Tomitake

— Aaah, euh, oui, tu nous l'avais dit, c'est vrai.

Tomitake

Hahhahahaha !

Mais dis-nous pourquoi ?

Qu'avons-nous fait pour mériter d'être tués ?

Takano

— Voyons, Jirô,

nos noms vont être associés à la malédiction pour l'éternité, c'est plutôt romantique, non ? C'est un grand honneur !

Ahahah.

Je le savais : ils n'ont même pas daigné se souvenir qu'ils mourraient ce soir.

Alors effectivement, ils m'avaient rendu le service que je leur avais demandé l'autre jour en échange de la visite du temple des reliques sacrées.

Mais ils n'avaient pas l'air de prendre leur propre sécurité au sérieux.

Enfin... Je m'étais bien doutée qu'ils n'y croiraient pas.

Si les gens étaient crédules, j'aurais pu me faire entendre depuis bien longtemps.

Rika

— ... Écoutez, je vais vous le redire une dernière fois :

Rika

Tomitake, tu mourras en te tranchant la gorge avec tes propres ongles.

Rika

Quant à toi, Takano, on trouvera ton corps calciné, quelque part dans les montagnes de Gifu.

Tomitake

— Mais, cette façon de mourir, c'est comme un patient N5 en phase terminale, non ?

Tomitake

À ce moment-là, je n'ai rien à craindre ! Je prends mes piqûres.

Ce genre de choses ne peut pas m'arriver.

Takano

— Ma mort n'est pas très gentille non plus.

Morte brûlée dans un baril en pleine montagne ? Non mais tu te rends compte de la cruauté de l'acte ?

... Est-ce que tu as vu ça en rêve ?

Rika

— ... Soyez gentils, faites attention à vous, juste pour ce soir !

Même si vous pensez que je vous prends pour des idiots, faites-le, je vous en supplie.

Takano

— Alors comme ça tu as des visions nocturnes sur notre destin ?

N'aie pas peur, voyons.

J'ai ordonné à plusieurs gens des chiens de montagne de te protéger.

Ils sont aujourd'hui encore huit à se relayer, tu sais.

Rika

— Oui, merci,

ils font un travail efficace, mais ça suffit pour l'instant.

Pensez un peu à votre sécurité.

Tomitake

— Je te remercie de te faire du souci pour nous,

mais ce ne sera pas nécessaire. Je n'en ai pas l'air, mais je suis très entraîné !

Je peux me défendre tout seul, ne t'en fais pas.

Tomitake contracta ses biceps et me les montra en souriant, très fier de lui.

Il croyait sûrement que je serais impressionnée et rassurée, mais j'en savais plus que lui.

Je trouvai son attitude vaine et ridicule.

... C'était l'un des côtés les plus tristes et agaçants inhérents au fait d'être un observateur impartial.

Même si l'on connaît tout ou presque des événements futurs, il est impossible de faire partager ses connaissances.

J'avais l'impression que personne n'était d'humeur à faire de concessions dans ces domaines-là.

Les êtres humains refusaient en bloc l'existence des prémonitions.

Rika

— ... Et pourtant, vous pouvez me croire, vous mourrez.

Et quand vous serez morts tous les deux, je serai assassinée.

Si jamais vous deviez mourir, qui se chargerait de ma protection ?

Takano

— Eh bien, tu as fait un gros cauchemar, on dirait.

... Tu ne cours aucun danger.

Même dans l'éventualité où nous mourrions tous les deux, les chiens de montagne continueraient à te protéger.

Rika

— ... Tu es sûre de ça ?

Ils ne l'ont jamais fait, jusqu'à présent.

Takano

— Ce n'est pas vrai, Rika.

Ils étaient là quand les voyous vous ont pris à partie, en ville.

Ils sont toujours dans les parages, à observer les environs.

Takano

Bien sûr, en temps normal, ils se contentent de rester plus ou moins vigilants, mais depuis que tu nous as demandé de l'aide l'autre soir, ils ont commencé à le faire très consciencieusement.

Takano

Ils travaillent désormais plus à ta protection qu'à celle du Docteur Irie.

Rika

— ... Et cette protection ne sera pas caduque, même si vous mourez ?

Takano

— Bien sûr que non.

Tu es la personne la plus importante de toute la région, tu es irremplaçable, tu sais.

Tomitake

— Ahahahahaha...

Tu parles comme si notre assassinat avait déjà été planifié et qu'il serait simplement mis à exécution.

C'est pas très rassurant...

Rika

— ... Puisque selon toute vraisemblance, vous n'avez pas envie de survivre à cette nuit, il me faut assurer mes arrières moi-même. C'est la seule chose qui compte, désormais.

Je vis l'expression de Tomitake se faire un chouilla plus sérieuse.

Soit il était vexé par le ton détaché avec lequel j'avais dit cela, soit il me prenait enfin un peu au plus au sérieux.

Tomitake

— Rah là là, c'est bon, c'est bon,

puisque tu insistes.

Nous ferons attention ce soir.

Je vais demander des gardes du corps pour surveiller la route quand je rentrerai à Okinomiya.

Rika

— Je pense que vous serez attaqués tous les deux ensemble.

Alors ce soir, allez à la fête séparément, c'est compris ?

Takano

— Ahahahahaha !

Dites donc, jeune demoiselle, seriez-vous jalouse ?

Je vous trouve bien en avance sur votre âge !

... Décidément, il n'y a vraiment rien à faire pour changer le Destin qui les attend.

Lorsque nous avions voulu sauver Satoko, tout le monde avait eu une idée claire des risques et des dangers.

C'est pour cela que nous avions pu unir nos efforts aussi vite et aussi facilement. Et c'est pour ça que nous avions accompli un miracle.

Mais ces deux-là n'ont aucune idée du danger qui les guette.

Et je ne savais vraiment plus comment faire pour leur mettre du plomb dans la cervelle.

Je poussai un soupir d'exaspération.

Rika

— ... Tomitake, Takano, je...

Adieu.

Merci pour votre gentillesse, je vous aimais bien.

Tomitake

— Non mais, attends, Rika ! Rika !

Il ne servait à rien de leur parler davantage.

Mais je pouvais éventuellement prévenir quelqu'un d'autre.

Peut-être que la vigilance accrue d'un tiers pourrait tout de même légèrement déjouer les plans qui les concernaient tous les deux...

Il ne faut pas se dire que de toute façon, ça ne servirait à rien.

Keiichi m'avait déjà prouvé que le Destin tenait finalement à peu de choses.

C'est un peu comme le couvercle d'un pot de confiture.

On ne peut pas l'ouvrir sans le tourner.

Le Destin, c'est pareil, on peut le changer,

mais uniquement si l'on croit que c'est possible avant d'essayer.

Irie

— Qui, M. Tomitake et Mme Takano ?

... Tu en es sûre ? Une raison particulière ?

Bien sûr, ce n'était pas le premier monde où je lui en parlais -- il était la personne la plus proche d'eux, j'avais déjà essayé plusieurs fois de le prévenir.

Et d'ailleurs, il m'avait souvent écouté avec un peu plus de sérieux et d'intérêt que les deux tourtereaux.

Ce qui ne voulait pas dire qu'il était efficace pour les prévenir, loin s'en fallait...

Rika

— ... La prêtresse de la déesse Yashiro a un mauvais pressentiment, ça ne suffit pas ?

Irie

— Ahhahhahahahaha !

Si, bien sûr, pourquoi pas, c'est entendu.

Irie

C'est peut-être la déesse qui t'a refilé le tuyau, on ne sait jamais.

Et puis, s'il se passe quelque chose cette nuit, ce sera la cinquième année de suite.

Je vais leur demander de faire attention à eux.

Oui, c'était à peu près la seule chose qu'il pouvait faire.

Cela aurait sûrement le même effet que lorsque je les ai prévenus moi-même :

pas grand'chose.

Irie n'est qu'un chercheur, il ne saurait pas quoi faire si une urgence inattendue devait se déclarer.

Et c'était normal de ne pas pouvoir le lui reprocher -- parce qu'il avait engagé Takano et ses hommes pour régler les imprévus.

Rika

— ... Eh bien alors, je compte sur vous.

Merci d'avance.

Qui encore a des chances de m'écouter sans m'envoyer balader ?

Qui pourrait faire quelque chose de concret pour empêcher la mort de l'un ou de l'autre ?

Eh, mais bien sûr ! J'en connais un autre qui est intéressé tout particulièrement par la malédiction de la déesse Yashiro...

Ôishi

— Tiens donc, Mademoiselle Furude ?

Je vous ai cherchée partout.

Akasaka voulait vous dire au revoir, il vous cherchait lui aussi.

Rika

— ... Je n'ai vraiment pas de chance avec lui, il n'est jamais là quand il faut.

Ôishi

— Éhhéhhéhhé !

Ôishi

Vous lui en voulez vraiment pour être parti en vacances, dites voir !

Ôishi

Vous savez, il était tout penaud de ne rien pouvoir faire pour vous.

Ôishi

Il m'a dit vouloir revenir ici la prochaine fois qu'il prendrait des vacances.

Ôishi

Éhhéhhé !

Ôishi

Je m'excuse de rire tout seul, mais voyez-vous, sa femme a trouvé ça suspect.

Ôishi

Oh, elle était toute mignonne quand je lui ai parlé, mais je vous parie qu'une fois qu'ils seront seuls, elle va lui faire une scène comme jamais !

Ôishi

Éhhéhhéhhé !

Rika

— ... Ôishi, je...

À dire vrai... j'aurais quelque chose de très important à vous dire, mais personne ne veut me croire.

Ôishi

— Hmm ?

Quoi donc ? Eh bien ? Vous m'avez l'air si sérieuse tout d'un coup, qu'y a-t-il ?

Je suis déjà venue lui demander conseil par le passé.

Il m'avait souvent écouté avec un intérêt certain.

Mais après la mort de Tomitake, invariablement, il portait ses soupçons sur moi et n'arrêtait pas de me persécuter. Cela faisait un moment que j'avais cessé de lui en parler, ne serait-ce que pour avoir la paix.

Ôishi

— Où est-ce que vous entendu ça ?

C'était dans quel coin ?!

Je lui racontai non pas que j'avais eu un rêve prémonitoire, mais que j'avais entendu une conversation dans la foule.

Avec un peu de chance, il ne me soupçonnera pas plus tard. Espérons...

Ôishi

— ... Mouais, Tomitake est un étranger, et avec Takano, ça nous fait deux victimes.

L'un meurt et l'autre disparaît...

Oui, ça se tient, ils font deux victimes plausibles pour une cinquième malédiction...

Ôishi

Bien sûr, c'est peut-être du vent, mais tant pis.

Il vaut mieux prévenir que guérir.

Je vais placer des hommes sur eux.

Rika

— Je pense que le coin le plus facile pour les attaquer serait le chemin peu éclairé entre Hinamizawa et Okinomiya.

Il me semble bien que le corps de Tomitake sera entre les deux.

Si j'ai bonne mémoire, il sera sur le côté de la route, à la portion où les graviers laissent place au bitume...

Ôishi

— Oui, je comprends.

Eh bien, je vais y coller une voiture.

Je peux me le permettre.

Ôishi me fit confiance sans trop chercher la petite bête.

Je pense que beaucoup de gens seraient surpris de voir le crédit qu'il accordait, même aux rumeurs les plus folles.

Sauf que moi, j'avais un avantage, je l'avais connu dans un grand nombre de mondes déjà.

Je savais que son proverbe préféré, c'était “Il n'y a pas de fumée sans feu”. Il adorait vérifier les choses, même les plus incongrues.

C'était d'ailleurs cette curiosité malsaine qui en faisait un empêcheur de tourner en rond dans une bonne partie des mondes.

Mais bon, je ne pouvais pas trop lui en vouloir, après tout.

Cette année, content ou pas, c'était sa dernière chance -- il atteignait l'âge de la retraite.

Il ne pouvait pas se permettre d'ignorer une piste, crédible ou non.

Et pour moi qui n'avait rien à lui montrer en lieu de preuves, c'était très pratique.

Ôishi

— ... Allô, Nounours, tu m'entends ?

Rajoute-moi une voiture pour patrouiller le long du chemin vers Okinomiya.

Ôishi

... ... Non, c'est juste au cas où.

J'ai entendu dire que c'était un bon coin pour faire des choses pas très sympa.

Ôishi

Oui, je pense que deux officiers suffiront largement.

Je compte sur toi.

Rika

— ... Merci, Ôishi.

Personne ne voulait me croire ; je dois dire que je ne savais plus trop quoi faire.

Ôishi

— C'est le rôle de la Police de croire les gens.

Et puis, si ça s'avère être pour rien, il faut s'en réjouir !

Ôishi

Si tu as été envoyé pour rien, estime-toi heureux !

C'est un de mes anciens mentors qui disait tout le temps ça.

Ôishi

Surtout que si tu rates des malfaiteurs pour avoir ignoré les informations confidentielles d'un témoin, là, il y a vraiment de quoi s'énerver.

Hmm.

Donc en fait, c'était plus par conviction personnelle qu'il gobait tout et n'importe quoi...

Enfin bon, peu importe. C'est grâce à cette attitude philosophe qu'il se retrouve à m'aider, alors je ne vais pas m'en plaindre.

Maintenant, il ne reste plus qu'à espérer qu'il ne me pense pas être impliquée dans le meurtre de Tomitake.

... Mais pour l'instant, j'ai des problèmes autrement plus importants.

Ça ne suffit pas encore.

Je suis sûre qu'il y a encore des gens avec qui je peux en parler.

Je pourrais en parler à mes amis, non ?

Il ne faut pas partir sur des préjugés. Je dois tenter ma chance…

Mion

— Quoi ? Non, sans déconner ?

Il y a vraiment des gens pour dire ça ?

Mion

En plus, justement ce soir, ici ? Non mais sérieux, les gens n'ont honte de rien...

Keiichi

— C'est votre truc, là ?

Cette fameuse malédiction de Yashiro ou je sais pas quoi ?

Mion

— Oui.

Ça fait quand même quatre ans de suite, tu sais.

Je pense que beaucoup de gens s'imaginent qu'il y aura une cinquième fois ce soir.

Satoko

— Oui, enfin, c'est une chose que d'imaginer la possibilité, mais une autre que de désigner nommément les victimes.

Rena

— Il vaudrait mieux les prévenir, non ? Juste au cas où.

Rika

— ... C'est déjà fait. Je le leur ai dit, mais ils n'ont pas voulu me croire.

Keiichi

— Ouais, j'imagine.

Mais bon, vaut mieux leur dire avant qu'après.

On pourrait aussi en parler à M. Ôishi, non ?

Rika

— ... C'est fait aussi.

Shion

— Ah ouais ? Je vous trouve bien efficace, Dame Rika.

Shion

Mais c'est vrai qu'on ne peut pas être trop prudent.

En tout cas, il faudrait faire attention, rien que cette nuit.

Mion

— Ouais, la série de meurtres sordides à Hinamizawa.

Plus connue comme étant “la malédiction de la déesse Yashiro”.

Franchement dit, ça nous arrange pas trop de la voir continuer tous les ans, cette malédiction.

Mion

Et puis, si ça continue vraiment, il y aura forcément des idiots pour essayer de les refaire. Et puis surtout, l'image du village en prend un coup.

Keiichi

— Mais donc, s'il ne se passe rien ce soir, alors la série prendra fin et toute cette histoire retombera sur elle-même ?

Alors il nous faut faire quelque chose pour que rien ne se passe, c'est pas compliqué.

Satoko

— Certes, très cher, mais quoi ?

Devons-nous monter la garde partout dans le village, toute la nuit durant ?

Shion

— Non, ce serait encore plus dangereux.

En fait, je me demande ce qu'on pourrait faire, tout court. Une idée ?

Mion

— Disons que les gens qui se sont occupés des préparatifs ont surtout peur d'un petit malin qui voudrait imiter les autres meurtres, alors nous avons donné ordre de faire très attention à tous les visages inconnus par ici.

Rena

— Oui, c'est une bonne idée, les gens se connaissent tous, ici.

On reconnaîtra tout de suite quelqu'un qui ne vit pas par ici.

Je pense que ça devrait aller ?

Rika

— Non, ils mourront quand même.

Rena

— Rika ?

... Je ne sais pas, moi, on pourrait faire quelque chose, nous ?

Keiichi

— Hmmm,

on ne peut pas les protéger toute la nuit, mais on peut rester près d'eux le temps de la fête.

S'il y a trop de monde autour, les meurtriers ne pourront pas faire ce qu'ils voudront, comme ils le voudront.

Je n'étais franchement pas convaincue qu'ils comprenaient la situation, mais au moins, ils faisaient l'effort.

Nous nous mîmes d'accord pour les retrouver dans la foule et ne plus les lâcher des yeux.

Et après cela, enfin, j'aurai fait tout ce qui était en mon pouvoir. Ou pas ?

Et même si c'était le cas, ça ne voulait pas dire que nous pourrions les sauver...

Rika

— ... Il ne reste plus qu'à espérer que rien ne sera arrivé pendant notre sommeil.

Hanyû

— Tu penses que vous réussirez à empêcher leur mort, Rika ?

Rika

— C'est peut-être impossible.

Leur mort est peut-être une sorte d'horloge qui sonne ma dernière heure. Je ne sais pas.

Hanyû

— ... ... C'est pas bon pour nous.

Rika

— Peut-être, mais tu as entendu Takano, toi aussi.

Rika

Les chiens de montagne prennent ma protection très au sérieux, donc même si elle et Tomitake se faisaient tuer, je ne resterais pas sans protection.

Rika

Et puis, ils auront sûrement des renforts de Tôkyô.

Rika

... Même s'ils meurent comme d'habitude, la suite des événements devrait normalement changer.

Hanyû

— ... ... Et si ça ne suffit quand même pas ?

Rika

— ... Eh ben alors, il faudra mourir, courageusement, que veux-tu faire d'autre ?

Rika

Mais cette fois-ci, je n'abandonnerai pas !

Rika

Je me battrai tant que possible, jusqu'au bout !

Rika

Je n'ai pas envie d'attendre la fin en me bourrant la gueule au vin blanc, comme d'habitude. Plus jamais ça.

Hanyû

— ... Je pense que tu devrais faire comme tu l'entends.

Rika

— Alors toi, tu crois que cette fois-ci aussi, nous n'arriverons à rien ?

Hanyû

— ... Pour moi, il n'y a ni victoire, ni défaite. Il n'y a que la suite concrète des événements.

Rika

— Tu ne veux pas souffrir en te faisant trop d'espoirs ?

Si j'aimais à me comparer à une actrice montant sur scène, Hanyû était peut-être réellement une observatrice extérieure et impartiale.

C'est dans ce genre de situations que nos esprits cessent de se rencontrer...

Hanyû

— ... Rika,

quoi qu'il arrive, surtout, ne désespère pas...

Rika

— Je sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression que tu es en train de me dire que cette fois-ci encore, nous avons perdu.

Tu sais, dernièrement, Hanyû, tu commences à me courir sur le haricot.

Hanyû

— Mais oui, mais...

Bah, moi aussi, j'en étais consciente.

Je savais bien que Hanyû disait ça pour mon bien.

C'est parce que j'ai le fol espoir de réussir à modifier le Destin que mon âme souffre à chacune de mes défaites.

Et si elle souffre trop, elle finira par s'étioler et s'éteindre, provoquant ma mort.

Ce qui, pour Hanyû, signifie perdre un partenaire durement acquis.

Je pense qu'elle a connu tellement de solitude avant ma naissance qu'elle ne supporte plus l'idée de vivre sans pouvoir parler à quelqu'un.

Je suis persuadée que nous pouvons briser les chaînes du Destin.

Même lorsque je ne le pensais pas, jadis, j'étais tout de même sûre qu'il y avait une sortie au labyrinthe, et que je finirais par trouver, à force d'essayer.

Mais à force, je commence à me demander si Hanyû ne serait pas au courant de quelque chose.

Peut-être sommes nous des poissons dans un bocal ?

Peut-être que depuis le début, il n'y a jamais eu de sortie.

Et moi, je m'obstine à frapper le mur de verre devant nous, persuadée de pouvoir le briser un jour.

Et Hanyû est à côté de moi, à se moquer de mes efforts.

Elle essaie surtout de me dissuader de continuer, car sinon, je risquerais vraiment de mourir de mes blessures, et elle se retrouverait seule dans le bocal.

... Dans ces conditions, ça expliquerait assez facilement notre divergence d'opinions.

Hanyû vit depuis bien plus longtemps que moi.

Elle comprend bien mieux que moi les lois qui régissent l'infinité des mondes qui coexistent ici.

Même si je devais m'obstiner à refuser de la croire, cela ne voulait pas dire que je pouvais aller à l'encontre des lois de ces mondes.

Et pourtant, il me fallait absolument tenter de suivre la voie que j'avais choisie.

La seule arme qui pouvait briser les murs épais du Destin, c'était la lance effilée de la foi. Une foi profonde en ses propres convictions forgeait une lame résistante mais aussi tranchante comme un rasoir.

Après avoir trouvé Tomitake, notre groupe s'efforça de faire durer la conversation, pour rester le plus longtemps avec lui.

Mais bien sûr, après la fin de la fête, lui et sa copine essayèrent de partir.

Mais je savais que s'ils partaient, je ne les reverrais plus jamais vivants.

Mion leur proposa de dormir chez elle, mais Tomitake refusa catégoriquement.

Au début, nous leur parlions des possibles assassins lancés à leurs trousses pour les empêcher de rester seuls à l'écart des gens.

Mais peu à peu, il devint clair que ces deux-là voulaient absolument être seuls à cause surtout d'un énorme problème d'hormones.

Alors à force, les moins innocents d'entre nous commencèrent à dire qu'il n'était pas très gentil de tenir la chandelle.

Rena

— Ne t'inquiète pas, Rika,

M. Tomitake est un homme comme les autres.

Je suis sûre qu'en cas de danger, il la protègera.

Takano

— Ah ben j'espère bien, tu écoutes la conversation, toi, au moins ?

Si jamais il y a un danger, je compte sur toi pour me protéger avec ton corps musclé et puissant.

Tomitake

— Ahaha, ahahahahahaha, mais, c'est mon intention, voyons !

Rena

— Bon, alors il est temps de rentrer,

il est suffisamment tard.

Takano

— Merci, les filles.

Ahahahaha...

Tomitake

— Ah, mais, n'allez pas vous imaginer des choses, hein ?

J'ai juste oublié quelques trucs à la clinique, c'est tout.

Et comme c'est elle qui a la clef, nous sommes obligés d'y aller ensemble. C'est tout !

Shion

— Ouah, alors vous aimez jouer avec les uniformes d'infirmières ? Ça doit donner de sacrés préliminaires, dites donc...

Mion

— Mais non, Shion, ne raconte pas de bêtises, je suis sûr qu'ils y vont pour profiter de la table d'obstétricien...

Éhhéhhéhhé !

Trois coups fulgurants s'abattirent sur les deux jumelles obsédées.

Rena

— Hauuu !

De quoi vous parlez, hein ? De quoi vous parlez ?

Keiichi

— Rena, je te l'ai déjà dit, tu ne peux pas frapper les gens à chaque fois que tu comprends une blague salace.

Keiichi

Et vous deux aussi,

Keiichi

arrêtez un peu avec le stupre et la fornication, il n'y a que là-dessus que vous arrivez à vous mettre d'accord, on dirait...

Tomitake

— ... Bon, eh bien, les enfants, nous, on va y aller, hein ?

Tomitake

Ahem.

Tomitake

Et je vous assure que je vais juste reprendre des petites choses que j'ai oubliées, rien de plus !

Tomitake

Alors... Ne nous suivez pas, d'accord ?

Tomitake

Ahahaha, ahaha...

Rena

— Ahahahahahahahahahaha ! Hauu !

Rika

— ... Tomitake, je t'en supplie... Fais attention à toi.

Satoko

— Mais enfin, très chère, qu'avez-vous donc ce soir ? Vous êtes bien trop anxieuse !

*Hhhkaaaaaahhhaaammrg*

Satoko poussa un bâillement formidable qui nous fit tous éclater de rire.

C'était un signal très fort pour nous inciter à en rester là.

À première vue, je n'avais pas réussi à changer leur funeste Destin.

Mais si mon attitude les a dérangés, ils seront peut-être inconsciemment plus vigilants.

La moindre modification dans le déroulement des choses peut avoir d'énormes répercussions sur moi. C'était toujours bon à prendre.

Il ne me restait plus qu'à prier pour leur salut.

Mion

— Allez, salut, Tomitake !

À la prochaine ! Et montrez-nous vos photos, la prochaine fois !

Rena

— Et mettez cette chemise à nouveau, qu'on relise les beaux messages qu'on y a laissés !

Keiichi

— Allez, mec, une belle femme t'attend ! Rah, j'aimerais bien être à ta place !

Tomitake

— Ahahahahahahaha !

Allez, à la prochaine, vous tous.

On se revoit en automne, j'imagine ?

Takano

— À moins que nous ne nous fassions assassiner ce soir, bien sûr.

Ahahaha !

Allez, bonne nuit à tous !

魅音

— Bonne nuit !

Et c'est sur cette note que prirent fin non seulement la fête de la purification, mais aussi tous mes efforts pour les sauver...