L'horloge indiquait maintenant 1h du matin.

En ville, ce n'est pas un problème, mais à Hinamizawa, c'était la nuit noire. Même le Temps et la lumière semblaient être en train de dormir.

Il y avait un peu de lumière au rez-de-chaussée, là où les policiers montaient la garde, mais autrement, l'obscurité ambiante était noir de jais.

C'est ce qui faisait ressortir la lumière de la lune et la rendait si belle.

Quartier Général

— Nous arrivons à l'heure H.

Quartier Général

Il y a deux policiers en faction au rez-de-chaussée.

Quartier Général

Cela fait un peu plus d'une heure que les lumières sont éteintes à l'étage.

Quartier Général

Mon Commandant, ici le Quartier Général. Attendons l'ordre de passer à l'action.

Takano

— ... Vous avez vu la lune ? Elle est si belle, il faut en profiter. Allez-y.

Quartier Général

— Est-ce que nous pouvons simplement éliminer les policiers ?

Takano

— Hmmm...

Si toutes les personnes présentes cette nuit au sanctuaire disparaissent, on pourra toujours dire qu'elles ont été enlevées par les démons.

... Oui, ça me plaît. Vous pouvez procéder.

Quartier Général

— Quartier Général à Phénix,

Quartier Général

commencez l'opération. Éliminez les deux policiers en sentinelle.

Quartier Général

Attention, vous n'avez pas l'autorisation de tirer,

Quartier Général

je répète, vous n'avez pas l'autorisation de tirer.

Quartier Général

Quartier Général à Bouscarle Chanteuse,

Quartier Général

Phénix a commencé l'opération.

Coupez les lignes téléphoniques.

Bouscarle chanteuse 1

— Ici Bouscarle Chanteuse, bien reçu.

Procédons à la coupure des lignes.

Juste pour le cas où un imprévu donnerait le temps à quelqu'un de téléphoner, il fallait s'assurer de bloquer toute communication.

Ôishi et son collègue avaient justement surpris les préparatifs de cette action.

Okonogi

— ... Bon, ben les enfants, il faut se mettre en route, maintenant.

Okonogi

Phénix 1 à toutes les unités :

Okonogi

préparez-vous à donner l'assaut.

Okonogi

Éliminez les deux cibles au rez-de-chaussée et la gamine en trop à l'étage.

Okonogi

Ne laissez aucune trace sur les corps.

Okonogi

Interdiction de tirer, et n'utilisez pas de gaz non plus.

Servez-vous de vos tazers.

Les policiers sont armés, ne les laissez pas tirer non plus !

Takano

— Okonogi, ce sont des débutants, j'espère que tu n'auras pas trop de problèmes à t'en débarrasser ?

Hmpfhfhfhfhf...

Okonogi

— Bah, c'est pour le boulot, j'ai pas le choix, on fait pas toujours ce qu'on veut dans la vie.

Phénix 7 et 8, avancez.

Les autres, faites très attention, restez sur vos gardes et surveillez les environs.

Phénix 7

— Phénix 7, compris.

J'avance.

Deux hommes en tenue de travail s'approchèrent du local de rangement, veillant bien à ne pas faire de bruit.

Leurs uniformes étaient gris, ils ne se fondaient pas dans la Nature.

Mais au moins, ils ne risquaient pas d'éveiller les soupçons si quelqu'un devait les apercevoir.

... Quoique, avec l'heure tardive et leur façon de marcher, si, ils étaient vraiment louches...

Par les interstices du chambranle de la porte à côté du rideau du garage, on pouvait voir un peu de lumière et écouter la conversation des policiers.

C'était par là que Rika et Satoko entraient et sortaient de chez elles.

Bien sûr, la porte était cadenassée, mais les chiens de montagne avaient depuis longtemps déjà préparé un double de la clef.

Bien sûr, la clef entra sans faire trop de bruit, mais cela ne suffisait pas.

Il fallait ouvrir le cadenas, et alors, forcément, cela ferait du bruit.

Et donc, les policiers seraient alertés de leur présence.

Il fallait donc entrer directement et les mettre hors d'état de nuire immédiatement.

Les deux hommes désignés par les noms de code Phénix 7 et 8 se regardèrent quelques secondes, puis opinèrent du chef.

Phénix 7

— Phénix 7 au Quartier Général, nous sommes en position.

Demandons l'ordre de passer à l'attaque.

Takano

— ... Ici Takano.

... Ne les ratez pas.

Allez-y.

Phénix 7

— Bien compris.

Nous donnons l'assaut.

La clef tourna dans le mécanisme et fit du bruit.

Plaqué contre la porte, le cadenas s'ouvrit dans un grand *clac*.

À peine les deux policiers s'étaient-ils retournés que la porte était déjà ouverte, les deux assaillants passant le seuil de l'entrée.

Pendant le temps où les policiers s'exclamèrent “Qui êtes-vous ?”, les assaillants sortirent leur arme.

C'est pourquoi en à peine deux secondes, tout fut terminé...

Komiyama

— Ugh !

Détective

— Agh !

Après un très court cri d'agonie, les deux policiers s'effondrèrent là où ils étaient.

Ils avaient une aiguille plantée dans le corps, aiguille elle-même reliée par un long filin à des armes de poing.

Mais ce n'étaient pas des armes à feu -- c'étaient des tazers en forme de pistolet.

Au lieu de tirer des balles, ils tiraient une aiguille reliée à l'arme par un fil. Une fois le contact fait, un puissant courant électrique paralysait la cible.

Ces armes étaient faites pour neutraliser les délinquants sans les blesser, à la base, mais les modèles utilisés ici étaient modifiés pour pouvoir tuer si nécessaire...

Les deux hommes placèrent la main au cou des policiers et purent constater l'absence de pouls. Ils se dirigèrent alors doucement vers les escaliers qui menaient à l'étage...

Soudain, on entendit des pas précipités à l'étage.

Phénix 10

— Ici Phénix 10 !

R et son amie ont remarqué quelque chose !

Je les vois à la fenêtre. Elles ont sauté par la fenêtre !

Elles se dirigent vers les hautes herbes, derrière le bâtiment !

Phénix 10

Phénix 4 et 5, il faut y aller ! Arrêtez-les !

Phénix 4

— Phénix 4, bien compris ! En route !

Après avoir trouvé la silhouette des deux enfants en train de marcher dans les herbes, les hommes se levèrent et se ruèrent en leur direction, heurtant soudain quelque chose du pied.

*Pan ! Paapapapan ! Pan !*

Après de grands claquements secs, une fumée blanche s'éleva.

L'un des pièges de Satoko avait explosé et provoqué la détonation de plusieurs pétards.

Mais heureusement, leurs poursuivants étaient des combattants.

Eux avaient l'habitude de situations plus tendues, et donc en entendant les pétards, ils crurent à des coups de feu.

Ils se jetèrent immédiatement au sol pour se protéger, ce qui laissa à Rika et Satoko quelques précieux instants pour s'enfuir.

Satoko

— Mais qui sont donc ces gens ?

Rika, ce sont eux, Tôkyô ?

Rika

— J'en sais rien, on s'en fout !

Tais-toi et cours !

S'ils nous attrappent, ils nous tueront !

Quartier Général

— Que se passe-t-il ? Répondez !

C'était quoi, ce bruit ?!

Phénix 5

— Ici Phénix 5, nous avons essuyé des coups de feu.

R nous a passés.

Nous nous lançons à leur poursuite.

Phénix 4

— Ah, sûrement des pétards, plutôt !

Rah, merde !

Takano

— Hmpfhfhfhfhf...

Ça, c'est un coup de Satoko.

Elle sait y faire, cette petite. Hmpfhfhf...

Okonogi

— Rrrah, j'vous jure,

bande de bleubites !

À toutes les unités proches du sanctuaire, allez les aider ! Si les gamines atteignent d'autres habitations, nous sommes foutus !

Phénix 18

— Phénix 18, cibles en vue !

Je les poursuis, envoyez des renforts !

Takano

— Elles connaissent très bien le terrain.

Attrapez-les maintenant, sinon elles vous fileront entre les doigts.

Ce n'était pas un jeu de cache-cache, mais une véritable chasse à l'homme.

Devant, Rika et Satoko couraient à perdre haleine. Derrière, plusieurs hommes en tenues de travail à leurs trousses.

Ils n'étaient pas stupides et ne perdirent pas de temps ni de souffle à leur hurler de s'arrêter.

C'était une course poursuite plus ou moins silencieuse, qui apporterait la mort sans troubler la quiétude de la nuit.

Satoko

— Haaa, hhaaa, haaa,

où allons-nous maintenant ?

Rika

— Il vaut mieux se séparer pour les perdre !

On se rejoint chez Mii !

Il y a une salle secrète au sous-sol, nous serons en sécurité ! Elle est reliée à l'extérieur par des tunnels cachés, on pourra s'enfuir en cas de pépin !

Heureusement pour moi, Satoko se contenta d'opiner du chef, sans s'étonner le moins du monde de la présence d'une salle secrète dans le sous-sol de la maison des Sonozaki.

Brave petite...

Bang !!

Soudain, un choc violent sur mes doigts de pied gauche me déséquilibra, la vitesse me faisant alors rouler en avant.

J'ai dû placer mon pied juste devant un gros caillou ou un morceau de béton !

Satoko

— RIKAAAA !

Rika

— Satoko, va-t-en !

Ils te tueront !

Mais bien sûr, elle n'était pas du genre à me laisser derrière...

Elle revint vers moi à toute vitesse pour me tendre la main et m'aider à me relever.

Je n'avais pas besoin d'elle, mais les secondes qu'elles perdit en revenant furent cruciales.

Un homme courut vers moi à toute vitesse pour se saisir de moi.

D'après notre position, il me serait impossible de l'éviter.

Mais Satoko aussi s'en rendit compte !

Satoko

— Prenez donc ÇA !

Phénix 4

— Ahg !

Satoko avait couru à toute vitesse vers lui pour lui décocher un coup de pied sauté absolument magnifique.

L'homme avait été justement en train de courir un peu baissé pour être sûr de bien me saisir. Le pied de Satoko lui arriva en plein milieu de la figure -- si j'avais pu, j'aurais pris des photos tellement c'était beau à voir.

Mais pendant cette attaque, deux autres hommes se rapprochèrent de nous !

Ce n'est qu'à cet instant, en leur faisant face au milieu de la nuit, que je les reconnus.

Ils portaient des uniformes de jardinier.

Le même uniforme qu'Okonogi.

Ces hommes faisaient donc partie des chiens de montagne !

Alors c'était la bonne hypothèse, c'était Takano qui avait tout manigancé !

Maintenant que je savais ça, j'étais certaine de pouvoir me servir de cette information dans le prochain monde !

Mais si je mourais trop vite, je perdrais mes souvenirs, et donc aussi cet indice capital !

Je ne pouvais pas mourir.

Je ne devais pas mourir ! Il me fallait cette information, je devais la transmettre à ma future incarnation, je devais survivre le plus longtemps possible !

Satoko sortit quelque chose de sa poche et la lança devant elle, en direction des hommes.

Une sorte de sable, qui put les aveugler un instant.

Mais malheureusement, uniquement un court instant !

Satoko avait voulu en profiter pour fuir, mais elle resta sur place, effarée, en voyant les armes que pointaient nos adversaires.

C'étaient des tazers en forme de pistolets.

Sauf que Satoko les prenaient pour de véritables armes à feu...

Sachant qu'ils tireraient si elle leur tournait le dos, Satoko se résolut à leur faire face.

Mais ils étaient trois.

Logiquement, nous n'avions aucune chance, mais Satoko n'avait pas réfléchi aussi loin.

Si nous leur tournions le dos, nous avions 100% de chance de nous faire tuer.

C'est pourquoi, en bon membre du club, Satoko avait opté pour la solution la moins impossible.

Alors, je sus qu'elle voulait se sacrifier pour me permettre de fuir, et qu'elle était consciente qu'elle allait mourir.

Mais moi, je ne voulais pas d'un monde sans elle ! Vivre sans Satoko ? Et puis quoi encore ?!

De toute façon, je vais bientôt mourir, si je peux éviter ça à Satoko, alors je préfère mourir en la protégeant !

Mais attends, espèce d'idiote !

Tu dois survivre,

sinon les informations que tu as obtenues seront effacées de ta mémoire !

Et si tu n'as plus ces souvenirs, tu seras morte pour rien !

Alors quoi, tu veux que j'abandonne Satoko pour sauver ma peau ou quoi ?

Évidemment, pauv' quetsche ! Tu as appris quoi ces cent dernières années ? Tu es immortelle, tu dois survivre pour passer tes souvenirs à la prochaine Rika !

Cette Satoko n'est ton amie que dans ce monde-ci, et tu vas mourir, alors qu'est-ce que ça peut foutre ? Laisse-là ici et barre-toi !

Rika

— Non, y a pas moyen.

Je suis une humaine, moi, pas une sorcière cynique !

Oh, bien sûr, en mon for intérieur, je savais.

Je savais que nous ne gagnerions pas, c'était impossible.

Le temps de nous battre contre eux, d'autres seraient là.

Soit je reste fidèle à une amie et nous nous battons, soit je prends la fuite en espérant pouvoir vaincre mon véritable ennemi dans ma prochaine incarnation…

Rika

— Satoko !

Cette fille m'avait toujours redonné courage, encore et encore. Son attitude héroïque me fit pousser des ailes.

Si je fuyais maintenant, même en imaginant pouvoir garder mes souvenirs, ça ne me donnerait pas la force de vaincre Takano !

Ce n'est pas grave si j'oublie tout.

J'ai découvert la vérité en à peine cent ans, ça ne devait pas être si compliqué que ça à découvrir, finalement !

Je n'aurais qu'à y passer à nouveau cent ans, je suis pas à ça près ! Mais je ne peux pas l'abandonner, Satoko mérite mieux que ça !

Rika

— Satoko, recule !

Il vaut mieux se battre à deux !

Satoko

— Rika ?!

Mais enfin, je vous ai dit de vous enfuir, vous n'êtes vraiment qu'une tête de mule, ma parole !

Je remarquai soudain un détail.

Leurs armes étaient toutes pointées sur Satoko.

Pour une raison comme pour une autre, ils n'avaient pas le droit de me tirer dessus.

Je me plaçai aussitôt devant elle, la maintenant bien dans mon dos.

Comme je l'avais deviné, ils durent se résoudre à ranger leurs armes et à s'en tenir au combat à mains nues.

Rika

— ... Vous êtes des membres des chiens de montagne.

C'est donc bien ce que je pensais, c'est Takano qui se cache derrière tout ça.

Okonogi

— ... ...

Rika

— Hmpf.

Rika

Moi aussi, je suis bien trop stupide.

Rika

Il faut l'être pour ne pas fuir alors que je sais pertinemment quel genre de personnes vous êtes.

Rika

... Sauf que vous voyez, j'ai un problème, je n'aime pas m'enfuir.

Rika

Et ce même si je sais que mon Destin est de mourir ici et aujourd'hui.

Rika

Parce que j'ai appris une chose, moi ;

Rika

le Destin, c'est quelque chose d'aussi fin et fragile que ces épuisettes en papier que l'on a pour attraper les poissons rouges à la fête foraine !

Heureusement pour moi, ils semblaient vouloir m'accorder un dernier petit discours. C'était ma cigarette du condamné.

Rika

— Mais vous aussi, vous êtes stupides.

Et c'est pour ça que vous ne pourrez plus attraper le moindre poisson rouge !

À peine avais-je terminé ma phrase que l'un des hommes fut propulsé vers l'avant.

Derrière lui, je vis Keiichi, qui apparemment avait pris de l'élan pour lui décocher un formidable coup de pied.

Et le coup avait frappé bien dans la hanche, et comme il fallait ! L'homme se tordait de douleur au sol, hurlant sa souffrance.

Les autres se retournèrent pour faire face à leurs assaillants surprise, mais ils n'en eurent pas le temps.

Saisissant par derrière le bras armé de l'un des hommes, Mion lui fit décrire un grand cercle avant de le forcer face contre terre.

J'avais déjà vu ça dans un film d'action.

C'était un truc venu d'un sport de combat, pour se défendre en cas d'agression.

Le dernier homme fut bousculé par Rena, qui s'était jetée sur lui, mais cela ne suffit bien sûr pas à nous en débarrasser.

Il sortit son arme et visa Rena.

C'était tout ce dont nous avions eu besoin.

Rena, d'ailleurs, n'avait eu pour intention que de détourner l'attention de l'homme sur elle.

Pendant ce temps, Shion apparut dans son dos désormais complètement à découvert, puis plaça son tazer à elle dans son cou et l'enclencha.

Il y eut un drôle de bruit, et l'homme s'affaissa à genoux, inconscient.

Shion

— Ouh là !

Eh bé mes aïeux, c'est pas de la modif' de chochotte qu'il m'a fait, le Kasai ! Il m'avait prévenu que la puissance était réglée à des doses illégales, mais là, je suis impressionnée !

Mion

— Shion, viens leur mettre un coup de jus ici, dépêche !

Keiichi

— Satoko ? Rika ? Ça va, rien de cassé ?

Eh ben, on est arrivé juste à temps, c'est le cas de le dire !

N'empêche, vous courez vite, on a eu du mal à vous rattraper !

Rena

— Ça valait le coup d'attendre !

Je ne suis pas mécontente d'être restée postée tout ce temps !

Satoko

— Mais qu'est-ce à dire ? Vous n'êtes pas rentrés à la maison ? Vous êtes restés dehors, tous ici, depuis votre départ ?

Rena

— Oui.

Sur le chemin du retour en fait, nous avons vu des gens très louches, qui étaient cachés dans les herbes et qui observaient tout le temps dans votre direction.

Keiichi

— N'empêche, je sais toujours pas comment t'as fait pour les caler, en fait.

Y a rien qui marche sur toi, ni les mensonges, ni les camouflages, ni l'obscurité !

Et comme ils pensaient qu'il ne servirait à rien de leur adresser la parole, ils avaient attendu en silence.

Lorsque les pétards avaient éclatés, la course-poursuite avait commencé.

Rika

— Je n'aurais jamais cru vous voir débarquer pour nous sauver, je dois dire.

Keiichi

— Bref, perdons pas de temps, les renforts vont rappliquer !

On fait quoi, maintenant ?

Satoko

— Eh bien, nous pensions aller chez cette chère Mion,

j'ai vaguement entendu une histoire de sous-sol.

Shion

— Aaah, oui, le temple souterrain des reliques sacrées, bien sûr.

Oh oui, ce sera parfait.

Shion

Surtout que là-bas, on a pas mal de stocks d'armes, si j'ai bonne mémoire ?

Mion

— Mais chhhhhhhhhuteuh !

Ils ont pas besoin de le savoir !

Mion

*Ahem* Oui, oui, c'est une bonne idée, je suis d'accord.

Et puis, la salle est reliée à l'extérieur par plein de tunnels secrets, on pourra même les prendre à revers !

Keiichi

— Alors dépêchons-nous !

Leurs renforts arrivent !

Nous vîmes une camionnette blanche foncer à toute allure et se rapprocher de nous.

D'après la façon de conduire, il était évident que c'était un véhicule ennemi !

Elle pila tout près de nous, les portes s'ouvrirent presque immédiatement et plusieurs hommes en uniforme en sortirent.

Ils étaient six !

Si nous courions, les plus lents d'entre nous se feraient attraper, et qui sait ce qui leur arriverait.

Il valait encore mieux les tabasser et être sûrs de pouvoir fuir par la suite !

En plus, même si elles n'avaient pas officiellement le permis de conduire, Mion et Shion savaient manier un véhicule.

Si nous réussissions à leur voler la camionnette, nous étions en sécurité !

Mion

— Ils sont six,

ça tombe bien, nous aussi !

Allez les enfants, on leur défonce la tête et à nous la camionnette !

Satoko

— Oooohhohhohho !

Mais c'est une excellente idée !

Keiichi

— Ben alors, perdons pas de temps !

Les chiens de montagne s'étaient manifestement attendus à devoir nous courir après ou à nous tirer dans le dos.

Ils eurent l'air clairement déroutés en nous voyant leur foncer dessus !

Dans ces moments-là, c'est toujours Rena la plus prompte à passer à l'action.

Une fois qu'elle a arrêté son plan, elle l'exécute sans plus se poser de question !

Jetant son dévolu sur une cible, elle décocha plusieurs coups de poing, lui brisant l'arête du nez !

L'un des hommes se plaça derrière elle pour la frapper, mais Keiichi lui décocha alors un coup de pied féroce dans les côtes.

Keiichi

— Eh ben alors, Rena ? Fais attention à tes arrières, quoi, merde !

Rena

— T'as qu'à t'occuper de les couvrir,

je compte sur toi !

Shion

— J'ai presque peur de savoir comment elle était quand elle vivait à Ibaraki, celle-là.

Shion

Non mais t'as vu comme elle frappe ?

Mion

— Tu ferais bien de pas trop la ramener, miss tazer de la mort qui tue !

Mais bien sûr, sans l'élément de surprise, le tazer était inefficace.

Surtout qu'en entendant ça, l'homme en face d'elle prit ses distances et se repositionna.

Mais au moins, il ne bougeait plus, ne sachant plus quoi faire.

Et puis, nous avions de la chance, les renforts n'avaient pas d'armes à feu.

Ils n'avaient aucun moyen de se débarrasser d'elle facilement.

Satoko l'attaqua par derrière.

Elle lui enserra le cou avec un fil, une corde à sauter peut-être.

Pendant cet instant, Shion s'avança et utilisa son arme.

Quant à moi ?

Je courus un peu à droite à gauche, histoire d'attirer leur attention et de les déconcentrer.

Après tout, ils n'en avaient qu'après moi.

Lorsque j'étais dans leur champ de vision, ils avaient toujours tendance à vouloir m'attraper moi.

Et cela fut payant, car ça nous créait des ouvertures pour les attaquer.

Keiichi remarqua vite mon stratagème, et frappa le dos d'un homme qui voulait me plaquer au sol.

Nous avions un avantage dans cette bagarre générale.

Il serait sûrement difficile de nous débarrasser de tous, mais nous pouvions éventuellement tenter de les mettre suffisamment à mal pour avoir le temps de leur piquer le véhicule.

Keiichi

— Quand tu nous en as parlé, Rika, ils me faisaient vachement peur, mais on dirait bien qu'ils ne sont pas plus doués que nous !

Rena

— Non, Keiichi, c'est juste que nous autres membres du club sommes bien plus doués que la moyenne !

Shion

— Il suffit de ne pas avoir peur.

Les jeux du club sont juste là pour nous entraîner à ne plus hésiter.

Nous fîmes bloc, tous ensemble.

C'est pour ça que nous tenions le coup à six contre six !

Un seul d'entre nous eût manqué l'appel et nous étions finis.

Ils nous auraient tués en un instant !

Si j'avais pris la fuite, ils auraient été en surnombre et auraient pu tuer tous mes amis !

Haha, je le savais, cette fois-ci sera la bonne !

L'homme qui avait pris le coup de jus commença à se rouler à nouveau au sol, reprenant conscience.

Les autres agents que nous avions vaincus peu auparavant arrivèrent eux aussi sur place.

Il nous fallait tenter une action radicale !

Cette fois-ci, je ne pouvais plus me permettre de simplement courir de droite à gauche.

Rika

— ... Bon, eh bien, puisqu'on n'a plus le choix...

Je vais devoir les aider. Ils vont voir ce qu'ils vont prendre !

Hanyû

— ... Rika...

Rika

— Hanyû, toujours convaincue de notre défaite ?

Alors regarde, regarde ce qu'il se passe quand on n'abandonne pas !

Je vais vaincre !

je vais renverser les plans du Destin !

Rika

Je vais le faire maintenant, tout de suite, devant toi !

Mion

— Bon, les enfants, vous êtes prêts ?

Il faut y aller franco, on a droit à un seul essai, alors frappez un adversaire de toutes vos forces,

et ensuite filez vers la voiture, on se casse !

Rika

— ... Bien reçu, Mii.

Je me joindrai à vous pour cette attaque.

Keiichi

— Hahahaha, là tu me plais, Rika !

Allez, ON Y VAAaaaaaa !

Son cri d'attaque devint notre cri de ralliement, et nous lançâmes l'assaut tous les six en même temps.

Le Temps sembla ralentir, puis ralentir encore, comme si le fait d'essayer de changer le Destin provoquait des perturbations dans le continuum espace-temps.

Mais à force de ralentir, le Temps finit par s'arrêter complètement.

... Qu'est-ce que cela pouvait-il bien vouloir dire ?

C'était comme si la pellicule d'un film avait soudainement lâché.

Une impression bizarre d'être dans une bulle hors du Temps.

Rika

— ... ... Hanyû ?

C'est quoi, ça ? Que se passe-t-il ici ?

Hanyû

— ... Eh bien... C'est l'heure, Rika.

Rika

— Mais pourquoi ?!

... ... Mais que !?

Hanyû montra Keiichi du doigt, le regard triste.

Enfin, je remarquai ce qu'elle voulait me montrer.

Plusieurs d'entre nous l'avaient déjà remarqué. En fait, tout le monde,

sauf Keiichi lui-même.

Rika

— ... Keiichi !

C'est quoi, ce que tu as là ? Devant ton torse ?

Keiichi

— De quoi, là ?

... ... Hein ?

Mais... Ah ouais ! Mais c'est quoi, ce truc ?

Alors qu'il était en plein mouvement, le poing prêt à défoncer une mâchoire,

Keiichi profita de cet instant où même le Temps était gelé pour regarder devant soi,

et il remarqua alors un truc bizarre

qui flottait devant lui.

C'était... Comment le décrire.

Une sorte de petit cône en métal, de couleur argent.

La première chose qui me traversa l'esprit...

était malheureusement

probablement la bonne réponse.

Mion

— ... Oh putain...

Oh non, c'est pas vrai... P'tit gars, non...

Keiichi

— Mais…

Mais c'est quoi, ce truc ?

Me dites pas que…

c'est une balle ?

Oui, pas de doute, c'était une balle de revolver.

Elle se tenait là, sagement, à environ 15cm de lui, dirigée bien vers son cœur.

Elle attendait patiemment son heure.

Lorsque le Temps se remettrait en route, elle transpercerait Keiichi et le tuerait instantanément.

C'était presque échec et mat.

Dès que le Temps s'écoulerait à nouveau, Keiichi s'écroulerait, raide mort.

Rena

— Mais qui a tiré ?

J'ai bien regardé, aucun de ces six-là n'avait d'arme à feu !

Satoko

— ... Ah ! Là-bas, regardez !

Près de leur camionnette !

Satoko nous avait prévenu, mais elle ne pouvait évidemment pas nous la montrer du doigt.

Le Temps était toujours arrêté.

Il y avait une silhouette à côté de la camionnette.

Ils étaient venus non pas à six...

mais à sept.

Et c'est ce septième homme qui avait tiré.

Nous ne l'avions pas remarqué. Aucun d'entre nous n'avait même imaginé sa présence.

En regardant mieux, nous nous rendîmes compte que nous connaissions tous ce septième homme. Ce n'était pas un homme, d'ailleurs.

C'était Takano.

Rena

— Mais... Mme Takano ?

C'est elle qui a tiré ?

Sur Keiichi ?

Takano était figée dans un rictus victorieux, un pistolet pointé vers Keiichi.

Elle avait attendu dans la camionnette, sans se mêler au combat, pendant tout ce temps.

Et lorsqu'elle s'était rendu compte que nous n'avions pas remarqué sa présence, elle avait décidé de nous attaquer par surprise.

Keiichi

— ... Hah ! Héhéhé, ha putain...

Je vois, ouais, ceci explique cela.

Alors c'était vraiment elle, le cerveau derrière toute cette histoire ?

Shion

— Mais qu'est-ce qu'on va faire ?!

P'tit gars, tu peux pas te tourner ou te redresser ou, je sais pas ! N'importe !

Keiichi

— Arrête tes conneries, eh, comment tu veux que je fasse ?

Même la balle est arrêtée, tu vois bien.

Je peux pas bouger d'un poil de cul.

Satoko

— Eh bien alors, lorsque le Temps se remettra en marche, essayez quand même de bouger !

Vous serez touché, mais peut-être pas mortellement !

Tout le monde y alla de son conseil de fou, trouvé dans je-ne-sais-quels films.

Mais franchement, personne ne sut vraiment comment faire pour le sortir de cette situation. Une balle de revolver à 15cm, c'était imparable...

À force d'entendre ces conseils tous plus tarés les un que les autres, Keiichi finit par éclater de rire.

Keiichi

— ... Ah là là, sacrées vous.

Keiichi

Je sais pas trop comment tout ça est arrivé, mais je crois bien que là, y a plus rien à faire.

Keiichi

Quand le Temps reprendra, je mourrai, je pense que c'est suffisamment clair.

Keiichi

Et si par miracle je ne meurs pas, je ne pourrai en tout cas plus me battre.

Keiichi

Alors écoutez-moi bien.

Keiichi

Oubliez-moi, je suis foutu.

Keiichi

Profitez de ce que le Temps soit encore figé pour pleurer si ça vous chante, mais vous n'aurez pas le temps de faire du sentiment quand tout recommencera à bouger. Ne pensez qu'à Takano, défoncez-lui la gueule et barrez-vous avec sa camionnette, d'accord ?

Rika

— Non, non !

Keiichi ne doit pas mourir,

je ne veux pas d'un monde sans lui !

Hanyû, tu vas pas me dire que c'est ça, mon Destin ?

Tu vas pas me dire que c'est ça qui m'attend à chaque fois ?!

Hanyû

— ... ... Ne t'inquiète pas, Rika.

Tu oublieras.

Tu n'en souffriras pas...

Mion

— Non,

c'est pas possible, pas toi, P'tit gars !

Rena

— Arrête, Mii !

Concentre-toi sur les gens devant nous !

Keiichi ne veut pas que nous perdions du temps à nous retourner pour le voir mourir !

Keiichi

— Exactement, Rena.

Keiichi

Bon, les filles, je vous confie Rika.

Keiichi

D'abord, vous devez vous enfuir et essayer de contacter le Chef.

Keiichi

De toute façon, faut pas se leurrer, Ôishi est sûrement déjà mort.

Keiichi

Il a dû se faire tuer, c'est pour ça qu'il était tellement en retard.

Keiichi

Allez, les filles.

Vous devez absolument survivre, OK ? Quel qu'en soit le prix !

Rika

— Keiichi !

Keiichi

— Rika, je... Je te demande pardon.

J'ai ouvert ma grande gueule et je me suis vanté de pouvoir changer le Destin, mais en fin de compte, je vais être le premier à plier mes gaules, comme tu peux le constater.

Takano

hé...

Hm

pfh

fh

fh

fhf...

Nous connaissions tous le rire de Takano, mais c'était la première fois qu'il nous paraissait aussi dérangeant.

Takano

— Alors, c'est bon, tu as fini tes adieux larmoyants ?

Keiichi

— ... Mme Takano, n'imanigez pas que vous nous tenez et que nous avons perdu...

Takano

— Hmpfhfhfhf...

Alors c'est sûr, c'est bon ? Tu as fini de voir ta vie défiler devant tes yeux ? On peut y aller ?

Le silence assourdissant se brisa, et les bruits du monde revinrent assaillir nos tympans.

Une sorte de masse informe de son me passa sur tout le corps.

Le monde reprenait lentement sa marche. Et lentement, Keiichi tombait à terre.

Son corps se contorsionna dans sa chute, et il finit par reposer par terre, dos au sol, éparpillant du sang un peu partout.

Alors il ne bougea plus.

Bien évidemment, sa mort ne pouvait pas nous laisser indifférent, et notre concentration en pâtit.

Non seulement nous eûmes énormément de mal à nous défaire des ennemis en face de nous,

mais en plus, ils eurent bientôt des renforts qui nous prirent à revers et nous maîtrisèrent.

Nous fîmes tout notre possible pour nous débattre, mais c'était impossible. Plusieurs hommes adultes maintinrent chacun d'entre nous au sol.

Je fis moi aussi tout ce que je pus, mais quelqu'un tira violemment mes cheveux en arrière puis me saisit, me plaçant sur ses épaules comme un sac de ciment. Je ne pouvais plus rien faire.

C'était déchirant d'entendre les autres crier pendant qu'ils se débattaient.

Avant la mort de Keiichi, nous n'avions douté de rien, l'ambiance était formidable, mais avec ce coup de feu, tout avait volé en éclat, comme du verre.

Il ne restait plus que tous ces éclats de verre par terre, maintenant...

Au milieu de toute cette cacophonie, un seul son semblait résonner harmonieusement : le rire si horripilant de Miyo Takano.

Takano

— Takano au Quartier Général,

Takano

nous les avons maîtrisés.

Takano

Préparez les objets que je vous ai demandés tout à l'heure.

Takano

Il va y a avoir pas mal de cadavres dont nous devrons nous débarrasser, alors soyez prêts.

Takano

Ramenez cinq housses mortuaires et de l'eau pour nettoyer le sang.

Takano

Compris ?

Lorsque j'entendis ce qu'elle demandait, mon sang se glaça dans mes veines,

mais cette fois-ci, le Temps n'eut pas la gentillesse de s'arrêter.

Riant à gorge déployée, Takano s'approcha de Mion, qui était maintenue au sol juste à côté d'elle, et lui plaça son pistolet tout contre l'arrière du crâne.

Mion

— Hein ? Eh mais, vous n'êtes pas sérieuse ?!

Takano

— J'ai toujours voulu voir quel tatouage tu avais dans le dos.

Je regarderai après, d'accord ?

Mion

— Si y avait que ça pour vous faire plaisir, vous n'aviez qu'à demander, je vous l'aurais montré !

Mais je vois pas pourquoi ça vous intéresse !

Takano

— Ah bon ?

Oh, mais il est sûrement magnifique, je parie.

Rena

— Arrêtez ! Ne tirez pas !

Rena eut beau crier, Takano secoua non de la tête.

Takano

— Non, non, non.

Mion est la chef du club, c'est son rôle de mourir en premier, c'est le jeu !

Mion

— C'est pas…

c'pas vrai ?

Va

s-y, déconn--

Il y eut un bruit bizarre, et Mion eut une sorte de sursaut des quatre membres.

Voyant le sang-froid naturel avec lequel elle avait été abattue, les survivants redoublèrent d'efforts.

Mais ils étaient fermement maintenus par plusieurs agents. Tout juste arrivaient-ils à gigoter comme des asticots...

Et cette réaction sembla amuser Takano au plus haut point.

Elle dirigea ses pas vers Satoko.

Mais alors qu'elle en était tout proche, Shion se mit à l'insulter.

Takano

— Tiens donc ?

Apparemment, tu tiens à mourir plus tôt.

Si tu étais restée tranquille, tu aurais vécu encore quelques précieuses secondes.

Satoko

— Arrêtez, Shion !

Il ne sert à rien de l'énerver encore plus !

J'eus une révélation.

Shion avait attiré l'attention sur elle pour permettre à Satoko d'avoir une autre chance.

Peut-être qu'elle voulait ainsi tenir la promesse qu'elle avait faite à Satoshi.

Bien sûr, Takano ne savait rien de tout cela, et elle s'en foutait, probablement.

Enjambant le corps de Keiichi, elle se dirigea vers Shion, lentement.

Shion

— Enfin, j'ai ma réponse...

C'est toi qui as tué Satoshi. C'est toi, hein ?

C'est toi, hein, SALOPE !

Takano

— C'est dommage pour toi, je déteste les révélations fracassantes faites sur le lit de mort.

Alors je ne ferai aucun commentaire.

Hmpfhfhfhfhf !

Shion aussi eut un dernier sursaut.

Le coup de feu me sembla tout aussi ridicule que tout à l'heure.

Quand je pense que c'est ce bruit-là qui a imposé le silence éternel à deux sœurs aussi exhubérantes…

Ça ne leur allait vraiment pas.

Il y avait quelque chose de profondément effrayant dans le fait de se dire qu'une simple pression du doigt pouvait ôter une vie. Et Takano venait de le faire, devant nous, par deux fois.

Rena

— ... Ça vous amuse tant que ça d'achever des gens sans défense ?

Espère d'enflure !

Takano

— Tiens donc, tu veux y passer toi, maintenant ?

Tu y serais passée la dernière, normalement, tu sais.

Après Keiichi, Mion et Shion, Rena était désormais l'aînée du groupe.

J'imagine qu'elle ne supportait pas l'idée de voir mourir les plus jeunes qu'elle.

Rena

— ... Alors c'était vous qui étiez responsable des meurtres en série.

Vous pensiez quoi, que vous étiez une sorte de remplaçante de la déesse Yashiro ?

Takano

— Hmpfhfhfhf,

non, pas une remplaçante.

C'est moi qui déclencherai sa malédiction.

Malheureusement, tu ne la verras pas.

La colère de la déesse Yashiro va s'abattre sur le village.

Takano

Et c'est moi qui vais la provoquer,

Takano

ce sera donc en fait ma malédiction.

Takano

Et alors, je deviendrai moi-même la déesse Yashiro, et je prendrai sa place.

Takano

Et alors, enfin, je serai plus qu'un simple être humain.

Takano

Hmpfhfhfhfh !

Takano

Bah, enfin, à quoi bon t'en parler, tu ne peux pas savoir comme c'est jouissif de devenir un dieu.

Takano

Ni toi, ni personne ne pourra jamais le comprendre...

Rena

— ... Ahahahahahaha !

Rena

Ah, non, je ne crois pas que ce sera possible.

Rena

Même si vous essayez d'imiter la déesse Yashiro, vous ne pourrez jamais devenir la déesse.

Rena

Ce n'est qu'un jeu, du flanc, vous faites “comme si”.

Rena

Vous ne prendrez jamais la place de la déesse.

Takano

— Oh que si, Rena.

Dans quelques minutes, je le ferai.

Ahaha, ahahha, ahHAHAHAHAHAHAHAHA !

Rena se mit à rire, très haut, moqueuse.

Takano dut se sentir insultée, car pour la première fois, son sourire disparut, laissant la place à un hideux rictus haineux.

Takano

— Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ?

Rena

— C'est impossible, je vous assure.

Rena

Tout simplement parce que...

la déesse Yashiro est déjà vivante parmi nous.

Ce furent les derniers mots qu'elle prononça sur cette terre.

Takano

— Bon.

Takano

Eh bien alors, à ton tour, Satoko.

Takano

... Pour être franche avec toi, je pourrais tout aussi bien te laisser la vie sauve, tu n'es pas obligée de mourir.

Takano

Mais tu es un échantillon vivant de nos recherches.

Takano

Tôkyô offrira sûrement une prime si je te livre à eux vivante.

Takano

Oh, pas grand'chose.

Juste assez pour aller en Europe prendre un peu de bon temps, par-ci, par-là.

Takano

Quant à toi, il ne t'arrivera rien de bien enviable.

Au mieux, ils t'ouvriront le crâne sans anesthésie.

Takano

Et puis, nous étions très copines, toi et moi.

Takano

Je n'ai pas envie de vivre en supportant sur ma conscience le fait de t'avoir donnée à leurs laboratoires, sachant ce qu'il t'y attend. Ce serait plus gentil de ma part de t'achever maintenant.

Takano

Tu préfères quoi, Satoko ?

Satoko

— Mais comment voulez-vous faire un choix, c'est la peste et le choléra !

Satoko avait beau pleurer désormais, elle réussit quand même à répondre sur un ton légèrement hargneux.

Takano

— Eh bien alors, on va faire un test.

Tu as devant toi du brocoli et du chou-fleur.

Lequel est le vert ?

Satoko

— Eh bien, le... Le ch-

Non,

le brocoli !

*Pan*

Satoko resta sans bouger, comme si elle avait oublié comment cligner des yeux.

“Bonne réponse !” Takano se remit à pouffer de rire, certaine qu'elle était morte avant d'avoir entendu la solution.

Takano

— Hmpfhfhfhfhfh, ahahahahahahaha !

Aaaaah, la lune est si belle, ce soir.

Tu n'es pas de mon avis, Rika ?

Rika

— ... Et donc maintenant, c'est à mon tour, n'est-ce pas ?

Takano

— Oui.

Takano

Oui, je vais te tuer, Rika.

Takano

Parce que vois-tu, le corps sans vie de la reine mère doit obligatoirement être découvert, c'est l'un des éléments-clef de cette opération.

Takano

Tu vas devenir maintenant un instrument politique pour orchestrer des petits jeux stupides entre vieillards grabataires.

Takano

Et alors, la légende du village des abysses des démons prendra un point final.

Rika

— ... Je crois que je sais comment tu vas me tuer. Disons que je commence à comprendre comment tu réfléchis, Takano...

Takano

— Ah bon, tiens donc ?

Eh bien alors, dis-le ?

Va te faire foutre.

Je savais, et c'était suffisant.

Elle avait l'intention de me sacrifier par la cérémonie de la purification du coton.

C'était ce dont elle rêvait sûrement le plus souvent, pouvoir recréer l'ancienne cérémonie.

Elle voulait m'ouvrir le ventre et me retirer les entrailles.

Et juste avant ça, elle m'endormira avec du chloroforme, je parie.

J'avais toujours eu un vague souvenir d'un truc blanc, sans jamais trop savoir ce que c'était...

Takano

— Oh, mais on dirait que tu as vraiment une petite idée là-dessus.

Hmpfhfhfhf...

... Eh bien alors, bonne nuit, Rika. Fais de beaux rêves...

Elle donna un ordre du menton, et l'un des hommes prépara un chiffon, s'approchant de moi.

Rika

— ... Takano, attends.

Takano

— Allons, Rika, tous tes amis sont morts courageusement. Tu ne vas quand même pas essayer de me tirer les larmes ?

Hmpfhfhfhf !

Rika

— Non, imbécile, c'est le contraire.

Puisque tu as tellement envie de me tuer, alors fais-le sans m'endormir avant.

Ma proposition n'était évidemment pas ce à quoi elle s'était attendu.

Elle me regarda avec de grands yeux, puis, un court instant plus tard, elle fut prise d'une crise de fou rire nerveux, acquiesçant toute seule, se répétant que c'était une riche idée.

Hanyû me dévisagea aussi avec de grands yeux.

Elle devait savoir aussi bien que moi que cette mise à mort serait inhumaine et douloureuse.

Takano

— Qu'est-ce que tu espères ?

Tu n'as pas envie de mourir sans souffrir ?

Je te préviens, ça fait très, très mal,

de se faire éventrer et vider les boyaux tout en étant encore vivante.

Rika

— ... C'est justement pour ne pas l'oublier.

Oui, pour ne pas l'oublier.

Je n'oublierai jamais. Jamais.

Rika

— Je graverai dans mon âme le souvenir de ton visage lorsque tu m'ouvriras le ventre.

Et comme ça, je n'oublierai pas.

Et lorsqu'à nouveau, nous nous rencontrerons, alors mon âme me préviendra du danger.

Takano

— Hmpfhfhfhfhf, ahaha, AHAHAHAHAHA !

Takano

... Je ne vois pas du tout ce que tu manigances, mais peu importe.

Takano

En tout cas, tu m'as l'air un peu plus raisonnée que tes autres amis.

Takano

Chaque seconde que tu passes en vie en plus est une chance potentielle de hurler et de prévenir quelqu'un.

Takano

Sauf que je ne t'en laisserai pas le loisir.

On m'enfonça alors un autre mouchoir dans la bouche.

Incapable de fermer la bouche, je dus rester là, pendant que la salive montait peu à peu, puis se mit à déborder.

Une autre camionnette arriva.

D'autres hommes en sortirent en nombre.

C'était sûrement l'équipe de nettoyeurs qui allaient s'occuper des corps.

Ils les saisirent sans ménagement et les placèrent dans des sortes de grands sacs.

Puis ils allèrent vers les traces de sang, vers les dernières preuves que mes amis avaient été vivants, et ils les nettoyèrent à grande eau.

Après avoir demandé à Takano combien de balles elle avait tirées, ils se mirent à la recherche des douilles.

Enfin, il ne resta rien.

Au lever du jour, plus personne ne pourrait découvrir ce qu'il s'était passé ici.

On plaça mes mains en arrière, dans mon dos, puis elles furent liées par des menottes.

Mes jambes aussi furent entravées par des liens,

puis les liens de mes jambes et de mes mains furent noués les uns aux autres.

Je ressemblais un peu à une crevette, maintenant. Il m'était impossible de marcher.

Et comme j'avais ce truc dans la bouche, je ne pouvais plus parler non plus.

Je ne pouvais plus rien faire.

On m'avait privé de la parole et de ma liberté de mouvement, j'avais perdu un peu de mon humanité, en fait.

Je n'étais plus Rika Furude, désormais.

Je n'étais plus que le jouet de Miyo Takano, un objet dont elle se débarrasserait bientôt.

Les camionnettes finirent par repartir.

Apparemment, là d'où elles venaient. Mais ce n'était pas important.

Soudain, alors qu'enfin, je compris que réellement, j'allais mourir pour de vrai, des bribes de souvenirs me revinrent, les uns après les autres.

Oui... Oui.

Je suis morte des dizaines de fois comme ça.

En fait, je suis presque toujours morte comme ça, dans tous les mondes ou presque. Juste pour amuser Takano.

Je sentis quelqu'un me caresser la tête.

Est-ce qu'ils avaient l'intention de me violer, en plus ?

Je secouai la tête énergiquement, en protestation.

Cela ne fit que déclencher les rires gras de certains...

Hanyû

— ... Rika, non... Non, Rika, non...

Hanyû apparut soudain.

Elle avait les yeux pleins de larmes et semblait incapable de se contenir.

Hanyû

— C'est pas juste... Encore une fois... Encore une fois... nous avons encore perdu... C'est pas vrai...

En voyant son air misérable et son immense tristesse, j'eus enfin la confirmation de ce que je pensais.

Hanyû n'était pas une observatrice extérieure impartiale, elle ne l'avait jamais été.

Elle n'avait tout simplement plus la force de tenir le choc face à mon malheur. Elle avait trop peur de voir ce qu'il m'arriverait.

Elle aussi avait dû rêver à un futur meilleur, peut-être aussi souvent que moi.

Mais à chaque fois, ses rêves avaient été brisés. Alors, elle avait appris la peur. La peur d'espérer. La peur de tenter. La peur de vivre.

Curieusement, en voyant son visage déformé par les larmes, je réussis à me calmer.

Peut-être que c'était parce qu'elle pleurait un peu à ma place.

Rika

— ... Ce n'est rien, Hanyû.

Rika

Nous avons fait tant d'efforts.

Rika

Nous avons donné tout ce que nous avions.

Rika

J'ai même eu l'impression que nous allions réussir, à un moment.

Rika

Mais nous n'y pouvons rien si même tout ça n'a pas suffit.

Rika

Et puis... Je sais pas comment dire, mais... Ahahaha.

Rika

Je me sens bien.

Je ne m'étais plus battue comme ça depuis bien longtemps. Peut-être était-ce même la première fois que j'en faisais autant.

Et j'avais appris des tas de choses, cette fois-ci.

Des tas de choses que je n'aurais jamais apprises si j'avais continué à me considérer comme une immortelle dont l'existence dans un monde en particulier n'avait que peu d'importance.

Mais que les gens normaux, ceux qui n'ont conscience que d'une seule vie, dans un seul monde, apprennent tout naturellement.

Moi, j'avais raté le coche, trop occupée à me prendre pour une sorcière.

Mais c'était enfin rentré dans mon crâne de piaf.

J'avais eu de grandes leçons, et j'avais fait tous les efforts à ma portée.

Alors...

bien sûr, j'étais dégoûtée d'échouer aussi près du but,

mais j'étais satisfaite.

C'était bizarre, mais c'était comme ça.

Je vais bientôt me faire tuer. Je me demande jusqu'où je perdrai la mémoire.

J'avais l'impression de ne plus pouvoir me souvenir de mon après-midi.

Donc du coup, je ne me souviendrai pas avoir vu le visage de Takano.

Je n'aurai le plaisir d'avoir découvert la vérité que dans ce monde. C'était plutôt fugace.

Je parie que j'oublierai tout et que je me remettrai à lui parler dans le prochain monde...

Elle avait tué mes amis comme des chiens.

Je ne voulais pas oublier ces morts, cette humiliation !

Quelles que fussent les atrocités qu'elle avait en réserve pour moi, je me devais de graver son visage dans ma mémoire.

Rika

— ... Hanyû,

je n'abandonnerai pas.

Même si je ne me souviens pas de mon exécution, tant pis.

Je veux vivre, quel qu'en soit le prix.

Rika

Même si je dois finir par me réincarner toujours en juin, même si je dois finir par ne plus connaître que la purification du coton.

Rika

Si c'est là que se trouve ma vie, alors, en la vivant au maximum, je finirai par trouver un moyen de m'en sortir.

Hanyû

— ... Moi non plus, je n'oublierai pas.

Je m'en souviendrai, et si ce n'est pas le cas pour toi, alors je te le rappellerai !

Rika

— Hanyû.

... Dis-moi, tu...

Tu as toujours joué les observatrices imperturbables parce que tu n'en pouvais plus, n'est-ce pas ?

Hanyû

— ... Tu sais

Rika, moi aussi... j'aurais voulu continuer dans un futur où vous seriez tous vivants, toi et tes amis.

J'aurais voulu... J'aurais v--

Hanyû s'interrompit, incapable de continuer à cause des larmes.

Elle était vraiment stupide, cette fille.

Elle avait vécu jusqu'à présent en se faisant violence pour ne pas se faire d'espoirs, pour ne pas rêver.

Et genre une heure avant la fin, elle avait changé d'avis. Forcément, elle allait être déçue...

J'aurais pu lui faire des remarques cinglantes, mais je décidai de les garder pour moi.

Après tout, elles n'étaient pas nécessaires...

Enfin, le véhicule s'arrêta, et deux hommes me portèrent pour m'en faire descendre.

Nous étions revenus dans le sanctuaire Furude, devant le temple.

Devant le coffre aux offrandes, plusieurs hommes se tenaient au garde-à-vous.

À côté d'eux, plusieurs objets tranchants étaient alignés.

Ils allaient m'ouvrir le ventre et découper mes organes internes avec ça, et j'allais être vivante pendant le processus.

Ils prirent des ciseaux et découpèrent tous mes vêtements, me laissant entièrement nue.

Mais ils prirent soin de bien laisser mes entraves et mon bâillon en place.

J'aurais dû avoir de la gêne à être nue devant tous ces gens, mais j'avais d'autres chats à fouetter.

La seule chose qui m'obsédait, et que je n'arrivais pas à supporter,

c'était que ça ferait plaisir à Takano.

N'oublie pas cette humiliation.

Et grave dans ton âme la douleur qui te sera infligée, à chaque coup, à chaque outil.

Je ne comptais pas oublier le moindre détail.

Je ne pouvais pas me permettre de perdre les informations que j'avais obtenues sur l'instigateur de ce plan et de ces meurtres, nous avions fait trop d'efforts, c'était trop important.

Si jamais j'oubliais cela, leur mort deviendrait inutile.

Je vais devoir survivre le plus longtemps possible -- chaque seconde comptera.

Rika

— ... ... Hanyû.

S'il te plaît, ne détourne pas les yeux.

Je veux que tu les regardes faire.

Pour te souvenir, toi aussi.

Hanyû

— Oh, Rika, mais enfin, je...

Est-ce que vraiment, je ne peux rien faire de plus ?

Je ne peux pas vous toucher, je ne peux pas vous parler. Est-ce que je suis condamnée à ne pouvoir que regarder ?

Rika

— Mais tu sais, Hanyû, ça suffit largement.

Et puis, si tu refuses de détourner le regard, alors je pense que ce sera une source de courage pour moi aussi.

Les larmes coulant sur son visage, Hanyû opina du chef, puis vint s'asseoir, très formellement, juste à mes côtés.

Alors, nous levâmes toutes les deux les yeux.

La lune se détachait, superbe, dans le ciel nocturne. Elle était si blanche, si cruelle. C'était presque écœurant de beauté.

Puis, juste devant la lune, la silhouette d'une meurtrière se découpa.

À force d'éclaboussures de sang, la lune finit par prendre une teinte rouge.

J'eus soudain très froid.

J'eus surtout très mal.

Je ressentis la peur indicible d'être immobilisée, à la merci des rasoirs des lames.

Mais Hanyû resta juste à mes côtés.

Cela fut un soutien extraordinaire.

Il n'y avait pas que Hanyû, d'ailleurs.

Tous mes amis étaient là.

Ils étaient venus me soutenir dans cette épreuve, pour me donner la force de supporter la douleur.

Grâce à leur présence, je ne ressentais rien.

Je n'avais pas mal.

Je n'entendais pas les éclats de rires jubilatoires que poussait Takano.

Ce monde avait été vraiment magnifique.

Nous n'avions pas pu vaincre le Destin,

mais au moins, je n'avais pas de regrets.

Oh, bien sûr, j'étais triste.

Je ne pouvais pas nier que j'étais déçue.

J'avais pu toucher un futur joyeux, du bout des doigts.

Encore un tout petit effort et j'aurais pu l'empoigner à pleines mains.

Et j'avais tout fait pour.

J'avais donné tout ce que j'avais eu.

Limite, je devrais me lancer des fleurs.

Keiichi répondit.

Il était quand même écœuré.

Nous avions été si près du but.

Encore un tout petit effort, et nous aurions changé le cours du Destin.

Mais le pire était que ce n'était pas la puissance immense de notre ennemi qui avait provoqué notre défaite.

Nous n'avions tout simplement pas eu la force de nous agripper au futur que nous avions désiré.

Hanyû

— ... Non, ce n'est pas vrai, vous vous êtes mis tous ensemble, vous vous êtes battus tous ensemble !

Je suis bien placée pour le savoir,

j'étais là, je vous ai suivis, j'ai tout vu !

Keiichi

— Non, il manquait encore quelque chose.

Si nous avions tous eu envie de vaincre, nous aurions déclenché le miracle dont nous avions besoin !

Rena

— Oui, il a raison.

Si nous y avions tous cru, alors le miracle tant espéré se serait accompli...

Shion

— Satoko et Rika se sont bien battues...

Satoko

— Je suis tellement désolée,

Rika.

Vous avez enfin eu le courage de compter sur nous... mais je n'ai pas été à la hauteur de vos espérances...

Satoko pleurait des larmes amères, sa main serrant fermement mes épaules...

Rika

— ... Ce n'est rien.

Rika

Nous avons tous uni nos forces.

Rika

Si même avec ça, ça ne suffit pas, alors que dire de plus ?

Rika

Merci beaucoup,

Rika

merci à vous tous.

Rika

Je pense que même si je suis habituée à mourir dans les mondes que je visite, c'est bien la première fois que ma mort me paraît acceptable.

Rika

... C'est un lourd tribut à payer, mais cette mort m'aura appris beaucoup de choses.

Rena

— Rika…

Tu n'y es pas du tout.

Moi, je sais pourquoi le miracle que nous attendions ne s'est pas accompli.

Rena avait parlé sur un ton très gentil, mais elle ne souriait pas.

Rena

— Dites-moi tous.

Rena

... Est-ce que vraiment, vous avez tous voulu ce miracle ?

Rena

Lorsque nous avons tous souhaité obtenir un futur meilleur, il fallait y croire, tous. C'est parce que ce n'était pas le cas que nous n'avons pas obtenu notre miracle.

Keiichi

— Mais qu'est-ce que tu racontes, Rena ?!

On a fait bloc, un pour tous, tous pour un, tout le toutim !

On y a tous cru dur comme fer !

C'est pas vrai, Mion ?

Mion

— Si,

c'est vrai.

Personne d'entre nous n'a refusé d'y croire, Rena.

Nous avons tous souhaité plus que tout au monde repousser le Destin funeste de Rika.

Satoko

— Oui, très chère, je vous assure.

Même Rika y a cru.

Jusqu'au dernier moment, elle a cru que nous réussirions.

Rena

— Moi aussi, j'y ai cru très fort.

Mais je sais qu'il y avait quelqu'un qui n'y a pas cru.

Satoko

— Mais enfin, qui donc ?

... Oui, c'est vrai, quoi, de qui elle parle ?

Rena

— ... Alors ? Eh, dis voir, toi là-bas.

Rena se retourna vers Hanyû et se mit à lui parler.

Rena

— Et toi ? Tu y as cru ou pas ?

Tu as vraiment cru que nous pourrions briser les chaînes du Destin ?

Hanyû

— Euh... Eh bien... Je... Comment dire...

Rena

— Tu ne peux pas nous toucher et tu ne peux pas nous parler,

mais tu peux croire en nous.

Et si tu l'avais fait, eh bien, nous n'en serions pas là maintenant.

Hanyû

— ... Non, rien n'aurait changé, même si j'y avais cru.

Je ne peux rien faire, je suis un être inutile, sans aucun pouvoir.

La seule chose que je peux faire, c'est observer la scène et accepter le Destin.

Hanyû

Tu oses sérieusement prétendre que j'aurais pu faire une différence ?

Keiichi

— Ouais, largement.

Le ton de Keiichi ne souffrait aucune discussion.

Il n'était pas ferme, il n'était pas accusateur. Il récitait simplement une évidence.

Rena

— Exactement.

Nous étions six,

et eux étaient sept.

Si tu avais daigné y croire toi aussi, nous aurions été sept et nous aurions pu faire jeu égal.

Et là, oui, le miracle se serait produit.

Rena

Les miracles ne se déclenchent pas par la parole ou par un mécanisme avec des rouages.

Ils se déclenchent parce que des gens croient en eux.

Hanyû

— ... Mais oui, mais... Je... Je...

Hanyû réalisa que cette fin tragique était due à son manque de foi.

C'était parce qu'elle avait été trop faible, parce qu'elle avait accepté ce destin tragique,

que les événements n'avaient pas pu être stoppés.

Alors, les larmes se mirent à nouveau à couler...

Rena

— Écoute, je ne sais même pas comment tu t'appelles.

Rena

Nous aurions eu besoin de toi, de ton courage, de tes espoirs, de ta souffrance.

Rena

Toi aussi, tu dois trouver le courage de te rebeller contre le Destin.

Rena

Si tu avais espéré, comme nous, nous aurions pu atteindre le monde dont nous rêvions.

Rena

Mais tu ne l'as pas fait, et nous avons échoué. Et nous nous poserons toujours la question de savoir si par hasard, ce serait de ta faute ou pas.

C'étaient des mots bien durs de la part de Rena. Je n'aurais jamais pensé l'entendre dire des choses pareilles.

Je suis sûre qu'ils blessèrent profondément Hanyû.

Mais peut-être qu'ils étaient un mal nécessaire, et pour elle, et pour moi.

C'est le fait de croire en quelque chose qui permet d'accomplir des miracles.

Je parie que tout le monde se l'est déjà entendu dire, au moins une fois dans sa vie.

Mais c'était plus facile à dire qu'à faire.

L'homme a tendance naturellement à douter.

À ne pas croire facilement.

Parce qu'il est tellement plus facile de ne pas en attendre trop.

Ça demande beaucoup de courage et de force que d'avoir foi en quelqu'un ou quelque chose.

Et c'est parce que c'est si difficile que cela peut déclencher des miracles lorsqu'on y arrive.

Hanyû

— ... Mais je peux pas vous parler !

Je ne peux pas communiquer avec vous !

Comment peux-tu dire que j'aurais pu tout changer ?

Rena

— Et là, on fait quoi ? Tu es en train de me parler, là, non ?

Rena

Oui, c'est vrai, c'est la première fois que je réussis à avoir une conversation avec toi.

Rena

Mais je savais que tu étais là, tu es tout le temps dans les parages.

Rena

Je me suis longtemps demandé comment faire pour te parler.

Rena

Je savais que tu étais toujours un peu en retrait, à nous regarder jouer, à écouter nos conversations, mais je ne savais pas comment faire pour t'y inclure.

Hanyû

— Mais oui, mais...

Hanyû

Même si je me place au milieu de votre groupe, personne ne peut me voir ! Personne ne peut me parler !

Hanyû

Et puis de toute façon, chaque fois que les gens me voient, ils me traitent de monstre.

Hanyû

Je n'ai pas envie de me faire à nouveau traiter de monstre par tout le monde !

Keiichi

— Mais non, voyons, personne ne dira rien.

Si tu fais partie du club, alors tu seras notre amie, point barre !

Satoko

— Parfaitement ! Et quiconque oserait traiter l'un de nos amis de monstre s'attirerait nos foudres !

Mion

— Et puis, ce n'est pas le physique qui compte. C'est en regardant dans les cœur des gens que l'on sait s'ils sont des monstres ou non.

N'est-ce pas, Shion ?

Shion

— Oui, tu as tout à fait raison.

Même si effectivement, je t'avouerai que cette façon de procéder ne me place pas à mon avantage...

Hanyû

— Mais... Mais j'ai des cornes qui poussent depuis ma tête ! Vous êtes sûrs que...

Rena

— Mais non, voyons, personne ne te considérera comme un monstre.

Et puis, elles peuvent te rendre très mignonne, ces cornes !

Keiichi

— Ahahahaha, fais gaffe à Rena, toi !

Si tu lui plais, elle va te ramener à la maison !

Je remarquai soudain que je me trouvais désormais avec eux, et qu'ils m'entouraient.

... Ah, bien sûr.

Je suis probablement morte à l'instant.

À mes pieds, je pus voir mon propre corps baignant dans son sang.

Ce n'était pas plaisant de se dire que j'avais servi de jouet pour Takano, mais après tout, ce n'était que mon enveloppe corporelle.

Keiichi

— Alors, Rika, ça va ?

Rika

— Miaou.

Comment voulez-vous que ça aille, je suis morte !

Il y eut des rires gênés.

C'était la première fois que je ressentais autant de tendresse lors de ma mort.

Tous mes amis étaient déjà passés de vie à trépas.

Donc limite, j'étais contente de pouvoir enfin les rejoindre.

Alors, tout devint de plus en plus sombre. La scène qui se déroulait au niveau de mes pieds se mit à s'éloigner, encore et encore.

Je compris que j'étais en train de retourner au néant.

La seule chose qui apaisait mon âme était la sensation de tenir les mains de tous mes amis.

Keiichi

— Allez, les filles.

Faut y aller, maintenant.

Rena

— Oui, allons-y, vite, tous ensemble !

Et au fait, je ne connais toujours pas ton nom, mais quand je dis “tous ensemble”, ça te concerne toi aussi.

Allez, viens, cesse de pleurer. Il est temps d'y aller.

Je n'avais plus le sens de la vue, mais pourtant, je pus très nettement visualiser la scène.

J'imaginais très bien Rena tendre la main vers Hanyû, et celle-ci en train d'hésiter à la prendre.

Rika

— Hanyû.

Je ne sais pas quelles choses horribles tu as connues avant notre rencontre.

Mais je peux t'assurer qu'eux ne te rejetteront pas.

Hanyû

— Mais oui, mais... C'est juste que...

Je ne sais pas si ça sera si drôle de m'avoir avec vous.

Et puis, je ne suis pas sûre que tout le monde m'acceptera...

Rika

— Mais si.

Je t'assure. Allez, viens.

Hanyû plaça sa main dans celle de Rena, hésitante.

J'eus l'impression que toutes nos mains se touchèrent.

Même si pour l'instant, nous n'en avions plus.

Allons-y, Hanyû.

Accepte donc les coups durs et les tragédies.

Car c'est comme cela que nous pourrons partager nos joies avec toi.

Toi aussi, tu dois croire en un futur meilleur, en celui que nous aimerions vivre.

C'est comme ça que nous pourrons déclencher des miracles.

Et avec toi, nous y arriverons.

D'accord ?

Hanyû fit un petit oui de la tête.

\n— D'accord...