— ... Bonsoir, bonsoir.
— ... Ouais, bonsoir.
Elle me fit un grand “Nipah” tout chaleureux en me montrant fièrement la grosse bouteille qu'elle tenait à pleins bras.
Comme si rien ne s'était passé aujourd'hui, comme si je ne l'avais pas menacée et frappée quelques heures à peine auparavant.
Est-ce que c'était une manière à elle de venir faire la paix ?
Je l'invitai à entrer dans le vestibule, puis tendis la main pour prendre sa bouteille.
Mais Rika garda jalousement la bouteille entre les mains, se déchaussa à son tour, et entra sans plus de cérémonie.
— Nan, mais laisse, va, je vais te la remplir, c'est pas grave.
— ... Mais je suis devenue douée pour me servir de l'entonnoir, tu sais ?
On aurait dit une gamine de cinq ans qui veut montrer à sa maman ou à son papa qu'elle sait tout faire comme une grande.
Est-ce que ce serait vraiment raisonnable de la laisser faire ?
Je ne voudrais pas la voir rentrer et fourrer son nez partout.
En même temps, si je pars dans la cuisine et que je la laisse toute seule ici, elle risque d'aller s'installer sans se gêner... et j'en avais froid dans le dos rien que d'y penser.
En fait, c'était bien mieux pour moi de la prendre avec, au moins, je pourrais la surveiller.
— Bon, ben alors, montre-moi comment tu t'y prends.
J'ouvris le chemin et l'invitai à me suivre à la cuisine.
Nos pas résonnaient sur le parquet en bois.
... Curieusement, je remarquai n'entendre qu'un seul bruit de pas, alors que nous étions deux à marcher. Je m'arrêtai brusquement pour vérifier que Rika était bien derrière moi.
Alors, surprise par mon arrêt soudain, Rika fit un pas de trop et se cogna à mon dos.
— ... Miaou.
— Euh... Ah, euh, désolée.
Satisfaite de savoir qu'elle me suivait à la trace, je me remis en marche.
J'entendis mes pieds nus sur le sol.
Puis ses pieds sur le sol.
Ce bruit, ce sont mes pas...
Là aussi.
Là les siens...
Et encore les siens, avec la même attente entre les deux.
Elle s'amusait apparemment à imiter le rythme de ma marche.
Et elle m'observait attentivement, car même si je changeais de rythme sans prévenir, elle continuait de marcher plus ou moins parfaitement à l'unisson avec moi.
Un-deux,
un-deux-trois.
Elle aussi, un-deux,
un-deux-trois.
Un, deux, trois,
STOP !
Un, deux, trois, ...
et quatre.
Elle avait fait un pas en trop avant de s'arrêter.
Je me retournai et vis Rika me faire encore un “Nipah” plein de malice, consciente que j'avais démasqué son petit manège.
Attendez une seconde... Un bruit de pas en trop qui ne s'entend que lorsqu'on s'arrête brusquement ?
J'ai déjà vécu ça, très récemment d'ailleurs, et ce n'était pas pour me plaire.
Bon, dans son cas, si je me retourne, elle se cogne contre moi, donc je suis certaine qu'elle est là...
Donc elle n'était pas l'auteur des bruits de pas que je connaissais bien...
La trappe au sol était encore ouverte dans la cuisine, et les jarres de sauce nous firent presque coucou lorsque nous entrâmes dans la pièce.
Le petit mot sur le réfrigérateur disait qu'on pouvait donner sans compter, mais j'espère au moins qu'il en reste assez.
Je m'accroupis et essayai d'ouvrir le couvercle de la jarre.
J'entendis ses pieds faisant un pas en trop.
— Ouais, OK, il en reste encore largement assez.
Tiens, vas-y, prends-en autant que tu veux.
Lorsque je me retournai, Rika était juste devant mon nez, beaucoup plus proche qu'elle n'en avait besoin.
Quoique ? Mais ?
C'est Rika ? Avec cette tête-là ?
Non, c'est pas possible, elle ne sait pas faire un visage pareil, cette gamine.
J'avais l'impression d'être à la place de mes parents lorsque ma sœur et moi échangions nos places -- Rika avait quelque chose de bizarre, mais je n'aurais pas su dire quoi.
La fille devant moi lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, mais n'avait absolument pas le même regard, le même caractère...
Elle avait une sœur jumelle, cette gamine ?
Pendant un instant, je me suis vraiment posé la question.
Rika avait un petit spray, une sorte de déodorant, j'imagine, qu'elle plaça juste devant mes yeux, puis elle appuya sur la valve.
— Eeeeeh !!!
Aaarh !
Une douleur fulgurante assaillit mes deux yeux, et ils se mirent à pleurer comme des malades pour apaiser la brûlure de mes paupières.
J'eus aussi mal au nez, comme si une aiguille me piquait l'intérieur des narines, et je ne réussis pas à m'empêcher d'éternuer.
Pendant quelques secondes, je restai à me protéger le visage, sans me défendre plus que ça, ne réalisant pas qu'elle m'avait attaquée avec l'intention de nuire.
Pressant les paupières fermées, je forçai les larmes à couler,
puis entr'ouvris les yeux juste à temps pour voir Rika m'attraper la tête à pleine poigne et me tirer les cheveux violemment vers le bas, pour me faire tomber.
Elle croisa mon regard et, sans se dégonfler, me remit un coup bombe lacrymogène.
Je réussis à fermer les yeux à temps, pensais-je, mais apparemment, le gaz faisait des effets à travers les muqueuses du nez aussi.
Je n'eus pas aussi mal que la première fois, mais entre les larmes et les éternuements, je ne voyais à nouveau plus rien.
Mais putain, ça fait super mal !
Et en plus, la douleur faisait que mon cerveau était d'une lenteur épouvantable !
Enfin seulement, après ces trois coups, je compris que Furude Rika était en train de m'attaquer.
Et enfin seulement, mon cerveau se remit à tourner à sa vitesse de croisière, puis plus vite, puis beaucoup plus vite !
Elle me prit par la tête et plaça une main sur mon épaule, et me projeta à terre, sur le dos, puis tenta de se mettre assise sur moi.
Essayant de fuir, je me mis à me tordre et à me rouler dans tous les sens.
Ma tête heurta le fourneau,
mes bras touchèrent quelques pots et autres babioles qui traînaient,
et je fis même tomber une pile de je-ne-sais-quoi en me débattant.
Mais Rika ne lâcha pas prise, se serrant et se collant à moi,
et finit par réussir à se placer à califourchon sur moi,
m'empêchant par là-même de continuer à bouger.
Elle serrait ses petites jambes juste derrière mon bassin et me mettait une grosse pression sur le ventre, faisant remonter de la bile le long de mon œsophage, ce qui me faisait carrément flipper.
J'aurais jamais cru, mais en fait, elle a l'habitude de se battre !
Mes yeux me faisaient toujours mal, et je n'y voyais rien.
Rika était juchée sur moi, et franchement, je ne voyais plus comment m'en sortir. J'étais dans un sacré merdier...
Je jetai un œil au visage de Rika.
Oh, je sais bien que je ne la connaissais pas trop, cette gamine.
Je ne l'avais rencontrée que quelques fois, lorsque j'avais pris la place de Mion. Sinon, je n'en savais que ce que les gens m'en avaient raconté.
Mais honnêtement, d'après l'opinion que j'avais pu me forger d'elle à travers nos rencontres, il m'aurait été impossible de lui imaginer une aptitude pareille au combat.
Ce n'était pas crédible, ce n'était pas possible, c'était inimaginable !
... Aaah c'est pas bon, ça, il faut que j'arrête de penser que c'est impossible !
Je dois regarder la vérité en face et me faire une raison, puis agir en conséquence, il ne faut pas céder à la panique, reste cool, reste zen !
En fait, il vaut même mieux carrément ne pas penser du tout ! Je suis en train de paniquer, là, merde !
Je lui jetai encore une fois un regard furtif.
Dans la main gauche, le gaz lacrymo.
Mais sa main droite était bizarre.
J'ai vraiment cru à une mauvaise blague de mes yeux, mais franchement, je ne voyais pas comment ils auraient pu se tromper sur le compte de cet objet.
Il avait une forme beaucoup trop particulière pour être confondu avec autre chose.
Dans sa main droite, elle tenait une seringue.
Rika se rendit compte que je pouvais à nouveau voir
et me remit impitoyablement une dose de gaz dans les yeux et les narines.
Pressant les paupières, je tentai d'éviter le pire.
Ainsi donc les yeux fermés, je ne pus pas directement voir la scène,
mais je compris que Rika avait fait une erreur imprévue.
Elle avait utilisé le gaz lacrymogène alors qu'elle était toute proche de moi pour me maintenir au sol, et avait donc elle-même inhalé une partie de ce gaz !
En l'entendant tousser et éternuer, je compris que c'était là peut-être ma seule chance de m'en sortir.
Je ne pouvais pas voir, mais je savais où elle était, après tout.
Je me mis à frapper en aveugle, la touchant à la tête, plusieurs fois.
Elle lâcha prise, et je fus à nouveau libre de mes mouvements.
Je pris immédiatement mes distances et sortis mon tazer.
Rika avait déjà récupéré, et me jetait un regard noir, sur ses gardes.
— ... Eh ben alors, ma grande, mais c'est qu'on se débrouille ?
T'as envie de te faire défoncer la tronche, HEIN ?
Rika me regardait toujours d'un air supérieur et imperturbable, mais j'étais sûre et certaine qu'elle était énervée à l'idée d'avoir raté son coup.
Elle ne montra pas plus d'hésitation,
et se mit à chercher comment me placer un nouveau coup de bombe lacrymo.
J'imaginai bien que le plan était de me mettre hors d'état de nuire avec le spray
et de m'injecter le contenu de la seringue pendant que je serais plus ou moins sans défense.
Je me rendais bien compte qu'il devait y avoir une sorte de médicament drogué là-dedans, mais le liquide était presque transparent, je n'avais aucune idée de ce qu'il pouvait contenir.
C'était heureusement inutile de se poser trop de question. Sûrement un truc aux effets dévastateurs.
Imaginons qu'elle réussisse à m'aveugler et à m'injecter le produit dans le bras ou la jambe ou peu importe.
Si l'effet est à retardement,
ou ne serait-ce que simplement pas immédiat,
cela me laisserait quand même amplement le temps et la possibilité de lui mettre une dérouillée.
Sauf que vu sa manière de m'attaquer, je peux déduire que le produit doit agir très vite, elle avait l'air de penser qu'une fois l'injection réussie, tout serait fini.
... Donc même si je ne sais pas ce qu'il y a là-dedans exactement,
c'est en tout cas un truc très puissant qui agit rapidement
et qui m'empêchera de lui rendre la monnaie de sa pièce.
Donc forcément, c'est un truc qui va me plonger dans le coma ou qui va me tuer sur le coup, c'est presque obligé !
Mais moi aussi, j'ai une bonne arme.
Si je la touche avec le tazer,
elle ne se relèvera pas.
Je suis bien placée pour le savoir, je m'en suis déjà servi une paire de fois...
— ... ... ... ...
Rika ne semblait pas vouloir s'approcher, et regardait du coin de l'œil mon tazer. Elle avait l'air parfaitement au courant de l'effet qu'il faisait.
— ... Eh ben alors, ma grande, tu comptes rester plantée là encore longtemps ?
T'as rien à foutre chez les gens, alors si tu ne te pointes pas, c'est moi qui commence !
Je ramassai un tas de journaux qui traînaient par terre et le lui lançai de toutes mes forces à la figure.
Ils n'étaient que posés les uns sur les autres, et une fois en l'air, se déplièrent, bloquant ainsi son champ de vision !
Dans le même geste, je fis deux pas rapides vers Rika,
et plongeai la main qui tenait le tazer en avant,
la prenant par surprise !
Rika s'arc-bouta et fut propulsée en arrière, tombant à la renverse.
Eh ben alors, ma grande, t'as pas l'air d'une conne, maintenant, hein ?
Comment est-ce que t'as pu oser hésiter ? Tu savais bien que c'était toi ou moi !
Ah çà, ceux qui n'ont pas l'habitude, ils se regardent en chiens de faïence, mais moi, j'ai l'habitude, pas de bol !
Je savais que la première qui attaquerait gagnerait ! Sale gamine, t'as cru pouvoir m'avoir avec tes couches-culottes ou quoi ?
J'entendis sa bombe de gaz lacrymogène rouler,
mais elle tenait toujours la seringue fermement dans la main !
Je lui ai pourtant mis un coup de tazer ! Tant pis, on va la jouer prudente.
Je lui mis un grand coup de pied dans les côtes, puis m'assis sur elle, à califourchon.
Je n'eus aucune difficulté à lui prendre la seringue.
Je plaçai un genou sur son bras pour le maintenir en place, et lui injectai le contenu dedans, illico presto.
N'allez pas croire que je savais faire des piqûres, je n'avais jamais joué avec des seringues.
Je lui avais simplement enfoncé le bazar dans le bras, aussi fort que possible.
Je pressai sur le cylindre jusqu'à être sûre de lui avoir tout mis dans le sang.
Je ne sais pas si c'était dû à ça, mais son corps se mit à avoir des soubresauts violents, comme une crise d'épilepsie.
Je m'éloignai d'elle et observai son corps, pour essayer de déceler ce qu'il allait se passer.
Évidemment, je restais sur mes gardes.
Je me doutais que l'effet devait être handicapant, et assez rapide, mais je ne savais pas du tout à quoi m'attendre. Je décidai de reculer encore un peu.
— Ha !
Alors, on fait moins la maline, ma grande ?
T'as vraiment cru que t'avais une chance contre moi ?
Mais tu crois au Père Noël, ma parole !
Rika eut encore quelques soubresauts, puis elle se recroquevilla, plaça une main au mur et se remit debout.
Oh putain, c'est pas vrai ? Elle se relève déjà ? Mais... ?
Je tâtai mon tazer.
Il était à fond, pourtant !
Je l'ai mis au max ou au minimum ?
Je mis la puissance au milieu, regardai bien la jauge,
et réglai le tazer à nouveau sur le maximum, juste histoire d'être sûre.
Rika devint entièrement blême, et se mit à suer à grosses gouttes.
... Je ne savais pas ce qu'il lui arrivait, mais si elle avait réussi à me l'injecter, c'était moi qui suerais comme une folle maintenant.
Elle n'arrivait pas à cacher qu'elle se sentait mal, alors il n'était vraiment pas dur d'imaginer qu'elle devait déguster.
Son regard se fit vague, son corps mou, et elle dut se maintenir debout en s'appuyant au mur.
... Ce truc doit la priver du sens de l'équilibre. Elle doit sûrement donner tout ce qu'elle a pour ne pas tomber.
Son visage n'était plus aussi confiant que tout à l'heure.
Elle semblait un peu ailleurs, mais fut prise d'un seul coup de violents hoquets, puis elle toussa, se râclant la gorge bruyamment, comme si ce truc lui donnait une méchante envie de vomir.
— ... Urgh...
Haa, ... yuuu...
.........
Hahoo, hahooo...
Hrrnyû !
Hanyû !
Kof,
kehhf,
koff !
La voir dans cet état second était à la fois terrifiant et amusant.
Je parie qu'elle n'avait pas imaginé une seule seconde qu'elle se prendrait son attaque dans les dents.
Qui sème le vent récolte la tempête !
C'était bien fait pour sa gueule !
— Ahhahahahahaha !
Aaaah là là, ma grande, c'est magnifique !
Mais ne me dégobille pas partout, hein ? C'est pas sympa pour ceux qui nettoient, alors va dégueuler sur le trône.
Héhhéhhé !
Aaah, je me demande bien combien de temps tu tiendras avant de crever, je vais chronométrer, tiens !
Quoique, je risque de pas pouvoir te torturer, ce sera moins drôle...
Tu sais, ça faisait super longtemps que j'avais envie d'utiliser la cloueuse sur toi.
On va voir si tu vas t'étouffer dans ton vomi ou si la douleur des clous dans tes dix doigts te fera clamser avant !
Oui, c'est une idée qui me plaît, ça.
Bon, ben alors, en route pour le monde merveilleux du temple souterrain des reliques sacrées, qu'en dis-tu ?
Tu vas devoir faire dodo pendant le transport, par contre,
héhhéhhé...
Je fis des étincelles dans le vide avec le tazer, un sourire haineux sur le visage, et m'approcha lentement de Rika, triomphante.
Lorsqu'elle vit les étincelles, Rika écarquilla les yeux,
puis, comme frappée d'inspiration, courut vers le plan de travail et saisit un couteau de cuisine qui traînait dans l'évier.
— Ohoo, mais tu es encore pleine de ressource ?
Hahahahaha, aaaah,
tant mieux, tant mieux, sinon ce serait pas marrant, hein ?
J'ai des tas de questions à te poser, ma jolie,
et je t'assure que tu ferais mieux de ne pas opposer de résistance, ça te fera moins mal.
Enfin, quand je dis moins mal, je me comprends, hein ? Ahahahahahaha !
— ... Désolée, fillette, je sais que tu aimes faire mal aux autres, mais tu peux te carrer ton invitation dans le cul, et bien profond.
Je dois avouer que je ne m'attendais pas du tout à ce genre de propos de sa bouche, même si elle était aux portes de la mort.
Mais je ne devais pas avoir peur d'elle.
J'étais sûre de gagner, alors je n'avais pas besoin de flipper.
Et puis, il ne fallait pas oublier qu'elle était la dernière survivante du clan des Furude.
Sa transformation était, comment dire ? Plus seyante ? Elle faisait honneur à la longue histoire de son nom, c'était presque normal qu'elle fût anormale.
— Allons, allons, comparée à la soif de sang séculaire des trois clans fondateurs, mes jeux ne sont rien du tout.
Je ne mérite vraiment pas tous ces compliments, surtout venant du chef de clan des Furude en personne.
Vous me gênez, presque.
Et sinon ?
Vous comptez faire quoi dans cet état, me défier en duel avec ce couteau ?
Vous ne tenez même pas debout, vous ne tiendrez plus longtemps...
— ... C'est vrai,
je ne tiendrai plus longtemps.
Mais je ne veux pas être faite prisonnière pour être torturée et humiliée. Ce sera sans moi.
— Sans toi ?
Hahahaha, si tu crois pouvoir partir d'ici, alors là, je t'en prie, montre-moi comment tu comptes t'y prendre !
Elle ne pouvait pas gagner, c'était évident.
Et pourtant, je fus prise d'un frisson d'angoisse, une anxiété diffuse me poussant presque à la panique.
À Hinamizawa, on ne peut pas vraiment “se lâcher”, cette expression n'est pas assez forte pour décrire ce qu'il nous arrive.
C'est plutôt un sentiment d'ivresse ou d'euphorie qui nous prend lorsque le démon qui vit en chacun de nous est libéré du poids de l'obligation de se cacher sous des apparences humaines.
Nous étions toutes les deux des ogres mangeurs d'hommes, et c'était notre festin.
Qui plus est, nous étions les deux personnes du village en lesquelles le sang des démons était le plus vivant, les chefs de clans respectifs des Sonozaki et des Furude.
Je tournai le dos au couloir et barrai le chemin vers la sortie de la cuisine.
La fenêtre était barrée d'un système de protection anti-cambrioleurs, et la porte de derrière était fermée avec la chaînette. Si Rika devait tenter de l'enlever, j'aurais largement le temps de lui mettre un coup de tazer pendant qu'elle me tournerait le dos.
Elle n'a plus le choix maintenant, si elle veut s'en aller, elle devra me passer sur le corps !
Rika pointa le couteau bien droit devant elle.
... Elle va sûrement me plonger dessus pour me l'enfoncer dans le ventre. Je pliai très légèrement les genoux, baissant mon centre de gravité, et ramenai mon tazer devant moi, prêt à l'emploi.
Rika se retourna alors à toute vitesse et me montra le dos.
Comme je m'attendais à la voir me foncer dessus, je fus tellement décontenancée que je préférai ne pas m'approcher, observant la situation avec la plus grande prudence.
Tenant toujours le couteau fermement dans les mains, elle appuya le manche sur le mur, et pointa la lame en oblique, vers le haut.
Bon sang, mais qu'est-ce qu'elle mijote ?
— Adios, la sadique.
Tu croyais pouvoir me torturer ? Va te faire foutre !
Rika jeta sa tête en arrière, comme si elle prenait de l'élan, puis la propulsa en avant, plongeant sa gorge sur la lame du couteau !
— !!!
...
Des gouttes de sang fusèrent partout, maculant le mur et le sol.
Rika reprit encore une fois de l'élan et se rejeta sur la lame.
Et encore. Et encore. Et encore...
Tout son cou et le haut du torse étaient rouge vif.
J'ai toujours cru que le sang était plus noir, mais non.
Non, son sang n'était pas noir, mais alors pas du tout. Il était... il était tellement clair et riche et lumineux, que franchement, je me suis dit que j'étais en train de débloquer complètement. Son sang était presque... beau.
Après s'être empalé le cou plusieurs fois sur la lame,
elle repartit d'un pas en arrière et se retourna pour me regarder dans les yeux.
Ses yeux étaient écarquillés au maximum, et son visage me semblait surnaturel, hors de ce monde.
Elle avait une expression du visage à la fois vivante et expressive, et en même temps très artificielle,
figée comme un masque de mort.
Et son teint était si blanc...
Quelque part, c'était le visage parfait pour nous autres démons, un visage exceptionnel, inhumain.
Il n'y avait pas de miroir dans le coin, aussi je ne pus pas vérifier comment était le mien.
Si ça se trouve, Rika n'était pas la seule de nous deux à faire une tête pareille.
Rika prit le manche du couteau très en haut et continua à se mutiler la gorge avec de petits coups, frénétiquement, sans s'arrêter.
... Ça ressemblait un peu à un forain en train de vous faire une glace pilée en découpant un cube de glace avec un pic.
Ça y ressemblait même beaucoup, en fait.
Il y avait des éclats de glace qui volaient en poussière et qui m'arrosaient un peu le visage, c'était très frais et agréable.
Et puis, c'était vraiment magnifique.
Chaque fois que Rika se mettait un coup de couteau dans la gorge, elle ajoutait des petites touches de rouge un peu partout.
C'était un peu comme une danse sacrée.
... La toute dernière danse sacrée de l'ultime prêtresse de la lignée ancestrale des Furude.
La dernière danse digne d'être montrée à la déesse Yashiro, faite par un véritable démon.
Complètement submergée par un flot intense d'émotions, je me mis à crier.
Cela n'avait aucun sens en particulier, mais il fallait que je fisse sortir ça.
C'était un cri primaire, comme une bête qui hurle pendant un combat à mort, en dévorant son adversaire.
C'était une envie qui devait saisir tous les animaux sauvages lorsqu'ils donnaient la mort, lorsqu'ils sentaient leur adversaire trembler dans un dernier spasme, noyé dans son propre sang.
Tout mon corps se mit à trembler, incontrôlablement.
J'étais devant quelque chose qui me dépassait.
J'étais devant le seul juge impartial en ce monde.
J'étais devant la Mort, et sa présence m'exaltait.
Je hurlai,
encore et encore,
d'une voix rauque, un feulement.
Puis, peu à peu, ma voix redevint plus douce, perdit de sa force et de sa superbe, et reprit sa tonalité humaine.
Le démon en moi avait hurlé sa puissance,
mais moi, l'être humain, je ne faisais que rire, d'un rire hautain et moqueur.
Rika était couverte de sang, depuis le cou jusqu'aux chevilles. Son sang s'épanchait même par terre, sous ses pieds.
Son cou faisait un bruit écœurant,
un peu comme un goulot,
et du sang mêlé d'écume se mit à sortir de sa blessure.
Rika était pourtant toujours en train de me dévisager avec défiance.
Je plongeais aussi mon regard dans le sien.
... Enfin, c'était vite dit.
Elle n'avait plus vraiment de vie dans le regard. Il était devenu impossible à imiter pour un être humain normal.
Rika…
Enfin, le cadavre qui avait été Rika... se mit à cracher du sang par la bouche,
un sourire fantômatique aux lèvres.
Puis elle laissa tomber le couteau de cuisine par terre.
Elle tendit alors les bras vers l'avant, la paume des mains vers le ciel.
Ses doigts remuaient comme des pattes de crustacés, sûrement à cause de ses derniers spasmes.
Ils s'arrêtérent soudain de bouger, arqués fermement, comme des griffes, puis ils fondirent sur son cou.
C'était la première fois de ma vie que je voyais une chose pareille.
C'était forcément la première fois de ma vie que j'observais quelqu'un faire une chose pareille.
... D'habitude, personne ne tente de s'égorger tout seul...
Non, en fait, elle n'essayait pas de s'égorger.
Je sais ce qu'elle fait : elle essaye de passer ses doigts à l'intérieur de la blessure pour pouvoir l'écarter plus encore et tout arracher.
Je vis plusieurs de ses doigts disparaître dans le trou béant dans sa gorge.
... Je ne suis pas sûre, mais il me semble qu'elle a eu un dernier rire.
En tout cas, si elle avait été vivante, je pense qu'on aurait pu dire qu'elle était en train de rire.
Puis je vis ses bras se raidir, et elle écarta les mains de toutes ses forces.
— Wha... whaaaaaahhhhhhhhhhh!!!
Enfin, le visage de Rika se figea pour l'éternité,
puis elle tomba à genoux, puis face contre sol,
dans sa propre mare de sang.
Et enfin, enfin, elle cessa de bouger, à tout jamais.
Au début, je m'attendais à la voir se retourner pour bien me montrer le trou béant dans sa gorge, mais elle n'en fit rien.
Les yeux fixés sur sa dépouille, je fis un pas en arrière, puis deux, puis heurtai le mur du couloir.
Encore une fois, je hurlai, mais cette fois-ci était un peu différente.
C'était un cri de délire, une acclamation pleine de joie et de respect envers le dernier rituel de la prêtresse.
Mon sang était tellement survolté qu'il me démangeait de l'intérieur, courant comme un fou dans mes artères et propageant cette sensation étrange dans tout mon corps.
— J'ai gagné... J'ai gagné !
J'ai gagné ! GAGNÉ !
Ahahaha, hahahahahaha, HAHHAAHAHAHAHAHA !
Je fus submergée par l'accomplissement de ma survie. Une euphorie animale me fit enfin comprendre que j'avais vaincu les chefs des trois clans ancestraux de Hinamizawa, détruisant plus ou moins le noyau dur responsable de la malédiction de la déesse Yashiro.
J'avais enfin découvert la vérité.
La malédiction, ses commanditaires, sa mise en œuvre, j'avais tout vu, et je pouvais tout révéler en pleine lumière, désormais.
Et le plus beau, c'est que j'avais pu me débarrasser des gens responsables de cette malédiction en les tuant de mes propres mains ! J'avais enfin réussi à venger Satoshi !
Oryô Sonozaki était morte d'un choc électrique.
J'avais jeté son corps dans le puits souterrain, et la brouette par-dessus.
Le vieux Kimiyoshi est en mon pouvoir.
Il passera le peu qu'il lui reste à vivre sur la pointe des pieds.
Quant à Rika Furude, elle est morte tuée par son propre poison, dans des circontances franchement surréelles,
mais finalement, c'était une mort vraiment digne d'elle.
Oui, j'ai réussi.
J'ai vraiment réussi !
J'ai tué ceux qui ont entraîné Satoshi dans cette malédiction,
j'ai tué le commanditaire et même le bourreau !
Je les ai tous tués. Tous !
Satoshi n'avait rien pu faire contre eux.
Il n'avait pas eu la force de résister au destin.
Eux l'avait marqué du sceau des traîtres, ils avaient vu sa faiblesse et en avaient profité,
ils l'avaient jeté dans les flots meurtriers, ils avaient ri en le voyant mourir !
Je ne leur pardonnerai jamais ! Jamais ! JAMAIS !
Pour eux, Satoshi avait été un Hôjô, une sorte de sous-homme voué à une mort certaine, dans la normalité des choses.
Il aurait pu mourir à n'importe quel moment, tant que le meurtre pouvait être relié à la déesse Yashiro.
Je ne pardonnerai à personne ! Tous ceux qui ont créé, mis en place et maintenu ce système devront payer le prix fort !
Qu'aurait-il fallu faire pour sauver Satoshi ?
Moi, je n'avais pas réussi.
Shion Sonozaki n'avait rien pu faire de plus pour lui venir en aide !
Si j'avais été Mion, si seulement j'avais été Mion !
Si j'avais continué d'être Mion, comme j'aurais toujours dû l'être !
Si j'avais gardé le rôle de Mion, je l'aurais sauvé, j'aurais pu sauver Satoshi !
Oui, c'est elle en fait, c'est de sa faute !
C'est la faute à Shion !
Tout a commencé parce qu'elle m'a fait toute une scène, parce qu'elle voulait absolument manger de la dorade japonaise !
Normalement, c'est moi qui aurais dû en manger, les adultes voulaient en donner à Mion, parce que c'est un plat porte-bonheur !
Mais Shion avait tellement hurlé et pleurniché que j'avais cédé...
Je m'étais dit que pour une fois, je pouvais bien faire un geste, ce n'était qu'un plat de poisson après tout.
Nous n'étions censées échanger nos places que pour une soirée !
Je voulais juste être gentille,
pour une fois,
parce qu'elle n'avait jamais de chance !
Mais lorsqu'arriva le lendemain matin...
Le monde s'est retrouvé sens dessus-dessous. Tout était à l'envers, et tout est resté à l'envers depuis.
Nous n'étions plus des sœurs jumelles.
Celle qui avait le démon, c'était Mion, et celle qui ne l'avait pas, c'était Shion.
Hein, quoi, comment ? Mais enfin ?!
Non, c'est même pas vrai, d'abord ! Maman ! Maman, mais écoute !
C'est moi, Mion, C'EST MOI !
Enfin, Maman, mais tu sais nous reconnaître, toi, quand même ! Non ?
Regarde-moi, tu sais qui je suis, je suis Mion ! Dis-le-leur !
Dis-leur, aux autres, que c'est moi Mion !
Maman !
Non, Maman, ne m'appelle pas Shion, je ne suis pas Shion !
Je suis Mion ! JE NE SUIS PAS SHION !
— Ce jour-là, tout m'est apparu clairement dans mon esprit.
Tu l'avais su.
Tu avais su pourquoi la famille se réunissait exprès ce soir-là, tu avais su que ce n'était pas qu'un repas de fête qui était prévu.
— Non, non, je le savais pas !
J'étais vraiment pas au courant, je te jure !
— Ah oui ? Mais tu te fous de ma gueule, en plus !
Tu te souviens pas de la scène que tu m'as faite, ou quoi ? D'habitude, quand je disais non, t'en faisais pas une maladie ! Mais le soir-là, tu m'as sorti le grand jeu, et que je te chouine, et que je te pleure !
J'ai jamais mangé de dorade, c'est pas juste, c'est toujours Mion, moi aussi je veux !
Tu m'en as fait tout un cinéma !
— Mais je savais pas, je te jure !
Si j'avais su ce qu'il allait nous arriver, j'aurais jamais insisté !
— Ah ouais, t'es sûre de ça ?
T'as toujours été jalouse de moi, TOUJOURS ! Tu crois que je l'ai jamais remarqué ?
C'est pour ÇA que j'ai accepté de changer ma place ! C'est pour ça qu'on a commencé à les tourner en bourriques !
Mais bien sûr, ça ne t'a pas suffi, hein ? Tu as été encore plus jalouse !
Alors quand tu as su ce qu'il se passerait lors de cette fête, tu ne m'as rien dit, et tu m'as tout pris.
Tu m'as volé mon nom et ma vie !
Rends-les-moi !
Mion, c'est moi !
JE suis la vraie Mion Sonozaki, pas toi !
Toi, tu es Shion, tu t'appelles Shion et rien d'autre !
Alors arrête de te faire passer pour moi, sale imposteur, usurpatrice !
N'y tenant plus, je me mis à hurler et à frapper les barreaux de la cellule.
À chaque coup que je portai, les barreaux couinèrent comme un chien battu.
Quand j'y pense, je me suis laissée emprisonner toute ma vie à cause d'un détail sans importance.
Ce tatouage, ce n'était qu'un signe distinctif pour les autres. Ils ne pouvaient pas déclarer du jour au lendemain que je serais Shion, simplement parce qu'ils avaient tatoué ma sœur !
Je n'ai pas besoin de ce tatouage pour être Mion ! C'est mon nom ! Depuis ma naissance, je me suis toujours appelée Mion ! Mion Sonozaki !
Je pris l'élastique jaune dans ma poche arrière et me fis une queue de cheval, comme lorsque je me déguisais en Mion d'habitude.
Ma nuque fut soudain soulagée du poid de mes cheveux tombant.
Tout de suite, tout sembla aller beaucoup mieux.
De part et d'autre des barreaux de la prison, deux Mion se regardaient l'une l'autre.
C'était une situation interdite, quelque chose que nous avions banni entre nous depuis bien longtemps.
Il devait toujours y avoir une Mion et une Shion.
Il ne devait jamais y a voir deux Mion ou deux Shion en même temps !
— Défais cette queue de cheval, Shion !
Mion, c'est moi, Mion est du côté libre !
Tu n'es pas Mion ! Tu n'as jamais été Mion !
Ne t'avise plus jamais de te faire passer pour moi, tu m'entends ?
Tu m'entends, oui ou merde ? Réponds-moi !
Ce soir-là, enfin, je retrouvai ma véritable identité,
et Shion admit enfin qui elle était réellement.
— Haaaa... J'aurais jamais cru que c'était si bien d'être moi-même !
Mon corps m'obéit au doigt et à l'œil,
et j'ai l'impression que mon cerveau carbure à plein gaz !
Oui, Mion a toujours été capable de tout,
Shion a toujours été la cruche de service.
Nulle comme ses pieds, et pourtant toujours en train de m'imiter, tu n'imagines pas comme j'avais honte de te regarder faire !
Ou peut-être que si ?
Hein, Shion ?!
— ... Si, oui, grande sœur...
Enfin, elle me reconnaissait comme étant l'aînée !
Et c'était naturel ! Parce que Mion c'est moi ! MOI !
Haahahahahahahahaha !
Au plus profond de mon corps, le démon qui sommeillait en Mion Sonozaki revint enfin à la vie.
Libéré de ses chaînes, il se mit à trembler de joie et d'excitation, poussant des cris formidables alors que son corps était saisi de spasmes.
— Shion, tu t'es rendue coupable d'un crime.
Tu as été Mion jusqu'à présent.
Tu étais dans une position de force, tu étais celle qui devait hériter du démon des Sonozaki, et pourtant, tu n'as pas su sauver Satoshi, tu n'as même pas essayé !
Tu as eu tout le temps et toutes les occasions pour le sauver, et tu as choisi de ne rien faire et de le laisser crever la gueule ouverte.
Ça, je ne te le pardonnerai jamais, jamais ! Tu m'entends ? Si j'avais été à ta place, j'aurais pu sauver Satoshi, sans problème !
Mais tu m'as volé ma vie et mon identité, et as laissé Satoshi mourir, et je ne te le pardonnerai jamais !
Shion était transie de peur et d'effroi, tremblant de tous ses membres de l'autre côté des barreaux...
— Je te tuerai, tu sais, oooh oui, je te tuerai, à un moment ou à un autre, je ne sais juste pas encore quand ni comment, mais tu paieras pour avoir abandonné Satoshi à une mort certaine !
Je vais me creuser la tête sur la méthode la plus cruelle et inhumaine d'en finir avec toi. Cela risque de me prendre quelques jours, alors profites-en, Shion !
Profites-en pour avoir peur et pour te pisser dessus,
en te demandant
quand et comment je te mangerai.
Oh, je ne te tuerai pas sans que tu souffres, tu vas morfler, crois-moi !
Et quand tu seras morte, je te jetterai dans le même puits que Satoshi.
Tu pourras lui demander pardon dans le royaume des morts !
Ce sera ta récompense pour t'être fait passer pour moi tout ce temps !
Oui, j'ai dit récompense !
Ta seule chance de rédemption pour tes crimes !
Aaaaaaaahhhhhhh !!!
Je retournai dans la cuisine -- il fallait la nettoyer un minimum si je voulais m'en servir --
et j'étais justement en train de finir de placer du papier journal au sol pour absorber tout le sang lorsque le téléphone sonna.
Je dois avouer que j'avais plutôt peur de répondre, mais si je ne le faisais pas, les gens prendraient peur et viendraient voir sur place.
Il serait beacoup moins problématique de décrocher ce téléphone...
— Oui allô, vous êtes bien chez les Sonozaki, j'écoute ?
— Bien le bonsoir et veuillez excuser mon appel téléphonique, je m'appelle mademoiselle Hôjô.
Pendant un court instant, la mention de ce nom me fit écarquiller les yeux --
puis je me rendis compte que ça devait être la conne de petite sœur de Satoshi au téléphone.
— Hmm ? Ah,
Satoko ?
Qu'est-ce qu'il y a ?
— Je m'excuse encore de vous appeler aussi tard, ma chère, mais... Comment dire.
Ma chère, est-ce que cette chère Rika se trouverait-elle par hasard toujours dans votre modeste demeure ?
Aah, bien sûr,
depuis qu'elle est seule, elle vit avec Rika.
Si Rika ne rentre pas, elle va forcément se faire du souci.
— Euh, oui, elle est là.
— Or çà, est-ce bien vrai ?
Il est pourtant grand temps de passer à table !
... ... ...
— ... Euh, Satoko.
En fait...
J'ai pas fait attention, j'ai un peu trop fait à manger.
Rika est déjà en train de manger chez moi, pour tout t'avouer.
— Comment ?
Mais enfin, ce serait, ce serait…
Ooh !
— T'as qu'à venir aussi.
Il y en a largement assez pour toi aussi.
Dépêche-toi, ou ce sera froid.
— Oh, cette chère Rika a décidément bien du toupet !
Fort bien, laissez-moi ranger céans et je me rendrai chez vous sans plus tarder !
À plus tard, donc.
— ... Euh, oui.
Je t'attends, hein ?
À tout de suite.
Le tintement du combiné sur son socle résonna dans le couloir...