Pardonne-moi pour les difficultés qui vont bientôt joncher le chemin de ta vie.
J'ai préféré emprunter la voie menant au royaume des morts de mon propre accord, plutôt que d'attendre le jour du départ dans un corps fatigué, à peine conscient, constamment dans la crainte. J'espère que tu comprendras cette décision.
C'est un peu grâce à cela que j'ai l'occasion de te laisser ce message.
Je ne peux plus supporter la peur d'être emporté sans avoir rien pu laisser derrière moi, dans un moment de faiblesse, à lutter inutilement contre la maladie.
Mais au bout du compte, malgré mes efforts, je ne laisserai rien derrière moi.
Malgré la somme de temps et de connaissances que j'ai accumulés de mon vivant, il n'est rien qui les cristallisât et que je pusse léguer en héritage pour prouver ma valeur en ce monde.
Mais ce n'est pas ma mort qui poussera les gens à m'oublier, comme le veut la marche naturelle des choses ; non, c'est de mon vivant que mon existence a commencé à disparaître des mémoires.
Il m'est difficile de coucher sur le papier le ressentiment qui m'habite alors que je m'apprête à rencontrer la faucheuse.
Je t'ordonne de faire mieux que moi.
Ton grand-père a chu sur le chemin ; puisses-tu arriver sans encombres à ton but.
Peu importe la matière ou le domaine.
Fais en sorte de laisser ton nom dans l'Histoire.
Si cela te semble impossible, alors tente de réaliser des choses extraordinaires.
Nous ne sommes que des êtres humains. Toi et moi sommes condamnés à mourir.
Et n'étant que des êtres humains, la crémation emportera nos corps vers l'Autre Monde.
Nous sommes poussière, et nous redeviendrons poussière.
Mais si tu parviens à faire une grande découverte, ou à réaliser de grandes choses, alors même lorsque tu seras redevenue poussière, les gens parleront de toi, à tout jamais.
Et lorsque tu vivras à travers eux, par-delà la mort, alors tu seras devenue l'égale d'un Dieu.
Moi aussi, j'eus la folie d'essayer de devenir un dieu, mais mon entreprise a échoué.
Ne suis pas les pas de ton grand-père ; deviens un dieu.