— Excusez-moi, avant de commencer, j'aurais quelque chose à dire.
En me voyant lever la main, le maire avait tout de suite compris que je voulais parler de Satoko.
... Au moins, l'âge ne l'avait pas rendu stupide.
— Euh, Keiichi,
nous avons une générale à répéter. Tu veux bien attendre la fin de la réunion pour les problèmes personnels ?
Pas de bol, je n'avais pas la moindre intention de me taire maintenant.
— J'aurais pu le faire si vous aviez eu les couilles de venir m'en parler directement, mais apparemment, vous préférez passer par Mion et par la maîtresse pour régler vos différents avec moi,
et je n'aime pas ces méthodes.
Alors on va y aller franco.
Un silence assourdissant plana sur la salle.
Personne ne voulait être mêlé aux histoires des Hôjô.
— Je pense que vous savez tous que Satoko Hôjô est retenue chez son oncle, contre son gré, et qu'il la frappe plus ou moins fort, tous les jours.
Oh, je ne vous en veux pas de ne pas vous en mêler.
Surtout qu'il n'est pas commode.
Mais je ne tolèrerai pas que vous veniez nous chercher la merde.
Satoko est notre amie,
et nous sommes prêts à tout pour sauver l'une des nôtres.
Cepend-
— Keiichi,
nous sommes tous au courant.
Nous, ce que nous voulons dire, c'est que vous avez suffisamment fait comprendre votre point de vue aux autorités, alors calmez un peu le jeu !
— Pourquoi, ça pose un problème si on va leur parler trop fort ?
— ... Ben évidemment, gamin !
Ça se fait pas !
Un vieillard avait pris sur lui pour me prendre à partie.
Enfin, je les tenais...
— Ah ouais ? Ben, je dois être stupide, alors, parce que je vois pas le problème. Vous pouvez m'expliquer ?
— Ben, parce que c'est pas des manières ! Nous on a fait ça à l'époque du barrage, mais c'est fini, tout ça !
Le comité de défense a été dissolu il y a longtemps, c'est du passé, tout ça !
Comme je m'y étais attendu, il n'avait même pas parlé de Satoko.
Il avait répondu complètement à côté de la plaque.
— Sauf que j'en ai rien à branler de tes histoires de jeunesse, papy. Je te parle pas de la guerre du barrage, c'est pas mes oignons.
Par contre, aujourd'hui, c'est MA guerre.
Et si vous avez l'intention d'y participer, il va falloir me montrer de quel côté vous tenez.
Alors quoi ?
Vous êtes mes amis, ou mes ennemis ?!
Fureur dans la salle.
Mais qu'est-ce que c'était que ce ton !?
Rah, les jeunes d'aujourd'hui !
En un instant, la salle entière se mit à sentir la poudre.
Rena, Shion, le Chef, enfin, tous ceux qui étaient derrière moi, quoi, avaient l'air de tenir bon, le regard toujours sévère.
C'était leur regard inflexible qui me soutenait dans mon discours. Comme si j'avais eu des millions de gens derrière moi.
Je prenais tout sur la figure, mais uniquement en tant que représentant de leurs idéaux. Je n'étais pas seul.
Cette bataille, c'était la nôtre !
Et une fois que ce fut bien engrainé dans ma petite tête, je ne fus plus dérangé outre mesure par les regards haineux qui se concentraient sur moi.
— Keiichi,
ce n'est pas une question d'être avec ou contre toi.
C'est vrai, nous nous sommes battus contre l'État lors de la guerre du barrage.
Et comme tu l'as dit, la guerre du barrage, c'est fini.
Il faut laisser le passé tranquille, maintenant.
— Nan mais vos problèmes, je m'en branle.
Je vous parle de moi, de mes amis et de Satoko.
Je n'ai pas parlé une seule fois de la guerre du barrage, et j'en ai pas l'intention.
Tu devrais aller voir un médecin, parce que les oreilles, c'est plus trop ça.
— Non mais comment est-ce que tu parles à tes aînés, toi !?
Tu les prends pour des tas de merde ou quoi ?
J'aimerais voir ton père, tiens !
Mon père fit un pas en avant, l'air un peu gêné.
— Désolé.
... C'est moi, son père.
— Eh ben alors, t'as pas honte ?
Non mais c'est quoi comme éducation, que tu lui as donnée, à ton gamin ?!
— Aaah,
eh bien, oui, je pense que je fais plutôt partie des mauvais parents.
Je ne sais pas si j'en ai fait un enfant honnête, et je ne sais pas si je peux être fier de lui.
Après avoir terminé sa phrase sur un ton humble et doucereux, il fit une pause, se redressa, et se mit à parler d'une voix plus forte.
— Par contre, j'aimerais vous rappeler que Keiichi se tient devant vous en tant qu'individu qui a un gros problème qui le dérange et qui ne le laisse pas tranquille.
Je ne pense pas qu'il soit opportun de parler de moi à cette occasion.
Il se présente devant vous en tant qu'un homme de ce village, pas en tant que mon fils.
Alors je ne vois pas trop ce que ma tête vient faire dans cette histoire.
Le vieillard le regarda avec de grands yeux, clairement désarçonné -- une personne qui lui rendait la monnaie de sa pièce, ce n'était pas prévu !
Dans le silence qui s'ensuivit, le rire gras d'Ôishi retentit.
— Eh ben alors, t'en es super fier, de ton fils, en fait !
Éhhéhhéhhéhhé !
— Euh... Pour ceux qui ne me connaissent pas, je m'appelle Rena Ryûgû.
Je peux poser une question ?
Je ne comprends pas pourquoi le fait que la guerre du barrage soit finie a un rapport avec le fait que nous ne devons pas aller nous plaindre.
Vous ne pourriez pas nous expliquer ça plus en détail ?
Rena posa sa question comme quelqu'un d'extérieur au problème.
Mais dans ses yeux, je voyais bien qu'elle était très en colère.
Je pense que je dois être le seul à savoir à quoi elle pense.
Parce que les vieux croûtons de la salle, après lui avoir décoché un regard, eurent l'air de décider qu'elle serait plus facile à manier, et se concentrèrent sur elle.
— Reina.
Maintenant que la guerre du barrage est terminée, le village n'a plus aucune raison de faire des misères aux fonctionnaires.
Oui, oui, pendant la guerre, nous en avons fait beaucoup.
Mais à un moment, il faut tourner la page.
Et nous avons alors fait la paix avec l'administration.
Hinamizawa n'est qu'un village, nous ne sommes pas un pays.
Nous ne sommes qu'un tout, tout petit village de rien du tout.
Nous avons besoin des gens de l'administration, si nous voulons continuer à vivre ici.
Et c'est pour ça qu'il nous faut faire en sorte de ne pas créer de tension entre eux et nous.
— ... Oui. Oui, c'est pas faux.
C'est important de bien s'entendre avec les gens de l'État.
— Ah, ben en voilà une qu'est raisonnable. Je savais bien qu'elle était bien, cette petite.
— C'est pas comme l'autre idiot !
Les bruits et les murmures dans la salle changèrent du tout au tout.
— Oui,
c'est d'ailleurs pour ça que Hinamizawa fait tout son possible pour se faire pardonner.
— Ouais, c'est exactement ça, écoute ce que dit Mion, c'est juste !
Une voix dans la salle poussa une exclamation :
Mais juste après ça, Shion prit la parole et poursuivit.
— Et donc maintenant, le village et l'administration de l'État sont comme cul et chemise.
L'association de quartier a une et une seule véritable réunion administrative, le voyage de la nouvelle année, et tous les ans, elle invite deux membres haut placés de la région pour un petit séjour aux sources chaudes.
Mais attention, ils se font payer le séjour sur leurs notes de frais, donc c'est un voyage officiel.
Mais bien sûr, tout l'argent qu'ils dépensent là-bas vient grossir la facture de l'association, c'est de bonne guerre.
Mais il y a des contreparties !
Par exemple, les bouclages de budget. Pour les fêtes de fin d'année, de nouvel an, pour tout ce que l'association organise, on peut être sûr que l'administration fera un don généreux.
D'ailleurs, si nous n'avions pas les subventions généreuses de l'État, qui se chiffrent toujours en millions de yens,
la fête de la purification du coton ne pourrait pas être organisée, le village n'en a tout simplement pas les moyens.
Surtout que depuis la fin de la guerre du barrage, la fête devient de plus en plus importante !
C'est parce que derrière, l'État nous donne de plus en plus d'argent.
Si jamais on les énerve, ils nous coupent les vivres, et là, on aura l'air bête.
C'est pour ça que le village ferme sa gueule et remue de la queue. N'est-ce pas, Pépé ?
— Shion...
Comment se fait-il que tu en saches autant ?
— Bah, de temps en temps, je me trompe d'habits le matin et je prends la place de ma sœur.
— Attendez, là,
vous m'avez perdu.
Je vois pas pourquoi vous n'êtes pas content avec nous, en fait.
Rena, tu veux bien me faire un topo, rapidement ?
C'est quoi, le problème ?
— Eh bien,
disons que pour faire simple, on vit à leur crochet, donc on ne peut absolument pas se permettre de risquer de leur déplaire.
L'ambiance dans la salle changea encore une fois du tout au tout.
Certains tiraient la grimace,
d'autres étaient outrés de nous entendre asséner des vérités sans même savoir au juste quelle était la situation,
d'autres encore ne concevaient pas qu'une jeune personne pût remettre en question les actes de ses aînés.
Tout le monde se mit à parler à tort et à travers, faisant grimper le volume du son dans la salle.
— Taisez-vous ! SiLENce !
Ce ne fut que lorsque le maire se mit à hurler que les voix se turent.
Il avait désormais les traits défigurés par l'agacement, c'était très impressionnant à voir.
— Jeune homme, tu es en train de nous faire perdre de vue l'essentiel
en portant notre attention sur des choses qui n'ont rien à voir avec la choucroute.
La situation n'a rien à voir.
Alors écoute-moi bien : c'est vrai que Hinamizawa a gagné sur presque tous les plans en se rebellant contre l'État, mais dans le même temps, le village s'est forgé une très mauvaise réputation.
À l'époque, nous nous sommes servis de cette mauvaise réputation pour essayer d'obtenir encore plus de choses.
Mais maintenant que tous ces affrontements ont pris fin, cette mauvaise réputation nous colle à la peau et nous reste sur les bras.
Et nous devons absolument nous en débarrasser,
parce que sinon, les générations futures qui s'installeront ici seront mal vues par la région, mais elles ne sauront pas pourquoi.
Tu comprends maintenant pourquoi c'est important ?
C'est le futur du village tout entier qui en dépend ! Ça dépasse largement le cadre de ton problème à toi !
— P'tit gars, pour t'expliquer ça un peu plus concrètement,
si jamais tu continues de faire du grabuge, tu vas foutre en l'air tout ce que nous avons réussi à faire ces dernières années. Là en ce moment, nos relations sont au beau fixe, et c'est très bien comme ça.
Certains anciens se mirent à acquiescer.
Ils semblaient penser que Mion était de leur côté.
— Mais Mii,
ça signifie quoi, nos relations sont au beau fixe ?
Ça veut dire qu'il ne faut surtout pas se plaindre si l'un des enfants du village se fait maltraiter ?
— Ça veut dire que pour l'instant, les gens des services sociaux font leur boulot à leur rythme, et qu'ils ne veulent pas être brusqués.
Sauf qu'ils ne peuvent pas nous dire de fermer nos putains de gueule et de les laisser faire.
Alors ils vont voir les gens qui dirigent le village et ils leurs disent que ce serait bien de tenir les jeunes en laisse,
parce que sinon, il n'y aurait plus les gros sousous à la fin de l'année.
— Aaaah, alors c'est juste parce que les gens de l'association de quartier de Hinamizawa, ce sont tous des gros suce-boules ?
— Non mais dis donc, comment tu nous parles ?
Fais attention à ce que tu dis, sale jeune ! C'est quoi ces manières !?
— C'est VOUS qui allez devoir faire attention à ce que vous dites !
J'espère que c'est pas à cause de cette vieille histoire comme quoi les Hôjô, ils sont maudits ?
— Mais bien sûr que non !
On ne parle même pas de Satoko, on s'en fout, d'elle, c'est pas le problème !
Nous on te parle d'un problème plus large ! Tu t'es plaint, c'est bien, t'as pas besoin de t'obstiner dessus, tu peux arrêter, maintenant, tu crois pas ?
C'est pas comme si les gens du centre de protection de l'enfance refusaient de te parler ou faisaient comme si tu n'existais pas !
Ils ont été très polis, ils t'ont accueilli du mieux possible, plusieurs jours de suite !
Ils ont compris le message.
Si tu continues à aller les déranger, tu n'obtiendras rien de plus, c'est même le contraire ! C'est ça qu'on est en train de te dire !
— ... Keiichi,
j'ai trouvé un truc vachement rigolo à lire.
Regarde les phrases là-bas, celles qui ont été écrites au pinceau.
Rena pointa du doigt vers le haut des murs.
Les gens tournèrent la tête pour voir de quoi elle parlait.
Les murs étaient décorés de cadres et autres petits objets commémoratifs.
La plupart étaient des coupures d'époques sur la guerre du barrage, des pamphlets, des slogans écrits par les membres du comité de défense d'Onigafuchi.
Rena montrait du doigt un document écrit par le chef de l'association des comités de défense en personne, un certain... Ki'ichirô Kimiyoshi. L'actuel maire de Hinamizawa.
— Regarde le milieu.
Elle a cherché le dialogue par tous les moyens légaux et pacifiques avec le gouvernement et ses sbires de la Société Générale Électrique de *****. Or ceux-ci ont refusé le dialogue.
Utilisant des moyens dont l'ignominie et la bassesse ne sauraient être résumées dans cette missive, il appert que ces partenaires ont pénétré au cœur de la région sans y avoir été ni invités ni acceptés.
— ... Miaou.
C'est un texte écrit pour célébrer notre victoire.
Il y a la même citation sur notre monument.
Tout le monde ou presque sembla soudainement comprendre pourquoi Rena avait montré cette citation du doigt.
On put distinctement entendre les anciens du village avaler un grand coup.
— “Elle a cherché le dialogue par tous les moyens légaux et pacifiques avec le gouvernement et ses sbires de la Société Générale Électrique”.
La vache, ses sbires ?
C'est un mot bien tarabiscoté, ça. Je suis pas sûr que tous les vieux ici présents sachent réellement ce qu'il veut dire.
Quelqu'un peut leur expliquer ?
— Au départ, c'était simplement le nom donné aux policiers italiens, au Moyen-Âge et à la Renaissance.
Mais par extension, c'est devenu employé pour désigner un homme de main au service d'un particulier ou d'un pouvoir oppressif. Dans notre cas précis, cela vient des situations où des groupes et des entités qui ont l'air indépendantes, travaillent en fait sous les ordres d'un autre groupe, pour promouvoir leurs idées ou leur rendre des services.
— Ah, ben donc, c'est tout à fait adapté à la situation du village en ce moment, non_?
— Euh, heh, hmmm, ouais, c'est pas faux, en effet.
— Non mais ça pas la tête !?
C'est quoi comme manière de présenter les choses ? Nous on fait ça par gentillesse, pour apporter notre pierre à l'édifice ! On essaye de coopérer, de pas être des salauds ingrats !
On n'est pas des sbires, c'est de la mauvaise foi, vous jouez sur les mots !
— Attendez, vous venez de m'affirmer l'inverse !
Vous m'avez dit tout à l'heure que ça n'avait rien à voir avec Satoko, vous étiez clair là dessus ! Que c'était un problème du village !
Que ça concernait les relations amicales entre le village et l'État.
Me dites pas que vous vous en souvenez pas !
On l'a tous entendu !
On est d'accord ?
— Oui, ils l'ont dit.
Ils ont dit que la raison n'avait rien à voir avec Satoko.
— Mion,
corrige-moi si je me trompe, mais à Hinamizawa, vous êtes du genre à vous serrer les coudes. Vous aviez pas un motto comme quoi le village devait porter secours à chaque habitant ?
— Si une personne te jette des pierres, reviens avec un ami et jetez-lui des pierres tous les deux.
S'ils sont deux, revenez à quatre,
s'ils sont quatre, revenez à huit.
Et s'ils sont mille à vous attaquer, alors le village entier devra se dresser contre eux.
Les sévices à l'encontre de chaque habitant seront considérés comme une insulte collective.
Le village entier se dressera comme un seul homme pour protéger le moindre des siens,
car telle est la solidité des liens et de la résolution des membres de l'association des comités de défense d'Onigafuchi.
Plus forte et résistante que la roche, elle ne laissera rien passer, ni l'eau, ni le barrage.
La fin de la citation est du cru du chef de l'association, il me semble.
— ... ... ... Hmmmmm...
Le maire était bien placé pour savoir d'où venait cette citation.
Il croisa les bras et se mit à réfléchir en maugréant.
Il aurait bien voulu nous rabattre notre caquet,
mais il ne pouvait pas.
— Depuis que j'ai emménagé ici, j'en ai entendu, des choses sur le village. Mion et Shion m'ont raconté les actes de bravoure contre la brigade anti-émeute, les protestations, tout.
Vous voulez me faire croire qu'en cinq ans, vous avez perdu la capacité de faire face à l'ennemi ?
Vous vous battez depuis la fin de la seconde guerre mondiale pour ne pas vous faire ostraciser, non ? Ça fait quarante ans que vous vous battez, certains ici ne connaissent que ça, je parie !
Moi, je trouve ça formidable de vouloir se battre pour ses voisins ! J'ai vraiment été épaté, c'est tellement généreux de votre part !
Je suis intimement convaincu que ce que vous avez réussi à faire mérite le respect !
À l'époque, le gouvernement vous a fait tous les coups bas possibles et imaginables, mais non seulement vous avez tenu le coup, mais en plus, vous les leur avez rendus au double !
Et c'est parce que vous vous êtes battus comme ça à l'époque que le village est encore debout !
Si vous ne l'aviez pas fait, ce serait un immense lac, ici !
Tout serait mort et englouti !
Moi, je vous suis super reconnaissant d'avoir levé la voix et le poing pour pouvoir préserver cette région si belle !
Je veux pouvoir être fier de vivre à Hinamizawa, moi aussi !
— Il a raison !
Quelqu'un avait crié.
Ce n'était pas l'un de mes alliés.
C'était l'un des vieillards dans le groupe en face de moi.
— Et c'est pour ça que moi et les autres enfants voulons faire pareil,
parce que vous êtes un exemple dont nous sommes fiers !
Si une personne nous jette des pierres, nous reviendrons avec un ami et jetterons des pierres tous les deux.
S'ils sont deux, nous serons quatre,
s'ils sont huit, nous serons seize.
Et s'ils sont mille, alors le village entier se dressera contre eux.
Les sévices à l'encontre de chaque habitant seront considérés comme une insulte collective.
Le village entier se dressera
comme un seul homme pour protéger le moindre des siens.
Satoko Hôjô est une habitante de Hinamizawa, elle aussi !
Son oncle, vous le connaissez tous certainement beaucoup mieux que moi,
vous savez quelle pourriture c'est !
Vous savez parfaitement qu'on ne peut pas se permettre de les laisser ensemble pendant plus d'un mois, il sera trop tard !
C'est maintenant qu'il faut les séparer si on veut la sauver !
C'est pourquoi j'ai besoin de votre aide ! J'ai besoin de recréer la grande union du village, comme avec l'ancienne association, sinon, nous n'y arriverons pas !
Rena se mit à m'applaudir lentement, puis Mion, puis, peu à peu, tout le monde.
Les anciens du village me regardaient non plus avec colère, mais avec un vague sourire, un peu gênés, et pas peu fiers.
Bien vite, ce sourire s'effaça, et chacun commença à discuter avec son voisin.
— Il a pas tort, le gamin.
On ne peut pas obéir au gouvernement comme de gentils toutous, ce n'est pas digne de Hinamizawa !
— Ouais, mais la guerre du barrage est finie !
On peut pas leur faire ça, ils nous aident beaucoup...
— Moi je savais pas
qu'on filait autant de sous pour graisser les pattes...
— Moi tout ce que je peux dire, c'est que je suis d'accord avec ce qu'il a dit en dernier.
— Moi ce que j'aime pas, c'est cette façon de procéder.
Il a raison, le fils Maebara.
C'est dégueulasse de venir lui mettre la pression en obéissant simplement aux ordres venus de la ville !
— Monsieur le Maire.
Je demande pas à l'aider directement, mais je pense que ce n'est pas à nous d'aller lui intimer l'ordre de se taire et de lui mettre des bâtons dans les roues.
— ... Hmmmmmmmmmmmmm...
— Moi, j'aime pas sa façon de nous parler !
Non mais c'est quoi ces manières ? Il n'a aucun respect pour ses aînés !
— Et puis d'abord, gamin, tu croyais vraiment que tu allais nous convaincre en nous gueulant dessus comme un putois ?
Trois vieillards à l'air particulièrement hargneux vinrent me prendre à partie, sous une pluie de quolibets.
Sans aucun complexe, je leur répondis en leur criant dessus encore plus fort.
— C'est pas une question de politesse, ducon la joie !
C'est une question de moralité !
Si t'as pas les couilles de te lever pour protéger l'un des nôtres, alors casse-toi, pauv'con !
— Oooooh, maintenant, ça suffit, sale garnement !
*Paff* !
L'un des plus imposants me mit une chouquette retentissante.
— Ça va la tête, eh connard !?
*PAMM* !
Je lui rendis la monnaie de sa pièce ; il tendit les bras, et l'ambiance explosa.
Rena s'approcha de nous deux.
Tout le monde pensait qu'elle venait nous séparer, mais sans hésiter la moindre milliseconde, Rena gifla le vieillard qui voulait me frapper.
— Mais !
Non mais qu'est-ce qu'il te prend ?!
— Ne va pas croire qu'on te frappera moins fort parce que t'es une femme !
Il mit une baffe à Rena aussi.
Sans se démonter, elle se mit à parler d'une voix ferme et imposante.
— Si une personne te frappe, reviens avec un ami et frappez-le à deux.
C'est bien comme ça qu'on fait, à Hinamizawa, non ?
— Et puisque vous frappez aussi Rena, nous devons revenir vous frapper à quatre.
Eh bien alors, allons-y gaiement, je suis votre homme !
— Keiichi,
je suis là, ne t'en fais pas !
Ton but est juste et noble.
Si tes ennemis essaient de te faire taire par la violence, alors en tant que ton père, il est de mon devoir de te protéger !
— ... Si mes yeux voient correctement, il me semble bien que trois personnes essaient de te frapper, Keiichi.
Ce sont donc six personnes dont tu as besoin pour te défendre.
— Dame Rika !
— Eh bien alors, vous êtes bien remontée ce soir ?
Laissez-moi me joindre à vous !
— ... Je me battrai moi aussi à ses côtés.
Madame Cie se leva lentement.
Elle avait pourtant pris la décision de ne pas faire de vague et de céder face aux menaces...
— J'ai failli laisser l'une de mes élèves se faire tuer simplement pour la bonne cause, soi-disant dans l'intérêt général.
J'ai préféré retourner à une position neutre pour assurer mes arrières.
Franchement dit, j'ai honte !
Elle toisa le maire d'un regard noir qui en disait long.
Pour le coup, c'était l'arroseur arrosé.
— ... Maîtresse, je...
— Tu sais, Maebara, en tant qu'enseignante, je trouvais que tu allais trop loin.
Mais ce que tu tentes de faire pour la sauver, c'est un acte juste.
Il est de mon devoir de te montrer la bonne voie, l'exemple à suivre, et à t'encourager à poursuivre dans ta voie, si celle-ci n'est pas problématique.
Or, elle ne l'est pas, bien au contraire. Désormais, je n'essaierai plus de t'empêcher d'agir !
— Si même vous, Maîtresse, vous êtes d'accord, alors je me vois mal me laisser importuner par d'autres !
Alors, mesdames et messieurs, pour la dernière fois, je vous le demande :
c'est quoi le plus important, bien vous entendre avec l'administration, ou sauver l'un des vôtres ? Décidez-vous !
— Allons, p'tit gars, la réponse tombe sous le sens.
Ce n'est pas une simple salle de réunion, ici.
C'est l'ancien quartier général de l'association des comités de défense d'Onigafuchi.
Tu as devant toi quasiment la totalité des gros poissons de l'ancienne association.
S'ils avaient changé d'avis sur leurs convictions, ils ne seraient pas restés, ils ne seraient pas revenus ici !
— ... Mion, c'est...
— Monsieur le Maire.
Kei incarne en ce moment l'esprit du village.
Il ne se laisse pas démonter, il essaie de se battre pour ce en quoi il croit, tout comme nous l'avons fait jadis.
Je pense qu'il serait honteux pour l'association de quartier d'oser lui demander d'arrêter son action.
Et si jamais vous comptez persister dans vos revendications,
je mettrai moi-même le feu aux cadres et aux drapeaux de cette salle !
— ... Hmmm...
Alors que le maire maugréait encore, clairement mal à l'aise, de vives voix s'élevèrent des rangs des anciens de l'association.
— Moi, je suis du côté du gamin.
J'aime pas sa façon de parler comme un charretier, mais il est droit dans ses bottes !
— Je suis d'accord !
Si encore les rapports de force étaient les mêmes, je dirais pas, mais essayer de le couler avec un coup dans le dos, ça se fait pas !
— Eh, Keiichi, t'en fais pas, gamin, fais comme tu veux,
te laisse pas marcher sur les pieds !
Quelqu'un se mit à applaudir, et bientôt, les applaudissements fusèrent de presque partout.
— Bon, tant que nous y sommes, Maebara, donne-nous une description de la situation.
— Bien sûr.
Le jour où Teppei Hôjô est rentré, il a plus ou moins enlevé sa nièce au centre commercial et l'a ramenée là où ils habitaient avant.
Tout de suite le lendemain, la maîtresse, madame Cie, est allée les voir, mais il a refusé de la laisser entrer. On a tout de suite compris que quelque chose clochait.
Alors la maîtresse a appelé les services sociaux.
— Le soir-même, l'assistante sociale est allée voir la situation,
mais elle a conclu qu'il n'y avait pas de problème et que la situation n'était pas préoccupante.
Alors oui, c'est une décision prudente, mais je crois que l'assistante sociale n'a aucune idée de ce dont Teppei est capable.
C'est pourquoi le lendemain, nous sommes allés à cinq pour porter plainte. Nous leur avons expliqué l'urgence de la situation et demandé de revoir leur jugement.
— Mais ils ont dit qu'ils ne voulaient pas prendre de décision hâtive. Ils n'ont strictement rien fait.
Alors nous nous sommes dit qu'à seulement cinq, ils ne nous avaient pas pris au sérieux. Le lendemain, nous avons emmené toute la classe, nous étions plus d'une vingtaine.
— Eh ben, c'est déjà quelque chose que d'avoir pu rameuter toute l'école !
— Ah, mais c'est parce qu'il a fait un joli discours.
C'est notre amie, la vôtre aussi ! Il faut la sauver ! Ne la laissez pas mourir !
Je parie que s'il avait été là pendant la guerre du barrage, on aurait gagné facilement un an plus tôt !
— Ahhahahahahaha ! Aah, oui, c'est vrai qu'il sait y mettre les formes.
— Et pourtant, pendant deux jours, ils n'ont pas vraiment écouté ce que j'avais à dire.
Ça n'a eu aucun effet.
Ils ont campé sur leurs positions.
— Euh, non, Keiichi.
C'était très efficace, au contraire.
Parce que le deuxième soir, ils ont eu peur et ils nous ont demandé si nous étions liés à ça, enfin, ils sont passés par le Conseil Régional pour nous demander.
— Et s'ils se sont résolus à vouloir nous mettre la pression, c'est que forcément, ils jugeaient ton action préoccupante.
Je pense que tu tiens le bon bout !
Hmmm, oui, vu comme ça...
S'ils pensaient réellement que je ne valais pas mieux qu'un pet de mouche, ils ne chercheraient pas à me faire mettre la pression !
— Et alors pour le troisième jour, j'ai été parler à tous les amis que je connaissais, et on a pu rassembler un peu plus de soixante personnes.
Le jour-là, le plus haut gradé là-bas nous a accueillis.
Alors d'accord, il nous a écoutés, je pense, mais il a tout fait pour éviter de nous répondre quand nous avons voulu savoir ce qu'ils comptaient faire.
— Ah oui, mais tu sais, Keiichi,
déjà à cette heure-là, il avait été décidé que l'association de quartier ferait pression sur toi pour calmer le jeu.
Eux avaient vérifié que nous ne te donnerions aucune aide, donc ils t'ont simplement laissé parler dans le vide.
— ... Oui, je vois.
C'est bien ce que je pensais, leur responsable me semblait vraiment très affable.
S'il savait qu'en coulisses, tout avait déjà été décidé et serait réglé dans la soirée, ça explique son comportement.
— Nous avons bien sûr l'intention de nous présenter à nouveau là-bas demain, mais je me demande s'ils vont vraiment nous écouter.
S'ils pensent que vous avez tout réglé en coulisses, j'imagine qu'ils n'ont aucune raison de nous écouter encore...
— Non, en effet.
S'ils sont persuadés que l'asso est de leur côté, en plus...
— ... En attendant, il nous faut une prise de position claire de la part de l'association. Nous avons besoin d'avoir votre soutien inconditionnel.
— Oui, sinon,
ils vont nous jeter à la porte comme des malpropres. Enfin, peut-être pas, mais ce sera tout comme.
— Bah, on peut bien faire ça pour le gamin, non ?
On n'a qu'à leur dire qu'on ne se mêlera pas de ce qu'il fait !
— ... Hmmm...
Tu sais, moi personnellement, ça me dérange pas vraiment, mais bon...
En tant que représentants du village, c'est pas facile.
Même en déclarant que nous sommes neutres, si nous acceptons ce qu'il fait, c'est tout comme si nous lui prêtions main forte.
Et ce sera un symbole assez fort.
Et puis, il nous faudrait une décision en assemblée plénière,
je ne peux pas prendre les décisions comme ça, au pied levé.
Il va nous falloir une décision du conseil d'administration, à l'unanimité...
— Mais tu sais, Pépé, la majorité du conseil est dans la salle, là, maintenant.
— ... Oui, mais c'est pas la même chose...
Hum…
— Bon, écoutez, faut arrêter de tortiller du cul pour chier droit, à un moment.
Vous avez peur de froisser quelqu'un en particulier en allant aider une Hôjô ? Vous avez peur de représailles ?
— ... ... ...
Le silence s'installa.
Nous approchions le nœud du problème, et comme par hasard, plus personne ne savait quoi dire.
— Tout le monde considère que la guerre du barrage, c'est du passé.
Vous me l'avez dit tout à l'heure.
Et vous savez aussi tous qu'il serait temps d'arrêter de mettre Satoko Hôjô à l'écart des autres.
Mais pour une raison qui m'échappe, vous ne vous décidez pas à le faire. Alors pourquoi ? Il est où le problème ?
— Je pense que tout le monde a encore peur de ce qu'il pourrait se passer si jamais il se murmurait que tel ou tel a osé se mêler des affaires des Hôjô.
— Les parents de Satoko étaient les leaders du groupe qui voulait céder les terrains, d'accord, mais Satoko, elle ne vous a rien fait.
— ... Non mais moi, j'ai rien de spécial contre la gamine,
mais bon, c'est pas le cas de tout le monde...
— Ah non, mais moi non plus, la gamine me dérange pas.
La guerre du barrage, c'est du passé, et puis, ils sont morts dans cet accident, ils ont déjà suffisamment payé, je pense...
— ... Moi, je m'en fous, hein,
mais je sais qu'il y a encore des gens qui n'arrivent pas à oublier...
— Je peux me permettre une remarque ?
Que ceux qui ont un problème avec Satoko lèvent la main !
Vous voyez ? Personne. Personne ne lui en veut, à la gamine.
Mais tout le monde a peur qu'il y ait encore quelqu'un qui se mette à murmurer dans le dos des autres et à dire des saloperies si jamais vous arrêtez de la traiter en paria.
Sauf que justement, il n'y a personne !
Plus personne ne ferait ce genre de choses !
— Non, tu peux pas dire ça.
Il y en a encore, sûrement, quelques-un en tout cas.
— Ah oui ? Alors, je veux des noms.
Ne me parlez pas de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours, je veux du concret !
Plusieurs anges très gênés passèrent.
Il devenait particulièrement évident que l'ostracisation systématique de Satoko n'était qu'une pratique stupide et archaïque qu'il convenait de laisser tomber en désuétude aussi vite que possible.
— Si ça continue comme ça, nous aurons beau faire, les services sociaux ne nous écouteront plus jamais.
Pour la bonne et simple raison qu'ils pensent que l'asso et le village sont de leur côté.
C'est pourquoi nous avons besoin que l'asso prenne position sans ambages. Parce que sinon, on ne pourra pas continuer à se battre.
— ... Kimiyoshi.
Laisse-moi deviner, tu aimerais bien obtenir l'autorisation de tu-sais-qui ?
— ... Aïe, ça fait mal, ça, Dame Rika.
Je suis un vieil homme, moi, ce n'est pas gentil de me faire ça...
Le maire eut un rire gêné.
Je n'avais pas compris ce que Rika lui avait dit, mais elle avait mis le doigt pile dessus, apparemment.
Mais c'était qui, il-sait-qui ?
C'était beaucoup trop vague !
Mais en même temps, si j'arrive à le convaincre, alors j'aurai l'asso dans la poche ? C'est une super bonne nouvelle !
— Oh merde, non...
...
...
C'est la vieille folle, c'est ça ?
— ... Le clan des Kimiyoshi pense avoir suffisamment signifié que la vieille histoire avec les Hôjô était oubliée et pardonnée.
Je pense pouvoir affirmer que le clan des Furude en pense tout autant ?
— Miaou.
Le clan des Furude, c'est moi !
Hinamizawa laissait à ses trois clans fondateurs le soin de régler les questions les plus importantes.
C'était une tradition qui perdurait depuis des centaines et des centaines d'années.
Les traditions séculaires n'étaient pas forcément de mon goût, mais bon... S'il fallait en passer par là pour obtenir une réponse et pour obtenir plus d'aide, eh bien, tant pis.
— OK, donc il ne reste plus qu'à convaincre le chef des Sonozaki ?
Je sais que c'est le clan le plus nombreux et que c'est un peu lui qui mène la danse. C'est vrai ?
Tout le monde savait que je disais la vérité, mais personne ne voulait l'admettre.
C'est uniquement en ma qualité de petit nouveau qui ne savait rien que je pouvais me permettre de le dire naïvement tout haut.
— ... Donc si nous arrivons à convaincre ta grand'mère, Mii, nous aurons enfin officiellement le support de l'association ?
— ... ... Qu'est-ce que tu en penses, Mion ?
— ... Franchement dit, je préfèrerais ne pas lui chercher des noises, à Mémé.
Mais puisqu'elle est la dernière qu'il faut convaincre, eh ben, on n'a pas le choix, de toute façon. Vous pouvez compter sur moi.
Pas parce que je suis l'héritière du clan.
Parce que je suis la chef du club dans lequel Satoko joue d'habitude, parce que je suis la déléguée de classe, et parce que Satoko est mon amie.
— Monsieur le Maire,
je veux que vous promettiez
que si j'arrive à la convaincre, l'association ne fera pas d'histoires. J'ai votre parole d'honneur ?
— Oh, ne t'en fais pas pour ça,
si les trois clans fondateurs tombent d'accord sur une décision, alors de toute manière, l'association n'a plus son mot à dire. Elle suivra la décision des trois clans fondateurs, quelle qu'elle soit.
— ... Mais alors en fait, vous avez tous peur de sa grand'mère ?
Non mais oh ? À votre âge ? Sérieux, vous n'avez pas honte ?
— Ah ouais mais non, tu la connais pas toi, c'est pour ça, tu te rends pas compte.
Quand elle se met en colère, elle fout vraiment les boules !
— Ahahahahaha, mais non, voyons.
Je la connais bien, moi, sa grand'mère, elle est très gentille.
Elle est parfois un peu rude, mais ce n'est jamais bien méchant.
Vous devriez voir Keiichi quand il se met en colère, là oui, il fait peur !
— Et toi, quand tu te mets en colère, tu fais encore plus peur, je te promets !
Mais bon, au moins, c'est plié, cette histoire.
J'ai plus qu'à convaincre la grand'mère de Mion !
Et quand ce sera fait, soyez sympa, aidez-nous, d'accord ?
Et quand je dis aidez-nous,
vous avez intérêt à sortir l'artillerie lourde !
— Ça veut dire quoi, l'artillerie lourde ?
— Nous voulons que l'association de défense d'Onigafuchi renaisse de ses cendres !
Vous n'allez quand même pas envoyer des enfants seuls contre les brigades anti-émeutes !
— Comment ça, nous aussi, on devra venir ?
Oh bah non, quand même pas, quoi...
— Mais attends, si, c'est normal !
Déjà comme ça, on passe de l'autre côté, alors quitte à devenir leurs ennemis,
autant faire les choses proprement !
— De toute façon, si nous lui offrons officiellement notre support, il va falloir se décider à agir.
On ne peut pas dire que nous sommes d'accord pour qu'il utilise notre nom, mais pas pour l'aider dans ses démarches, c'est pas logique.
— Et puis, dès l'instant où le village et l'association déclarent qu'elles le soutiennent, ce ne sera plus seulement son combat à lui tout seul.
Il y aura tous les gens des alentours à ses côtés !
Et donc forcément, c'est le Maire qui devra prendre la parole.
S'il ne le fait pas en personne, à quoi ça va ressembler, cette histoire ?
— ... Oui, bon, d'accord, j'ai compris, ça va !
Si Oryô est d'accord, eh bien, je ferai le nécessaire.
J'offrirai mon aide inconditionnelle.
Vous êtes tous témoins ? Vous êtes tous contents, ça y est ?
« OUAIS ! »
— ... Et pour la convaincre, tu comptes l'envoyer au casse-pipe tout seul ?
— Ahahahaha, aah, eh bien, euh... Raaah, c'est bon, c'est bon !
Je vous accompagnerai !
C'est vrai que Keiichi parle un peu trop... comme un jeune, quoi.
Oryô, il faut lui parler avec des mots qu'elle comprenne.
— Ben écoutez, euh...
J'en profite pour m'excuser de ce que j'ai dit ce soir, c'était pas très gentil de ma part.
— Allons, allons, c'est pas grave, voyons !
Tu n'as pas à t'excuser, de toute façon, tu n'as fait que dire la vérité.
Et puis, Hinamizawa a toujours été fier de ne pas plier face aux menaces du gouvernement,
alors c'est une bonne chose que tu nous aies remonté les bretelles !
— Je m'excuse de vous avoir frappé tout à l'heure, quand même.
Ça se fait pas, ce genre de choses.
— Non, non, c'est moi qui m'excuse, vraiment...
— Et toi aussi, Cie, merci pour ta franchise !
Tu es une bonne maîtresse d'école, tu sais.
— Mais sérieux, maintenant, il y a vraiment encore des gens qui continuent les chicanes envers les Hôjô, hein ?
— Ben... Disons que c'est surtout Oryô qu'a toujours été vachement remontée contre eux...
Sauf que Mion m'avait déjà expliqué que sa grand'mère ne lui en voulait pas, à Satoko !
Mais quelle histoire de dingue, purée !
— Éhhéhhéhhé !
Eh bien alors, Maebara, tu es sacrément doué !
Je ne pensais pas que tu te les mettrais en poche.
— Oh, mais c'est pas encore fait, vous savez.
J'ai encore la vieille grand'mère de Mion à convaincre.
— Bah, c'est vrai qu'elle règne ici un peu comme un dictateur, mais elle ne peut pas se permettre de perdre le soutien de l'association et des autres.
Si tu lui présentes ça en lui disant qu'elle est la dernière, que veux-tu qu'elle fasse ? Ils ne pourront pas se placer en contrepoids.
Tu es vraiment doué pour négocier, tu sais.
Surtout cette manière de bien les rabrouer au début, pour ensuite les porter aux nues et ensuite les emmener où tu veux, c'est très fort, ça !
— Ben, vous savez, j'ai juste fait comme mon père. Il écrit des textes, dans une colonne pour un magazine,
et c'est toujours un peu comme ça...
— Ah oui ?
Eh bien alors, Monsieur Maebara, mais c'est magnifique, ça ! Vous êtes un bon exemple pour votre fils !
Vous êtes peintre, illustrateur ? Je ne sais jamais trop.
Il faut absolument que vous me montriez vos œuvres un de ces jours !
— Oh, eh bien, ahahaha, hahahaha, aaaah, *ahem*. Aahahahaha !
OK, qu'il ne puisse pas me les montrer à moi parce que soi-disant “c'est pas de mon âge” -- genre il croit que je suis pas au courant, quoi -- bah, à la rigueur, pourquoi pas, mais il va pas me dire que c'est pas de l'âge de M. Ôishi, quand même !
Quoique... C'est peut-être plutôt parce qu'il est de la police qu'il ne veut pas... ou qu'il ne peut pas ? Je commence à me poser de plus en plus de questions sur mon père, moi...
— Bon, eh bien alors, nous nous reverrons demain soir, chez Oryô.
Il faut être réaliste, pour ce soir, il est trop tard.
Si on lui tape sur le système déjà avant de lui parler, elle refusera d'écouter même les propos les plus raisonnables...
— Alors, il y aura moi, vous,
et puis qui ?
— Oooh, je serai là aussi, je veux voir ça !
Je crois que Rena aussi veut venir, c'est ce qu'elle disait.
Si jamais Mémé devait ne pas faire oui de la tête, elle a dit qu'elle lui enfoncerait sa hache entre les yeux.
— Oooh, mais non eh, j'ai même pas dit ça !
Ouah mais l'autre, mais quelle menteuse, quoi !
— Keiichi, moi aussi je veux venir.
Je vais lui dire ses quatre vérités !
— Ah ouais ?
Ben alors OK, viens, te gêne pas !
Moi aussi je vais lui dire le fond de ma pensée !
— Je vais essayer de me libérer.
Je pense que ma présence peut influer sur les réactions qu'elle pourra se permettre.
— Ooooh, mais demain va être un jour passionnant, je le sens !
Et toi, grande sœur, comment tu le sens ? Prête à te battre contre la vieille folle ?
— ... ... Honnêtement, si tu veux prendre ma place demain, je dirai pas non...
Ahahaha......
— Alors Keiichi ? Toute cette histoire prend des proportions gigantesques, d'un seul coup, tu ne trouves pas ?
— Si, si.
La force des gens, c'est un peu comme une boule de neige. Plus tu en as, plus tu en obtiens.
Si le village entier nous suit, on pourra sauver Satoko en un rien de temps !
Après tout, ils se sont battus contre le ministre de l'urbanisme, et ils ont gagné !
Les anciens ne semblaient pas regretter de devoir remettre le couvert.
Ils se parlaient tous sur des tons enjoués des choses insensées qu'ils avaient fait à l'époque.
— ... Tu sais, je pensais que nous étions dans une impasse, mais j'ai bien l'impression que nous allons bientôt casser les murs et dégager un nouveau passage. ... Tout est différent, vraiment.
Je crois que cette fois, je vais réellement voir comment le Destin peut être repoussé et modifié du tout au tout.
Ça n'a rien à voir avec une accumulation éreintante de petits coups de chance. C'est quelque chose de... complètement différent.