Nous regardions la télé après le repas du soir. Satoko, Hanyû et moi.

C'était une émission de variété. Un comédien venait de faire une blague et avait déclenché l'hilarité générale dans le studio.

Nous aussi riions aux éclats.

— Ooohhohohohoho ! Bien fait pour lui !

— Ouh là là là là, le pauvre, il a dû avoir mal...

— Miaou ! Nipah☆

On aurait pû croire à une scène de famille tout à fait normale, mais en réalité, il n'y avait que moi et Satoko dans la pièce.

Hanyû était invisible, sauf pour moi, bien entendu.

Mais Satoko ne se doutait pas de sa présence.

Lorsque Satoko disait quelque chose, Hanyû lui répondait, l'incitant à poursuivre la conversation.

Bien évidemment, Satoko ne l'entendait pas, mais lorsque Hanyû était de bonne humeur, il lui arrivait souvent de faire la conversation à d'autres mortels.

Un peu comme les enfants qui parlent aux personnages à la télé. C'est une communication à sens unique.

Ils jouent à communiquer, en fait.

Et Hanyû est dans le même cas, un peu par nécessité, puisqu'en dehors de moi, il lui est impossible de parler à quiconque.

Hanyû s'amuse aussi avec nous pendant les jeux du club. Elle est est toujours avec nous, elle rit aussi, elle vit nos aventures et nos déconfitures.

Si elle existait vraiment, je suis sûre qu'elle serait un ajout formidable à notre club, à l'école.

Mais je sais qu'elle peut lire mes pensées, et que ce genre de choses lui fait du mal. Alors j'essaie d'éviter de m'imaginer les scènes d'anthologies que cela pourrait donner.

Si tous les vieux écrits transmis dans la lignée des Furude disent vrai et réfèrent tous à des miracles accomplis par Hanyû,

alors cela signifie qu'autrefois, elle a pu communiquer et interagir avec de nombreuses personnes.

Mais aujourd'hui, elle n'est plus capable de rien, ou presque. À peine puis-je, moi seule, détecter son existence...

Elle ne m'a jamais raconté comment elle avait perdu ses pouvoirs.

Je n'ai aucune explication, si ce n'est de croire que l'époque moderne chasse effectivement le besoin de croire en des entités supérieures. C'est peut-être cet état d'esprit qui rend son existence si ténue.

Il existe une légende qui raconte que lorsque l'héritière du sanctuaire Furude est une femme sur sept générations, alors la déesse Yashiro revient parmi les vivants.

... Il était véridique qu'avec ma naissance, Hanyû avait rencontré un être humain qui pouvait communiquer avec elle, chose qui ne lui était plus arrivée depuis fort longtemps.

C'est peut-être ça que les humains appellent “la réincarnation de la déesse Yashiro”.

Mais quand je regarde Hanyû, qui m'a expliqué tout ceci, et que je pense à l'image que se font les villageois de la déesse Yashiro, je me dis parfois qu'il y a quelque chose qui cloche.

Surtout quand elle reste à côté de Satoko, sur le ventre, la tête posée sur ses avants-bras, à rire comme une idiote en regardant la télé.