Ce soir-là, il y avait une réunion des membres du comité d'organisation de la fête de la purification du coton.

Elle devait se tenir à la salle de réunion du sanctuaire Furude.

Je connaissais bien le bâtiment, mais je n'y étais jamais entré.

À l'intérieur se trouvaient de nombreuses photos et autres banderoles datant de l'époque de la guerre du barrage.

D'après Mion, cette salle était le centre névralgique des opérations pendant les affrontements.

Il y avait un énorme drapeau portant le nom de “l'association des comités de défense d'Onigafuchi”, avec plein de signatures et de commentaires, placé bien en évidence. C'était très impressionnant.

On m'avait demandé de venir, mais je sentais bien que c'était plus pour montrer aux gens à quoi ressemblait ma tête que pour autre chose.

Et puis, depuis que j'avais accepté le poste, je ne m'étais encore jamais exprimé sur le sujet.

Devant une assemblée d'environ trente personnes, mon père et moi fûmes présentés dès le début de la réunion.

Comme j'étais encore mineur, il me fallait l'accord de mes parents.

Je ne sais pas si c'était à cause des problèmes de Satoko, mais ces histoires d'autorité parentale me trottaient tellement dans la tête que j'analysai inconsciemment ma situation avec mon père.

... Je suppose que nous faisions partie des familles où tout allait plutôt bien.

C'était assez rassurant, quelque part.

Keiichi

— Bonsoir, je suis celui que vous avez tous désigné pour faire ce travail, Keiichi Maebara.

C'est ma première fois, donc je suis un peu nerveux,

mais je vais faire de mon mieux.

Homme

— Salut gamin !

C'est très bien comme ça, continue !

En voyant leurs visages souriants et en entendant tous ces applaudissements, je me rendis à nouveau compte de la place que j'avais obtenue dans ce village.

Il me fallait faire honneur à cette nomination. Ce qui n'arrangeait pas du tout ma nervosité...

Pendant que je restai debout à essayer de ne pas me faire dans le froc, le président de ceci et les autres responsables de cela vinrent me voir et me taper dans le dos en me disant de simplement me comporter comme d'habitude, que je ferais très bien l'affaire.

Papa de Keiichi

— Merci beaucoup pour votre générosité, mon idiot de fils n'en méritait sûrement pas tant.

Papa de Keiichi

Je commence à regretter d'avoir autant de travail, cela ne me permet guère de m'impliquer plus que ça dans la vie au village.

Papa de Keiichi

Mon fils Keiichi et moi-même ferons tout pour que les choses se déroulent sans anicroche. Merci de votre compréhension.

Il y eut des applaudissements nourris.

Sacré Papa. Il sait parler aux adultes comme il faut, lui.

Président

— Bon, eh bien, choisissez-vous tous une place et creusez-vous la tête sur les thèmes à aborder.

Vous avez jusqu'à 20h50.

Merci d'essayer de vous y tenir.

Le comité d'organisation était divisé en plusieurs groupes comme l'administration, l'intendance, les stands ou la cérémonie religieuse.

Les membres de chaque groupe se rassemblèrent chacun dans un coin de la salle pour discuter de leurs problèmes entre eux.

Mon père et moi devions rejoindre le groupe des activités.

Mais bon, nous étions un peu parachutés là-dessus à la dernière minute, la fête se déroulant le dimanche suivant déjà.

Nous ne savions pas de quoi les autres parlaient, alors impossible de donner notre avis.

J'eus bien du mal à me tenir simplement droit en écoutant les gens et à essayer de suivre la conversation.

Tout à la fin, il y eut une brève explication sur les ventes aux enchères. On me donna quelques consignes, puis des heures de réunions propres à notre groupe, puis d'autres petites choses encore.

Quelqu'un demanda comment je serais fringué, et je ne sus pas quoi répondre.

Je pensais que ma tenue habituelle ferait l'affaire, mais en fait, il faudrait peut-être des habits plus de circonstance.

Sauf que je n'en avais pas, moi, des habits “plus de circonstance”.

Papa de Keiichi

— Keiichi, un simple costume avec nœud-papillon devrait faire l'affaire, non ?

Keiichi

— Ah ouais, carrément ?

Je sais pas si j'oserai porter un truc pareil, moi !

Je peux pas rester dans des habits un peu plus, disons, normaux ?

Mion

— Alors, p'tit gars, ça avance ?

Mion

C'est quoi, votre histoire de costume ?

Irie

— Nous parlons de la tenue qu'il devra porter pour présenter les enchères.

Si tu n'as rien qui sorte de l'ordinaire, je verrai ce que je peux faire, si tu veux.

Papa de Keiichi

— Vraiment, vous feriez ça ?

Oh, désolé, je ne me suis pas présenté, je suis son père.

Keiichi

— Papa, ne lui demande pas de nous ramener des habits,

je peux te parier tout ce que tu veux qu'il n'a rien pour les hommes.

Un costume avec nœud-papillon, ce sera très bien, parfait.

Je mettrai ça et basta.

Si jamais je ne décidais pas de l'uniforme immédiatement, je n'avais aucune garantie de garder mon honneur intact en laissant Mion et le Chef proposer leurs idées.

... Surtout qu'elle non plus, elle ne proposerait rien pour les hommes, j'en étais intimement convaincu...

Keiichi

— Vous aussi, vous faites partie du comité d'organisation, Chef ?

Vous êtes dans quelle équipe ?

Mion

— Il fait partie de l'administration générale, mais il est surtout préposé aux soins.

Vu qu'il est médecin, on lui demande chaque année.

Irie

— Allons, je ne fais que mettre des pansements à certains enfants lorsqu'ils tombent en courant, c'est tout.

Irie

Sinon, je reste assis dans la tente principale à boire des bières.

Irie

J'ai un rôle bien moins important que le tien, Maebara !

Irie

Continue comme ça !

Keiichi

— Allez, là, vous allez me gêner, arrêtez, quoi...

Rika

— ... Quant à moi, je lui tiens compagnie autour d'une chope de thé mousseux.

Nipah☆!

Cie

— Furude, je t'ai déjà dit que tu n'avais pas le droit !

Cie

Bonsoir, Maebara.

Oh, bonsoir, Monsieur. Cela faisait longtemps.

Papa de Keiichi

— Aaaah, oui, bonjour, Madame !

J'espère que mon idiot de fils ne vous fait pas trop de misères !

Principal

— Maebara, as-tu bien tout préparé ?

J'espère que les enchères seront un succès, je m'en réjouis d'avance !

C'était bizarre de rencontrer le directeur et la maîtresse ailleurs qu'à l'école, mais ce n'était pas désagréable.

Keiichi

— Et toi, Rika, tu feras la cérémonie ?

Ce sera juste après moi, alors ? J'ai hâte de voir ça !

Mion

— C'est une cérémonie religieuse très importante.

Il faut la faire très sérieusement, c'est dur pour les nerfs.

Comment tu le sens, cette année ?

Rika

— ... C'est bon, j'ai pris le pli, à force. Ce ne sera pas un problème.

Mion

— Ah ouais ? Tu ne l'as faite qu'une seule fois, mais tu as déjà pris le pli ?

Eh ben dis donc, y en a une qu'est bien sûre d'elle !

Ôishi

— Aaah, tiens, Maebara !

Bonsoir !

Keiichi

— Ah, M. Ôishi !

Bonsoir, on vous a pas vu depuis un moment !

Ôishi

— Et alors, votre entraînement, ça avance ?

Ôishi

Éhhéhhé !

Il faudra qu'on joue ensemble, un de ces quatre.

Si vous ne touchez pas tous les jours aux tuiles, vous ne progresserez jamais !

Irie

— Tiens donc, Maebara, tu sais jouer au mah jong ?

Ôishi

— Ahaha, ah, ça oui, et comment !

Éhhéhhéhhé !

C'est un sacré joueur !

Mion

— Ahahah !

Il va falloir que notre club se mette plus sérieusement au mah jong, je crois...

Rika

— ... On va plumer tous les clubs de la région.

Hmmm, je parie que l'inspecteur s'imagine que comme je m'entraîne à réussir la plus grosse manœuvre de triche du mah jong, je suis super fort.

... Pourquoi est-ce que les gens se font des films sur moi, tout le temps ? Et pourquoi c'est tout le temps en bien ?

Irie

— Ah, au fait, Maebara,

j'ai entendu, hein, pour, tu-sais-quoi.

Keiichi

— Non, justement. C'est quoi, votre je-sais-quoi ?

Irie

— Mais si, pour demain après-midi.

Certains membres du personnel de la clinique et de la Sécurité iront vous rejoindre demain.

Mme Takano et M. Tomitake seront là aussi.

Irie

Nous ne serons pas bien nombreux, mais vous savez comme on dit, la montagne a l'air moins morne quand les arbres morts sont dispersés.

Keiichi

— Non, sans déconner ?

Mais c'est magnifique, merci !

Je n'en espérais pas tant !

Rika

— ... Irie ?

Irie

— Je suis désolé de ne rien pouvoir faire de plus direct pour sauver Satoko, mais au moins, ça me permet de faire quelque chose.

Et puis entre nous, c'est un secret, mais c'est Miyo Takano qui nous l'a proposé.

Rika

— ... C'est Takano ?

Irie

— Eeeh oui.

Elle voulait absolument faire quelque chose.

Elle avait l'air vraiment dépitée de ne pas pouvoir t'aider l'autre soir, tu sais.

Ôishi

— Aaaah, c'est à propos de ce qu'il se raconte, c'est ça ?

Tu as été porter plainte, Maebara, non ? À la tête de tout un groupe ?

Keiichi

— Ahaha, aha, ahem.

Mais du coup, je suppose que vous êtes au courant ?

Pour Satoko ?

Mion

— Oh oui, ça, il sait depuis un moment, j'imagine.

Il a des oreilles partout dans le village.

Ôishi

— Éhhéhhéhhé ! Allons, allons, c'est mon métier qui m'y amène, ce n'est pas ma faute.

Oui, j'ai entendu quelques détails sur sa situation.

Irie

— M. Ôishi... Vous en pensez quoi, vous ?

Mais oui, bien sûr, il est inspecteur de police, c'est un fonctionnaire, lui aussi !

Il connaît peut-être d'autres moyens qui pourraient la sauver, sans passer par le centre de protection de l'enfance...

Ôishi

— Hmmm...

Vous savez, à mon avis, la meilleure chose, c'est vraiment de laisser l'assistante sociale faire.

Keiichi

— Mais alors, vous pensez qu'on ne pourra pas la sauver avant qu'il ne lui arrive quelque chose ?

Ôishi

— ... Vous savez, quand les gens viennent nous voir pour ce genre d'incidents, on ne fait pas grand'chose de plus. Tout au plus, on va voir sur place ce qu'il se passe et on prévient les gens qu'il y a eu des plaintes et qu'ils feraient bien d'arrêter avec leurs conneries.

Ôishi

Mais nous ne sommes pas vraiment adaptés, ni persuasifs.

Ôishi

Quand vous voulez soigner vos dents, vous allez chez le dentiste. Quand je veux des gâteaux de riz gluant, je vais dans une boutique dont c'est la spécialité. C'est un peu comme ça que ça marche, dans la vie, vous savez.

Irie

— La police ne peut agir qu'après les faits,

mais le centre de protection de l'enfance doit pouvoir agir avant qu'il ne soit trop tard, quand même, non ? Donc ils sont mieux placés que vous, c'est ce que vous voulez dire ?

Ôishi

— Éhhéhhé...

Si la police avait le droit d'arrêter les malfaiteurs avant qu'ils n'eussent commis le moindre crime, nous mènerions la belle vie, vous pouvez me croire !

Ôishi

Mais plus sérieusement, plus un fonctionnaire a de pouvoirs et de prérogatives, plus il doit être prudent avant d'en faire usage.

On ne peut pas avoir un despote en place, vous imaginez le carnage ?

Mion

— Mais du coup, leur décision d'attendre pour mieux analyser la situation n'est pas si stupide que ça, en fait.

Rika

— ... Miaou...

Ôishi

— Personnellement, je ne pense pas qu'ils réagissent aussi mal que vous ne le pensez.

Ôishi

Sauf que vous, vous connaissez bien les relations entre Satoko et Teppei, et donc leur réaction vous paraît trop lente. C'est juste une différence de point de vue, c'est tout.

Il avait raison, quelque part.

Le centre de protection de l'enfance était persuadé de prendre une décision appropriée en restant prudent, mais d'un seul coup, un groupe de gens leur tombait dessus pour les avoiner, à peine un jour seulement après le dépôt de la première plainte. Ils devaient forcément se poser des questions...

Mais c'était cette différence qui risquait de coûter la vie à Satoko.

Mion

— Aujourd'hui, nous sommes allés leur dire que cela faisait trois jours que Satoko manquait l'école.

Je suis sûre qu'ils vont appeler là-bas pour lui demander des explications.

Rika

— ... J'espère juste qu'il ne défoulera pas sa colère sur elle en entendant ça...

Irie

— C'est difficile à dire.

Irie

Mais si elle ne devait pas aller à l'école encore demain, le centre de protection de l'enfance finira bien par trouver la situation louche.

Irie

Je pense qu'ils vont le lui faire comprendre au téléphone.

Keiichi

— Mais alors, ça veut dire qu'il y a des chances pour qu'elle revienne demain !?

Mion

— ... Ouais, c'est possible.

Mion

Teppei ne peut plus rester à Okinomiya, à cause d'un petit problème.

Mion

Il a besoin de rester chez Satoko.

Mion

Je pense qu'il n'a pas envie de trop se montrer, il veut faire profil bas, en ce moment.

Irie

— À cause d'un petit problème, tu dis ?

Ôishi

— Éhhéhhéhhé !

Oui, un petit problème, en effet.

J'ai entendu dire qu'il avait un problème avec les impôts locaux.

Ôishi

Mais je suis persuadé que mademoiselle Sonozaki ici présente sait bien mieux que moi de quoi il en retourne au juste ?

Éhhéhhéhhé !

Mion

— Alors ça, pas vraiment, non.

Je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler, Inspecteur...

Keiichi

— ... Mais ça veut dire quoi, Mion ?

Teppei aurait des raisons de vouloir se cacher chez sa nièce ?

Mion

— Ouais, ben, euh... Comment dire.

Mion

Il paraît qu'il a des problèmes d'argent un peu compliqués, et du coup, il n'ose plus se montrer à Okinomiya.

Mion

Et donc il veut se cacher et vivre tranquillos à Hinamizawa, le temps que les choses se tassent un peu.

Irie

— Pourquoi ne va-t-il pas se cacher tout seul ?

Quelle honte, enlever une petite fille sans défense pour en faire sa bonne à tout faire, c'est un monde !

Rika

— ... Je trouve que tu ne manques pas d'air, Irie, pour quelqu'un qui rêve de faire de Satoko sa soubrette personnelle.

Irie

— Ah oui mais non ! Moi, c'est pas du tout la même chose !

Irie

La soubrette est unie à son maître par de l'amour !

Irie

C'est l'amour qui est à la base de leur relation !

Irie

Bien sûr, le maître exige d'être servi et inflige des punitions sévères, mais il n'a jamais recours à la violence !

Irie

Un maître qui n'aimerait pas ses soubrettes ne serait qu'un escroc, un malfrat, un pendard !

Mion

— Euh, soyez gentil, Inspecteur, ne faites pas attention à lui.

Mion

Dites-nous plutôt si vous pensez que c'est vraiment la seule solution. Il faut vraiment s'en remettre aux décisions de l'assistante sociale ?

Ôishi

— Disons que c'est la solution la plus réaliste, surtout.

Ôishi

Il y a un ordre à respecter, c'est pareil dans tout, dans la vie.

Ôishi

Quand je veux aller pisser, d'abord je vais aux toilettes, puis je me tourne vers les chiottes et j'ouvre mon falzar.

Ôishi

Si je ne fais pas ça dans l'ordre, ou si je ne le fais pas du tout, et que je me mets à pisser, le résultat n'est pas très joli. Eh bien, c'est la même chose.

Mion

— C'est quoi vos exemples ? Non mais vous n'avez pas honte ?

Il y a des oreilles innocentes par ici !

Ôishi

— Éhhéhhéhhé ! Désolé, c'est l'habitude.

Ôishi

Il n'empêche que c'est moche, comme histoire, elle me fait de la peine, cette gamine.

J'espère pour vous que tout finira aussi bien que vous le souhaitez.

Irie

— C'est le centre de protection de l'enfance qui décidera de la marche à suivre, mais le fait d'aller se plaindre de leur inaction ne va pas à l'encontre des lois de notre pays.

Irie

Maebara, je suis intimement convaincu que ce que tu fais est juste et bon.

Irie

Ne perds pas espoir, aie confiance en ta démarche !

Je ferai tout ce que je peux pour te soutenir.

Keiichi

— Merci beaucoup, Chef.

Nous y sommes allés hier et aujourd'hui, et j'ai bien l'intention d'y retourner demain.

Je sais que c'est cette action continue qui contribuera à la sauver.

Ôishi

— Comment, trois jours de suite ?

D'après ce qu'on m'a dit tout à l'heure, vous étiez une vingtaine aujourd'hui.

Vous pensez pouvoir rassembler encore autant de monde demain ?

Mion

— Éhhéhhé !

Bah, le p'tit gars, il a de la ressource !

Rika

— ... Écoute bien ça, nous serons au moins soixante demain.

Ôishi

— Eh bien, très impressionnant !

Maebara, je parie que tu seras syndicaliste quand tu seras plus grand.

Le nôtre est plutôt mauvais, c'est dommage...

Éhhéhhéhhé !

Quelqu'un frappa très fort dans ses mains.

Je me retournai et remarquai l'heure : un peu moins de 21h.

Les discussions étaient terminées.

Chacun retourna à sa place, pour pouvoir donner au président de l'association le résultat des discussions.

Papa de Keiichi

— Tu m'impressionnes, Keiichi,

tu connais beaucoup de monde par ici.

Keiichi

— Non, il y a nettement plus de gens que je ne connais pas dans cette salle.

Papa de Keiichi

— Ah bon ?

Papa de Keiichi

Pourtant depuis tout à l'heure, ils sont nombreux à venir te voir.

Papa de Keiichi

En tout cas, bravo !

Papa de Keiichi

Et entre nous, je ne savais pas qu'ils étaient aussi gentils, ça vaut le coup de parler aux gens, de temps en temps. Il faudrait s'y mettre, nous aussi...

Keiichi

— Ouais, c'est une bonne idée.

Tu sais, à Hinamizawa, ils ont une culture du groupe et de l'entr'aide.

Je sais que t'es occupé, mais si un jour t'as du temps libre, essaie de participer un peu plus.

Papa de Keiichi

— Oui, tu as raison, je vais en parler à ta mère en rentrant.

Président

— Bien, nous en avons terminé pour aujourd'hui.

Président

La prochaine réunion sera... Ah, on a pas un truc demain soir, aussi ?

Président

Ce sera demain, alors.

Président

Et ce sera la dernière assemblée générale avant la fête, alors ne la ratez pas !

Président

Merci d'être venus ce soir !

Président

M. le secrétaire, je vous laisse terminer par le protocole.

Kiichirô

— On s'en fout du protocole, j'ai soif, moi, allons boire un coup.

Allez zou, on a fini, cassez-vous.

On se voit demain, même lieu, même heure.

Merci !

Il y eut des rires dans la salle.

Sur ces dernières paroles du maire et du secrétaire, la réunion prit fin.

Après avoir rangé les tables et les coussins, tout le monde sortit.

Nous étions encore en semaine, mais certains courageux étaient prêts à partir boire un verre en ville.

D'ailleurs, ils avaient l'air d'insister sur la présence de mon père.

Et comme mon père n'était pas employé,

il pouvait se permettre de cuver son vin, tant qu'il respectait les délais des clients...

Papa de Keiichi

— Keiichi ?

Ils veulent absolument que j'aille boire un coup avec eux, je vais les suivre.

Keiichi

— Oui, c'est compris, amuse-toi bien.

Je rentre, moi.

Je pensai rentrer tout seul, puis me dis que ça pourrait être sympa de rentrer avec Mion.Malheureusement, elle semblait être restée dans la salle de réunion, à discuter avec le maire et d'autres gens bien placés.

J'imagine que nous étions si proches de la fête qu'il fallait veiller à ne rien laisser en chantier.

Alors que je me demandais si je devais l'attendre ou pas, j'entendis l'inspecteur Ôishi m'appeler.

Ôishi

— Ça y est, tu en as fini ?

Tu es venu comment ?

Si tu es venu à pied, je peux te raccompagner.

Keiichi

— Ah, non, laissez, je suis à vélo.

Et puis, je compte attendre Mion, en fait.

Ôishi

— Je vois.

Je ne veux pas te décevoir, mais à mon avis, ça risque d'être long.

Il y a un problème avec les stands, et c'est toujours très long à régler.

Keiichi

— Avec les stands ?

Pourtant, c'est pour la fête, je ne vois pas où ils pourraient avoir des problèmes ?

Ôishi

— Allons, mais bien sûr !

Ôishi

Il faut bien décider de la nature et de l'agencement des stands, c'est très compliqué !

Ôishi

Tout le monde veut s'occuper d'un stand lucratif, les glaces ou les nouilles sautées.

Ôishi

Mais si tous les stands étaient des stands de nourriture, on s'ennuierait ferme, tu ne trouves pas ?

Ôishi

Ça se prépare longtemps à l'avance, il faut veiller à ce que les stands aient des choses différentes à proposer.

Ôishi

Mais bien sûr, lorsque le stand doit vendre quelque chose qui ne se vend pas, le gérant va se plaindre aux organisateurs.

Ôishi

Donc forcément, les organisateurs essaient d'organiser une rotation, mais bien sûr, certains vont dire qu'ils ne peuvent pas, qu'ils ne sont pas assez nombreux, d'autres vont dire qu'ils font les meilleures nouilles sautées et que ce serait mieux de les leur laisser, etcætera.

Ôishi

Sans compter ceux qui veulent un point d'eau plus proche, ou de l'électricité, ou un meilleur emplacement pour le passage, il y a à boire et à manger !

Keiichi

— ... J'imaginais pas ça aussi dur à organiser, en fait. Eh ben...

Ôishi

— Ah, mais tout est une affaire de petits réglages.

Je pense que si je te parle d'arrangements invisibles, tu vas croire que ce sont des manigances crapuleuses entre adultes, mais,

Ôishi

c'est un peu l'huile qui décoince les rouages de la société.

Ôishi

D'ailleurs, la plainte que tu as été déposer, c'est un peu la même chose.

Ni Satoko, ni Teppei ne sont au courant de ce que vous faites.

Keiichi

— Ouais, mais...

Ouais, c'est vrai, mais quand même.

Je veux dire, c'est la seule chose qu'on peut faire.

On n'a rien d'autre pour nous battre.

Ôishi

— Ah, mais je te fais pas de reproche, hein ?

Moi, à ton âge, j'aurais été voler une batte de base-ball et je serais aller le tuer dans la forêt.

Ôishi

Ahahahaha, AHHAHAHAHAHA ! Aaaaah... *ahem*

Je ne sais pas s'il n'avait rien à faire de sa peau ou quoi, mais il refusa d'aller se joindre à la troupe des buveurs et discuta avec moi pendant que j'attendais Mion.

Il n'y eut bientôt plus que nous deux et le groupe de Mion.

Si l'inspecteur n'avait pas été là, je me serais fait chier comme un rat.

Heureusement que je pouvais discuter...

La discussion se tourna bientôt vers le mah jong.

Les tactiques, la théorie, les coups bas, les astuces, les parties de sa jeunesse, un peu tout, quoi.

C'était vraiment complètement différent des conversations que je pouvais avoir avec des gens de mon âge à l'école, et c'était super intéressant.

Ça fait du bien de parler avec une autre génération de temps en temps. Ça donne une autre perspective.

Et puis, il faisait partie de la Police.

Je pouvais encore espérer l'un ou l'autre tuyau à propos de Satoko...

... Elle en met du temps à finir, Mion, quand même...

Alors que l'inspecteur écrasait sa deuxième cigarette, je finis par me dire qu'il était temps de rentrer.

Keiichi

— Bon, ben, je crois que je vais rentrer, tout doucement.

Mion a l'air d'en avoir encore pour longtemps.

Et puis demain, il faut que je sois en forme après l'école.

Ôishi

— Vous allez encore porter plainte ?

Keiichi

— Oui !

Nous avons l'intention de nous battre jusqu'à ce qu'ils changent leur décision.

La force est dans la continuité, c'est comme l'eau d'un fleuve. Et puis, c'est la seule chose que nous pouvons faire.

Ôishi

— ... Mais tu sais, je crois que les fonctionnaires ont compris le message.

Il y a une limite à tout, surtout à la provocation.

Il faut savoir quand quitter la scène.

Ôishi

Si tu en fais trop, ça va rendre les choses encore plus compliquées.

Keiichi

— Oui, je suis d'accord, mais je ne peux pas rester là à attendre qu'elle meure.

Ôishi

— Oui, bien sûr,

mais le centre de protection de l'enfance ne la laissera pas mourir non plus.

Ils la sauveront, ne t'inquiète pas.

Keiichi

— Je ne doute pas qu'il la sauveront, Inspecteur.

Je suis juste intimement persuadé qu'ils n'agiront que lorsqu'il sera trop tard, lorsqu'elle aura déjà été battue et brisée psychologiquement.

Ôishi

— ... Hmmmm...

L'inspecteur sortit une troisième cigarette de son paquet.

Bien sûr, c'était une manière de me demander de rester discuter avec lui le temps qu'il fumât cette clope.

Sauf que bon, j'avais déjà bien tapé la discute, il était tard.

Je voulais juste rentrer chez moi, me laver et me pieuter, histoire d'être frais et dispo demain matin.

Keiichi

— Bon, ben j'y vais, moi, hein ? Bonne soirée.

Ôishi

— Maebara, je...

Il y a quelque chose que je pense que tu devrais savoir.

Quelque chose dans le ton de sa voix était différent.

Il voulait me dire quelque chose d'important.

Mes pieds s'arrêtèrent dans leur course, tout naturellement.

Ôishi

— C'est rien de si spécial, c'est juste que...

Je pense vraiment que les gens du service de l'enfance ont compris le message. Vous pourriez vous épargner le voyage en ville demain, je pense.

Keiichi

— Je fais ça parce que c'est une nécessité, M. Ôishi.

Keiichi

Ils n'ont aucune idée du danger dans lequel elle se trouve.

Keiichi

Si la seule manière de leur faire ouvrir les yeux, c'est d'aller le leur crier dans les oreilles, alors nous le ferons.

Keiichi

Et je pense que si nous le faisons demain encore, cela fera encore plus impression.

Ôishi

— Oui, “offre trois visites respectueuses pour recevoir la confiance”, ça aussi c'est un vieux dicton bien nippon.

Éhhéhhé.

Ôishi

Mais tu sais, Maebara,

on dit aussi qu'à trop frapper le buisson, la vipère attaque.

Keiichi

— ... La vipère ?

Ôishi

— Ah, alors, je t'arrête tout de suite, hein, j'ai pas été payé pour venir te faire peur ou quoi.

Mes supérieurs ne m'ont pas donné l'ordre de te faire taire non plus.

Ôishi

C'est juste que bon, on joue au mah jong ensemble, ça crée des liens, alors c'est juste une mise en garde.

Une mise en garde, hein ? Je sais pas si c'est une bonne chose ou pas.

Naturellement, je me mis à froncer les sourcils.

Ôishi

— Le centre de protection de l'enfance se dit que...

Ôishi

Déjà, vous êtes venus deux jours de suite.

En plus aujourd'hui, vous étiez au moins vingt.

Ôishi

Et en plus, vu la tournure des discussions, il est clair que vous reviendrez demain encore plus nombreux. Donc, en gros, eh bien, ils commencent à avoir peur.

Keiichi

— Ouais, et alors ?

S'ils le savent, ils n'ont qu'à faire ce que je leur dis de faire, c'est pas compliqué.

Ou alors quoi, ils vont installer des barricades pour nous empêcher d'entrer ?

Ôishi

— Non, non, bien sûr que non.

Ôishi

Ils sont là pour recueillir vos plaintes,

Ôishi

ils ne peuvent pas vous empêcher de venir, même si votre avis ne leur plaît pas.

Ôishi

Ils ne vous jettront pas dehors si vous revenez,

Ôishi

ils s'y attendent, d'ailleurs.

Ôishi

C'est pourquoi ils essaient de planifier la façon d'apaiser un peu les choses avant que vous ne reveniez avec un nombre vraiment important de personnes.

Keiichi

— Mais alors...

Ils vont se dépêcher de traiter le dossier de Satoko ?

Ôishi

— Non, pas vraiment, non.

Ils ont commencé à s'arranger entre eux, en secret, pour que tu ne puisses pas faire plus.

Keiichi

— Mais qu'est-ce que ça veut dire au juste, ça ?!

Ils ont commencé à s'arranger entre eux ?

On dirait l'une de ces conspirations dans les journaux de seconde zone. Ça faisait un choc de se rendre compte que j'étais désormais lié à l'un de ces vastes tissus de conneries.

Ôishi

— Tu sais, les fonctionnaires ont des points communs avec la pègre.

Ôishi

Ils ne veulent pas passer pour des abrutis.

Ôishi

D'habitude, ils font semblant de ne pas entendre les voix des gens qui n'ont pas le même avis qu'eux, ou qui pourraient prouver qu'ils ont tort.

Ôishi

Même s'ils peuvent, en interne, admettre que quelqu'un a merdé, c'est quelque chose qui ne peut pas être admis en public.

Keiichi

— ... Ouais, parce que si jamais une personne quelconque pouvait les faire reculer, tout le monde se pointerait et exigerait la même chose, c'est ça ?

Ôishi

— C'est exactement ça.

Éhhéhhéhhé, c'est un dur métier, si les gens ne te prennent pas au sérieux, tu n'as aucun avenir.

Ôishi

C'est pourquoi ces gens-là restent à l'écoute des plaintes, mais à moins vraiment de se retrouver dans une situation exceptionnelle, ils ne changent pas leurs actions et leurs décisions d'un iota.

Ôishi

En plus, pour eux, le cas de Satoko est un cas extrêmement banal.

La personne ayant l'autorité parentale a le droit de récupérer l'enfant, c'est marqué dans la Loi, c'est Teppei qui est dans son bon droit, ici.

Ôishi

Ce n'est pas comme les cas plus épineux, dans lesquels l'un des parents divorcés va reprendre son enfant qui vit chez l'autre conjoint.

Ôishi

Ici, Teppei Hôjô est la dernière personne liée par le sang à Satoko. Il n'est pas anormal de le voir vouloir garder le contact avec le dernier membre vivant de sa famille.

Keiichi

— Oui mais non, ça ne s'applique pas à son cas.

Vous devez bien être au courant, M. Ôishi ?

Il est violent, ce type, il frappait déjà sa nièce l'année dernière, et il ne faisait pas semblant !

Ôishi

— Oui, l'année dernière.

Ôishi

Imagine-le te faire des excuses les larmes dans les yeux, la tête bien basse par terre, en te jurant qu'il ne le referait plus ? Les fonctionnaires ont bien été obligés de lui accorder le bénéfice du doute.

Ôishi

Et puis, Satoko elle-même les a assurés qu'elle n'était pas maltraitée.

Keiichi

— Oui, mais... Vous savez, l'année dernière, elle comptait toujours sur son frère pour l'aider, et il a fait une fugue. Et donc du coup, elle pense que c'est parce qu'elle le sollicitait tout le temps qu'il est parti.

Keiichi

Dans sa tête, elle se dit que si elle subit tout sans broncher, il reviendra peut-être.

Ôishi

— ... Hmmm, je vois le problème, c'est ennuyeux, en effet.

Ce n'est pas quelque chose de facile à expliquer au centre de protection.

Ôishi

Mais bon, bref, l'assistante sociale, elle, elle se demande surtout pourquoi vous êtes si hargneux avec cette histoire.

Keiichi

— Mais bon sang, c'est pas compliqué, quand même ? Teppei Hôjô est un homme dangereux et violent, si on laisse Satoko seule avec lui, il va la détruire, c'est évident ! C'est ce qu'on se tue à leur dire !

Ôishi

— Oui, mais pourquoi ça te motive tellement que ça ?

Ôishi

Je veux pas me faire vexant, mais tu es nouveau par ici, tu n'étais pas là l'année dernière.

Ôishi

Tu ne connais certainement pas très bien Teppei.

Ôishi

Et pourtant, tu le désignes comme un être extrêmement dangereux. Pourquoi ?

... ... Que voulez-vous répondre à ça ?

C'était vrai, je le connaissais pas.

Je ne savais même pas à quoi il ressemblait...

Mais je savais que ça tournerait mal.

Je le savais.

J'avais vu ce qu'il s'était passé... dans cet autre monde.

Ils s'étaient tourné les pouces.

Nous aussi.

...

...

Et il avait été trop tard pour Satoko.

Et nous l'avions amèrement regretté...

Mais je savais aussi que je ne pouvais pas décemment dire ça à M. Ôishi.

Pour mes autres amies, ma seule intuition était une justification amplement suffisante.

Mais normalement, ce genre de sentiments diffus étaient plutôt considérés d'un œil empli de mépris ou de suspicion.

Ôishi

— ... Tout à l'heure, je te parlais de la garde des enfants dans un couple divorcé.

Imagine, les deux parents portent plainte l'un contre l'autre, mais parfois, les autres membres de la famille s'en mêlent.

Ôishi

Et parmi eux, certains font des dépositions non pas dans l'intérêt des enfants, mais dans l'intérêt de l'un des conjoints, en dressant un portrait alarmant de l'adversaire.

Et la situation du dossier y ressemble.

Ôishi

Les gens du centre n'arrivent pas à définir si tu te fais réellement du souci pour Satoko, ou si tu es seulement là pour faire du tort à Teppei, parce que tu ne l'aimes pas.

Ôishi

Et comme ils ne savent pas si tu fais un témoignage en toute bonne foi ou si tu veux simplement nuire à Teppei, ils doivent être encore plus prudents dans leurs décisions.

Ôishi

Les gens ne sont pas tous aussi honnêtes et sincères que toi, Maebara.

Ôishi

Ils doivent traiter toutes les plaintes en gardant à l'esprit que ce ne sont peut-être que des mensonges.

Il faut bien que tu comprennes un peu la position dans laquelle tu les places.

Keiichi

— ... Donc si je comprends bien, je suis allé leur chercher les noises avec trop d'entrain ? Ils s'imaginent que je suis un escroc ?

Ôishi

— Non, ce n'est pas ça.

Mais dis-toi bien qu'ils vont analyser prudemment vos faits et gestes, désormais.

Ôishi

Si jamais les gens apprenaient qu'il suffit d'aller gueuler pour influencer des affaires qui ne nous concernent pas, le pays va se retrouver sens dessus dessous.

La femme nous avait montré une phrase dans le code civil, non ?

Le tribunal des instances familiales peut, à la demande de l'enfant, de sa famille ou des agents de l'État, prononcer je sais plus trop quel truc bidule chouette...

Les affaires de la famille sont réglées par le tribunal des instances familiales.

Donc une personne étrangère à la famille n'a rien à dire. Elle peut se plaindre et demander l'action des pouvoirs publics, mais c'est le tribunal qui décide, pas cette tierce personne.

Reprenons.

Dans ce cas précis, la seule famille de Satoko, c'est cet oncle.

Et si c'est l'oncle qui est le problème, la seule à pouvoir s'en plaindre, c'est Satoko elle-même.

Mais Satoko n'a pas l'intention de se plaindre.

Donc on est bloqué au même endroit, merde !

Ôishi

— Et donc les agents du centre pensent vous renvoyer tous les jours, toi et tes amis, jusqu'à ce que tu abandonnes.

Ôishi

... Et puis, ils n'ont pas que le dossier de Satoko à traiter, malheureusement.

Ôishi

Sauf qu'ils ne sont pas vraiment sûrs s'ils peuvent se permettre de t'envoyer chier ou pas.

Ôishi

Et c'est de ça dont j'aurais voulu te parler aujourd'hui.

Keiichi

— …

Ça veut dire quoi ?

J'ai du mal à suivre la logique du raisonnement.

Ôishi

— Maebara, je parie qu'aujourd'hui, toi et tes amis avez été reçus mieux qu'hier, non ?

Keiichi

— Si, on peut dire ça.

Ils nous ont fait entrer dans une grande salle de réunion, et un chef de service est venu nous parler.

Ôishi

— Je parie que tu as simplement pensé que c'était un rang au-dessus, non ?

Mais tu sais, un chef de service, dans l'administration, c'est quelqu'un de très haut placé.

Ôishi

Et il a les distinctions et les concours pour prouver sa valeur.

C'est un homme très puissant, bien plus que tu ne le penses.

Ôishi

Normalement, il n'aurait jamais dû venir vous parler.

Ôishi

Il ne s'occupe pas des gens qui viennent au guichet, ce n'est pas de son ressort, il est bien au-dessus de tout ça.

Tu dois comprendre que tu as été traité avec des égards qui étaient loin de t'être dus.

... La possibilité ne m'avait même pas effleuré l'esprit.

Je pensais que c'était normal, que c'était parce que nous étions venus à plus de vingt personnes, parce que c'était la deuxième plainte en deux jours,

parce qu'ils avaient eu peur de nous.

Ôishi

— Comme ils vous voient venir bien organisés, ils se demandent si c'est vraiment toi, leur porte-parole. Ils ont peur qu'en fait, ce soient les Sonozaki qui tirent les ficelles derrière toi.

Ôishi

Je pense que tu as bien compris que les Sonozaki avaient beaucoup d'influence dans le coin, même si tu ne vis pas ici depuis longtemps, je me trompe ?

Keiichi

— ... Disons que j'entends des choses, ouais.

Keiichi

Mais ils n'ont rien à voir là-dedans, d'ailleurs !

Keiichi

C'est notre bataille à nous, on veut sauver notre amie !

Keiichi

Mion a volontairement refusé de nous représenter, pour justement ne pas fausser les rapports.

Ôishi

— Et c'est ce que voulait savoir l'administration.

D'habitude, ta plainte aurait été ignorée purement et simplement, ajoutée au dossier par acquis de conscience, mais certainement pas lue ou prise en compte.

Ôishi

Sauf que là...

Ils se sont dit, si jamais c'est Oryô Sonozaki qui l'envoie, on est dans la merde.

Ôishi

Parce qu'Oryô, non seulement elle est très amie avec le préfet, mais en plus, elle peut ordonner de voter en masse pour un autre maire, et certains de ses fils et neveux sont très haut placés aussi.

Ôishi

Ils ne veulent surtout pas se les mettre à dos.

Keiichi

— ... Je savais qu'elle avait le bras long, mais je savais pas que c'était dans ce genre de proportions. Mais ça n'y change rien, elle n'a rien à voir avec nous !

Ôishi

— Et c'est justement pour savoir si elle se cache dans votre dos que les fonctionnaires de tout le district se sont passé le mot aujourd'hui, pour s'arranger entre eux, en secret.

Ôishi

Je parie que quelqu'un a demandé directement à Oryô Sonozaki son avis sur la question.

Ôishi

Si elle avait dit qu'elle vous soutenait, tu pouvais t'attendre à du changement dès ce soir.

Sauf qu'elle leur a dit qu'elle vous connaissait pas.

Keiichi

— ... Et donc ils ne donneront pas suite à notre plainte ?

Ôishi

— Pas seulement.

Maintenant, Oryô Sonozaki est au courant, et elle va donner ses propres ordres.

Ôishi

Elle va savoir que cette histoire fait des problèmes. Je ne sais pas si tu es au courant, mais dans ce village, il y a encore beaucoup de gens qui éprouvent de la haine envers les Hôjô, à cause de leur attitude pendant la guerre du barrage.

Ôishi

Depuis qu'ils sont morts à cause de la malédiction de la déesse Yashiro, le clan Sonozaki a donné l'ordre de ne plus jamais se mêler de leurs affaires.

Ôishi

Donc si tu continues à battre le buisson, tu vas finir par vraiment tomber sur une vipère.

Keiichi

— ... Et elle me fera quoi, cette vipère ?

Il avait l'air de savoir, mais il ne dit rien, préférant tirer une bouffée sur sa cigarette déjà à moitié consumée.

Ôishi

— Ils ne vont pas te trucider ou te couper un doigt.

Ôishi

Mais bon...

tu auras beau faire des efforts pour essayer de t'intégrer à la vie du village, comme par hasard, tu ne vas pas trop réussir. Et tu découvriras un aspect pas très glorieux de ce village.

Keiichi

— ... ... ...

Encore une fois cette vieille rivalité entre les Hôjô et les Sonozaki.

C'était une histoire un peu taboue ici, même entre nous, mais apparemment, il allait bien falloir mettre les pieds dans le plat à un moment ou à un autre.

Dans les faits, jusqu'à aujourd'hui, nous n'avions eu le soutien d'absolument aucun adulte, à part la maîtresse, le directeur et le Chef.

Pourtant, les autres habitants du village étaient forcément au courant. Et les parents d'élèves ?

Ils doivent forcément savoir que si l'on ne se dépêche pas de sortir Satoko de là, il va lui arriver malheur.

... Et pourtant, jusqu'à présent, ils font comme si de rien n'était.

Keiichi

— ... Et donc si je comprends bien, je risque de me mettre une partie du village à dos, c'est ça ?

Ôishi

— C'est une possibilité.

Que tu le veuilles ou non, Maebara, si tu fais encore du grabuge avec cette histoire, le clan des Sonozaki va devoir bouger.

Et il va clairement jouer contre les intérêts des Hôjô.

Ôishi

Si tu présentes l'affaire en disant que tout Hinamizawa veut sauver Satoko, eh bien, le clan des Sonozaki va se retrouver un peu comme un con, et Oryô va perdre la face. Ça va faire un sacré grabuge, éhhéhhéhhéhhé !

C'est là qu'enfin, mon cerveau a fait *clic*.

Ce n'était pas une mise en garde, c'était un avertissement.

Il y avait un jeune écervelé qui cherchait des noises aux gens dans le petit monde fermé de Hinamizawa, et il allait en prendre plein la figure s'il continuait avec ses conneries.

Ôishi

— Je sais que tu fais de ton mieux pour t'intégrer ici, et que tu aimes beaucoup ce village.

Ôishi

C'est pour ça que...

je me suis dit que tu allais être déçu, mais il fallait t'en parler.

Je m'excuse pour toutes les choses terribles que j'ai dites.

Il avait raison, j'aimais ce village.

Je venais de prendre une résolution, celle de repartir à zéro dans la vie, de me construire ici un nouveau bonheur.

Et j'avais la ferme intention de faire de mon mieux pendant la fête, pour faire honneur à la confiance que les gens plaçaient en moi.

... Et c'était clairement pas malin de se faire des ennemis dès le début.

Ôishi

— Je t'ai juste dit ça parce que bon, tu es un joueur de mah jong, ça crée des liens.

Ôishi

Ce n'est pas parce que mes supérieurs m'ont forcé, et ce n'est pas le centre de protection de l'enfance qui m'envoie, non plus.

Ôishi

Je ne veux pas te forcer à prendre telle ou telle décision.

Ôishi

Mais j'espère que tu tiendras compte de ce que j'ai dit avant de ne faire quoi que ce soit d'autre.

Il eut un dernier petit sourire, puis jeta sa clope à terre et écrasa le mégot avec son talon.

Quand je pense que je venais à peine de trouver la voie que je devais suivre...

J'avais vu les choses de façon étriquée, parce que j'étais encore trop jeune.

Je devais y réfléchir encore, en pensant aux adultes aussi.

... ... De sombres nuages noirs se rassemblèrent dans mon âme.

... Eh, mais attends une seconde ?

... C'est pas comme si j'étais pas prêt à faire des sacrifices.

Me dites pas que Satoko valait moins que les sourires de mes voisins, quand même ?

Je suis une flamme rouge, et je devais rester une flamme rouge.

Je devais brûler, encore et encore, sans abandonner, pour empêcher mes amies d'abandonner à leur tour.

D'ailleurs, mon rôle ne se limitait pas à ça, je devais m'assurer qu'elles s'embrasaient et que le feu se propageait aussi à d'autres personnes !

Keiichi

— ... ... ...

Ôishi

— Tiens ? Que t'arrive-t-il ?

Ôishi

Éhhéhhéhhé !

En voilà un sourire bien étrange, dis-moi !

Keiichi

— Non, je voulais juste vous dire merci de m'avoir raconté tout ça, en fait.

Keiichi

Malheureusement,

M. Ôishi, il en faudra plus pour m'intimider.

Keiichi

Même si le monde entier devait me dire d'arrêter, je continuerais à me battre pour Satoko.

Ôishi

— Même si le monde entier était contre toi ?

Eh bien, tu es bien courageux.

Keiichi

— Bah, disons que, d'accord, si vraiment c'est le monde entier qui est contre moi, c'est que quelque part, peut-être, c'est moi qui ai tort.

Keiichi

Mais j'ai parlé de cette histoire avec mes amis, nous sommes tous tombés d'accord.

Keiichi

Je ne fais pas ça parce que je me monte la tête tout seul, comme un idiot.

Keiichi

Je suis certain que ce que je fais, c'est la meilleure chose à faire.

Ôishi

— Oh, mais je te crois, je m'en rends bien compte.

Ôishi

D'habitude, les jeunes de ton âge se disent qu'il suffit de tout casser et de s'imposer par la force.

Ôishi

Mais toi, tu n'es pas comme ça, tu es calme et réfléchi.

Ôishi

Tu utilises la voie démocratique.

Ôishi

Comme le disait ce cher docteur Irie, c'est la manière juste de se battre dans une démocratie.

Keiichi

— On est bien d'accord, donc !

Keiichi

Je ne pense pas faire quelque chose de mal.

Keiichi

Je veux simplement faire tout mon possible pour aider une amie.

Keiichi

Et c'est pas parce que certaines personnes viendront me mettre la pression que je la laisserai tomber. Sinon, je ne mériterais pas de me considérer comme son ami.

Keiichi

Je pense que le rôle des amis, c'est de se donner un soutien inconditionnel,

quel que soit l'avis des autres sur la question.

Ôishi

— ... Eh ben.

C'est rare, une telle détermination à ton âge.

Si les bleus du service avaient autant de burnes que toi, le travail serait plus facile et plus agréable.

M. Ôishi semblait vraiment conquis.

En voyant son sourire espiègle, je réalisai une chose.

Il n'était pas venu pour me mettre la pression, bien au contraire.

Il était venu me remonter le moral.

Il était venu me donner des informations que lui seul possédait, pour m'aider à planifier mon prochain coup.

Je n'avais pas besoin d'avoir peur de lui ni de sa mise en garde.

Keiichi

— Parfois, un homme doit savoir avoir foi en lui-même, même quand les autres n'ont pas foi en lui.

Keiichi

Il faut bien sûr prêter une oreille attentive aux mises en garde des autres, mais parfois, même malgré ça, il faut continuer dans sa voie, sans ciller, sans dévier de sa course.

Keiichi

C'est ça, à la base, être un homme.

Ôishi

— Éhhéhhéhhéhhé !

Pour tout t'avouer, je suis exactement dans le même cas que toi.

Ôishi

Il y a cinq ans, une personne que je considérais comme mon mentor, mon frère, presque, s'est fait assassiner.

Keiichi

— Un meurtre ?

Ôishi

— Bah, l'affaire a été classée, mais...

Je ne suis pas d'accord avec les conclusions de l'enquête. Je pense qu'il y a quelqu'un derrière tout ça, un commanditaire.

Et je continue à enquêter, tout seul.

Ôishi

Tout le monde au commissariat me dit d'arrêter, que l'affaire est classée, que ça ne sert à rien.

Mais je suis comme toi, je continue.

Keiichi

— Et vous pensez pouvoir bientôt le coincer, ce commanditaire ?

Ôishi

— ... Hmmm....

Je me demande, tu sais.

Éhhéhhéhhé...

Bah, peu importe.

Le plus important, c'est de ne pas avoir peur, Maebara.

Suis la voie en laquelle tu crois.

Ôishi

Moi aussi, on me fait savoir que si je tiens à une retraite convenable, je ferais mieux de ne pas la ramener,

mais je n'ai pas l'intention de lâcher l'affaire, aaah, ça non...

Ôishi

Parfois, un homme doit agir en dépit du bon sens, juste pour prouver aux autres qu'il a raison.

Ôishi

Oh oui, alors là, je suis tout à fait d'accord !

Ôishi

Même si deux adversaires sont à une tuile du mah jong,

Ôishi

parfois, il faut continuer à jouer, à défausser des tuiles dangereuses, sans calculer !

Ôishi

Et même si la tuile jetée provoque ta perte, eh ben, tant pis, au moins, tu te seras comporté en homme !

Ôishi

Quitte à tomber au combat, autant tomber face à l'ennemi !

Keiichi

— Ouais, un vrai mec n'est pas là pour se tâter et faire des allers-retours sans savoir se décider !

Il me tendit son poing. Je lui tendis le mien et le touchai ; malgré notre génération de différence, nous étions bien des hommes taillés dans la même veine.

J'avais désormais compris que la bataille pour sauver Satoko serait ardue.

Mais j'avais la ferme intention de rester droit sur mes bottes.

Je sauverai Satoko.

C'était ma seule certitude absolue...