— Les enfants, je sais que vous êtes en train de manger, mais écoutez tous, s'il vous plaît !
Les élèves de la classe levèrent le nez, clairement surpris, se demandant ce qu'il se passait.
Je montai sur l'estrade de la maîtresse, puis frappai un grand coup sur le tableau.
Il fallait commencer très fort pour obtenir leur attention !
— Je vous empêche pas de manger, hein ? Mais écoutez quand même, c'est important.
Il faut que je vous parle de Satoko !
Lorsqu'ils surent que c'était à propos d'elle, le silence se fit dans la salle de classe.
Tout le monde savait déjà qu'elle était dans une situation peu enviable.
Tout le monde savait ce qu'elle avait enduré l'année dernière, dans quel état elle avait été. Ils savaient tous qu'elle devait être sauvée de là le plus vite possible.
Tout le monde avait envie de l'aider...
Mais personne ne savait comment faire.
— Je pense que je n'ai pas besoin de vous expliquer le problème.
Comme vous le savez tous, cela fait aujourd'hui trois jours que Satoko ne vient plus à l'école.
Trois jours que son oncle la force à vivre avec lui !
Aujourd'hui encore, il a appelé, soi-disant parce qu'elle n'est pas guérie de son coup de froid. Vous y croyez, vous ? Moi pas !
Satoko n'a même pas été une seule fois à la clinique ces trois derniers jours !
Les enfants, réfléchissez voir une seconde.
Vous connaissez beaucoup de gens qui sont malades pendant plusieurs jours mais qui ne vont pas chez le docteur qui habite juste à côté ?
— ... Ben déjà, quand on attrape froid, on n'est pas malade pendant trois jours complets, de base, donc...
— Si c'est la grippe, oui,
mais on peut pas la soigner avec des médicaments normaux, il faut des trucs que la pharmacienne ne donne que si on a un papier du docteur...
Les élèves se mirent à en parler avec agitation entre eux. C'était vrai que c'était plutôt bizarre.
Certains l'avaient déjà pensé la veille et l'avant-veille.
Mais parfois, il fallait dire les choses à voix haute pour s'en rendre compte.
C'était par là qu'il fallait commencer !
— Et maintenant, réfléchissez plus loin encore. Satoko, c'est une fille qui n'est jamais malade ! Jamais !
Elle peut manger des trucs périmés sans broncher.
Et là, elle est tout le temps dans une forme olympique, et d'un seul coup, pan, un coup de froid la cloue au lit pendant trois jours ?
Non mais les gens nous prennent pour des idiots, ou quoi ?
Il y a forcément quelqu'un
qui fait en sorte que Satoko n'aille pas à l'école !
L'école a déjà dit au service de la protection de l'enfance que ce n'était pas normal.
Mais les gens là-bas, tout ce qu'ils disent, c'est qu'ils sont en train de s'en occuper !
Quand on pose des questions pour savoir comment, ils répondent que ce sont pas nos oignons !
À votre avis, ils se font vraiment du souci pour Satoko ou pas ?
— Moi, je trouve ça pas normal !
Nous savons très bien comment Satoko était traitée par son oncle et sa tante l'année dernière.
Et puis de toute façon, Satoko vivait avec Rika !
Pourquoi il les a séparées ? Pourquoi on ne peut même plus aller lui parler ? Pourquoi même la maîtresse n'a-t-elle pas le droit de la voir ? C'est pas normal !
C'était très bien de voir Rena s'agiter comme ça, elle qui d'habitude était si calme. Grâce à ça, les autres se rendraient compte que la situation était préoccupante !
Si moi je hurle et je crie au scandale, les gens ne verront pas trop la différence d'avec mon comportement au quotidien. Mais avec Rena, nous étions sûrs d'attiser la curiosité des gens !
— Vous croyez qu'on peut se permettre de laisser faire ?
Satoko est une amie,
elle fait partie de la classe !
On partage nos journées dans la même salle, presque tous les jours, en toute saison ! On passe presque autant de temps ici qu'avec notre famille, à la maison !
On étudie ensemble, on joue ensemble, on mange ensemble, et parfois même on se bat ensemble !
Ce n'est pas comme la famille, mais c'est important aussi, non ?
Vous croyez qu'il vaut mieux attendre qu'elle se fasse tuer ?
Vous voulez qu'on attende jusqu'à ce qu'il soit trop tard ?
Non,
je pense bien que non !
Nous devons aider Satoko !
La classe se mit à bourdonner avec les murmures agités des élèves.
Plus ça allait, plus ils murmuraient fort, jusqu'à parler vraiment à voix haute, crier, presque.
Et dans ces conditions, il était facile de les prendre par les sentiments !
— Nous, au club, on a déjà commencé à nous activer.
On a cherché ce qu'on pourrait faire pour elle, et on l'a fait !
Tomita, tu sais ce qu'on a fait ?
— Euh, non ?
Je vois pas trop...
— Bon, alors on va commencer par vous expliquer le plan, d'accord ?
N'ayez pas peur, hein, on va pas faire des trucs de voyous.
Au contraire, on va suivre les lois !
Parce que dans la vie, il y a des méthodes pour tout, c'est ce qui marche le mieux !
Les attaques secrètes, c'est bien quand on veut surprendre l'ennemi, mais ça fonctionne pas toujours !
Alors que si on prend la bonne méthode, on arrive toujours à gagner !
— Ouais, c'est comme au karaté, le coup le plus puissant, ben c'est le coup de poing droit devant soi, le truc qu'on fait à la première leçon.
C'est simple, ça va tout droit, ça fait pas de chichis. Les champions des sports de combat se battent toujours avec ce genre d'attaques courtes et rapides.
— Et puis, on fait quelque chose de juste !
On va pas aller aider Satoko en cachette, comme des voleurs, quand même ?
On n'a qu'à y aller tout droit, en plein jour, et on les fera tomber !
— Comment ça, tomber ? Vous voulez qu'on aille se battre contre quelqu'un ?
— Aha, bonne question, Okamura, très bonne question !
Oui, on va se battre,
mais attention, pas avec les poings !
On va suivre les règles.
Ce sera une bataille juste et loyale !
Mais bon, ça vous explique pas ce qu'on doit faire, tout ça.
Alors on reprend depuis le début.
On a Satoko.
Elle est retenue prisonnière chez elle par son oncle.
Les gens de SOS enfants battus ont dit qu'avant-hier, elle n'avait pas de trace de coups sur elle, mais ça veut pas dire que c'est pas arrivé hier, ou aujourd'hui d'ailleurs !
Et puis d'abord, c'est interdit d'empêcher un enfant d'aller à l'école !
Regardez !
C'est marqué là, c'est un dépliant qu'on a trouvé au centre de protection de l'enfance !
Regardez, c'est marqué là,
“interdire l'enfant d'aller à l'école, c'est une forme de mauvais traitements” !
Et en plus, l'oncle avait laissé Satoko toute seule pendant un an, sans lui dire où il était !
Ça, ça s'appelle de la “négligence” !
Et c'est dans la liste des mauvais traitements !
Mais avant-hier, comme par hasard, les gens du centre ont fait comme s'ils ne savaient pas, ou bien alors ils n'ont rien remarqué.
Ils lui ont pardonné pour être parti toute une année, et ils ont dit que si Satoko n'était pas allée à l'école, c'était vraiment à cause de son coup de froid ! Ils ont cru son oncle sur parole !
Et comme elle n'avait pas de bleus partout, ils ont dit qu'il n'y avait pas de problème et pas de danger, alors ils ont dit qu'ils attendraient avant de prendre une décision !
Alors je vous le demande, vous en pensez quoi, vous ?
— Maebara !
Ça paraît évident, c'est de la maltraitance !
Même si elle n'a pas été frappée, ça ne signifie pas qu'elle n'est pas victime de mauvais traitements de la part de son oncle !
— Je suis d'accord aussi !
Mais pourquoi est-ce qu'ils n'ont pas reconnu la situation comme telle ?
— Eh ben, si on en croit l'avis d'une tante à Mion qui travaille un peu dans ce milieu-là, il faut plus que quelques jours pour vraiment définir si ce sont des trucs passagers ou vraiment des mauvais traitements systématiques.
D'habitude, il faut constater les mêmes actes problématiques sur des périodes ininterrompues de plusieurs mois, voire des années.
Il faut être très prudent dans les décisions, hein ?
Vous en pensez quoi ?
Vous pensez que c'est une décision sage et prudente que de dire “Ah ben laissons-la dans sa merde pendant plusieurs mois pour voir ?”
— Non, c'est n'importe quoi !
C'est de l'inconscience !
— Exactement, c'est d'une stupidité sans nom !
Les services de protection de l'enfance n'ont pas compris que Satoko était en grand danger.
Ils n'ont pas une image claire de ce qu'elle a vécu l'année dernière !
C'est pour ça qu'ils ont décidé de se laisser du temps !
Mais dans ces cas-là, Tomita, à ton avis, qu'est-ce qu'on doit faire ?
— ...
Eh bien, le problème, c'est que les fonctionnaires ne se rendent pas compte du problème, n'est-ce pas ?
Alors il faut que quelqu'un qui sait mieux qu'eux ce qu'il se passe aille leur expliquer !
— Exact.
Les gens du service de protection de l'enfance veulent prendre des décisions mûrement réfléchies, ça peut paraître sage, en effet.
Mais ce n'est pas la meilleure chose à faire dans le cas de Satoko !
Son oncle la frappait déjà l'année dernière !
Elle payait les pots cassés pour toutes les disputes avec sa femme !
Et en plus, quand celle-là est morte, il a disparu sans crier gare et l'a laissée se débrouiller toute seule !
— Et le pire,
c'est qu'on sait ce qu'il a fait pendant tout ce temps. Il s'est invité chez l'une de ses maîtresses à Okinomiya.
Et qu'est-ce qu'elle devenait, Satoko ?
Elle a eu de la chance, Rika lui a proposé de venir vivre avec elle.
Mais si Rika n'avait pas été là ?
Elle aurait dû vivre toute seule, à la rue !
— Et ça va encore plus loin.
La seule raison pour laquelle il est revenu à Hinamizawa, c'est parce que sa maîtresse a disparu.
Donc lui s'est fait jeter dehors, en fait.
Et là, seulement, il est rentré à Hinamizawa. La première chose qu'il a faite, c'est aller chercher Satoko et la ramener de force à la maison, et vous savez pourquoi ?
On sait par les voisins que Satoko lave du linge tous les jours.
Donc elle est trop malade pour aller à l'école, mais pas assez pour ne pas s'occuper de lui ?
Il l'a ramenée avec lui pour qu'elle s'occupe du ménage et de la cuisine, c'est tout !
— On ne peut pas accepter ça ! Elle n'est pas une esclave, quand même ?
Il y a quelqu'un ici qui pense que l'oncle se comporte comme un bon parent devrait le faire ? Quelqu'un ici pense qu'il serait fier d'avoir un père comme lui ?
— Non !
Bien sûr que non !
— Exactement, c'est pas un comportement digne d'un parent !
Mais les instances officielles, elles disent que si, c'est lui qui a l'autorité parentale !
Et que pour la lui enlever, il faudrait passer au tribunal, devant le juge des enfants !
Mais ils croient quoi, qu'on a besoin de quelqu'un pour savoir qui sont nos parents ?
On n'a pas besoin du tribunal,
il suffit d'un peu de bon sens !
Ça ne fait pas un pli,
ce n'est pas le père de Satoko, point barre !
Et il va falloir que le centre de protection de l'enfance s'enfonce ça dans leur petit crâne de piaf !
— La seule instance officielle qui est capable de sauver Satoko avant qu'elle ne se fasse tabasser par son oncle, c'est le centre de protection de l'enfance.
La Police ne peut pas intervenir tant qu'il ne s'est rien passé de grave !
Vous voulez attendre qu'elle se fasse tuer, vous ?
— Nous, on veut pas !
Alors nous nous sommes directement élevés contre ça !
Nous sommes allés hier à Okinomiya, au centre de protection de l'enfance, pour porter plainte !
Voilà ce qu'ils ont écrit : “Dossier Satoko Hôjô, dépôt de plainte, 5 personnes”.
Vous savez ce que ça veut dire ?
Que 5 personnes, c'est pas assez pour les intéresser !
C'est pourquoi nous avons besoin de votre aide !
Alors n'hésitez pas, parce que c'est pas tous les jours que vous pourrez sauver un ami simplement en faisant acte de présence.
Si vous ne le faites pas maintenant, j'espère que vous aurez honte toute votre vie !
Vous n'avez rien à faire de spécial, je vous demande juste d'être debout derrière moi !
Je serai devant et les autres membres du club vous montreront où aller, c'est tout !
Restez simplement en retrait.
Et si c'est pas assez pour vous, vous n'aurez qu'à crier votre mécontentement.
Il faut leur montrer de quoi vous êtes capables !
— Maeb... Maebara,
qu'est-ce que c'est que ce vacarme ?
Soudain, la porte s'ouvrit et la maîtresse apparut dans l'embrasure de la porte.
Alors qu'elle s'apprêtait à entrer pour demander aux élèves de se calmer, une main se posa sur son épaule.
— Monsieur le Directeur !
— Mademoiselle Cie,
j'aurais besoin de vos services, j'aimerais boire du thé, mais voyez-vous, à mon âge, je tremble de partout...
Vous pourriez vous en occuper ?
L'excuse était clairement bidon ; c'était simplement un signal fort de son soutien quant à l'action des élèves.
— ... Vous êtes sûr ?
Il y a de très jeunes élèves dans la classe.
Si jamais il propose d'aller investir les locaux du centre de protection de l'enfance, il me faudra justifier de la situation aux parents d'élèves...
— ... Cie.
— Non mais dis donc, Furude, tu pourrais me parler sur un autre ton ! Nous n'avons pas été faire des cabanes ensemble dans la forêt !
— Ils essaient tous de faire quelque chose pour Satoko.
... Je suis trop faible pour la sauver toute seule, j'ai besoin de leur aide.
Par contre, te casser les deux jambes, ça, je saurais faire toute seule, comme une grande. Alors je te préviens, t'avise pas de les en empêcher.
La maîtresse regarda Rika avec des yeux ronds, outrée et estomaquée. La surprise et la fascination semblaient se relayer dans son regard.
Comment une petite fille pouvait-elle avoir des traits aussi menaçants ?
— Pourquoi voudrait-elle les empêcher de le faire ?
— Monsieur le Directeur !
— Qu'ils fassent donc ! Il faut que jeunesse se passe.
Si jamais cela crée des problèmes,
moi, Kaieda, j'en prendrai l'entière responsabilité !
Le directeur bomba le torse et le frappa du poing.
La maîtresse sembla sur le point de dire quelque chose, puis décida de laisser faire.
— Comme vous voudrez.
Faites juste attention à ce qu'il n'y ait pas de blessés.
Restez polis et respectueux de la loi !
Vous me le promettez ?
— ... Merci. Merci du fond du cœur, à tous les deux...
— Mademoiselle Cie, j'admire votre ouverture d'esprit.
— Quand je pense qu'à mon âge, mes élèves me donnent encore des leçons...
... Bien,
j'ai pris ma décision.
Mes élèves sont un peu mes enfants.
Et une mère se doit de défendre sa fille !
— Bon, écoutez-moi tous !
Après l'école, rentrez tous le plus vite possible et prenez vos vélos ! On se retrouve tous à la biblothèque d'Okinomiya, près de la gare !
Le centre de protection de l'enfance est au rez-de-chaussée !
— Compris !
— Attendez !
— Maîtresse ?
— Vous n'allez quand même pas nous interdire d'y aller ?
— Bien sûr que non.
Mais si vous me promettez de bien respecter les règles de la société,
alors je me battrai à vos côtés !
— OUAIIIIIIIS !
— Et je vais venir avec vous pour bien vérifier que vous restez sages et polis !
C'est compris ?
— OUAIIIIIIIIIIIIIIS !
Parfait ! Parfait !
Ça y est, c'est parti, ça s'annonce chaud bouillant !
À peine la classe terminée, les élèves partirent à toute vitesse à la maison.
Je pensais que certains ne pourraient pas venir, pour une raison ou pour une autre -- aider à la maison, par exemple -- mais une fois arrivé à Okinomiya, je pus constater qu'il ne manquait personne à l'appel.
C'était formidable.
Et le mieux, c'est que la maîtresse était avec nous.
Pour être honnête, même si notre manière de faire était la bonne, je me sentais un peu effronté à organiser un truc pareil.
Mais comme la maîtresse nous avait donné son accord, maintenant, j'étais confiant dans ma démarche !
— M. Maebara, veuillez vous rendre au guichet...
— Oui, bonjour, c'est moi.
— ... Euh... Pourquoi êtes-vous revenu aujourd'hui ?
— C'est marqué sur la feuille, je vous signale.
Je désire faire appel de votre décision dans le dossier de Satoko Hôjô. Vous ne saisissez pas l'urgence de la situation.
— Et... Vous êtes combien ?
Qui sont tous ces gens avec vous ?
— Nous sommes les élèves de sa classe. Notre maîtresse est venue, elle aussi. En tout, nous sommes 27 personnes.
— Vous savez... Les salles ne sont pas très grandes.
Vous ne pourriez pas désigner des représentants ?
— Vous devez quand même bien avoir une salle de réunion ou une salle de réception, non ?
C'est à vous d'accueillir le public, quand même.
— ... Ermmm, eh bien... Attendez un instant, je vais voir ce que nous pouvons faire...
La femme avait l'air assez secouée.
Elle me fit signe d'aller me rasseoir dans le hall d'attente, souriant nerveusement, puis se mit à appeler d'autres collègues.
— ... Eh bé, t'y vas pas de main morte, Rena.
J'y connais un rayon quand il s'agit de menacer des gens, mais là, je suis impressionnée.
— Hau, je suis pas sûre que ce soit une bonne chose, tu sais...
Rena était douée pour lire les gens et deviner leur état d'esprit.
Ce qui était parfait quand c'est votre amie, car vous pouviez être sûr qu'elle trouverait toujours les mots pour vous réconforter. Mais quand c'était votre adversaire...
L'atmosphère se mit à changer du tout au tout dans le bureau.
J'imaginais bien qu'ils n'avaient jamais vu autant de gens ici pour venir soutenir la même personne.
— Bonjour, je suis le chef de service des cas préoccupants, je m'appelle Harayama.
Je vous en prie, entrez, installez-vous.
— Je suis désolée de vous faire déranger, j'imagine que vous êtes occupé par d'autres dossiers.
Je suis Madame Cie, maîtresse de l'école de Hinamizawa.
Nous avons quelque chose à vous dire.
Comme nous étions forts de cinq fois plus d'effectifs qu'hier et qu'une fonctionnaire de l'éducation était avec nous, nous avions droit à plus de considération.
Comme Rena l'avait exigé, nous étions dans une salle de réunion, un peu plus grande que notre salle de classe. Nous avions tous de quoi nous asseoir.
De plus, nous étions reçus non pas par un simple agent, mais par plusieurs personnes, dont un chef de service.
— Eh bien, je vais maintenant laisser la parole à notre représentant, l'élève Maebara.
La maîtresse se tut et partit s'asseoir tout au fond de la salle.
Elle n'était là que pour nous accompagner.
Ce combat, c'était à nous de le mener.
C'était rassurant de savoir que Madame Cie nous soutenait, mais je n'en demandais pas plus !
— Bonjour, je m'appelle Keiichi Maebara,
et je représente la voix de toutes les personnes ici présentes.
— Eh bien, mes services m'ont informé que vous étiez venus hier avec quatre autres amis pour nous donner de précieuses informations quant à Satoko Hôjô.
De quoi souhaitez-vous donc m'entretenir aujourd'hui ?
Je ne pensais pas qu'il prendrait la parole avant moi.
C'est un plan pour me déstabiliser ou quoi ?
— ... Je n'aime pas sa façon vague de parler.
Il dit ça comme s'il pensait que nous étions simplement là pour lui faire perdre du temps...
— Mon cœur,
il faut lui dire fermement pourquoi nous sommes revenus aujourd'hui, et bien lui faire comprendre que c'est lui qui est en tort.
Heureusement que mes stratèges étaient là pour analyser les mouvements ennemis.
Heh, on dirait un sommet international, avec toutes les délégations...
... Mais sans rire, c'était vraiment une sorte de rencontre au sommet.
Je représente la classe entière. Je devais rester poli, mais bien faire passer mon message !
— Bon, je crois que je sais comment attaquer.
P'tit gars, présente un peu ça comme ça.
Il faudrait commencer léger, et ensuite...
Mion avait une idée d'attaque.
Heureusement qu'elle était là, je me doutais bien qu'elle essaierait de m'aider là-dessus.
Puisqu'elle était aussi fragile, je n'avais qu'à prendre les coups moi,
pendant qu'elle menait l'attaque !
Je pris une profonde inspiration et fis le tri dans les informations données par mes armées. Puis je pris ma voix la plus calme et posée que je me connaissais.
— J'aimerais tout d'abord vérifier un point qui me semble essentiel.
Nous sommes surtout venus aujourd'hui pour voir si vous aviez compris le message que nous vous avions fait passer hier.
Je suis désolé de vous poser la question, mais il nous faut savoir si vous savez ce qui a été dit hier.
Pas la peine d'entrer dans les détails, dites-m'en simplement l'essentiel.
Il y eut un silence parfait d'environ une seconde.
Ce n'était qu'un instant, mais dans cette situation, cet instant en disait long.
Je pus voir le visage du chef de service devenir de plus en plus froid et distant.
Il pensait faire plaisir à une classe pour un cours d'éducation civique, mais il se rendait compte qu'en fait, il devait réellement faire face à un groupe qui avait de sérieuses doléances à lui présenter...
— ...Je suis au courant de la plainte que vous avez déposée, dans laquelle vous nous avez affirmé que Satoko Hôjô était dans une situation précaire et dangereuse.
Et il me semble que lors du dépôt de la plainte, notre employée vous a signifé que nous travaillions activement à trouver une solution.
— Et donc vous pensez sincèrement que même en sachant que Teppei Hôjô battait sa nièce déjà l'année dernière, il est tout à fait normal de lui laisser la garde de l'enfant ?
— Sans vouloir vous manquer de respect, rien dans le dossier ne nous indique que Teppei Hôjô ait jamais battu sa nièce.
Des murmures stupéfaits parcoururent la salle, montant crescendo.
— PARDON ?
Mais vous avez fait quoi pendant votre enquête l'année dernière, vous avez bu ?
Lui et sa femme battaient leurs deux enfants adoptés !
Ne me dites pas que vous n'étiez pas au courant ?!
— ... Normalement, je ne devrais pas vous répondre, car ces éléments du dossier sont confidentiels, mais je suppose qu'il faudra faire une entorse au règlement.
Nous avons plusieurs fois l'année dernière pu constater des problèmes entre Satoko et sa tante Tamae -- qui, d'après le voisinage, criait parfois comme une hystérique.
Mais ni notre enquête personnelle, ni l'enquête auprès des voisins n'ont jamais cité ni mentionné le nom de Teppei Hôjô.
— Ce qui signifie simplement que les mauvais traitements de sa tante étaient les plus évidents.
Cela ne prouve en rien que Teppei n'a jamais frappé sa nièce.
— ... Certes. Et donc, vous pensez qu'il est possible que Teppei battait sa nièce déjà à cette époque ?
Le chef jeta un regard en arrière, vers l'autre employée. Celle-ci lui rendit un regard un peu stupéfait, puis prit un stylo pour noter l'information.
— Vous voyez ? C'est pour ÇA que nous sommes venus.
Vous n'avez pas saisi correctement quelle était la situation de l'enfant.
Si vous aviez la moindre idée de la réalité de ce que Satoko endure tous les jours, vous l'auriez déjà prise sous votre protection.
— Je commence à comprendre.
Il va nous falloir revoir notre jugement sur Teppei Hôjô.
— Nous en avons déjà parlé hier, mais je vous rappelle qu'il a délaissé sa nièce pendant un an, c'est de la négligence.
Nous n'avons pas obtenu de réponse à ce sujet hier. Que pensez-vous de cet état de fait ?
— Bien sûr, nous sommes au courant, et nous lui avons d'ailleurs posé la question.
— Et que vous a-t-il répondu ?
Oui, je sais, c'est confidentiel, mais c'était sûrement une très bonne réponse, si elle vous a convaincu ?
— Non, parce que je dois dire que je serais curieuse de voir si vous avez réellement osé écrire dans le dossier que squatter chez une maîtresse pendant un an était une raison valable pour négliger un mineur de moins de 15 ans !
— Mais non, voyo-- que dites-vous ?
Je lis dans le dossier qu'il est parti à contre-cœur travailler à l'étranger pour gagner de quoi subvenir aux besoins de sa nièce. Je n'ai jamais entendu dire qu'il vivait à Okinomiya ?
Bon sang, mais c'est pas vrai,
ils ont cru à un bobard aussi énorme ?
— Alors vous ne savez peut-être pas non plus que Satoko manque l'école pour le troisième jour de suite.
Apparemment, c'est un rhume ou un coup de froid. La clinique Irie se trouve très proche de chez eux, or elle n'y a pas été, pas une seule fois en trois jours. Le docteur n'a pas non plus été appelé à son chevet. Vous trouvez ça normal ?
Vous laisseriez un enfant au lit pendant trois jours avec de la fièvre, sans essayer de savoir ce que c'est au juste ?
— Non, nous savons qu'elle a manqué le premier jour, mais pas trois, c'est la première fois que j'entends ça.
Mais rassurez-vous, nous avons demandé à la principale intéressée si elle était victime de violences, elle nous a assuré du contraire.
Elle nous a aussi affirmé qu'elle désirait réellement continuer à vivre avec son oncle, et...
— Alors si elle vous dit qu'elle n'est pas battue, cela devient automatiquement vrai ?
— Eh bien, c'est justement cette question à laquelle il est très difficile de répondre.
Parce que vous savez, c'est très important de demander l'avis de l'enfant concerné.
Il arrive souvent que l'enfant se sente maltraité même lorsque les parents ne sont pas méchants ni violents avec lui.
— Et donc tant qu'elle ne vous appellera pas en vous disant qu'elle a besoin de votre aide parce que son oncle la bat, vous comptez rester ici à ne rien faire ?
— Non,
nous n'irons pas jusque-là, voyons.
Il est bien évident que lorsque nous verrons que réellement, la santé ou l'intégrité physique de l'enfant est en danger, nous interviendrons.
Mais d'après nos critères, je ne pense pas que Satoko Hôjô soit dans une situation de danger.
Elle n'est pas dans une situation de danger.
Voilà comment ils ont résumé le dossier.
Évidemment, ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase ; les réactions des autres ne se firent pas attendre.
— Eh ben mon cochon, tu manques pas d'air !
Comment vous pouvez déduire une ineptie pareille ?
— Pour entrer dans les détails, disons que d'une part, elle ne porte pas de traces visibles de violences, et que d'autre part, elle nie les faits.
Et puis, n'oubliez pas que ses trois droits fondamentaux sont assurés -- elle a un toit, des vêtements et des repas.
Objectivement parlant, il n'y a rien qui permette d'affirmer que Teppei Hôjô ne remplit pas son rôle en tant que tuteur de l'enfant.
Ni lui ni sa nièce ne se plaignent de la situation.
Effectivement, il nous semble important de demander à Teppei Hôjô de s'expliquer sur son absence, mais pour l'instant, et je sais que je vais vous décevoir,
eh bien, pour être honnête, je vous trouve un peu paranoïdes. Vous interprétez tout de façon très exagérée, j'ai l'impression.
— Ah ouais, CARRÉMENT ?!
— ... Chhhh, calme-toi, Keiichi.
Observe bien ce qu'il se passe.
— Comment ça se fait ? Comment ils font pour être aussi calmes ?
— Hmmm...
Je pense que le problème, c'est qu'ils sont persuadés que nous sommes obnubilés par ce qu'il s'est passé l'année dernière.
Hmmm, je vois.
Ils ne se soucient pas de l'année dernière, ils considèrent cette année en soi.
... Donc en fait, eux considèrent que l'avis de l'enfant est le facteur le plus important à prendre en considération.
— Teppei Hôjô a déclaré regretter les difficultés qu'il a imposées à sa nièce,
et aussi vouloir la couvrir de tout son amour.
*BAMMM*
Un bruit formidable retentit dans la salle.
Quelqu'un avait frappé sur une table.
Tout le monde rentra la tête dans les épaules, puis se regarda avec de grands yeux.
Qui avait fait ça ? Shion, je parie...
... Ah, non. C'était Rena. Et elle n'avait vraiment pas l'air commode.
J'avais ma vessie et mon sphincter sous contrôle, mais il fallait beaucoup de courage pour la regarder dans les yeux.
— Le mieux pour un enfant est de grandir auprès de ses parents.
Certaines choses ne se développent et ne se transmettent que par l'amour filial.
D'après nos renseignements, Satoko a vécu toute une année avec une autre personne mineure, sans pouvoir bénéficier ni de la présence, ni de la protection d'un adulte.
C'est une grande perte pour elle, surtout pour sa croissance intellectuelle.
Vous vous imaginez sûrement qu'elle est plus heureuse en vivant avec une amie, mais vous n'en savez rien. Pourquoi ne voulez-vous pas lui donner une deuxième chance de tisser des liens familiaux étroits avec son oncle ?
— Mais, rassurez-moi, là, vous avez écouté ce qu'on vient de vous dire, ou pas ?
— Donc si je comprends bien, tant que Satoko ne vous lancera pas d'appel de détresse, vous n'avez ni l'intention de vous bouger le cul, ni l'intention d'écouter ce que d'autres personnes auraient à dire ?
Alors mettez-vous à sa place, elle est retenue prisonnière là-bas, comment pourrait-elle vous demander de l'aide ?
Son oncle la surveille, elle ne peut pas sortir et il l'empêche de téléphoner !
Vous feriez comment, à sa place ?!
C'est bien parce qu'elle court un grave danger mais qu'elle ne peut rien dire que nous venons vous avertir à sa place !
Tu peux quand même pas décider arbitrairement de refuser de nous écouter, couillon de la lune !
— Mais non, ce n'est pas ce que nous disons !
Loin de moi l'idée de vouloir me moquer de votre attitude, vous êtes plus de vingt à avoir fait le déplacement car vous vous faites du souci, j'imagine.
Nous prendrons vos dires d'aujourd'hui en considération pour adapter au mieux notre réponse à ses problèmes...
— Oui, mais quand allez-vous décider de la réponse à apporter à la situation ?
QUI peut venir nous assurer que d'ici à ce que décision soit prise, Satoko ne risque rien ?
— Si quelque chose devait lui arriver, tu en prendras l'entière responsabilité et en supporteras les conséquences, donc ?
— J'te préviens, sale connard, si jamais elle n'a ne serait-ce qu'un seul bleu,
tu regretteras d'être né !
— Shion, il suffit ! Je veux bien pardonner certains écarts de langage, mais il y a des limites !
— Et donc, Monsieur ?
Pourrait-on avoir ne serait-ce qu'une vague idée du calendrier des décisions ?
— Ouais, c'est vrai, quoi !
C'est bien beau d'étudier le problème pour trouver une solution, mais il ne faudrait pas non plus y aller trop pépère !
— Comme je vous l'ai dit, il nous incombe de prendre des décisions très prudentes et réfléchies à son sujet.
Il nous faudra bien sûr retourner les voir pour les aider à développer une relation saine entre père et fil--
pardon, non, entre oncle et nièce.
Pensez à elle, c'est pour son bien. Ne pourriez-vous pas faire un effort et simplement regarder comment ils se débrouillent ?
J'aimerais beaucoup vous faire comprendre un peu aussi notre vision du problème.
— ... Elle crève les yeux, votre vision du problème. Nous sommes venus vous informer de l'urgence de la situation, à quoi vous nous répondez qu'il n'y a rien d'anormal et qu'elle n'est pas en danger. Vous ne ferez strictement rien. C'est bien ça qu'il nous en faut conclure ?
Ce n'est qu'en entendant la remarque cinglante de Rena que je réalisai comment ses formules vagues et circonvolutionnées nous avaient tous menés en bateau.
Leur réticence à agir vite était en soi une réponse très claire :
ils nous disaient d'aller nous faire foutre.
— Soyez assurés que nous avons compris votre message, il nous faut inférer la possibilité que la situation soit moins bonne que nous le pensons.
Mais c'est justement pour cela que nous aimerions avoir la liberté de juger par nous-mêmes de la situation, sans pression extérieure.
Et si j'osais, j'aimerais aussi vous demander d'en arrêter là pour aujourd'hui...
À première vue, cela passait pour une position conciliante, mais en fait, ils annonçaient plus ou moins qu'il n'avaient pas l'intention de réviser leur jugement.
Ils ne voulaient faire absolument aucune concession.
En même temps, ils sont fonctionnaires.
Ils ont des droits et des pouvoirs qui, réellement, peuvent avoir une forte incidence sur la vie de Satoko.
On pourrait croire que la prudence est une position un peu peureuse, mais elle n'est pas aussi mauvaise que ça. Au moins, ils prennent leur rôle au sérieux.
Mais Satoko était dans une situation trop dangereuse pour pouvoir se prendre le temps de la réflexion.
... Nous pouvions voir le résultat,
car malheureusement, nous savions à quoi nous attendre.
Nous pouvions très bien imaginer Satoko craquant complètement pour une raison ou pour une autre, à cause des coups de son oncle.
Et nous savions que ce scénario-catastrophe allait se réaliser, dans à peine quelques jours.
Il me fallait absolument sauver Satoko sans recourir au meurtre, mais j'avais complètement oublié qu'il y avait une date limite !
Je n'avais pas droit à l'erreur, et je ne comptais pas en faire !
Il me fallait attaquer, attaquer et attaquer encore !
— Maebara ?
Est-ce que tu as dit tout ce que tu avais à dire ?
— ... Oui...
— Eh bien alors, nous allons en rester là.
Je vous suis infiniment reconnaissante de nous avoir rencontrés aujourd'hui.
Allez, les enfants, levez-vous.
Déléguée, faites saluer !
« Merci beaucoup ! »
— Non, je vous en prie, c'est moi qui vous remercie. Votre vision du problème nous sera d'un grand secours.
— Bon, ben écoutez, merci les gensses !
Faites attention à vous sur le retour, hein ?
Après être tout d'abord revenus à Hinamizawa, nous décidâmes d'en rester là pour le moment.
En tant que déléguée de classe, Mion donna l'ordre de nous disperser, comme si nous étions encore à l'école.
Sauf que les élèves n'avaient pas trop envie. Ils se mirent à discuter avec excitation de ce qu'il s'était passé aujourd'hui.
Comme nous étions rentrés de la ville à vélo, ils n'avaient pas eu le loisir de discuter sur le chemin du retour.
C'est pourquoi les conversations se mirent à fuser seulement lorsqu'ils eurent enfin mis pied à terre.
— Je crois surtout que c'est la première fois de leur vie
qu'ils font quelque chose d'aussi important en se serrant les coudes comme ça. C'est un peu comme s'ils faisaient la guerre, eux aussi.
— Aah, je vois. Tu veux dire qu'ils se sentent un peu comme leurs parents lors de la guerre du barrage ?
Tout le monde s'unit pour une cause.
— Oui, c'est pas faux.
C'est vrai que les gamins d'ici doivent en avoir un vague souvenir, mais ils n'y ont pas tous participé.
— Allons, allons, nous sommes encore bien gentils comparés à nos parents.
Personne n'a été blessé, il n'y a pas eu un seul cocktail molotov, et même, les troupes anti-émeutes ne sont pas venues nous jeter dehors, donc pour l'instant, tout va bien !
— ... À Hinamizawa, on cultive l'esprit de révolte groupée.
— Heh, c'est un peu ça, ouais.
... Rah, ça faisait longtemps, je me sens prête à tout !
Héhhéhhéhhé !
L'une des premières choses qu'elle m'avait racontée lorsque j'étais arrivé ici, c'était cette fameuse guerre du barrage, lors de laquelle les gens avaient fait front en bloc, vieux comme jeunes, hommes et femmes, tous unis derrière la même bannière.
... Elle avait mis beaucoup d'emphase sur le fait que le village avait été uni et soudé, plus que sur le fait qu'ils s'étaient battus comme des chiffonniers avec les forces de l'ordre...
— Si une personne te jette des pierres, reviens avec un ami et jetez-lui des pierres tous les deux. S'ils sont deux, revenez à quatre, s'ils sont quatre, revenez à huit.
Et s'ils sont mille à vous attaquer, alors le village entier devra se dresser contre eux.
— C'est quoi ?
C'est un proverbe ?
— Ça ? Nooon, c'est un truc que la vieille folle a dit un jour, il y a très, très longtemps.
Il paraît qu'elle aurait déclaré ça et du coup, c'est devenu un peu le manifeste du village.
— Hmmm, c'est un peu long à retenir, mais c'est pas bête. Se mettre en groupe pour aller se battre, c'est un bon conseil.
Je vois…
Elle voulait que tous les villageois se rassemblent.
— Mais ça ne sert pas qu'à ça.
Il y a un peu d'un pour tous et tous pour un dans cette déclaration.
Tous les habitants du village doivent se soucier des problèmes de chacun, et aider les gens comme si ces problèmes étaient les leurs.
— C'est vachement sérieux, en fait.
Et c'est pile ce qu'il nous faut en ce moment !
— C'est parfait, alors ! Ça signifie que nous nous battons justement comme les gens de Hinamizawa le font !
... Je commence à comprendre.
Ce n'est pas parce que je suis un beau parleur que les autres sont venus m'aider, c'est parce que c'est engrainé en eux...
Je regardai alentour. Les autres élèves discutaient en petits groupes, chacun essayant de trouver quoi faire d'autre d'utile.
Pour certains, c'était une deuxième guerre du barrage, pour d'autres, c'était le moyen de participer aussi aux actions formidables que leurs parents avaient organisées.
Il y avait beaucoup d'excitation dans l'air, on aurait pu croire que les gens préparaient une grande fête.
Bon, aussi, il y avait beaucoup de frustration, puisque nous n'avions rien obtenu de concret aujourd'hui.
— Eh, Maebara !
Donc si j'ai bien compris, leur réponse c'est qu'ils ne la sauveront pas ? J'ai bien compris ?
— Ils ont pas dit ça comme ça, mais c'est vrai qu'ils ne bougeront pas.
— Nous, on habite juste à côté, on sait qu'il est pas normal dans sa tête, son oncle !
Vraiment pas normal !
— Et on sait maintenant que les gens de l'État n'ont aucune idée de ce qu'il est capable de faire.
On ne peut pas s'arrêter là, il faut faire autre chose !
Tomita et Okamura avaient le regard sévère et calculateur.
Ils n'étaient pas seulement là pour faire partie du décor.
Ils voulaient passer à l'attaque, eux aussi !
— Nous aussi, nous pensons qu'il faut faire plus pour sauver Satoko !
— Bien d'accord !
— Rien à redire !
Pour moi qui les voyais d'habitude jouer et courir dans tous les sens sans trop se soucier du reste du monde, la scène était assez surprenante.
Mais elle faisait aussi chaud au cœur, quelque part.
— Ouais, vous avez tous raison !
Satoko est notre amie, alors on va la sauver !
Et pour ça, j'ai besoin de votre aide à tous !
— T'es chié, Maebara, quand même !
Satoko fait partie de la classe, c'est notre devoir à tous de l'aider !
Ce n'est pas parce que tu le demandes gentiment que nous voulons t'aider, c'est parce que nous ne pourrions pas nous regarder en face dans la glace si nous ne le faisions pas !
Il faut que notre action vienne du plus profond de nous-mêmes !
— Ouohho ! ... Eh ben alors, Tomita, t'as bouffé du lion ou quoi ?
On fait quoi, on attaque demain aussi ?
— Hmmm, il faudrait pas relâcher la pression, je pense.
— C'est comme la force d'un fleuve, c'est la constance de la pression du courant qui emporte tout.
Je suis d'accord avec Rena.
— Mais si on y retourne avec la classe, les fonctionnaires vont nous voir arriver et vont dire “quoi, encore eux” et ce sera fini, ils débrancheront leurs cerveaux.
Nous avons obtenu plus de résultats qu'hier parce qu'aujourd'hui, nous étions plus nombreux.
— Alors, il suffira de retourner demain avec plus de monde !
Rena se retourna et nous dévisagea avec un sourire aux lèvres.
Bien sûr, nous savions ce qu'elle voulait dire.
Les enfants de Hinamizawa n'allaient pas tous à notre école.
La moitié ou plus allaient à l'école à Okinomiya.
Même s'ils ne partageaient pas notre salle de classe, ils habitaient dans le voisinage, ils étaient au courant et viendraient nous aider !
Forcément, tout se savait, vu que le village était tellement petit.
Ils connaissaient Satoko, bien sûr, et ils savaient ce qu'il lui arrivait, comme tout le monde ici.
À Hinamizawa, les choses qui se racontent sur les gens doivent avoir un truc pour se mêler aux photons de la lumière.
Quand je pense à la vitesse avec laquelle les gens savent les gages de dingue que je me suis pris...
— ... Je vais en parler à Daisuke en rentrant.
Je suis sûr qu'il viendra.
— Moi je vais téléphoner aux autres ce soir !
Tous ceux qui vont à Okinomiya à l'école savent bien où se trouve la bibliothèque, ils trouveront facilement...
— C'est une bonne idée !
Allons-y ! En avant !
— Ça, c'est une bonne chose, le vent tourne !
Bah, ils ne sont pas doués comme toi, p'tit gars, donc on ne peut pas compter sur plus d'une dizaine de personnes en plus, mais c'est toujours ça de pris !
Je vais téléphoner à l'association qui organise les colonies de vacances.
On peut pas espérer grand monde, mais eh, trois personnes en plus, c'est mieux que rien.
— Moi aussi, je vais en parler à mes amies, dans mon autre école.
... Bon, par contre, elles ne connaissent ni Satoko, ni son oncle, donc si elles viennent, ce ne sera que pour moi. Je sais pas, j'aurai peut-être quatre ou cinq courageuses avec moi ?
— On aurait personne ailleurs que parmi les enfants ?
— ... Hmmm.
Disons que dans l'association de quartier, je pense que beaucoup de gens ne voudront pas se bouger pour une Hôjô...
— À cause de la guerre du barrage ? Mouais.
Et les anciens, alors ?
Je veux dire, ceux qui vont voir Rika tous les jours ou presque ? Ils doivent bien connaître Satoko, non ? On peut pas leur parler ?
— ... Non, les anciens du village sont les moins tendres envers elle.
— Ils sont obnubilés par la malédiction de la déesse Yashiro, tu sais. Plus ils sont croyants, plus ils considèrent que c'est normal, ce qu'il lui arrive, car sa famille l'a bien mérité.
— Donc seulement avec les enfants, on n'obtiendra pas plus.
Rena, t'as compté ? On serait à combien, du coup ?
— J'ai compté dix-sept en plus.
Même si tout le monde ne vient pas, on sera un peu plus d'une quarantaine.
— ... C'est impressionnant, quarante personnes. Keiichi, tu te rends comptes ?
— Pourquoi, parce que tu crois que ça va suffire ?
— ... Hein ?
Je lui fis un sourire malicieux et lui frappai le torse du dos de la main.
— C'est que de chie, quarante gusses !
S'ils nous ont envoyés balader alors que nous étions plus d'une vingtaine, ce n'est pas à quarante que nous allons faire une différence.
Il en faudrait encore au moins vingt de plus...
— Ouais, c'est sûr que si on se pointe à soixante, ils vont se faire dans le froc...
Mais d'où est-ce qu'on les sort, tous ces gens ?
— Ahahaha, mais tu sais pas qui je suis, ou quoi ?
Eh, t'as Keiichi Maebara en face de toi,
quand je dis que je ferai quelque chose, je le fais !
— Et c'est tout pour le rapport de l'opération, Kameda.
Je compte lancer une troisième offensive demain, après les cours.
J'ai absolument besoin de renforts. Je peux compter sur toi ?
— ... K, tu sais bien que je ne pourrais rien te refuser.
Nous avons mangé un parfait taille jumbo ensemble, ça crée des liens.
Des liens plus forts que ceux qui unissent la belle-famille !
Je veux t'aider, je te jure que je veux,
mais...
Demain, je peux pas !
— Comment ?
Que dis-tu, mon ami, mon frère ?
Tu ne vas quand même pas me dire que tu ne bougeras pas pour aider une jeune fille en 3D ! Où est passé ton honneur de chevalier de la 2D ?
Je vais te corriger, je vais t'apprendre, moi ! Serre les dents !
— Aïe, ouoff, gah, kuhfo !
Attends, attendez, mon Général !
Écoutez au moins ce que j'ai à dire !
Un autre jour, n'importe quel autre jour, je vous aurais aidé, j'aurais donné mon sang pour vous !
Moi aussi, j'aime les soubrettes bien jeunes et bien plates, en temps normal, je me jetterais à ses pieds pour lécher ses chaussettes !
Mais demain, je peux juste pas, quoi !
— Comment oses-tu, impudent !
Allons, crache le morceau, Kameda !
Si c'est juste à cause de la crémation de tes parents, tu prendras mon poing dans la gueule, alors fais gaffe !
— Mais enfin, demain,
c'est la Fiesta des desserts de l'Angel Mort !
— Que…
... Quoi ?
— Mais enfin Général, la Fiesta des desserts !
La seule,
la vraie,
l'unique,
FIESTA
de l'Angel
Mort !
Les vrais connaisseurs, ils disent la Fiedede , avec l'accent, noblesse oblige ! Il faut bien prononcer tous les “é”, même s'ils ne sont pas écrits, c'est pour la rime !
Regardez, Général, non, regarde, K, mon ami, mon frère ! J'ai dans les mains un ticket gagnant !
Je peux inviter trois personnes, mais ce sera juste toi et moi, K ! Allons à la Fiedede !
On pourra lécher et sucer plein de petites filles couvertes de sauces et de crèmes, autant qu'on veut ! [NdlR : n'oubliez pas de remplacer l'expression “petites filles” par “petits gâteaux”, car c'est de ça qu'il parle]
— AAaah, il suffit ! Prends ça, et ça, et ça, et ça, et ça, et ça, et encore çaaaa !
— Aaah, gah, hrrrg, mfffh !
Mais enfin, Kéééé !
Si c'est après-demain, tu peux compter sur moi !
Mais demain, juste demain, je peux pas !
Je t'en supplie, essaie de me comprendre !
— Keiichi,
laisse, c'est pas grave s'il ne vient pas demain, on lui demandera une autre fois...
— Non, Rena, c'est très grave, au contraire !
Je ne peux pas laisser ça comme ça, aujourd'hui, tu vas m'entendre, Kameda !
Espèce de salaud, tu as osé mettre de la 3D toute jeune et toute fraîche sur la balance et la comparer à tes petits gâteaux préférés !
C'est parce que tu sais traiter la gent féminine comme il se doit que tu peux oser prétendre à déguster et à aimer les petits gâteaux !
Et puis d'abord, tu ne m'as pas l'air de comprendre tout le potentiel de Satoko !
Ce qui fait son charme, c'est son côté chieuse-timide ! Elle n'hésitera jamais à t'envoyer bouler, mais fais les bons choix et elle se mettra à dégouliner de naïveté timide enrobée de guimauve niaiseuse !
Et c'est la différence entre ces deux tempéraments qui en fait tout le sel, tu dois pourtant le savoir ?
D'habitude, elle est hautaine, médisante, chiante, insultante, mais si tu appuies sur les bons boutons, elle va te couvrir d'affections mielleuses !
C'est ce côté “on-off” qui est trop craquant !
C'est d'ailleurs exactement sur ça que repose le charme du sanglot des cigales, sur la différence entre le début tout choupimignon et la fin que tu te fais dans le froc en pleurant !
Ce qui veut dire que Satoko est la Miss Sanglot des Cigales !
Tu y ajoutes un parfum désormais très convenu, un mélange de petite sœur avec “soumission totale” en attribut, mais tu y ajoutes un côté caractériel et rebelle, comme une héroïne qui ferait une dépendance sévère non pas à l'alcool, mais à l'amour...
Et alors, sous tes yeux esbaubis, vois apparaître cette jeune fille d'une nouvelle génération, descendant, auréolée d'une gloire étincelante, sur cette terre corrompue, telle l'Être vêtu de bleu descendant d'un champ d'or pour restaurer une fois encore l'alliance perdue avec la Nature et guider les hommes vers un monde de bonheur et de pureté !
Oh, je suis pas l'un des dieux créateurs, moi, me demande pas d'upper, ni de sauce, ni de mot de passe !
Comment peux-tu oser ne pas réaliser à quel point Satoko est craquante ? Tu es un preux chevalier de la 2D, pourtant, tu devrais avoir honte !
Quoi ? Tu dis que les machines d'aujourd'hui travaillent avec des polygones et que tu es passé à la 3D modélisée ?
Mais pauvre malheureux, t'as pas le niveau pour ça ! Pense à tes mentors qui n'avaient droit qu'à des héroïnes en huit couleurs et 256 pixels !
Et pourtant, eux n'ont eu aucun problème à imaginer le résultat dans des dimensions supérieures, et à découvrir l'amour et la PASSION ! Non, ils ne fuient pas la réalité pour se réfugier dans la 2D ! Ils voient avec le regard de l'Amour, celui qu'ils ont développé en aimant de vraies femmes, en 3D !
Pense à la Vénus de Milo, à Aphrodite sortant des eaux, à Mona Lisa ! Elles aussi sont le fruit de la PASSION de tous ces artistes d'antan !
Et d'ailleurs, je me permets d'ouvrir une parenthèse pour te signaler que la première héroïne en pixels était Kai, la grande prêtresse de la Tour de Druaga !
Je parie que les jeunes d'aujourd'hui ne verraient même pas que c'est une femme !
Et d'ailleurs, tant que j'y suis, parlons un peu de la princesse de Dragon Buster ! Elle apparaît parfois avec sa couronne et son sceptre, mais aussi parfois en mini-jupe, en maillot de bain ou en bunny girl !
Je suis le seul à penser que c'est le tout premier cas de cosplay dans un jeu d'arcade ?
Quand on pense qu'une partie coûtait à peine 50Yens, non mais vous vous rendez compte ?
Et pourtant, ça nous empêchait pas de la regarder, elle qui n'était qu'un tas de seize pixels par seize pixels, et d'y voir une jeune femme resplendissante du haut de ses seize ans, et de ressentir la PASSION !
Oui, vous avez bien lu ! Nous autres chevaliers de la 2D, nous recherchons la beauté du réel en essayant de regarder au-delà des pixels, au-delà des polygones !
Nous sommes sans cesse à la recherche du beau, du modèle d'inspiration !
Mais alors que je te propose de sauver une vraie petite fille, que tu peux toucher, que tu peux sentir, toi, tu viens me parler de pixels, de polygones, de hardware ?
C'est là la preuve que tu ne t'intéresses pas tant au but qu'au chemin qui t'y mènera ! Or, un chevalier de la 2D n'est pas là pour nier l'existence de la 3D !
Il lui faut aimer la 3D, sans distinction, pour élever les signaux de la 2D en une représentation parfaite de la réalité !
Et puis d'abord, si l'image en 2D est une représentation plus abstraite de la réalité, elle peut pas être appelée “2D”, elle a pas le droit ! Je veux dire, 2, c'est plus petit que 3, quoi ! On dirait que c'est moins bien !
Et c'est pas des conneries, hein, regardez les dernières consoles, pourquoi vous croyez qu'ils l'ont pas appelée XBOX2, la console ? Parce que face à la PS3, ça faisait pas assez récent, alors ils l'ont appelée XBOX360, comme ça mine de rien les gens voient pas que c'est juste la deuxième console du constructeur !
Enfin bref, moi ce que je voulais juste dire, à la base,
c'est que je me demandais sur quelle console le nouveau Bio Hazard et le nouveau Metal Gear allaient sortir !
Parce que bon, j'attends aussi le prochain Dead or Alive, hein ? Vous méprenez pas !
Surtout qu'il paraît que pour modéliser les paires des combattantes, ils vont y mettre plus de polygones que pour un Zack entier ! Non mais tu le crois, ça ?
Bref, on s'en fout de ça en fait, la vraie question, c'est pourquoi tu ne veux pas m'aider à sauver une petite fille 3D, Kameda !
— J'te d'mande pardon, K, je le reconnais maintenant, j'étais dans l'erreur !
Bon sang, mais comment ai-je pu être aussi stupide, comment ai-je pu ?
— C'est pas grave, Kameda, c'est pas grave !
Le plus important, c'est de se rendre compte de ses erreurs !
Pour pouvoir avoir le courage de se corriger, de changer ses habitudes !
Viens, saisis ma main !
Les portes du nouveau millénaire sont juste devant nous !
— ... ... Ils ont l'air de s'amuser vraiment beaucoup, tous les deux, mais je ne comprends rien à leur conversation...
— C'est pas grave, ça veut dire que t'es normale dans ta tête, c'est un bon signe !
— D'accord, K, c'est entendu.
Après tout, je suis un homme, je devrais me réjouir d'avoir l'occasion de sauver une gente damoiselle en détresse.
Et puis, d'abord, la Fiesta des desserts, c'est quatre fois dans l'année.
Si je la rate une fois dans l'année...
je vais pas en faire... une maladie...
— ... Dit-il avec beaucoup de mal à respirer pour retenir ses larmes de dépit...
Miaou.
— Eh, au fait, Mion,
tu m'avais dit qu'en récompense, si je m'occupais des ventes aux enchères, j'aurais des entrées pour la Fiesta des desserts, non ?
Des entrées pour trois ans, si je me souviens bien. Qu'est-ce que tu en dis, Kameda, tu en veux quelques-unes ?
— Non, K, arrête !
Je suis un homme, voyons.
Ce serait attirer sur moi la honte et l'opprobre si je n'agissais seulement mû par l'appât du gain !
— Shii, y a pas moyen de faire un geste pour lui ?
— Hmmm... Ah, je sais !
Je t'enlèverai de notre cahier des brebis galeuses.
— C'est quoi,
une sorte de liste noire ?
— Aaah, oui, c'est vrai que les clients sont pas au courant.
Bah, l'Angel Mort étant ce qu'il est, on a souvent des clients qui ne savent pas trop se tenir.
Et donc, on écrit leurs noms, et quand ils obtiennent un certain nombre de points, on leur interdit l'entrée au café.
— Ahhahhahhahha ! Allons, Mademoiselle, je vous arrête tout de suite, on m'appelle “le Maître de l'Angel Mort”, mon nom n'est certainement pas inscrit dans votre registre des mauvais clients !
— ... Deux accidents en croisant une serveuse qui ont conduit à des mains pleines de doigts placées dans des endroits que je ne révèlerai pas ici,
plusieurs appels pour passer commande alors que tu n'avais clairement aucune intention de commander,
un rachat de tickets d'entrée au marché noir, etcætera,
bref, il me semble bien que tu es à 1 seul petit point d'être interdit d'entrée à vie.
— COMMENT ???!
Ah ben non, c'est pas du jeu, c'est injuste,
enfin, vous pouvez pas me faire ça, pas à moi ?
Si vous m'interdisez l'entrée de l'Angel Mort, que vais-je faire de ma vie ?
— Aah, mais ne vous en faites pas, M. Kameda, je sais reconnaître un homme courageux à sa juste valeur. Vous vous êtes proposé de sauver Satoko, et cet élan de générosité me plaît beaucoup.
Je pense tester la nouvelle bouteille de correcteur sur votre nom, si vous voyez ce que je veux dire.
— Ooooh, merci, merci, merci mille fois !
— ... Mii, il existe vraiment, ce registre ?
— Alors ça, tu m'en demandes beaucoup, ma grande !
— Kameda, je m'excuse de te forcer la main !
Si jamais tu ne reçois pas d'entrée la prochaine fois, fais-le-moi savoir !
Je verrai ce que je peux faire pour toi !
— Kéééééé !
Il me tomba dans les bras, me serrant virilement contre lui, les larmes coulant sur ses joues.
Nous étions décidément liés par une amitié plus forte que tout...
— Bon, ce sera demain après-midi, alors ? C'est entendu.
Je ramènerai mes autres équipiers et je vais essayer de ramener les Titans d'Okinomiya.
On verra combien de gens viennent à l'entraînement, mais normalement, ça devrait faire plus d'une dizaine de personnes.
Et puis, c'est vrai qu'il n'a pas l'air très clair, cet oncle.
D'ailleurs, ce serait pas plus rapide d'aller lui casser la gueule, à cet enculé de sa race ?
— Non, si nous lui faisons quelque chose, il se vengera sur Satoko, et s'il meurt, cela aura des conséquences dramatiques pour elle aussi.
— ... Ouais, effectivement, je vois le problème.
Même sa mort ne serait pas une solution.
Ben OK, c'est d'accord.
On va y aller à la loyale.
Et puis, eh, on est tous des fous de base-ball, on peut pas se permettre d'avoir des casiers judiciaires si on veut passer pro.
— C'est sympa, mais 10 personnes, ça va pas faire lourd.
Tu saurais pas à qui d'autre demander de faire acte de présence demain ?
— Quoi, les troupes sont pas assez importantes ?
Ben alors, on va y aller avec tous les réservistes !
Kameda eut un sourire narquois et un rire bizarre, puis il se leva d'un bond et déclara d'une voix forte :
— Alors, les gars, vous avez entendu ?
Je vais pas exiger des gagnants de faire le sacrifice de leur ticket, ce serait trop demander.
Mais si vous n'avez rien à faire demain, venez avec nous !
Tous les clients du café se retournèrent d'un seul homme.
... Tiens, c'est bizarre, il y a du monde, aujourd'hui.
Pourtant, aujourd'hui, c'est un jour normal ?
— Non, tu comprends pas.
Les habitués qui n'ont pas de tickets gagnants viennent se goinfrer aujourd'hui, pour pouvoir supporter le manque de petits gâteaux demain.
Tous les gens que tu vois ici,
ce sont des habitués du café.
Je ne connais pas leurs noms, mais nous sommes des frères d'armes, enfin, de cuiller, tous nés sous les mêmes étoiles !
Camarades ! Qu'avez-vous pensé en écoutant l'histoire de Satoko ?
— Plus j'en entendais, et plus je fulminais de rage !
Qu'en dites-vous, Camarades ?
— Comment peut-il oser enchaîner une fille à la maison sans faire prof-- Comment peut-il oser enchaîner une fille à la maison, tout court !?
— Seuls les gueux ne savent pas chérir, mon sabre lui apprendra les bonnes manières !
— Dans une histoire de fiction ne faisant pas appel à des enfants en chair et en os, à la rigueur, pourquoi pas, mais en vrai ? C'est un scandale !
— Camarade K, donne-nous l'ordre de te suivre et nous te suivrons !
Nous t'avons vu honorer les desserts servis ici, tu mérites notre respect !
— À tous les hommes de l'escadron d'Okinomiya, prenez vos armes et formez les rangs !
Camarade K, nous attendons vos ordres !
— Opération Sauvetage Satoko, bien compris !
L'opération commencera demain après-midi !
— Synchonisation des montres ! N'oubliez pas de déposer vos testaments avant demain midi ! Vous mettrez vos vies sur la table si besoin est !
« OUAIIIIIIIIIIIS ! »
— Merci les gars, vraiment, merci !
Pourtant, vous la connaissez même pas ! Je sais pas quoi vous dire, vous êtes formidables !
— Et alors, c'est pas parce que nous ne la connaissons pas que nous pouvons la laisser mourir dans son coin sans rien faire !
— Et puis d'abord, nous connaissons tous Mademoiselle Satoko.
Il lui arrive de manger avec tant d'entrain qu'elle ne remarque pas qu'il lui reste de la crème fouettée sur le menton, et quand je la regarde, moi l'homme-loup au cœur d'acier, je sens la PASSION brûler au plus profond de moi et consumer tout mon être !
Je me sens donc très concerné par sa situation !
— Alors c'est parfait, les gars !
Puisque vous placez vos vies entre mes mains, j'en ferai bon usage !
Je vous donne ordre de protéger mes arrières demain !
Ce sera en fin d'après-midi, après l'école mais avant 17h ! Soyez prêts ! Je veux des troupes remontées derrière moi, c'est clair ?
« OUAIIIIIIIIIIIS ! »
— Kéééééé !
Kéééééé !
Kéééééé !
— Keiichi, je savais pas que tu avais autant de fans...
— C'est exactement pareil dans l'association.
Il a une super cote auprès de gens à qui il n'a jamais parlé !
Je sais pas, ça doit être un truc de mecs...
— Les autres serveuses ont l'air de compatir avec Satoko. Je pense que celles qui ne seront pas de service à cette heure-là viendront nous rejoindre.
— Ouah, mais alors...
Keiichi, tu as vraiment réussi à rameuter soixantes personnes !
D'ailleurs, ça risque de faire un peu plus que ça...
— ... Alors c'est ça, la force de ceux qui tentent de vaincre le Destin...