Lorsque Rika Furude naquit et qu'elle comprit le concept de la famille, elle pensa naïvement qu'ils étaient quatre.

Tous les jours, elle voyait autour d'elle trois personnes :

son père,

sa mère,

et moi.

Comme elle me regardait tous les jours, elle ne comprenait pas que j'étais invisible et qu'elle était la seule à savoir que j'étais là.

Il y a un autre problème : je ne ressemble pas à un être humain.

Je peux modifier mon apparence pour leur ressembler, en gros, mais il m'est impossible de cacher mes cornes.

Même lorsque je souris, il est évident que je ne suis pas humaine.

À sa naissance, lorsque je me suis rendu compte qu'elle pouvait me voir, je me suis dit qu'avec un peu de chance,

elle considèrerait que mon apparence était normale et n'aurait pas peur de moi.

Et ce mince espoir porta ses fruits.

Tout comme les poussins s'imaginent que la première créature qu'ils voient en arrivant au monde est leur mère,

Rika me considéra comme un membre de sa famille, sans jamais en douter.

Même en voyant les grosses cornes sur ma tête.

C'est pourquoi depuis le jour où elle m'a acceptée dans sa famille, nous sommes devenues très soudées.

J'étais plus proche de Rika que ses parents, surtout parce que je pouvais jouer avec elle.

Pour moi, c'était extraordinaire. Je n'avais plus eu quelqu'un avec qui je pouvais parler depuis tellement longtemps...

Alors, j'ai passé tout mon temps avec elle.

Sauf que malheureusement, sa mère insistait beaucoup pour nier mon existence.

Et comme Rika pouvait me voir, et m'avait toujours vue, toute sa vie, elle ne comprenait pas ce que sa mère avait comme problème.

Et en grandissant, les choses ont empiré.

Rika cessa peu à peu d'apprendre les choses selon la course naturelle des choses, de mère en fille.

C'est pourquoi j'ai décidé de tenir ce rôle, et que je lui ai appris des tas de choses, des traditions, comment se tenir à table, comment parler poliment, ce genre de choses.

... Mais évidemment, cela eut pour effet d'énerver encore plus sa mère biologique.

Il me semble aussi que Rika se fit disputer de nombreuses fois pour la manière dont elle parlait d'elle-même.

Elle disait « je » non pas comme les petites filles de son époque, mais comme moi. Le problème étant qu'à mon époque, quand moi, j'ai appris à parler, les petites filles et les petits garçons parlaient de la même façon.

Mais en dehors de ses disputes fréquentes avec sa mère, Rika était une petite fille comme toutes les autres.

Elle était exactement comme Satoko.

Elle courait à travers les champs et les montagnes, elle faisait des bêtises, bref, c'était une petite fille pleine de vie et de fougue.

... ... Mais en juin 1983...

Rika perdit la vie.

Mon seul souhait était de célébrer l'hymne jubilatoire de la vie, en accompagnant Rika à travers toutes les joies et les étapes de son existence.

Mes pouvoirs se limitent à chercher un chemin qui pourrait lui permettre d'aller plus loin.

Il est vrai que malgré tous mes efforts, le Destin n'a pu être évité pour l'instant.

Et il est vrai que c'est une expérience terrible et déchirante.

Mais tomber au fond d'un puits et chercher à s'amuser malgré le mauvais sort, ce n'est pas un crime.

La vie de Rika Furude est arrivée dans une impasse. On peut la décrire comme étant une tragédie.

Mais elle et moi avons fini par trouver du réconfort en vivant l'une près de l'autre, encore et encore, depuis bien plus longtemps que ne l'indique son enveloppe charnelle.

Bien sûr, il n'y a pas que Rika.

Ils ne peuvent pas répondre à mes appels,

mais j'apprécie aussi la présence de Satoko, Mion, Rena et Keiichi.

Je ne peux pas me joindre à eux, mais...

mais...

nous sommes ensemble, unis.