Lorsque nous arrivâmes au point de rendez-vous, Satoko et Rika étaient déjà là.
Satoko faisait un peu peine à voir avec tous les pansements qu'elle avait sur le visage,
mais elle pétait la forme. On aurait pu croire qu'elle s'était blessée à force de faire trop de bêtises.
— Je vois, alors tu es restée à la clinique hier soir ?
— Oui, j'ai bien insisté pour dire que je me sentais très bien, mais le Chef a tenu à me garder en observation pour la nuit.
— Tu sais, quand un médecin te dit de faire quelque chose, c'est généralement une bonne idée de lui obéir.
— Ahahahahaha, aaah, je sais !
Tu avais peur de dormir toute seule à la clinique ?
Ouais, c'est vrai, il doit y avoir pas mal d'âmes errantes la nuit, avec les patients qui sont morts là-bas...
— ... En fait, Satoko ne peut plus dormir sans ma présence à ses côtés.
— Hauuu !
Mais pourquoi, hein ? Ça veut dire quoi ?
— Eh bien en fait,
c'est parce que Dame Rika est la seule à pouvoir libérer Satoko de l'emprise de ses pulsions nocturnes avec ses petits doigts et sa l--
Une bassine sortit de nulle part pour aller frapper Shion en pleine tête, l'empêchant de terminer sa phrase.
Immédiatement après, Satoko se mit à lui courir après.
J'avais l'impression de ne plus avoir vu autant d'agitation depuis des années.
— Tu sais, pendant un moment, j'ai vraiment cru que nous ne reverrions plus jamais de scène de ce genre.
— Ouais, moi aussi.
Mais on les a récupérées. À force de volonté.
Tous ensemble.
— Oui, enfin, c'est surtout toi qui as fait ça, Keiichi.
Si tu n'avais pas proposé d'aller porter plainte, rien de tout cela ne serait arrivé. Et puis, c'est toi qui as été parler à tout le monde !
— Oui,
franchement, c'est bien grâce à toi si nous en sommes là.
Avec cette histoire, tu t'es fait un nom dans tout le village, si ce n'est pas la région !
— Hau,
mais alors, tu vas devenir célèbre et super populaire avec les filles, Keiichi ?
— Oh, ça oui, c'est déjà le cas !
Il a toutes les femmes de l'association à ses pieds ! Petit Casanova !
J'espère que t'as suffisamment d'endurance !
Je pourrais me réjouir de la situation, si les femmes en questions voyaient leur âge divisé par trois, mais en l'état...
Nous croisâmes beaucoup de gens en kimonos légers.
En les voyant, je me suis cru au plus fort de l'été, alors que nous n'étions qu'au mois de juin.
Après avoir gravi les escaliers menant au cœur du sanctuaire,
la fête s'étala sous nos yeux.
Le sanctuaire Furude était transformé ; je n'aurais jamais cru voir autant d'animation à cet endroit.
Il y avait des lampions, des lanternes, des guirlandes de toutes les couleurs, des stands d'activités, de jeux, et surtout, des tas de gens. C'était très agréable à regarder.
— La vache !
Je savais pas qu'il y avait autant de gens à Hinamizawa !
— C'est parce que tout le monde vient pour la purification du coton.
Enfin, au moins la moitié, facilement.
— Mais c'est pas tout,
nous invitons aussi des gens et des enfants depuis d'autres villages.
— Ouais,
je me disais aussi, on est pas nombreux à l'école,
alors ça me paraissait louche, tous ces gamins !
— Bah, tu sais, c'est un peu les enfants et leurs facéties qui donnent de la vie aux fêtes de villages, tu sais.
Heh, ouais.
Je suis d'accord...
Il y avait beaucoup de stands, ce qui rendait la fête très intéressante.
Des beignets de poulpe, des nouilles sautées, de la glace pilée, des beignets de haricots sucrés, des gâteaux salés, des bananes au chocolat...
Des pêches miraculeuses, des pêches de poissons rouges, des stands de tir, et j'en passe ! Et chaque fois, il y avait foule.
— Les gens qui s'occupent des stands viennent des villes avoisinantes !
Heureusement qu'ils sont là, ça met beaucoup d'ambiance !
— Et nous, notre devoir, c'est de tous les faire et de foutre un beau bordel.
Je vous préviens, quelle que soit l'épreuve, je ne perdrai pas !
— Ouais, bien sûr...
Moi aussi, je vais assurer !
— Rebonsoir !
Désolée d'être en retard.
Je suis la dernière ?
Donc nous sommes tous au complet !
— Au vu des membres de cette assemblée, il me semble impossible de déambuler céans pour profiter dans le calme de toutes ces possibles activités.
— Ah ben je veux, mon neveu !
Cette année, les enfants, c'est rebelote !
Je proclame notre entrée en guerre dans la bataille explosive sur...
sur six fronts en pleine fête de la purification du coton !
— ... Satoko.
Cette année, ne fais pas dans la demi-mesure.
— Oooohhohhohho !
Vous pensiez peut-être que j'attendais votre autorisation ?
C'était mon intention tout du long !
— Ouais, Satoko !
C'est la bonne attitude !
— Ce soir, on va faire la fête et oublier tout le reste !
— Allez, ce soir, il faut tout donner !
C'est la première fois que nous sommes tous réunis cette semaine, alors il faut en profiter !
— Tu as bien raison !
Ce soir, nous n'arrêterons de jouer que lorsque les stands tomberont en ruines !
— Tiens donc, bonsoir à tous ! Vous n'avez pas perdu de temps, dites-moi ?
— Bonsoir, Rika.
Comme promis, je suis venu !
Je vois que la fête bat son plein ?
— Nous n'avons pas eu l'honneur d'être présentés, ce me semble.
Très chère, est-ce l'une de vos connaissances ?
— ... Cet incapable n'est jamais là quand j'ai besoin de lui, il n'y a vraiment rien à en tirer.
— Quoi ?
Mais pourquoi ?
Mais, j'ai fait quelque chose de mal ?
— Éhhéhhéhhé !
Eh bien en fait, pendant que vous vous la couliez douce avec votre femme, cette semaine, il s'est passé des choses assez terribles.
— Hau, Rika parle avec un monsieur qu'on connaît pas !
C'est qui ? C'est qui ?
— Eh ben alors ? Vous êtes qui, vous, au juste ?
Allez, Rika, fais les présentations, quoi !
— Mais ?
Eh, Maebara ! Commô qu'c'est, gamin ?
J'ai entendu les rumeurs à ton sujet !
— Ouais, moi aussi !
Il paraît qu't'as sorti le sabre pour convaincre la vieille Oryô ?
Tu manques pas de cran !
— Mais non, eh, c'est même pas vrai, d'abord !
On a discuté, c'est tout ! Vraiment !
— N'empêche, bravo.
Tu es allé négocier en notre nom avec l'administration ! Ce n'est pas rien.
— Viens donc, mon garçon, je vais te donner quelques gâteaux !
Il t'en faut combien ?
— Ouah, Keiichi, je suis super jalouse !
T'as un franc succès aujourd'hui !
— ... Plus tard ce soir, il va se découvrir un goût pour les fruits mûrs, si ce n'est pas déjà le cas.
— Très chère, je dois vous avouer ne pas saisir la portée de vos propos, mais j'imagine que ce n'est pas un compliment...
— Ah, c'est vous qui êtes venus nous sauver la mise hier !
Franchement, merci pour tout ce que vous avez fait !
— Aaah, je ne te l'ai pas encore présenté, c'est vrai.
C'est mon oncle Saburô, il est député de région.
Quant à lui, c'est mon oncle Takeshi, il est député de district.
— Désolé d'être arrivé en retard hier !
J'ai pris un virage dans la mauvaise direction en ville ! Ahahahahaha !
— Ah, mais vous nous avez quand même été d'un grand secours !
Les députés ont de sacrés pouvoirs, mine de rien !
— Notre travail, c'est de nous bagarrer avec l'État à la place du peuple.
Encore heureux qu'on ait autant de pouvoirs !
— En tout cas, je suis bien content que tu sois saine et sauve, Satoko.
N'hésite pas à venir nous parler si tu as encore des problèmes.
Nous sommes là pour t'aider !
Pour ponctuer leurs mots, ils se mirent à lui caresser la tête.
— Euh... Eh bien... Ma foi... Je... Merci beaucoup...
— Vous pouvez vraiment être fiers de votre fils, vous savez ? Je suis presque jaloux !
— Mais non, voyons, Keiichi ? Soyez sérieux !
Ah, quand on parle du loup ! Keiichiiii !
On est lààààà !
— Ouah, les parents de Keiichi !
Bonsoir !
— ... Heureuse de faire votre connaissance.
Je suis la chatte attitrée de votre fils. Je m'appelle Rika.
— Bon-bon-bonsoir à vous !
Satoko Hôjô, je... Je suis enchantée de faire votre connaissance !
— Alors c'est toi, Satoko ?
Regarde-moi toutes ces blessures, ma pauvre...
— Si jamais vous avez encore des problèmes, n'hésitez pas à demander de l'aide à notre fils, il sert à ça !
En échange, si je puis dire, jeune demoiselle, je vous serais extrêmement reconnaissant si vous pouviez passer me voir un de ces jours dans mon atelier, seule si po--
— Je ne sais pas pourquoi, je trouve à monsieur votre père une certaine ressemblance avec notre Chef...
— Ouais désolé,
il est irrécupérable, mais bon, c'est mon seul paternel...
— Allons, il a l'air très sympathique, ne soyez pas aussi dur avec lui...
— C'est la première fois que je vois une fête de la purification du coton aussi joyeuse.
— C'est pas faux,
moi aussi, c'est la première fois.
Ce qui est normal, puisque tu as vécu bien plus longtemps que moi.
Si c'est la première fois pour toi, c'est forcément le cas pour moi aussi.
— Méé euh...
Enfin, même depuis son changement de nom, c'est la fête la plus animée que j'aie vécue ici.
— De toute façon, ça ne fait que quelques années que la fête est devenue joyeuse, non ?
Depuis l'ère de Meiji, c'était une bête cérémonie pompeuse et ennuyeuse imaginée par le chef des Furude.
Et avant, c'était un sacrifice humain.
— Méééé euh ! Enfin, Rika !
— Pardon, pardon, je m'excuse.
Arrêtons un peu les mesquineries, ce soir.
Il n'appartient qu'à nous de nous amuser pendant la fête.
Toutes les deux.
Après tout, elle est dédiée en ton honneur, et donc en mon honneur aussi.