— Yo ! Alors les enfants, ça gaze ?
Toujours vivants ?
Le vieux Kimiyoshi était toujours pendu avec le collier en cuir, les yeux rivés sur le plafond.
Il ne bougeait plus le moindre muscle ; peut-être était-il déjà mort.
Satoko était toujours attachée à une sorte de crucifix horizontal. Elle leva la tête et me regarda avec un visage bouffi et rougi par les larmes.
À dire vrai, j'aurais voulu utiliser la cloueuse sur elle, mais les meubles qui auraient dû servir à la maintenir en place étaient tous trop grands et ne l'auraient pas retenue.
Je m'approchai du vieillard et lui décochai un coup de pied.
... Aucune réaction.
— Eh, grand-père ?
T'es mort ou quoi ?
— ... Espèce de... d'assassin !
Si j'en croyais sa réaction, Satoko devait l'avoir vu en train de s'asphyxier, puis mourir.
Je pris un grand couteau de survie qui traînait accroché au mur et le plantai sans vergogne dans le ventre du vieillard.
Toujours aucune réaction.
— Bon, eh, le vieux ?
Si t'es vivant, joue pas au con, dis-le !
C'est pas en faisant le mort que tu réussiras à t'en sortir, je te préviens tout de suite.
J'allai jusqu'à la poulie qui le maintenait en l'air.
— Bon, écoute, dernier avertissement.
T'es vivant, oui ou non ?
Si t'es vivant, dis quelque chose.
Sans attendre sa réponse, je tournai la manivelle pour raccourcir la chaîne.
À force, le vieux Kimiyoshi finit par se retrouver dans les airs, à se balancer comme un pendu.
Vu comme ça, il ressemblait nettement plus à un cadavre.
— Pourquoi avez-vous fait ça, Shion ?
— Oh ?
Tu... Aaah, bien sûr.
La porte qui menait aux boxes des prisonniers était grande ouverte.
Elle a sûrement dû taper la discute avec ma sœur quand j'étais pas là.
Ce qui expliquait pourquoi elle connaissait mon nom.
Enfin, ce n'était pas vraiment mon nom, mais bon...
— Je ne suis pas Shion, Satoko, je suis la vraie Mion.
Celle que vous avez toujours appelée Mion, en fait, c'est elle Shion.
Bah, c'est un peu compliqué, mais te casse pas la tête dessus, t'as pas besoin de le retenir.
Héhéhéhé...
— ... Comment avez-vous pu oser...
Même Rika !
Je m'étais débarrassée du corps de Rika devant leurs yeux, tout à l'heure.
Bien sûr, je leur avais montré ses blessures, surtout le joli trou dans sa gorge. Elles avaient même eu le droit de regarder à l'intérieur !
— Rika Furude n'a eu que ce qu'elle méritait.
Elle est venue me supprimer, et ça s'est retourné contre elle.
Je n'ai fait que me défendre.
— Mensonges et balivernes ! À qui voulez-vous faire croire cela ?
Rika ne mangeait pas de ce pain-là !
— Si tu ne veux pas me croire, je ne te force pas.
Si tu savais ce que j'en ai à foutre...
— ... Que comptez-vous faire de moi ?
— Te tuer.
Satoko écarquilla les yeux très grand. Elle aurait pu s'en douter, pourtant, mais la surprise était évidente sur son visage.
J'imagine qu'elle ne s'attendait pas se l'entendre dire aussi cash.
J'entendis soudain les barreaux de la prison, dans l'autre salle -- Shion devait sûrement les secouer.
Puis, en écho, je pus distinctement entendre la voix de ma sœur.
— Arrêêêête, grande sœur !
Ne la tue pas ! NE LA TUE PAS !
Je lui répondis sans me déplacer, d'une voix forte.
— Ahahahahahahaha !
Eh bien alors, mais c'est que tu m'as l'air d'avoir appris quelque chose ?
Oui, c'est ce que tu n'as pas fait lorsque Satoshi était dans son cas !
C'est à cause de ça qu'il s'est fait tuer comme un insecte !
Tu aurais eu des milliers d'occasions de le sauver, mais tu as fermé ta gueule et tu as laissé faire ! Et c'est ça que je te reproche !
C'est ça, ton crime impardonnable !
— Gyaaaaahhhhh!!!
Je n'avais même pas fini ma phrase que je plantai mon couteau de chasse dans le bras droit de Satoko.
Avec un battement de cœur de retard, le sang se mit à couler.
... Comparé à la mort de Rika, c'était tout pérave.
Je tournai la lame dans la blessure, et Satoko se mit à serrer les dents si fort que je crus bien qu'elle allait s'éclater la mâchoire. Elle se mit à pleurer, sans faire un seul bruit.
— Arrête, ARRÊTE !
Ne la tue pas, pas elle !
Laisse-la partir !
Tu peux me faire tout ce que tu veux à moi, mais laisse-lui la vie sauve !
Et pourquoi tu l'as pas dit quand c'était Satoshi, hein ?
C'est trop tard, maintenant, c'est beaucoup trop tard !
Tu vois, c'est cet effet-là que ça fait, j'étais à ta place, avant.
J'ai crié comme une folle, mais personne ne m'a écoutée, personne ne l'a sauvé !
Alors maintenant, c'est à toi de ressentir ce que ça fait !
— Hgg !
Ahnmmmm !
Ghuuhh...
Encore et encore, je plantai mon couteau dans le bras de Satoko, aussi fort que possible.
Mais je ne faisais que toucher ses os, apparemment, car je n'obtenais pas la sensation de déchirer sa chair.
— Arrête, Mion ! Grande sœur, arrête ça tout de suite ! Arrête, arrête, arrête !
— Aaah là là, Shion.
OK, tu sais ce qu'on va faire ? Si tu veux sauver Satoko, c'est simple,
tu vas me demander mille fois pardon.
Quand tu en auras terminé, je la relâcherai, OK ?
Qu'est-ce que tu en dis ?
Je suis pas une menteuse, moi.
Si tu le fais, je te promets que je la relâche. Paye pour ton crime, et tout se passera bien.
Alors ?
Tu fais quoi ?
— J'te d'mande pardon,
j'te d'mande pardon,
j'te d'mande pardon,
j'te d'mande pardon,
j'te d'mande pardon,
j'te d'mande pardon,
j'te d'mande pardon,
j'te d'mande pardon,
j'te...
On aurait dit un magnétophone cassé.
Elle est toujours aussi conne et aussi réglo, surtout dans ce genre de situations tendues.
Elle n'essaiera pas de gruger.
Elle a réellement l'intention de les faire par séries jusqu'à en avoir dit mille.
Je plantai le couteau de toutes mes forces près du poignet de Satoko.
D'après la sensation, je sus que je lui avais brisé ou fêlé l'os.
Et apparemment, ça lui fit super mal.
Elle poussa des hurlements de douleur.
— Whaaaahhhh, wahhhhhhhh!!!
Whaaaaaahhhhh!!!!
Immédiatement, Shion se mit à parler plus fort, comme pour ne plus entendre Satoko...
— Ahhahahahahahaha !
Aaah, c'est vrai, pleurer, c'était ton fond de commerce.
Tu crois peut-être que si tu pleures, ton Totoche va venir te sauver ? Tu crois qu'il va arriver comme par magie, pour me casser la figure ?
Ouais, c'est ça !
Je changeai ma main de position...
et lui ouvris le bras depuis le poignet jusqu'au coude.
— Gyaahhhhhhh...
gyahhhhh!!!
— Satoko, tu m'entends ?
Tu m'écoutes ?
Écoute-moi, BORDEL !
Je la giflai plusieurs fois, puis la forçai à me regarder dans les yeux.
— Est-ce que tu comprends pourquoi je t'en veux, au moins ?
Est-ce tu te rends compte du fardeau que tu étais pour lui ?
— Totoche... Totoche...
— Oui, tu n'avais qu'à pleurer après ton Totoche, et il accourait.
Et à chaque fois, il te protégeait.
Mais je me demande si tu t'es jamais posé la question du poids que ça devait représenter pour lui ?
Satoshi n'était pas un super héros, il n'était pas invincible !
Il était comme toi !
— AAAAAAAHHHHHHH !
— Quand il se blessait, il saignait, et quand il avait mal, il gémissait, comme toi ! C'était un être humain, lui aussi !
Est-ce que tu avais seulement la moindre idée de ce qu'il a souffert à cause de toi ?
Non, évidemment, que non !
Tu n'as jamais essayé de savoir, tu ne t'es jamais posé la question !
Tout ce que tu as fait, c'est compter sur lui !
Tu lui as laissé tous tes problèmes sur les bras, comme un parasite !
Tu l'as fait saigner pour vivre en buvant son sang !
Tu l'as insulté et humilié, et tu oses encore l'appeler par son nom ?
HEIN ?
— Haaa, haaa, hahahaha !
Oh, tu vas payer pour tout ça, ma grande, il est grand temps pour toi de passer à la caisse.
Et c'est moi qui tiens les comptes, alors c'est moi qui vais veiller à ce que tu fasses ça correctement.
Oh, tu peux pleurer, va. Pleure autant que tu veux,
jusqu'à ce que tu comprennes enfin, dans ton pois-chiche qui te sert de cerveau, que Satoshi ne viendra plus jamais te sauver.
C'est toi qui l'as exténué,
toi qui l'as fait disparaître,
c'est toi qui l'as tué !
Satoko ahanait,
mais gémissait à peine.
— ......!
Gouhhh
...............!!
— ... Eh ben alors, quoi ?
Tu ne sens plus ton bras droit ?
C'est pas grave, je peux passer au gauche.
— .........Gyah !
......Ahhh
...............!!
J'enjoignis le geste à la parole, mais Satoko ne réagit pas plus.
Elle finit par avoir plusieurs plaies béantes dans son bras gauche, et son sang coula à flots.
Et pourtant, sa réaction était pour le moins décevante.
Elle ne criait plus, elle ne pleurait plus, ce n'était pas très rigolo.
Je repris la lame et la plantai cette fois-ci dans le dos de sa main gauche.
Cette fois-ci encore, Satoko n'eut qu'un petit glapissement de douleur.
Aucun long cri, aucune jérémiade comme elle savait pourtant si bien les faire.
— Eh, mais qu'est-ce que tu as ?
Aah, je vois, tu joues ta rebelle ? Tu ne veux pas me faire le plaisir de crier ?
Aaah, sacrée toi quand même !
Ahahaha, aHAHAhahahahaha !
Nullement impressionnée par mon rire machiavélique, Satoko serra les dents, puis me décocha un regard clair et décidé.
— Oui...
Oui, je sais...
Moi aussi, c'est ce que je pensais.
— ... Hein ?
— C'est parce que j'étais un fardeau trop lourd pour ses jeunes épaules
qu'il a disparu.
Je m'en suis rendu compte, vous savez.
Le jour-même de sa disparition.
— ... ...
— Oui, j'ai été trop capricieuse.
Je n'ai fait que me cacher dans ses jambes.
J'aurais dû savoir que c'était trop pour lui... et pourtant, je n'ai fait que compter sur lui, sans chercher à m'en sortir par moi-même. Je n'ai pas réussi à me défaire de cette attitude.
Sur ce point, je dois avouer que vous avez raison sur toute la ligne, très chère.
Je ne peux espérer pouvoir faire aucune excuse.
Satoko parlait normalement, calmement, avec résignation.
Elle n'était ni en train d'essayer de me tirer les larmes, ni d'obtenir ma sympathie.
— ... Ben dis donc, je me m'attendais pas à ça.
Alors comme ça, tu en étais consciente ?
— Je sais que Totoche reviendra.
Tôt ou tard, un jour, il reviendra.
Et ce jour-là, je lui montrerai à quel point j'ai progressé.
Je n'abuserai plus de sa gentillesse.
Je ne me cacherai plus constamment dans son dos.
Ce jour-là, il verra que je suis capable de me débrouiller seule dans la vie.
— Hahahaha, HAHA hahahahaha !
Oui, bien sûr, quand il reviendra, si jamais il revient un jour !
Comme prise d'une rage folle, je me remis à percer et transpercer son bras de coups de couteau.
Mais Satoko ne pipa mot. Elle réussit à ne pas s'humilier avec des cris plaintifs.
Elle serra les dents et ravala tous les cris qui auraient dû sortir d'elle.
— Totoche reviendra chez nous,
c'est une certitude.
Un jour viendra, il retrouvera le chemin de notre maison ! Et je l'attendrai jusqu'à ce jour !
Et alors, je lui demanderai de me pardonner, le plus solennellement possible.
Je refuse de baisser les bras, je refuse d'abandonner jusqu'à ce qu'il soit devant moi, en chair et en os !
Je ne serai plus un fardeau pour lui !
Je ne l'appellerai plus jamais à l'aide !
C'en est fini de pleurer, de crier, d'appeler au secours !
Je sais qu'il accourra si je me mets à pleurer,
c'est pour cette raison que je dois endurer tous vos mauvais traitements sans me plaindre, et je ne me plaindrai pas !
— Ah ouais ? Eh ben on va voir ça, connasse !
— Poignardez-moi tout votre saoul, si cela vous amuse, grand bien vous en fasse !
Mais si vous avez espoir de m'arracher des cris de détresse, je préfère vous prévenir, d'ores et déjà, que votre déception sera grande.
Je ne pleurerai pas, pas une seule larme !
Vous ne me croyez pas ? Essayez donc !
Je sais que Totoche nous regarde, qu'il m'observe,
qu'il se rend compte que je suis devenue plus forte !
Et lorsque je lui aurai prouvé que oui, je suis devenue plus forte, qu'il peut compter sur moi, alors il reviendra !
Allons, allons, essayez !
Je ne pleurerai pas, non, je ne pleurerai pas !
Satoko Hôjô ne mange plus de ce pain-là, ma chère ! Et si vous voulez vérifier à quel point ma résolution est ferme et vaillante, faites donc, car peu me chaut la douleur !
Merde, merde, merde !
Elle parle, elle parle, et ça lui permet de faire croire qu'elle ne crie pas, qu'elle ne souffre pas !
Tu vas voir, prends ça, et ça, et encore ça !
— Je sais que Totoche nous regarde. N'est-ce pas, Totoche ?
Regarde, tu vois comme je suis devenue forte ?
Il peut arriver n'importe quoi, je ne me plaindrai plus.
Ce n'est rien,
ce ne sont que des égratignures.
Vous ne me ferez pas craquer,
pas avec si peu.
Je ne pleurerai pas !
Je tiendrai le choc.
Je vous montrerai !
Ce que vous m'infligez n'est rien comparé à la souffrance que Totoche a endurée pour moi !
Merde, merde, MERDE !
Pourquoi est-ce qu'elle ne ressent pas la douleur ?
Elle peut pas oser dire qu'elle n'a pas mal, quand même ?
C'est pas possible, elle ment ! Je lui mets toute la lame dans le bras !
Elle saigne comme un porc ! Je la découpe, je l'ai ouverte comme un hareng !
Comment est-ce qu'elle fait pour ne pas crier ? Comment ose-t-elle me parler sur ce ton !
Après m'avoir apparemment dit tout ce qu'elle avait sur le cœur, Satoko serra une dernière fois les dents, puis se tut à tout jamais.
Je pus lui donner tous les coups de couteaux possibles et imaginables, la lacérer, l'éviscérer, elle ne me gratifia même plus d'un seul ahanement.
Mais bon sang, c'est quoi, cette gamine ?
Ce n'est pas la Satoko Hôjô que j'ai connue !
Elle n'était pas comme ça !
Si elle avait été aussi forte à l'époque, Satoshi n'aurait pas eu tous ses problèmes !
Pourquoi est-ce qu'elle n'était pas forte comme ça, avant ?
C'est trop tard, maintenant, c'est beaucoup trop tard !
C'est bien pour elle, mais elle est en retard d'un an !
Son sang sur le manche du couteau fit glisser mes mains, et la lame se planta dans le sol, à mes pieds.
— Haaa, haaa !
Haa !
Haaa !
Haaa !
Haaa !!
...Haaa !
Pleine de sueur et de sang, je me sentis soudain particulièrement sale.
Satoko était toujours en train de se retenir.
Elle était en train de subir un traitement de dingue -- même moi, j'étais en train de m'écœurer toute seule -- et pourtant, elle mit un point d'honneur à ne pas flancher.
Finalement, je ne réussis pas à vaincre Satoko.
Jusqu'au bout, il me fut impossible de la briser.
Elle avait atteint son objectif.
Elle était devenue suffisamment forte pour se retenir d'appeler Satoshi à son secours.
Elle avait attendu le retour de son frère.
Elle s'était forgée un caractère bien trempé, en attendant le jour où son frère reviendrait, juste pour pouvoir lui montrer comme elle était devenue forte.
Mais son frère ne fut pas celui qui constata ses progrès.
La seule à découvrir tous les efforts qu'elle avait fournis, la seule à qui Satoko imposa le respect, ce fut moi.
Moi qui n'avais pas une seule seconde imaginé que Satoshi pût revenir un jour, sain et sauf.
Qu'est-ce qu'il m'est arrivé ?
J'étais persuadée qu'il était mort.
J'avais décidé, sans preuve concrète, qu'il n'était plus de ce monde.
Pourquoi est-ce que j'avais eu cette certitude ?
... Peut-être parce que...
je n'avais pas eu envie de l'attendre.
Je n'avais pas cru qu'il reviendrait un jour.
Je ne l'avais pas attendu.
J'avais décidé de venger sa mémoire... pour pouvoir enfin tourner la page et l'oublier.
Mais Satoko avait vu les choses différemment.
Elle n'avait pas imaginé une seule seconde qu'il pouvait être mort.
Quoique, elle y avait peut-être pensé, en fait.
Mais il n'empêche qu'elle, elle l'avait attendu.
Elle avait travaillé sur elle-même pour qu'il fût fier d'elle lorsqu'il reviendrait... et elle l'avait patiemment attendu, tous les jours.
Et moi, dans tout ça ?
Moi, je n'avais rien fait.
Je m'étais imaginé des ennemis pour créer un échappatoire à ma tristesse.
J'avais prétexté devoir venger Satoshi pour oublier toute émotion humaine.
J'avais perdu.
Incapable de supporter la douleur que m'occasionnait l'attente de son retour, j'avais fini par choisir d'abandonner mon humanité.
C'était comme si j'avais décidé d'oublier mon amour pour lui.
... C'était comme si j'avais décidé de l'oublier lui, en fait.
Satoko avait gagné.
Sa bouche était maintenant détendue, relaxée, souriante, presque.
Son regard filtrait faiblement à travers ses yeux mi-clos.
Il était perdu dans un songe, dans je-ne-savais quel rêve heureux.
Dans la prunelle de ses yeux,
Satoshi était là.
Satoko
avait réussi à tenir bon,
jusqu'à ce que son frère revînt la chercher pour le dernier voyage.
Elle se précipita en avant et courut jusqu'à son frère.
Puis, arrivée près de lui, elle lui sauta au cou.
Satoshi la rattrapa au vol, la serrant fermement dans ses bras,
et ils tournoyèrent tous les deux, enlacés.
Ce n'est plus la peine de te forcer, tu sais. Tu peux pleurer, si tu veux.
Le visage joyeux de Satoko se transforma, ses yeux étirés s'enlarmant, puis elle remonta la lèvre inférieure, créant des rides sur son menton, pour finalement se mettre à pleurer à chaudes larmes.
Satoshi souriait. Il plaça sa main sur la tête de sa sœur et se mit à la caresser, très gentiment.
Désormais, nous resterons ensemble, pour toujours.
Sa main continua son mouvement, toujours aussi douce, toujours aussi rassurante.
Satoshi...
Moi aussi, je t'ai attendu, tu sais...
Quelle piètre menteuse j'étais...
J'avais tué Satoshi dans ma tête et dans mon cœur, sans l'aide de personne.
Je ne m'étais pas imaginé une seule seconde pouvoir le revoir un jour.
C'était vraiment stupide et puéril de ma part de faire du chiqué maintenant.
J'étais tout simplement jalouse de Satoko...
Mon regard se posa sur elle, puis sur la main de Satoshi, puis sur son visage, et nos regards se croisèrent.
Shion ?
Satoshi m'interpella.
... Il me semble que je t'avais demandé de me rendre un service.
Hein ? Un service ?
Je me mis à chercher furieusement dans ma mémoire.
Il m'a demandé un service ? Lui ? Quand ça ?
Je vis son regard changer. Il était triste.
Déçu, en fait, de constater que j'avais oublié la promesse que je lui avais faite.
Ce regard triste, esseulé, désabusé, transperça mon cœur de part en part, tel une lame bien plus effilée que n'importe quel rasoir.
Je sentis mon sang couler. Il n'était pas aussi beau que celui de Rika, ni même que celui de Satoko.
Il ressemblait à du vomi, avec des restes de repas mal digérés.
C'était ça qui remplissait mon corps.
— Je me fous de savoir si c'est vraiment une malédiction ou bien si quelqu'un du village est derrière tout ça,
mais je te préviens, je ne disparaîtrai pas.
— Mais bien sûr que non, Satoshi, tu...
— Je ne disparaîtrai pas, ooh ça non.
En tout cas, pas jusqu'à ce que j'aie acheté la peluche pour Satoko.
Je vais recevoir ma paye, très bientôt.
Le jour où j'ai les sous, je l'achète.
... Eh, mais...
C'est quoi, ces souvenirs ? Ils datent de quand ?
... Aaah, je sais,
il m'a dit ça au téléphone, l'année dernière, la veille de la purification du coton.
— ... Ah, j'entends ma tante qui rentre, je dois raccrocher.
— Oh... OK.
— ... Mion ?
— Oui, quoi ?
Il devait avoir envie de raccrocher le plus vite possible, mais il respira un bon coup et me redit encore une fois ce pour quoi il avait voulu m'appeler.
— Pour ce qui est de Satoko...
... Je compte sur toi.
Je te la confie, c'est compris ?
Mes coudes et mes genoux se mirent à s'entrechoquer.
Ma mâchoire fut prise de tremblote, tout comme mes doigts, d'ailleurs, qui ne tenaient plus en place.
C'est vrai... Il me l'avait confiée... Il avait compté sur moi.
Non... Non... ... Oh non...
Mais qu'est-ce que j'ai fait ?
Je n'ai pas su attendre son retour.
J'ai réveillé le démon en moi, et je lui ai passé tous ses caprices.
Je n'ai pas su croire en lui, je n'ai jamais cru qu'il reviendrait.
Et j'ai osé oublier
la seule promesse qu'il m'avait demandé de lui faire...
Comment pouvais-je encore oser prétendre être amoureuse de lui ?
Comment pouvais-je oser l'accueillir maintenant, lui dire bonjour, lui souhaiter la bienvenue, alors que j'étais couverte du sang de sa propre sœur ?
Je n'avais pas eu confiance en son retour.
Je n'avais pas eu la foi de le croire vivant.
Je croyais qu'il était mort, parce que je ne pensais pas qu'il pouvait être vivant.
C'était ça, le problème : j'avais été persuadée qu'il était mort.
Je l'avais assassiné, en pensée en tout cas.
Ce n'était la faute de personne, à part moi bien sûr.
Mais Satoko avait cru en son frère, jusqu'au bout.
Et sa foi avait été récompensée, au tout dernier moment.
Satoko n'était désormais plus.
Sa dépouille sanguinolante ne lui était plus d'aucune utilité.
Or, moi, j'étais toujours coincée ici.
J'étais toujours prisonnière de corps souillé du sang de mes victimes,
et je pourissais dans ma prison de chair.
Satoshi avait attendu sa sœur, tout comme il m'attendait moi, je pense.
Mais pour avoir le droit de le retrouver, il me fallait lui montrer que j'avais tenu ma promesse envers lui.
Satoko lui avait promis de devenir plus forte.
Elle avait tenu cette promesse.
Et maintenant, Satoshi la serrait fort dans ses bras.
Moi, je lui avais promis de me substituer à lui pour veiller sur elle.
Et je n'avais pas tenu cette promesse, je n'avais jamais considéré la tenir.
C'était pourquoi
il n'était pas à mes côtés maintenant.
Je pourrais aller jusqu'à son cadavre et lui caresser ses blessures, et lui demander si elle avait mal,
mais à quoi bon prétendre ?
Soudain, juste derrière moi,
je sentis une présence.
Elle se tenait là, sans émotion, ce n'était ni Satoshi, ni la personne qui m'avait fait peur ces derniers jours.
Je ne savais pas qui c'était.
Elle se tenait debout, silencieuse, sans piper mot, me reprochant tacitement mon comportement.
Enfin,
je réalisai qui c'était.
Cette présence
...
c'était moi.
Je m'étais observée moi-même depuis bien longtemps, contemplant systématiquement comment j'étais revenue sur ma promesse.
Satoshi m'avait confié sa sœur,
et moi, je l'avais lâchée. Je les avais lâchés tous les deux.
Mon alter ego se mit à pleurer,
et finit par m'abandonner à mon propre sort.
Eh, mais attends !
Si Satoshi m'abandonne...
et si moi-même je m'abandonne...
qu'est-ce que je vais devenir ?
Je ne veux pas rester dans le noir. Je ne veux pas rester dans ce sang.
Ne me laisse pas ici...
Ne me laisse pas toute seule dans ce corps... Qu'est-ce que je vais devenir ?
Il ne reste
plus rien de moi !
Il ne reste que le démon !
Il ne reste que le démon, mais le démon, c'est moi, non ?
Je l'ai toujours su, il me semble.
J'ai toujours su
que j'étais devenue un démon.
— Ahahahaha, ahaha, aHAHAH
AH
AH
AH
AH
AH
AH
AH !!!
Puisque je suis un démon, je ne sais pas ce qu'est la tristesse.
Un démon n'a ni âme ni cœur, donc il ne souffre jamais.
Un démon n'a pas besoin de s'encombrer de larmes !
Shion était toujours en train de dire ses séries de “Je te demande pardon”, comme la conne de cruche qu'elle était.
Elle devait s'imaginer qu'elle réussirait à sauver Satoko.
Sa voix était rauque et beaucoup moins forte qu'avant.
— Hé, Shion ?
C'est bon, hein, tu peux arrêter, c'est fini.
— Whaaahhhhhh...
Instantanément, ce fut le silence.
Son pois-chiche dut forcément tourner à bloc, car je finis par entendre ses pleurs depuis l'autre salle.
— Ahahahahahaha !
C'est pas si mal, finalement !
Je ne savais pas que c'était si rigolo de voir et d'entendre les humains pleurer.
Enfin, les meilleures choses ont une fin, même si je dois avouer que je me suis bien marrée dans le monde des humains.
Je vais devoir penser tout doucement à mourir et à retourner au royaume des morts, là où les démons vivent normalement...
Ah, mais ne t'en fais pas, hein ?
Avant de partir, je veillerai personnellement à te tuer.
Je ne suis ici que pour te supprimer toi, tu sais.
Les autres meurtres, c'est pour te faire souffrir, c'est pour te voir pleurer ! Il n'y a que ça qui nous excite, nous les démons, tu sais...
Au fait, j'y pense, tu es amoureuse de Keiichi, non ?
Allez, c'est cadeau, je vais le dépecer devant tes yeux esbaudis !
Ce sera la cerise sur le gâteau, si tu veux !
Après ça, promis-juré, je te tuerai, et je me tuerai moi-même après.
Après tout, nous sommes dans un village qui s'est appelé pendant des siècles “les abysses des démons” !
Nous avons même des légendes racontant comment le village s'est fait attaquer par une bande d'ogres affamés !
Je sais ce que je vais faire, je vais tuer le plus de monde possible, et je vais attendre la sentence et le jugement de la déesse Yashiro.
Je pense que c'est la plus belle chose que je puisse faire par ici, tu ne trouves pas ?
Ahaha, aha, aHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA !
— Ah, c'est toi, Kei ?
C'est moi.
C'est Shion.
Tu as mis du temps à décrocher, dis-voir, j'ai cru que tu n'étais pas là.
— Ah,
désolé,
je... je sors du bain, là, en fait.
— ... Ah oui ? Et tes parents, ils répondent jamais ou quoi ?
Oh, ils ne sont pas là, alors ?
— Non, en fait, je suppose qu'ils ont autre chose à faire que de répondre en ce moment.
Mais dis-moi,
tu as entendu la dernière ?
À propos de Rika et de Satoko.
— Non.
Finalement, il s'est passé quoi ?
Vous ne les avez pas trouvées ?
— ... Non, effectivement.
On ne les a pas trouvées.
— Écoute, mon cœur, il faut pas perdre espoir...
— ... Rika et Satoko
ont sûrement été enlevées.
— Oui.
Je crois que c'est clair.
— ... Tu crois que Rika et que Satoko...
nan, rien.
Désolé.
Tu crois que le maire...
Qu'est-ce qu'il a pu lui arriver, tu penses ?
Tu crois qu'il est encore en vie ?
Keiichi avait l'air hésitant.
Il m'avait l'air de vouloir croire qu'elles étaient saines et sauves, mais il n'osait pas demander directement...
... Il était comme Satoko, en fait.
Lorsqu'on enlève quelqu'un, à moins de la garder en otage pour une grosse rançon, que faire de la victime ? Il faut la tuer le plus vite possible et s'en débarrasser.
Ça paraît logique, pourtant. Moi, je voyais mal les ravisseurs les laisser en vie. Même pas en rêve.
Mais Keiichi ne se laissait pas dominer par le pessimisme. Il pariait sur la possibilité la plus heureuse, fût-elle la moins probable.
Cela prouvait qu'il avait une certaine force de caractère, mine de rien. Maintenant, je commençais à comprendre.
Je comprenais surtout qu'il était beaucoup plus fort mentalement que moi.
Mais j'étais un démon désormais.
Je n'avais pas le droit de me trouver des excuses vaseuses.
— Il est mort depuis un bail, je pense.
— Mais...
Oh vas-y...
tu peux pas dire ça comme ça, quoi...
— Je crois que ça doit être très dur d'enlever un être humain et de le garder en vie pendant longtemps.
S'il n'a pas l'intention de demander une rançon ou de s'en servir pour autre chose, le coupable ne va probablement pas s'embarrasser de prisonniers.
— Mais enfin, comment tu peux dire ça ?
On parle de vies humaines, là, oh ?!
— Je sais que c'est effroyable, mais il faut bien se rendre à l'évidence,
c'est probablement ça.
— Mais alors, si le maire est mort,
il y a de grandes chances
pour que Rika et Satoko
soient mortes !
Non, non...
ce sont des gamines, un vieux je comprends, mais pas des gamines ?
On parle de Rika !
Et de Satoko !
Ils ne vont pas les tuer si facilement !
Même après avoir entendu la Vérité sortir de ma bouche, Keiichi continuait à se rebeller.
Il faisait tout son possible pour ne pas accepter la mort de ses amies.
Moi, je n'avais pas résisté. Je ne m'étais pas battue.
J'avais tué Satoshi presque tout de suite.
J'ai accusé Shion de ne pas l'avoir protégé,
mais c'est moi qui me suis convaincue toute seule que Satoshi était mort.
— Je pense qu'il vaut mieux se faire à l'idée que Rika et Satoko
ont subi le même sort.
— Nooooooooooooooooooon ! Noooooooooonnn... Nooohhonnnn...
Il pleurait.
De rage,
et sûrement de tristesse, aussi.
J'avais l'impression qu'il était en train de vivre les derniers spasmes d'agonie de Rika et de Satoko.
— Pourquoi ?!
Pourquoi les enlever, pourquoi les tuer ?
J'y connais rien à cette malédiction, mais putain, on parle de vies humaines, merde !
On tue pas quelqu'un pour une broutille !
— Oui,
je suis bien d'accord.
Le coupable est un vrai monstre.
Hahahahahaha !
Je suis gonflée, quand même...
Heureusement que mon rire n'atteint pas l'autre bout du fil...
— Eh, Shion.
Dis-moi.
Pourquoi est-ce que dans ce village, il faut tuer des gens le soir de la purification du coton ?
— J'en sais rien, j'aimerais bien le savoir aussi.
— Le projet de barrage est mort et enterré, non ?
La déesse a pas eu assez de sacrifices ou quoi ?
Alors pourquoi ? Pourquoi, hein ? POURQUOI ?
Donne-moi une seule raison !
— Écoute, je sais ce que tu ressens.
La guerre du barrage est finie depuis des années.
Et pourtant chaque année, ça continue.
Pourquoi ?
Dans quel but ?
Pourquoi des innocents doivent-ils y passer ?
Où est l'intérêt ?
— C'est moi qui te pose la question !
— Mais moi aussi j'ai envie de le savoir, ducon !
La malédiction
n'avait jamais existé, en fait.
Ce n'était qu'un prétexte, une tribune bizarre sur laquelle on avait le droit de tuer.
Mais elle n'en restait pas moins qu'une tribune.
Tant qu'il n'y avait pas un taré pour s'en servir, elle n'avait aucune raison d'exister.
— Écoute-moi bien,
la malédiction, ça n'a jamais existé, ce sont des conneries tout ça.
Je suis d'accord avec toi, chaque année, quelqu'un utilise cette malédiction
comme excuse pour tuer des gens.
C'est très malin de sa part.
Il a toujours réussi à suivre le modèle-type de la malédiction telle qu'elle est connue dans les histoires de grands-mères, et à éliminer à chaque fois des ennemis du village !
Et cette année, il a tué Mme Takano et Tomitake !
— Ben alors quoi, il a eu deux victimes, ça pouvait pas lui suffire, non ?
Pourquoi le maire ? Pourquoi les deux gamines ?
Je m'en fous, moi, du passé !
Je veux juste savoir pourquoi il avait besoin de tuer Rika et Satoko ! Le reste, je m'en tape !
Alors pourquoi ?
Je lui en avais même pas parlé, à Satoko !
Alors pourquoi même elle...
POURQUOI ?
On aurait pu croire que Satoshi criait son indignation, à travers Keiichi.
Que pouvais-je bien lui répondre ?
Je n'avais rien à répondre à cela.
Je ne pouvais rien faire, à part me taire et subir le rasoir de ses paroles.
— Vas-y, Kei...
Arrête... Tu peux pas me faire ça, quoi...
... sniff...
... J'en sais pas plus que toi.
Tout a changé depuis le moment où nous sommes entrés dans le temple...
— .........
— Le soir-là,
quand j'ai su pour Mme Takano, j'en ai pas cru mes oreilles.
Mais j'ai compris très vite que...
que la prochaine fois, ce serait mon tour !
Nous étions quatre à nous être introduits là-dedans.
Il n'y avait aucune chance pour que toi ou moi soyons pardonnés et pas eux.
Tu n'imagines pas comme j'ai eu peur quand je m'en suis rendu compte...
Toi aussi, tu sais de quoi je parle, Kei ?
C'est pour ça que...
que j'ai tout avoué à M. Kimiyoshi...
Il a... Il ne s'est pas mis en colère...
Il m'a fait un petit sourire, et il m'a dit que si je le regrettais vraiment, eh bien la déesse m'épargnerait.
Il m'a vraiment... vraiment dit ça en souriant... Et puis il m'a dit que... qu'il s'en chargeait, qu'il ne m'arriverait rien...
......ooh... !!
Les insultes qu'il avait proférées à l'encontre de Satoshi me revinrent en mémoire.
J'avais ôté la vie, mais le village entier aussi, Hinamizawa aussi avait ôté des vies innocentes, comme celle de Satoshi.
Je n'étais pas la seule, il n'y avait pas que moi, j'ai fait comme tout le monde !
— ...
Quand ?
Quand est-ce que tu lui as parlé ?
— Sniff...
Hein ?
— Excuse-moi de te demander ça, Shion.
Je sais que c'est pas facile pour toi, mais...
Shion... tu lui as tout avoué, non ?
Tu as tout dit au maire ?
— Ben, oui ?
... snfffff.
— Quand...
Tu lui as dit quand ?
— ... Comment ça ?
Je n'aimais pas le ton de sa voix. Il était d'un seul coup beaucoup plus sec et tranchant.
Il n'était pas cruel, mais plutôt impérial, souverain, c'était un ton de juge.
Ses mots n'étaient pas simplement plus violents, ils ne faisaient pas mal inutilement.
Ils étaient incisifs comme le plus parfait des sabres, c'était agréable.
— Tu savais qu'il allait à l'hôpital pour se faire soigner des hémorroïdes ?
— ... Mais...
Kei...
Je vois pas le rapport ?
— Réponds-moi, s'il te plaît.
Si tu ne le savais pas, je ne vais pas te manger, tu n'as qu'à me dire que tu ne le savais pas.
— Eh bien... je savais...
pour les hémorroïdes... enfin, je m'en doutais.
Il avait toujours l'air d'avoir mal quand il devait s'asseoir...
— Il allait à l'hôpital à cause de ça.
Tu sais dans lequel, je suppose ?
— ... ...
Non, désolée, mon cœur.
Je sais pas dans quel établissement il se faisait soigner.
Mais Kei...
je vois pas où est le rapport ?
— Je veux te poser la question directement.
Shion,
quand est-ce que tu lui as dit ?
Où, quand ?
Je te demande pas à la seconde près, mais au moins que je sache quand est-ce que tu l'as vu.
— ... ... ...
Kei, pourquoi toutes ces hhHH questions ?
sniff...
Alors là, bravo, mon cœur.
Keiichi Maebara, vous avez vu à travers mon jeu.
— Ce n'est pas possible, Shion.
Le jour où le maire a disparu...
depuis le lever du jour jusqu'à l'heure présumée de sa disparition,
il n'a pas pu te rencontrer.
— ... Hein ?
Mais...
Mais...
— Le maire est parti aux aurores, dans le plus grand secret, pour une consultation dans une clinique très célèbre.
Tu viens de me dire que tu ne savais pas dans quel hôpital il allait.
Donc forcément, tu l'as attendu. Tu n'as pas pu le voir tant qu'il n'était pas rentré au village.
J'ai pas raison ?
— ... ... ... HhhHH.
— Sur le chemin du retour, alors qu'il était dans le train, il y a eu un suicide sur la voie, alors il est arrivé très tard chez lui. Il est tout de suite reparti pour la réunion du conseil municipal.
Donc tu n'as pas pu le rencontrer jusqu'à la réunion.
Alors, quoi ? Tu as aussi participé à la réunion du conseil municipal ?
C'est là que tu lui en as parlé ?
Parce que si tu ne lui en a pas parlé pendant la réunion... alors c'est pas possible.
Le maire a disparu juste après la réunion, alors qu'il rentrait chez lui pour manger.
— Eh bien... oui, en fait, ce jour-là, je suis allée à la réu-
— Ce jour-là, tu n'es même pas allée au travail, Shion.
C'est bien simple :
Depuis que tu es partie de la bibliothèque, personne ne t'a vue.
— ... Kei,
écoute, je...
— Shion Sonozaki a...
a disparu
le lendemain de la fête.
Ahahahahaha !
Oui, OUI, bingo, mon cœur, bonne réponse !
Tu sais quoi ? Tu remontes dans mon estime !
— L'inspecteur Ôishi m'a dit que tu avais déjà disparu.
Et pourtant, tous les soirs, tu me téléphones pour me donner de tes nouvelles.
Je t'en supplie, Shion.
Si je me trompe, je veux absolument que tu me le dises.
Dis-moi que je viens de raconter des conneries, je t'en supplie...
Allez, c'est bien, continue.
Pousse-moi, harcèle-moi, empêche le démon en moi de noyer le poisson avec les excuses les plus minables qui lui passeront par la tête !
— HhhHH...
hH.
HhH HhhHH...
...
— Shion, tu n'as pas rencontré le maire.
Ou bien alors si vraiment tu l'as rencontré...
Si vraiment je l'ai rencontré ce jour-là ?
Continue ?
— Tu n'as pu le voir qu'après la réunion.
Ce qui veut dire...
juste avant qu'il ne disparaisse,
ou alors... après qu'il a disparu !
— Ggkhh, hhhh
...
Ha
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
hé
Click!
Je raccrochai violemment le combiné sur son socle.
Bravo, p'tit gars !
Oui, c'est exact, c'est moi qui les ai tous tués !
Allons, amène-toi, viens vite me mettre en difficulté !
Viens vite, je t'attends pour...
me libérer de toute cette folie.
Ahahahaha, ahaha, aHAHAHAHAHAHAHA !
Hmmm, est-ce qu'il va en parler à la Police ? Non, il viendra seul...
Hmmm, je sais pas trop en fait, voyons voir...
Si c'est la Police qui vient... Bah, j'aviserai en temps voulu.
Je suis curieuse de voir comment Ôishi se débrouille face à un adversaire de mon calibre.
Mais si Keiichi se pointe tout seul, comme un grand...
Aaaah ben là, ce sera pas prudent de sa part,
ce sera de sa faute si je le bouffe tout cru !
Surtout qu'effectivement, je veux le bouffer tout cru.
Je vais le traîner devant Shion et le tuer de la manière la plus écœurante possible.
Héhéhé, p'tit gars, p'tit gars, p'tit gars... Sois sans pitié avec moi.
Je savais que tu étais sympa à fréquenter, mais j'aurais jamais cru pouvoir espérer
tant de choses de toi...