Le lendemain de la purification du coton,

l'inspecteur Ôishi vint à l'école.

En fait, il vient nous voir dans beaucoup de mondes, mine de rien.

Et à chaque fois, il vient y rencontrer une personne-clef à l'action vraiment déterminante dans les derniers événements.

Dans le monde où Keiichi contracte la maladie, il vient voir Keiichi.

Dans le monde où Rena pète les plombs, il vient voir Rena.

Et dans ce monde-ci, Ôishi demanda à parler à moi, Rika Furude.

Rika

— ... Tomitake…

est vraiment mort ?...

Ôishi

— Oui.

Ôishi

Et il n'est pas mort d'une manière très naturelle.

Ôishi

Il a eu des hallucinations, il y a sûrement une drogue ou un médicament qui peut expliquer ça.

Ôishi

Mais il est mort en se tranchant lui-même la gorge, avec ses propres ongles, c'est quand même bien tarabiscoté.

Rika

— ... Alors, il n'y a vraiment rien à faire contre ça...

Décidément, rien n'y faisait.

J'aurais pourtant dû le savoir.

J'imagine que Takano est morte aussi ?

Rika

— ... Et Miyo Takano ?

Ôishi

— J'ai aussi de mauvaises nouvelles à son sujet.

Ôishi

Elle a été retrouvée, calcinée, dans les hauteurs des montagnes de Gifu.

Ôishi

D'après l'état du corps, nous pensons qu'elle a été étranglée, déplacée, puis ensuite seulement brûlée.

Ôishi

Quoi qu'il en soit, ce n'est pas une mort très digne. C'est vraiment moche.

Rika

— ... Je sais à quoi vous pensez, Ôishi.

Vous pensez que je suis au courant de quelque chose.

Ôishi

— Non, non, bien sûr que non, voyons.

Ôishi

Le seul point sur lequel vous êtes suspecte, c'est sur votre histoire d'hier.

Ôishi

Je refuse de croire que vous ayez pu entendre des informations aussi précises et aussi exactes par pure chance, au milieu du vacarme de la foule d'hier soir.

Rika

— Et donc vous pensez que je fais partie du complot ?

Ôishi

— J'aimerais beaucoup pouvoir me forcer à y croire, mais non.

Ôishi

Si vraiment vous étiez dans la confidence, vous ne m'auriez pas donné ces informations.

Je pense que la personne qui a tout pensé et organisé fait partie de vos ennemis.

Rika

— ... Si c'est vrai, alors tant mieux.

Ôishi prit une pièce de 10Yens, qu'il lança dans le coffre aux offrandes. Il fit sonner la cloche, puis fit un vœu à voix haute.

Ôishi

— J'espère que cette année, nous réussirons à mettre un terme aux meurtres en série de Hinamizawa !

Rika

— Et c'est pour ça que vous exigez mon aide ?

Ôishi

— Éhhéhhéhhé !

Non, je viens de faire une demande à la déesse Yashiro !

Il savait bien que les gens me considéraient comme sa réincarnation.

Cet homme avait décidément un sens de l'humour bien à part...

Rika

— ... Vous savez, moi aussi, j'aimerais bien en finir avec cette histoire, une bonne fois pour toutes.

Ôishi

— Eh bien alors, nous avons un point commun !

Rika

— Je vous ai prédit un endroit où vous seriez susceptible de trouver le corps, hier soir.

Vous n'aviez pas placé de patrouille de police là-bas ?

Ôishi

— Si, si, j'ai suivi votre conseil, Prêtresse.

Ôishi

Vous voyez le passage où le chemin de graviers devient une route goudronnée ?

C'est un peu considéré comme étant la frontière entre Okinomiya et Hinamizawa.

C'est un endroit très, très sombre, la nuit.

Ôishi

Il sentait le coup foireux à plein nez, alors j'ai fait placer une voiture juste à cet endroit.

Rika

— ... Mais alors, où avez-vous trouvé le corps de Tomitake ?

Ôishi

— Dans un fossé près des rizières, bien plus en direction d'Okinomiya.

Ce n'était pas le même endroit que d'habitude...

Si Tomitake était réellement destiné à devenir fou sur le chemin d'Okinomiya, il aurait dû être retrouvé au même endroit que d'habitude, voiture de police ou pas.

Mais la présence des policiers avait provoqué un changement.

Ce qui prouvait l'existence d'une entité pensante

qui n'avait pas apprécié la présence des policiers.

Ôishi

— Et justement,

c'est là que l'histoire devient drôle et passionnante à la fois.

J'ai demandé aux hommes de noter les numéros de toutes les voitures qui passeraient.

Ôishi

Et après la fête, la voiture de Miyo Takano est passée ; elle allait en direction d'Okinomiya.

Takano vivait à Okinomiya.

Elle était rentrée chez elle après la fête, ce n'était pas une révélation fracassante.

Ôishi

— Oui, mais elle était seule.

Tomitake n'était pas avec elle.

Rika

— Ce n'est pas étonnant outre mesure, il venait toujours en vélo.

Ôishi

— Mais alors, il aurait dû rentrer avec elle et lui demander de mettre son vélo dans le coffre, c'eût été nettement plus naturel, non ?

Mais non, il n'était pas avec elle,

Ôishi

et on l'a quand même retrouvé entre la voiture de police et Okinomiya.

Rika

— ... ... ...Et alors ?

Ôishi

— Je voudrais bien vous y voir, vous, à vélo, dans la nuit noire, passer en pleine forêt en évitant les rares sentiers praticables.

Ôishi

Ou bien alors, il est passé par la route, normalement, mais sans se faire remarquer par mes hommes.

Ôishi

... Mademoiselle Furude.

Ôishi

Est-ce que vous savez quelles étaient les relations entre Mme Takano et M. Tomitake ?

Rika

— ... Ils étaient amoureux l'un de l'autre.

Je n'en sais pas plus.

Ôishi

— C'était leur dernier soir ensemble avant plusieurs mois, ce n'est pas normal qu'elle soit rentrée seule chez elle.

Je pense que Tomitake était dans son coffre quand elle est passée devant notre patrouille.

Ôishi

Elle voulait le déposer là où nous étions, mais elle ne pouvait pas,

alors elle l'a jeté plus loin, plus près d'Okinomiya.

Avant d'être un couple de tourtereaux, Tomitake et Takano étaient surtout des gens envoyés depuis Tôkyô.

Je ne savais pas qui ils étaient au juste, en réalité.

C'est pourquoi je ne pouvais pas affirmer qu'elle n'avait strictement aucune raison de le tuer.

Et curieusement, c'était une question que je ne m'étais jamais posée.

Takano, tuer Tomitake ?

Mais pourquoi ?

Même en y réfléchissant, je ne trouvai aucun mobile possible.

Et puis,

je n'arrivais pas à imaginer une situation dans laquelle Miyo dût se débarrasser de lui.

À la rigueur, je voyais bien Tomitake se révolter contre elle après une remarque désobligeante de trop. Lui aurait pu l'étrangler dans un moment de colère, pourquoi pas.

Ôishi

— Vous savez, j'ai toujours trouvé qu'ils n'allaient pas bien ensemble.

Éhhéhhéhhé, je ne veux pas salir la mémoire de Tomitake, mais Miyo Takano était trop bien pour lui.

Ôishi

Vous n'avez jamais rien entendu à leur sujet ? Peut-être que Takano s'est mise avec lui pour mieux le manipuler pour autre chose ?

Rika

— ... Non, je n'ai jamais rien entendu en ce sens.

Mais je vais me renseigner.

Si jamais j'apprends quelque chose, je vous tiens au courant.

Ôishi

— Je vous en serais infiniment reconnaissant.

Ôishi

Il me fallait quelqu'un avec une grande connaissance du village pour ça. Mais en plus, j'obtiens l'aide du chef de l'un des clans fondateurs ! Et en plus, vous êtes la réincarnation de la déesse Yashiro, ce n'est pas rien ! C'est franchement inespéré, vous serez sûrement d'une efficacité redoutable !

Ou pas. Garçon, cela fait plus de cent ans que je réussis pas à me sortir de ce mauvais pas...

Rika

— Mais

je ne comprends pas, elle aussi s'est fait tuer, non ?

Qu'est-ce que ça veut dire ?

Ôishi

— Vous savez, si vous ne m'aviez pas fait part de vos fuites, enfin, excusez-moi, je voulais dire, de votre prophétie,

Ôishi

eh bien, j'aurais tout simplement pensé que nos deux improbables tourtereaux avaient été choisis pour être les victimes de la cinquième année.

Ôishi

Mais justement, désormais, ce n'est plus la même chose.

On dirait bien que cette fois... des personnes se sont arrangées pour que les gens croient que ces deux-là sont morts victimes de la malédiction.

Rika

— ... Et donc... vous pensez que Miyo Takano est la coupable ?

Je comprenais ce qu'Ôishi voulait dire entre les lignes.

Il n'y avait pas deux victimes dans cette affaire.

Il y avait une victime et son bourreau, et le bourreau faisait semblant d'être aussi une victime, pour pouvoir échapper à la police.

Même en me le disant à voix basse, je trouvai l'idée absconse.

Je ne connaissais à Takano strictement aucune raison de vouloir supprimer Tomitake.

J'en savais beaucoup plus qu'Ôishi sur ses motifs et ses intentions, et pourtant, je ne voyais strictement rien.

Mais alors, c'est quoi, du coup, cette histoire de cadavre calciné ?

Les policiers de Gifu ont quand même fait leur travail, non ?

Ôishi

— Pour identifier les corps des grands brûlés, on procède à une comparaison des empreintes dentaires, c'est le plus efficace.

Mais notre médecin-légiste m'a dit que ce n'était pas fiable à 100%.

Ôishi

Enfin bon, le plus étrange là-dedans, c'est l'heure du décès constatée par nos collègues de Gifu.

Dans le premier rapport d'autopsie, ils nous disent que l'heure du décès ne correspond pas.

Rika

— Comment ça, l'heure du décès ne correspond pas ?

Ôishi

— Eh bien,

d'après leur médecin-légiste, elle était déjà morte à l'heure où nous l'avons tous vue à la fête.

Lui se base sur les analyses de son contenu stomacal.

Ôishi

Et sur ces entrefaits, nous leur téléphonons en leur parlant de Miyo Takano.

Et alors eux nous disent que non, ce n'est pas leur corps, que celui qu'ils ont est mort depuis au moins 24h.

Ôishi

Mais quand ils ont vu que les empreintes dentaires concordaient, ils se sont dit que leur médecin-légiste avaient fait une erreur, et ils ont modifié leur rapport d'autopsie en conséquence.

Ôishi

Enfin, on entend souvent ce genre d'histoires dans mon métier, vous savez.

Ôishi

Mais si l'on part sur l'hypothèse que c'est Miyo Takano la coupable, alors d'un seul coup, on comprend que peut-être qu'en fait, le corps retrouvé à Gifu n'est pas le sien.

Rika

— ... Mais, est-ce que c'est possible de transformer un cadavre en un autre ? Pour faire croire à sa mort, je veux dire ?

Ôishi

— Vous savez, pour identifier un corps calciné, sans empreinte dentaire, vous pouvez oublier, c'est quasiment impossible.

Ôishi

On pourrait imaginer un truc tarabiscoté, comme dans les romans policiers à deux balles. On pourrait dire qu'en fait, le dossier médical de Miyo Takano serait un faux, ou tout du moins que son empreinte dentaire serait une fausse, qui serait destinée à nous mener à ce faux cadavre, alors là, oui, c'est possible.

Ôishi

Mais vous savez, pas la peine de se donner autant de mal. On peut aussi supposer que le commissariat de Gifu avait tout intérêt à ce que le hasard fît bien les choses.

Ôishi

Les erreurs de l'autopsie font toujours tache dans les dossiers.

Ôishi

La plupart des dossiers dans lesquels la Justice doit présenter ses excuses à un accusé mis à tort en prison en contiennent,

Ôishi

certains cas sont légendaires.

Ôishi

... Mais moi, je pense qu'on ne peut pas écarter cette possibilité.

Rika

— ... Et donc vous pensez que Miyo Takano est en vie ?

Ôishi

— Miyo Takano a disparu avec sa voiture hier soir.

Si le corps retrouvé à Gifu n'est en réalité pas le sien... alors là, je crois que cette affaire sera la plus passionnante de ma carrière.

Rika

— ... ... ... ...