Satoko

— Oh, mais quelle indécence, quelle luxure, quelle perversion ! Vous me décevez beaucoup, mon cher !

Rika

— C'est un garçon, c'est tout à fait dans l'ordre des choses. C'est la Nature, ce n'est pas sale…

Rena

— Ooh, mais comme c'est mimii... Keiichi est tout gêné, il ne sait pas qui choisir entre Mii et Shii...

Shion

— T'as entendu, grande sœur ?

Nous ne sommes ni devant le roi Salomon ni devant Tadasuke Ôoka, alors si tu ne lâches pas, je tirerai dessus jusqu'à ce qu'il craque en deux !

Mion

— Quoi ? Je tire pas dessus, moi ! T'as qu'à le lâcher toi, ça marchera tout aussi bien !

Mion

Retourne à Okinomiya, Shion !

Shion

— OK,

d'accord, comme tu voudras.

Oups.

Je lâchai Keiichi sans prévenir. Il partit d'un seul coup vers ma sœur, qui tirait sur lui comme une mule, et ils tombèrent tous les deux.

Keiichi fit un roulé-boulé sur le sol, et ma sœur se retrouva la tête dans les buissons, le cul en l'air, complètement sonnée.

Aaah, la jeunesse...

Shion

— Bon, eh bien alors, je m'en vais. Mon cœur, on se voit demain ?

Si je reste encore plus longtemps, ma sœur serait capable de me mordre.

Keiichi

— Ah, Shion !

Euh, je... Merci pour aujourd'hui.

Shion

— Bah, te bile pas, c'est rien, va.

Si c'est que ça, je peux le faire tous les jours, ça me dérange pas.

Keiichi

— OK, ben alors, à la prochaine, Shion !

Il plaça sa main sur ma tête sans crier gare,

la choppant fermement.

Puis il m'ébouriffa les cheveux.

Il était si rustre qu'il me grattait presque le cuir chevelu,

mais ça m'a rappelé la chaleur de Satoshi, et...

Shion

— Ahaha, ahahahaaha !

OK, désolée, hein, bon, j'y vais, maintenant.

Allez, à plus, grande sœur !

Mion

— Ne remets plus jamais les pieds ici !

Rena, tu me patrouilleras le secteur la nuit !

Satoko, place des pièges partout !

Rika, purifie du sel et mets-en partout !

Le haut de ma tête devint tout chaud, il se mit à me gratter furieusement, à me faire mal, même.

N'y tenant plus, je descendis de mobylette et plaçai ma tête contre un poteau électrique.

Pardonne-moi, Satoshi !

Pardon ! Je te demande pardon !

Je ne t'ai pas oublié... je me souviens de toi !

Mais si tu ne reviens pas, je vais devenir folle... Je ne peux pas vivre sans toi... Tout est si terne, si nul, si chiant quand tu n'es pas là…

Je te le jure !

Je ne peux pas rigoler sans toi, je ne sais plus sourire, je ne sais plus m'amuser, je ne sais plus être heureuse...

Keiichi

— « OK, ben alors, à la prochaine, Shion ! »

Les yeux fermés, je me remémorai sans peine le sourire lumineux de Keiichi.

Je ressentis alors encore une fois sa main sur ma tête...

Non, c'est pas vrai, sa main n'était pas douce et gentille !

Et ça m'a pas fait plaisir !

Il a juste été rustre, il m'a même carrément fait mal !

Il n'a aucune délicatesse, je le déteste !

C'est juste un jeune roquet, un loubard, un gamin, un boulet !

Je suis pas contente, c'était nul, c'était froid !

Je me suis pas amusée ! Je me suis p--

Shion

— C'est pas vraiiiii ! Oh… Satoshi...

Ooohhh... wahhhhhh…

... ... Mhhm.

Cette voix... Satoshi ??

C'était ce qu'il disait toujours quand il savait qu'il devait dire quelque chose, mais qu'il ne savait pas quoi.

Chaque fois qu'il commençait à paniquer,

chaque fois qu'il se forçait à dire un truc, n'importe quoi,

chaque fois qu'il hésitait,

il disait toujours “Mhhm” à voix basse.

Shion... Désolé...

Pourquoi tu t'excuses, Satoshi ?

Ce serait à moi de m'excuser et de demander pardon, tu sais !

Je t'avais pourtant promis et juré d'attendre ton retour pour toujours, j'étais persuadée de ne jamais faiblir, et pourtant...

Et pourtant, aujourd'hui, mon cœur est une passoire.

J'ai l'impression que mes souvenirs de toi s'échappent peu à peu par toutes les craquelures dans mon dos.

Je te sens disparaître petit à petit, ça me rend folle !

Ça... Ça te fait mal que je sois dans ton cœur ?

Mais non, pourquoi ?

Tu es super important pour moi !

Ne dis pas ça, voyons, ta présence ne me gêne pas, reste !

... Tu sais, Shion, j'étais toujours avec toi.

.........

... Mais apparemment...

en restant tout le temps avec toi,

j'ai juste réussi à te faire de la peine...

Et je ne veux pas te faire de peine.

Non, c'est pas vrai, tu mens !

Où es-tu, Satoshi ? Où étais-tu tout ce temps ?

Tu n'es pas à mes côtés, crois-moi, j'en saurais quelque chose !

Où tu es ?

Donne-moi ton adresse, la ville, je sais pas, n'importe quoi !

Dis-le-moi !

... ... J'ai pas

d'adresse, Shion.

... Ahahahahahaha...

Je vois... Alors, c'était donc vrai.

C'est ça que tu voulais dire en affirmant que tu étais toujours resté auprès de moi ?

Ahahahahahaha...

Shion, tu préfères quoi ?

Si tu penses que tu iras mieux si je reste à tes côtés, alors je te le promets, je resterai toujours là, auprès de toi.

Mais si ma présence te fait souffrir, alors je peux m'en aller, ce n'est pas grave.

Shion

— Ne dis pas ça, Satoshi...

Je t'en supplie, j'ai besoin de toi...

Reste auprès de moi... Pour toujours... Je t'en prie…

D'accord.

Alors c'est promis, je reste.

Une voiture passa à ma hauteur.

Le bruit du véhicule me sortit de ma rêverie.

Shion

— ...Huff...

huff.........

Le ciel était d'un rouge orangé -- le crépuscule était magnifique.

Si je ne rentrais pas à toute vitesse, j'allais prendre froid.

Allez. En route pour Okinomiya...

... Tu es encore avec moi, Satoshi, hein ?

Tu es toujours là, j'espère ?

Je me relevai et marchai à travers les buissons pour revenir à ma mobylette.

Lorsqu'enfin je m'arrêtai devant mon véhicule…

J'entendis clairement un bruit de pas en trop,

qui résonna bien après que mes pieds eurent cessé de bouger.

Je sursautai.

Je n'étais pas toute seule, il y avait quelqu'un d'autre ici ?

Je ne suis pas complètement stupide non plus.

Je sais bien qu'il n'y a personne dans le coin.

Et je sais aussi que personne ne peut s'être téléporté dans mon dos.

C'est pourquoi je ne fus guère surprise lorsque, en me retournant,

je pus constater qu'il n'y avait personne derrière moi.

Pourtant…

Je ne rêvais pas…

Je sentais bien que Satoshi était là.

Shion

— Satoshi ?

Je n'arrivais pas à le distinguer, mais je le sentais. Il était là, comme il me l'avait promis.

Satoshi ne m'a jamais menti.

Si Satoshi m'a juré qu'il était toujours resté auprès de moi, alors c'est qu'il l'a fait.

Si je n'ai rien remarqué jusqu'à présent, c'est que je suis trop conne ou pas assez observatrice.

En tout cas, c'est de ma faute.

Shion

— Satoshi...

Ooh, Satoshi...

Le vent joua dans mes cheveux.

Il était frais,

mais…

mais il portait en lui la même chaleur que la paume de la main de Satoshi...

Je restai debout un long moment, me délectant de cette chaleur, et mis longtemps à me rendre compte que je pleurais toutes les larmes de mon corps...