparé une montagne de gâteaux de riz !

Elle m'a dit de t'en apporter quelques-un.

Bouge pas, je t'en ramène, d'accord ?

Keiichi

— Viens pas te plaindre après si je te refile mes microbes !

Mion

— Tu sais ce qu'on dit, “les idiots ne s'enrhument jamais” ! T'inquiète pas, Rena et moi on est connes comme nos pieds, alors on ne tombera pas malade !

A+ !

Allez, à tout de suite !

Elle raccrocha aussitôt, d'un air enjoué.

Mais alors, Rena vient avec elle ?

C'est l'impression que ça donne, d'après ce qu'elle m'a dit...

Je ne me sentais pas encore apte à rencontrer Rena, mais si Mion était avec...

Environ pas tout à fait dix minutes plus tard, on sonna à la porte.

Mion

— Alors, comment ça se présente ?

Tu as pris tes médicaments ? Tu as dormi ?

Keiichi

— Oui, oui, ne t'en fais pas.

Rena

— Tu as l'air d'être en forme, tant mieux. On s'est fait du souci...

Keiichi

— Désolé. Demain, je devrais être guéri.

Mion n'avait pas l'air de se soucier le moins du monde de ma maladie, mais Rena avait l'air véritablement inquiète pour moi.

Son expression ne trahissait aucune autre émotion.

Mion

— On pensait tailler la bavette avec toi, mais apparemment tu n'es pas complètement remis.

Keiichi

— Hein ? Comment ça, tu trouves ?

Elle avait vu mon regard s'assombrir.

Rena

— Bon, tiens, prends ça, Keiichi.

Ce sont des gâteaux de riz que sa grand-mère a confectionnés.

Rena me tendit quelque chose enveloppé dans du papier journal.

Il devait y en avoir cinq.

Ils étaient assez lourds.

Keiichi

— Ah, merci ! Donne-lui mes respects, Mion.

Rena

— Oui.

Au fait, on y a caché un de ceux que j'ai preparés.

Est-ce que tu sauras découvrir lequel c'est ?

Mion

— C'est un peu un devoir de rattrapage, comme tu n'étais pas là aujourd'hui !

Chaque gâteau porte une lettre, alors retiens la bonne lettre et donne-nous la réponse demain !

Keiichi

— Bon, eh, soit vous me rendez simplement visite, soit vous me faites bosser, mais pas les deux en même temps, d'accord ?

Mion

— Hmm, mouais, tu as l'air en forme, tout compte fait. Tu viendras à l'école demain, n'est-ce pas ?

Keiichi

— J'espère simplement que toute cette excitation va pas me redonner une poussée de fièvre. J'aurais pas l'air con...

Rena

— Mii, on devrait pas le surmener,

viens, on rentre.

Et puis, ses parents vont finir par nous gronder.

Tiens, elles s'imaginent que mes parents sont là ?

En même temps, le vestibule est pas très bien rangé.

Mion

— Oui, t'as raison. On ferait mieux d'y aller.

... ... Ah, au fait, Kei...

Keiichi

— Ouais, quoi ?

Mion

— Qu'est-ce que t'as mangé à midi ?

Je levai la tête brusquement et croisai son regard.

Son visage était menaçant... terrifiant. C'était la première fois que je la voyais tirer cette tête.

Mais pourquoi... pourquoi tenait-elle tant à savoir ce que j'avais mangé à midi ?

Sa question était creuse, vide de sens, inutile.

Elle n'avait pas l'air de s'intéresser vraiment à ce que j'avais mangé.

Keiichi

— J'ai mangé dehors.

Est-ce qu'elle me soupçonne d'avoir mangé avec le policier ?

Je savais qu'elle interpréterait toute hésitation dans le mauvais sens, aussi j'essayai de répondre assez vite.

Curieusement, Rena et Mion se laissèrent le temps de la réflexion avant de me répondre.

Rena

— Ah oui ? Tiens donc, Keiichi, tu te permets de manger au restaurant ?

Le regard de Rena avait changé lui aussi. Je n'avais pas remarqué jusqu'à présent...

Ses yeux étaient très brillants... Cela donnait à ses mots un côté encore plus fantômatique.

Elle savait déjà tout, mais elle faisait semblant de ne rien savoir...

Mion

— Et alors ? C'était bon au moins ?

Keiichi

— Pourquoi tu me demandes ça ?

Mion parlait avec une voix étonnament grave.

Ne me dites pas que... que Mion sait aussi que je suis allé au restaurant en ville...

Naaaan. Je me fais des idées, là.

De toute façon, elles étaient toutes les deux à l'école pendant la pause de midi.

Elles ne peuvent pas savoir où j'étais. Impossible.

Mion

— Tu avais l'air en grande discussion avec un homme d'âge mûr...

qui c'était ?

Plam.

Les gâteaux me tombèrent des mains.

Je me sentis devenir très pâle. J'avais presque l'impression d'entendre mon sang se retirer de mon visage.

Rena

— Ah bon ?

Keiichi, qui c'était ?

Ne me dis pas que c'était le même que la dernière fois ?

Quand même pas ?

Ma langue était sèche et archisèche.

Elles ne peuvent pas dire ça au hasard...

Elles savent... Elles savent absolument tout ce qu'il s'est passé...

Keiichi

— Mais... mais comment vous... comment vous pouvez savoir ça ?

J'avais enfin réussi à dire quelque chose...

Mes genoux se mirent à s'entrechoquer.

Mion

— ... ... ... Bah,

tu sais, p'tit gars, il n'y a pas grand'chose que je n'apprenne pas par ici.

Mion se mit à sourire lentement, ce qui rendit ses paroles encore plus intrigantes et lourdes de sens.

Mion

— Et alors ? De quoi vous avez parlé, Kei ?

Tu avais l'air secoué par ce qu'il te racontait.

Keiichi

— Mais on parlait pas de vous !

Ça ne te concerne pas, Mion, et toi non plus Rena !

Rena

— Ah oui ?

J'ai pourtant rien demandé, moi. C'est pas un peu louche, cette justification ? Pourquoi tu m'en parles à moi ?

Rena me fixait du regard, et j'avais l'impression qu'elle essayait de voir ce qu'il y avait de caché derrière mes yeux...

J'ai creusé ma propre tombe.

Mon pouls s'affolait, mon cœur exploserait certainement d'une seconde à l'autre...

Mion

— Bah, c'est pas grave. Souviens-toi juste que tu ne pourras jamais rien me cacher, parce que je finis toujours par tout savoir, p'tit gars.

Souviens-t'en.

Keiichi

— ... ... ... ... ...

Je n'arrivais même plus à bouger la tête.

J'étais en train d'essayer de toutes mes forces de me retenir de claquer des dents...

Mion pencha légèrement la tête de côté, avec grâce, mais son regard toisait toujours le mien. Elle ne me lâchait pas du regard.

Rena

— Keiichi, tu as l'air tout pâle, qu'est-ce qu'il se passe ?

Tu devrais aller te coucher.

Mion

— Oui, tu as raison. Rentrons.

Elles se regardèrent et eurent un petit rire, comme s'il ne s'était rien passé, puis elles sortirent du vestibule.

Je restai sur place, pétrifié, les gâteaux toujours par terre, incapable de mouvoir le moindre muscle.

Elles étaient dehors et la porte se refermait lentement sur elles... ... très lentement.

La seule chose que je pouvais encore faire, c'était regarder la porte se refermer.

J'avais même l'impression que je n'avais pas le droit de bouger tant que la porte serait ouverte.

Et au tout dernier moment, la porte se rouvrit d'un seul coup. Mon coeur palpitant fit à nouveau un bond dans ma poitrine.

Mion me regardait avec un regard de tueuse dans l'interstice de l'ouverture. Je ne voyais qu'un seul de ses yeux.

Mion

— Allez, salut Kei.

Keiichi

— Sa... ...salut.

Mion

— ... ... ... ... Si demain tu ne viens pas à l'école, ça risque de ne pas me plaire. Capice ?

Vlan.

La porte se referma.

J'entendis leurs rires étouffés s'éloigner, mais même longtemps après que le calme fut revenu, j'étais toujours incapable de bouger le petit doigt.

Lorsqu'enfin je revins à moi, la première chose que je fis fut de fermer la porte à clef...

Elles savent que j'ai parlé avec M. Ôishi ?

Mais pourquoi ?

Et surtout comment ?

Bah, en fait ce n'est pas très important.

Tout ce qui compte finalement, c'est le fait qu'elles le sachent.

Maintenant que j'y pense... Elles savent peut-être déjà tout depuis le premier jour où M. Ôishi est venu me voir. Mion a bien raison, je ne pourrai rien lui cacher.

Mais alors, qu'est-ce qu'elles veulent me faire comprendre ?

C'est assez évident, en fait.

Elles veulent me dire de ne pas trop lui parler.

De quoi pourrais-je discuter avec M. Ôishi qui leur fît du tort ?

Je ne parle que d'une seule chose avec lui...

... ... Est-ce que ce serait ça, le sujet à éviter ?

En fait, ce dont me parle M. Ôishi,

ce n'est pas des meurtres en eux-mêmes...

mais des liens qui existent entre ces meurtres...

et qui laissent croire à un groupe dans le village qui serait coupable...

Non, il ne dit pas seulement cela.

Il a nommément cité Mion, Rena, Satoko et Rika parmi les suspects.

Est-ce que c'est à cause de ça qu'elles m'ont rendu cette petite visite ?

Keiichi

— Mais à quoi je pense, moi, je suis con ou quoi ?

Je me mis une baffe à moi-même, qui fit un joli bruit. Je n'y étais pas allé avec le dos de la cuiller.

J'avais espéré me réveiller de ce cauchemar avec la douleur, mais malheureusement, je n'eus pas mal du tout. J'eus plutôt l'impression de tapoter gentiment un futon bien moelleux... c'était déprimant.

Calme-toi, Keiichi Maebara !

Depuis quand est-ce que je suis quelqu'un d'aussi pessimiste ?

Allez, reste zen, reprends-toi !

Reprends ton calme et mets un peu d'ordre dans ta tête !

Mion sait que j'ai mangé à midi avec M. Ôishi parce que... parce que quoi ? Si ça se trouve, il y avait quelqu'un de Hinamizawa dans le restaurant. Simplement par hasard.

Et cette personne en a parlé avec Mion dans la conversation, c'est tout.

Bien sûr, c'est tout naturel !

Et puis... à bien réfléchir, Mion a seulement demandé où j'avais mangé.

Et si ç'avait été bon ou pas...

Elle est seulement devenue curieuse quand elle a su que j'avais mangé avec quelqu'un qui n'était pas du village...

C'est tout, il n'y a pas à chercher plus compliqué. Mais bien sûr !

Mais alors, pour Rena, c'est pareil.

C'est parce que j'ai essayé de cacher ma rencontre avec M. Ôishi qu'elle m'a simplement fait savoir que ça ne se faisait pas.

J'ai seulement été tellement surpris par son ton sec et son regard dur, qui tranchaient tellement avec son attitude normale...

Mais oui, bien sûr, ce n'est que ça...

J'ai l'impression que ma cervelle est un plat de spaghetti tout emmêlés.

Peut-être que si je me tiens la tête et que j'appuie près de mes tempes, la sauce tomate sortira par mes oreilles et mes narines ?

J'eus soudain une vision assez crade de ce à quoi je ressemblerais, qui me donna la nausée.

J'arrêtai de me tenir la tête entre les mains. Juste au cas où...

Ces derniers temps, je ne comprends plus rien à ce que les gens me racontent...

Pourtant, je m'amuse bien avec tout le monde.

Je n'ai pas l'impression qu'elles me cachent quelque chose.

Elles sont toutes... super sympas.

Elles se sont très gentiment occupées de moi alors que je venais à peine d'emménager.

Rena est une fille super gentille.

Si elle n'avait pas ses réactions si bizarres parfois, elle serait même super mignonne.

Et Mion est super aussi.

Elle s'en fout de l'âge et du sexe des gens. Elle est optimiste et sait prendre les choses en main.

On ne s'ennuie jamais avec elle.

D'ailleurs, en parlant de ça, on ne s'ennuie pas avec Satoko non plus.

Elle a beau être effrontée comme une peste, ce n'est pas très grave car c'est comme ça qu'elle est.

Pour Rika, c'est pareil.

Elle parle peu, mais ça ne veut pas dire qu'elle ne parle pas du tout.

Elle fait tout autant partie de mes amis !!

Mais depuis que... depuis que M. Tomitake et Ôishi m'ont révélé certains des secrets de Hinamizawa... la machine s'est emballée. Le monde est devenu fou depuis le moment où j'ai appris des choses que je n'avais pas besoin de savoir...

Et maintenant, M. Ôishi me dit que Mion, Rena... que mes amies sont les principaux suspects.

Et comme par hasard, mes amies ont changé.

Mais bien sûr...

C'est depuis que M. Ôishi est venu me voir que tout à commencé à partir en couille...

J'en étais sûr... J'aurais dû refuser de lui parler ce jour-là.

Non, en fait, je n'aurais jamais dû poser la question à M. Tomitake le soir de la purification du coton.

Si seulement je n'avais pas été aussi curieux... si seulement...

Bon sang, mais c'est bien sûr !

C'est pour cela qu'elles ont **** M. Tomitake.

Parce que ce misérable étranger au village m'avait révélé des faits qu'elles s'étaient donné du mal à me cacher...

Mais alors, elles vont sûrement aussi ***** M. Ôishi.

Il est en train de ressasser des tas de trucs qu'elles ne veulent pas que je sache, après tout.

Et surtout, elles n'ont aucune raison de laisser faire, puisqu'il me dit de les suspecter à mon tour.

Évidemment qu'elles vont le *****, il le mérite, c'est normal !

De toutes manières, à la base, MM. Tomitake et Ôishi ne sont que des étrangers.

On ne peut pas les considérer sur un pied d'égalité avec les habitants de Hinamizawa.

Les sales étrangers comme eux, il faut qu'ils subissent la malédiction de la déesse Yashiro, il faut les **** !

Ce n'est pas de leur faute.

C'est de ma faute à moi, c'est parce que j'ai été incapable de contrôler ma curiosité.

C'est pas de leur faute.

Pas de leur faute.

Ce n'est pas de leur faute, c'est pas de leur faute, pas de leur faute...

Je me sentais un peu dans les vapes, un peu comme au réveil, en fait, mais lentement, doucement, ce sentiment d'oppression commençait à disparaître.

... ... C'est bon, c'est fini, c'est passé...

Plus besoin d'avoir peur.

Parfait, je suis comme neuf.

Demain, j'irai à l'école.

Je leur dirai bonjour.

Et on jouera ensemble après les cours.

Et on s'amusera comme des fous.

J'en suis sûr et certain.

... Après tout, je suis leur ami.

Keiichi

— Ah, il faut pas que j'oublie de manger les gâteaux de riz.

Il faut que je trouve lequel a été fait par Rena.

Je me remémorai l'énoncé du test.

N'empêche, notre club, c'est du sérieux. Ils font même des livraisons d'épreuves à domicile !

Je ramassai les gâteaux de riz, toujours dans leur sachet, par terre, et les ramenai dans la cuisine.

Pour une fois, tiens, je vais me faire du thé pour accompagner.

Je me vois déjà... en train de manger des gâteaux faits à la main, la tête reposant paresseusement sur mon avant-bras...

... ... Eh,

mais c'est plutôt cool, ce qu'il m'arrive.

J'ouvris le paquet de papier journal et découvris à l'intérieur cinq grosses boules de riz gluant.

Il y avait des lettres de l'alphabet écrites devant chaque boule, sur le papier journal.

Alors, alors. Voyons cela...

L'un d'entre eux a été fait par Rena... mais lequel ?

Ils se ressemblent tous.

Ils sentent aussi tous la même chose.

Ouh là... ça sera peut-être beaucoup plus dur que ce que je croyais !

Le point qui va différencier le plus son gâteau... ça va être sa forme, je pense.

Je ne sais pas comment la grand-mère de Mion les fait, mais celui de Rena est sûrement différent !

En regardant bien la forme même des gâteaux, j'en remarquai un qui était vraiment bien rond, bien net, bien propre.

En fait, plus je le regardais, plus il se démarquait des autres.

Keiichi

— La question, c'est de savoir si celui-ci est bien celui de Rena ou pas...

Il va falloir me concentrer un peu plus...

Mion m'a dit que sa grand-mère avait fait une montagne de gâteaux de riz et qu'elle devait m'en apporter.

Donc, quatre parmi ces cinq-là ont été produits à la chaîne...

Mais Rena ?

Rena n'en a probablement fait qu'un seul...

Elle n'a donc pas lésiné sur les efforts et a pris son temps pour le faire.

Ce qui veut dire... que c'est forcément le gâteau E !!!

Il me passa soudain par la tête que c'était peut-être un piège de Mion, mais je ne pense pas que ce soit le cas.

Si Mion l'avait fait, je n'en aurais pas douté une seconde, mais elle a bien précisé que c'était Rena qui l'avait fait, donc il ne doit pas y avoir d'entourloupe de ce genre.

Keiichi

— Bon.

Le thé, j'ai.

Commençons par goûter un des gâteaux du champion en titre.

Voyons voir...

Hmmmm.

Pas mal...

La pâte de haricots sucrée est bien lisse et offre une certaine consistence qui tranche avec l'enveloppe de riz... Rien à redire !

Et quand on prend ensuite une gorgée de thé bien chaud pour avaler le tout, ça libère un petit arrière-goût de reviens-y qui vous reste en bouche...

C'est magnifique !

Voyons ce que celui de Rena a dans le ventre...

Vu de l'extérieur, il a l'aspect léché de ces gâteaux hors de prix que l'on trouve dans certains magasins...

Je suis en pleine croissance, moi, alors le manque de volume me fait craindre le pire... mais bon, goûtons voir...

... ... Ah oui, quand même.

Ça va pas être facile de les départager !

Elles ont utilisé les mêmes ingrédients, donc le goût est quasiment identique.

En même temps, la seule différence, au fond, c'est la mise en forme, donc c'est un peu normal.

Donc pour les départager aux points... il va falloir regarder le côté artistique du gâteau. Et sa taille.

D'un côté le champion et son gâteau à la texture magnifique, et de l'autre Rena et son gâteau de taille plus modeste qui fait que l'on ne se dégoûte pas à trop en avoir mangé !

Je n'ai pris pour l'instant qu'une petite bouchée de celui de Rena.

Je préferai suspendre mon jugement pour plus tard, après l'avoir entièrement mangé.

Si ça se trouve... elle y a caché un ingrédient mystère qui inversera la vapeur et lui conférera un avantage décisif !

Keiichi

— Hmmm...

...

Mhmmmmm ?

Ah, j'avais raison !

Ma langue avait touché quelque chose.

C'était un peu différent de quelque chose de comestible, aussi je décidai de le sortir de la bouche pour voir ce que c'était.

... ... ... ... ... mais ?

Qu'est-ce que...

Avant que mon cerveau ne puisse réaliser ce que j'avais dans les mains, mon corps réagit en autopilote et je lançai le gâteau que j'avais en main de toutes mes forces !

Il resta collé au mur en projetant de la pâte de haricots sucrée un peu partout.

Puis, la gravité reprenant le dessus, il se décolla lentement et tomba par terre.

Je restai interdit, stupéfait.

Mais qu'est-ce qui me prend ?

Pourquoi j'ai fait ça ?? Alors que Rena s'était donné du mal !

Je regardai la main coupable, incrédule, puis regardait dans l'autre l'objet que j'avais extrait de ma bouche.

Au début, je crus que c'était un cheveu.

Mais en fait, c'était trop court pour être un cheveu. Même si Rena a les cheveux bien plus courts que Mion, les siens sont quand même encore trop longs. Or l'objet était très court.

Et puis, il était beaucoup plus dur et solide qu'un cheveu.

Il était suffisamment épais pour que je le sente rouler sur ma langue tout à l'heure.

Il avait des sortes de reflets gris... non, des reflets argentés.

Et puis à l'une des extrémités, il y avait un petit trou, le genre de trou comme le chas d'une aiguille à coudre, pour passer le fil...

Ouais, c'est ça.

En fait, ça ressemblait à une aiguille à coudre.

Ça y ressemblait à fond, même, dites-donc.

Il y avait même la pointe.

Elle était d'ailleurs vachement effilée.

On dirait presque une vraie aiguille à coudre...

Attendez voir...

Mais alors c'est quoi, au juste ? Qu'est-ce qui peut ressembler tellement à une aiguille à coudre ?

... ... Je fus incapable de trouver la réponse.

Mais au plus profond de mon être, mon autre moi, lui, avait compris, et il me le faisait savoir en me faisant claquer involontairement des dents.

Je n'arrivai pas à réprimer l'angoisse qui me saisit.

Je sentis soudain un goût ferreux dans la bouche. Ma langue me faisait horriblement mal.

J'insérai un doigt jusqu'au fond de ma gorge pour vérifier si je saignais ou pas.

J'eus soudain une envie presque irrépressible de vomir.

De la bile remontait dans mon œsophage et me brûlait la gorge.

Je me pris la gorge à deux mains... et après un petit moment douloureux, je pus enfin faire passer l'envie de vomir.

Lorsqu'enfin je pus reprendre une respiration normale, je sentis mon pouls accélérer jusqu'à un rythme démentiel.

... ... ... Et enfin, d'un seul coup,

je compris ce que j'avais trouvé dans le gâteau.

Mais encore une fois, mes mains réagirent avant que mon cerveau ne pût me relayer l'information.

Vlatsch !

Fletsch !

Flousch !

Je jetai les gâteaux restants contre le mur, les uns après les autres, de toutes mes forces.

Les projections artistiques de pâte de haricots sucrée qui mouchetaient le mur de la cuisine n'étaient pas sans rappeler quelque chose d'autre de bien plus gore...

Je détournai les yeux, sortis dans le couloir, montai les escaliers quatre à quatre, entrai dans ma chambre, puis me jetai sous ma couette, qui, elle, était restée là telle quelle depuis le matin.

Puis je me serrai moi-même dans les bras, en me tenant aux épaules, tout en essayant de contrôler la peur, le dégoût, la colère et la tristesse qui m'avaient envahi...

Ce n'était plus une mise en garde, un rappel à l'ordre et encore moins un petit conseil d'ami !!!

Que s'était-il passé à Hinamizawa ?

Que s'y passait-il en ce moment-même ?

Qu'y allait-il maintenant se passer ?

Je ne connaissais pas la réponse, et pour être franc ce n'était pas important.

Quand avais-je donc brisé un tabou et commis l'irréparable ?!

Ce qui était sûr, c'était que je m'étais fait des ennemis.

Rena, Mion, et peut-être encore d'autres !

Et ces gens-là veulent ma peau, c'est clair et net !

Je vais quand même pas rester là et me faire tuer !

Mais merde, quoi, je sais même pas pourquoi !!

En proie à un tourbillon de sentiments négatifs, je me sentis m'enfoncer lentement mais sûrement dans un bourbier sans fond, qui m'amènerait -- j'en étais sûr -- jusque dans un sommeil très agité...