Pour être tout à fait honnête, mon quotidien était plutôt triste et ennuyeux, en fait, c'était impossible à nier.

Je ne pouvais pas sortir dehors quand bon me semblait, et même lorsqu'il s'agissait de travailler, il me fallait obligatoirement avoir l'absolution de ma sœur.

Pour moi qui rêvait de mener une vie nouvelle une fois sortie de l'internat, c'était une situation très difficile à vivre.

Et quand ce genre de situation stressante perdure, l'être humain n'est pas du genre à évoluer dans le bon sens, vous serez d'accord avec moi ?

Et puis d'abord, je manquais de contacts humains pour communiquer,

déjà comme ça, alors avec cette vie recluse, j'allais finir par devenir une véritable handicapée sociale.

Et puis un jour, ça a commencé à vraiment me turlupiner et à m'empoisonner la vie.

Et dans ces moments-là, immédiatement et systématiquement, le visage de Satoshi Hôjô me revenait en tête.

Je n'avais discuté que très peu de temps avec lui, mais...

ç'avait été la meilleure chose qu'il m'était arrivée depuis mon déménagement.

C'était un truc qui m'avait vraiment donné l'illusion de quelque chose de neuf, de quelque chose…

Comment dire. Pour parler simplement, de quelque chose de palpitant.

Et plus j'y pensais, à cela, plus je pensais à lui.

C'est peut-être une sorte d'amour à sens unique, non-réciproque, je ne sais pas.

Je me trouvais un peu ridicule à rêver de lui et de l'imaginer beau comme un dieu, telle une groupie niaiseuse.

Et puis un jour où je pensais justement à lui,

j'eus l'occasion de le revoir.

Shion

— ... Eh, mais...  ?

Je passais justement devant un petit parc et fus surprise de voir une silhouette qui m'était familière assise sur la balançoire.

Est-ce qu'il était en train de relaxer ou bien perdu dans ses pensées ?

En tout cas, pendant un petit moment, il ne remarqua pas ma présence, alors que je me tenais debout juste devant lui.

Je suis Mion... Je suis Mion. Il faut que je parle comme elle. Comme elle. Comme Mion... Allez !

Shion

— Saluuut !

Eh ben alors, qu'est-ce tu fous là ?

Satoshi

— ... Ah, Mion ?

La vache, tu m'as fait peur.

Shion

— On dirait pas, pourtant.

Je suis là depuis un moment, tu ne m'avais pas remarquée ?

Satoshi

— Ah bon ?

Ben non, désolé, je t'avais pas vue.

Je fis mine de baisser les épaules en soupirant.

Il n'avait pas l'air très en forme, et ça me faisait mal au cœur.

Au premier regard, il paraissait évident qu'il était préoccupé par quelque chose.

Shion

— Qu'est-ce qui te tracasse ?

Si ça peut t'aider, je veux bien écouter. Ou même te filer un coup de main s'il te faut de l'aide.

Satoshi

— Non, pas la peine...

Shion

— Écoute, Satoshi, j'ai une dette envers toi.

Ou bien alors quoi,

tu crois que je ne pourrais rien faire pour toi ?

Tu me sous-estimes, garçon, c'est presque vexant.

Satoshi

— Mais non…

C'est quelque chose que je dois faire moi-même, si tu m'aides, je serai pas plus avancé.

Shion

— Ah ouais ?

Et donc, en fait...

tu veux dire par là que moi, pauvre femelle, ne suis pas digne de t'accorder mon aide ? Tu en aurais honte ?

Vu que je ne savais pas pourquoi il ne voulait pas de mon aide, je me mis à me gonfler les joues, dans une mimique boudeuse.

Satoshi comprit aussitôt qu'il s'était mal fait comprendre, et prit un visage plus doux.

Satoshi

— Non, Mion, c'est pas ça que je veux dire.

C'est juste que je ne suis pas très doué, et que du coup, je n'ai servi à rien au moment où l'on comptait sur moi.

Je me mis à chercher à toute vitesse de quelle catégorie d'activités il pouvait bien parler. De quoi ma sœur m'avait-elle parlé sur lui ?

Ah oui, il est du genre littéraire, mais il fait partie -- qui l'eût cru ? -- d'une équipe de base-ball.

Il faisait d'ailleurs partie des Fighters de Hinamizawa.

Vu que je n'avais jamais entendu parler de cette équipe, ce devait être un tas de bras cassés.

Et vu que Satoshi n'aimait pas trop en parler en public, il n'en était probablement pas très fier.

Mais s'il était déprimé de ne pas avoir su répondre aux attentes de l'équipe, c'est qu'il devait bien aimer ça quand même...

OK, maintenant que j'ai une soupe d'infos, il faut les convertir en discours avec la verve si particulière de ma brave grande sœur... Alors, alors, voyons voir quels filtres appliquer...

Shion

— Aaaah, c'est pour ça...

et tu nous chies une pendule pour ça ?

Satoshi

— Oh ben eh, vas-y, quoi.

C'est facile pour toi, on dirait.

Je partis d'un grand éclat de rire en lui tapant plusieurs fois avec le plat de la main bien dans le dos.

Je parie qu'il va me renvoyer un « Tu sais même pas de quoi tu parles ! » de derrière les fagots...

Si vraiment ça le tracasse, normalement, je devrais l'écouter très sérieusement et le mettre en confiance.

Je sais que cette manière de l'approcher n'est pas la bonne, mais c'est la manière que ma sœur utiliserait, donc…

j'ai pas vraiment le choix.

Shion

— Ahhahhahhahhahha !

Shion

Ben alors au lieu de rester là à faire des pâtés dans ton froc, tu devrais prendre une batte et faire des moulinets, t'entraîner plus, quoi !

Shion

Il n'y a que ça de vrai si tu veux devenir quelque chose de potable un jour !

Shion

Enfin, en même temps, tu peux aussi acheter le lanceur adverse, hein. Si tu veux, je peux te donner quelques tuyaux sur la manière de procéder.

Satoshi

— Mhhm... Je sais pas, c'est pas très malin de tricher.

Raaaah...

Il avait vraiment l'air de regretter de ne pas être plus doué, c'était visible de loin.

Il avait aussi l'air de s'y résigner, d'abandonner.

En tout cas, c'était l'impression qu'il me donnait.

Shion

— Rah, ces hommes. Soit vous avez le regret éternel, soit vous abandonnez tout de suite.

T'es un homme, quoi, merde, tu veux pas avoir ton heure de gloire un jour, et montrer ta valeur à la face du monde, comme une star ?

Il eut un petit rire gêné en me l'avouant.

Satoshi

— Ben... Ouais, ce serait bien, je dirais pas non...

Ouais, il vaut mieux essayer de devenir un héros, mais ce n'est pas pour ça que j'ai commencé à faire du base-ball, tu sais.

Satoshi

Je voulais juste frapper dans la balle et la lancer, c'est assez marrant.

Tu peux comprendre ça, je pense, non ?

Shion

— Hmmm, je sais pas trop, hein.

Je m'intéresse surtout au résultat, alors tant que je gagne, j'aime tout et n'importe quoi.

Si je ne gagne pas, c'est pas la peine de me casser la tête dessus. Tu vois un peu ?

Ahahahahahaha !

Satoshi

— Mhhm...

Satoshi

Ahahahahahahahahahaha ! C'est bien toi tout craché, ça.

Satoshi avait remarqué que je riais pour lui remonter le moral, et se mit à rire à son tour.

En fait, à le voir sourire, il ne paraissait pas si déprimé que ça.

Donc en fait, il était effectivement déçu par sa performance dans son match.

Mais il ne s'en formalisait pas autant que je ne l'avais imaginé.

En fait, il venait de finir un match, il était complètement crevé, et il faisait une pause ici après s'être acheté une boisson au distributeur lorsque je l'avais vu -- et mal compris son état d'esprit.

Satoshi

— Mais tu sais, je trouve ça très admirable,

tout ce que tu fais comme efforts pour être la première dans toutes les matières.

Vraiment.

Il me fit un sourire exquis, puis se leva de la balançoire et... me caressa la tête.

Comme ça, cash, sans prévenir.

Alors que je ne m'y étais même pas préparée.

Shion

— Hein ? ...

... Euh... Oh....

Ça m'avait déjà fait le coup la première fois, mais...

Roh mais zut alors, lui aussi ! Qu'est-ce qu'il a à me caresser la tête, comme ça !

C'est bien quand c'est un gamin à la maternelle, quoi, mais après ?

J'ai bien cru qu'il avait trouvé un bouton sur mon crâne, car d'un seul coup, j'ai eu des tas de souvenirs de ma petite enfance qui me sont remontés. J'ai presque cru que j'étais retombée en enfance.

Je devins rouge comme une pivoine, la tête très légère, mais très gênée, et incapable de le regarder dans les yeux.

Satoshi me caressait la tête comme on caresse un chaton, sans se gêner, sans négliger les petites attentions.

Et moi, debout devant lui, je restai là, comme une quetsche, toute rouge, osant tout juste fermer les yeux.

On aurait cru une petite fille chez le dentiste, la bouche ouverte, tremblante de peur, ne sachant pas ce qu'il allait lui arriver ensuite.

Évidemment, Satoshi n'avait aucune idée de ce qu'il se passait dans ma tête -- il me caressait gentiment, comme si de rien n'était.

Il ne se rendait pas compte de ce qu'il déclenchait en moi... Espèce de nigaud ! Mais ouvre les yeux, bon sang !

Je ne pouvais rien faire d'autre, alors j'attendis.

Puis, soudainement, sa main s'éloigna de moi.

Satoshi

— ... Bon, ben, je vais rentrer, moi.

Ma tante m'a demandé d'aller faire les courses avant de rentrer du match.

Shion

— Ah ! ... Euh...

Mais qu'est-ce que c'est que ce cri et que cette voix ?

Non mais eh, qu'est-ce qu'il m'arrive, à moi ?

Satoshi

— Oui ?

Shion

— Euh, ah, je...

Si tu veux... moi aussi, j'étais en route pour faire les courses.

Pour ce soir.

Satoshi

— Pardon ?

Quoi ?

Mais... TOI, il t'arrive de faire les courses ?

Tu n'avais pas dit que vous aviez des personnes pour les faire à votre place ?

Aïïïïe...

C'est la boulette, là. Meeeerde...

Toutes les affaires courantes des Sonozaki sont réglées par leurs sous-fifres.

Mion Sonozaki ne va quasiment jamais faire les courses, et en plus, elle s'en vante en public.

... J'ai foiré mon jeu d'actrice, là. C'est une piètre Mion que je joue aujourd'hui. Ça ne m'arrive pourtant pas souvent de commettre une erreur pareille...

Mais bon, c'est encore rattrapable.

Shion

— Bah, je comptais faire un tour en ville,

de toute façon, alors je me suis dit que pour une fois, je pourrais faire semblant de m'occuper de la maison.

Et donc j'ai décidé de faires les courses. Comprende ?

Satoshi

— Ahahaha !

Ben en tout cas, c'est pas commun.

D'habitude, tu fais la moue dès que tu en entends parler, tu trouves ça trop fastidieux.

Shion

— Alors mon p'tit pote, je te dirais que déjà, occupe-toi de ton c--

eh ?

Mais, arrête de me caresser la tête, enfin !

Satoshi

— Ahaha, hahaha, hahahahaha !

Ça le faisait rire de me voir rougir, apparemment, parce qu'il continua pendant un bon moment.

Mais bon, j'avais réussi à rattraper le coup.

Ça m'arrangeait beaucoup qu'il ne fût pas du genre à se soucier des petits détails...

Pendant que je marchais tranquillement dans le centre commercial de Kami Isshiki, mes pensées revinrent à mon erreur.

Comment avait-ce été possible ?

C'était une erreur toute bête, pourtant.

Peut-être parce que j'étais en train de jouer le rôle de Mion ?

Hmmm...

Je pense qu'en fait, j'ai tout simplement oublié que je jouais son rôle et j'ai parlé pour moi.

Je ne peux pas me mentir à moi-même,

alors autant l'admettre sans trop y réfléchir.

Cette erreur,

je l'ai faite parce que j'ai voulu rallonger, de n'importe quelle manière, le peu de temps que je pouvais passer avec lui. Donc, bon, je crois que c'est clair.

Pas la peine d'être super intelligent pour comprendre pourquoi je lui restais derrière comme un petit poussin.

Il avait été une nouvelle rencontre dans mon morne quotidien.

Et je pouvais me comporter très familièrement avec lui, car il croyait que j'étais Mion.

Et il y avait encore des tas d'autres raisons, mais je vais pas toutes les énoncer non plus.

Oh, allez si, juste une derrière : il m'avait caressé la tête.

Une fois tout ça mis en lumière, évidemment... ben, je me complaisais dans ce sentiment, quoi.

Oui... J'étais simplement contente de ressentir ce sentiment, en fait.

Je n'étais pas vraiment amoureuse de lui.

J'étais contente de passer du temps de qualitaÿ avec un joli spécimen du sexe opposé, mais c'était tout.

C'était pas la mort d'un cheval non plus. J'avais donc le droit de m'accorder ce petit plaisir.

Satoshi

— Euh…

Les brocolis, c'est lesquels encore ?

Les verts

ou les jaunes ?

Shion

— Satoshi, ce sont des choux-fleurs.

Laisse-moi deviner, tu es de ceux qui ne font pas la différence entre un choux vert et une salade ?

Satoshi

— Ah non, quand même pas !

Mais t'es super méchante, aujourd'hui, ma parole ! Je me donne du mal pour essayer de les différencier, tu sais...

Il foudroya les montagnes de brocolis et de choux-fleurs du regard pendant un long moment,

puis, après avoir réfléchi et hésité beaucoup, il tendit la main, d'un air assuré, et prit le mauvais...

Shion

— Mauvaise réponse !

... Tu sais, on ne s'ennuie pas à te regarder faire les courses, c'est un vrai spectacle.

En tout cas moi, je m'amuse comme une folle,

ahahahahaha !

Satoshi

— Mhhm.

C'est assez ennuyeux, tu sais.

Même quand Satoko est là,

on ne sait jamais lequel est lequel...

Shion

— Ahahahaha, vous êtes trop poilants quand vous êtes ensemble !

D'après ma sœur, ils forment le couple parfait du grand frère gauche et impotent et de la petite sœur toujours aux aguets.

Je n'avais jamais rencontré sa sœur, mais vu le grand frère, elle devait être un sacré morceau. Et je parie qu'elle le faisait marcher à la baguette !

Et pour chacun des achats qu'il avait à faire, ce fut le même cinéma -- je me suis régalée !

Shion

— C'est du sel spécial, ça.

Il y a même du poivre et d'autres épices là-dedans, ce n'est pas du sel de table.

Satoshi

— Hein ? Sans déconner ?

Mais pourtant, en cours de sciences, on n'a pas eu un jour une expérience où il fallait séparer le sel et le poivre avec, euh, rah, je sais plus quoi maintenant...

Shion

— Oui non mais tes excuses et tes justifications, tu te les gardes, garçon.

Repose ce paquet dans le rayon.

Et ensuite ?

Satoshi

— Euh... Heh. Quand tu es là, c'est beaucoup plus facile de faire les courses, n'empêche...

Shion

— Satoshi, tu as l'air si intelligent, pourtant. Mais pour ce qui est de vivre en société, tu n'as vraiment aucune connaissance,

tu devrais un peu te renseigner, tu sais...

Satoshi

— Mhhm.

T'es dure avec moi, quand même...

Satoshi

Ah !

C'est ça je pense.

Eeet hop !

Shion

— Rah !

Mais tu le fais exprès, c'est pas possible !?

Regarde quelle part tu prends, pour combien de personnes, le prix, si c'est en promo, et cætera !

La première impression qu'il m'avait donnée, c'est qu'on pouvait toujours compter sur lui et qu'il était débrouillard.

Sauf que là, plus je le découvre, et plus je me dis que c'est un cas d'“empotéïte” aiguë désespérée en phase terminale.

Je veux dire... Je peux pas le laisser tout seul, le pauvre.

Il pourrait se faire mal, encore.

Je parie qu'il est capable de se demander au feu pour piétons si c'est au rouge

ou au vert qu'il doit passer...

et là, paf, le chien...

Salesperson

— Cela fait donc 1780Yens, s'il vous plaît.

Vous avez une carte de client ?

Satoshi

— Hein ? Euh... Oui,

je crois que oui.

Attendez... Ben ? Elle est où maintenant ? Rah…

Shion

— Ah, désolée,

il prendra son tampon la prochaine fois, c'est pas grave.

Le voyant fouiller dans son portefeuille blindé de tickets de caisse, je décidai de prendre les devants.

Satoshi

— Eh, mais Mion, ça va pas ?

Je vais pas rater l'occasion d'avoir les tampons quand même, ça fait des économies par la suite, tu sais !

Shion

— Eh gamin, quand c'est l'heure de pointe au magasin, et que tout le monde attend aux caisses, tu ne peux pas te mettre à chercher tes tickets et des cartes et ta petite monnaie !

Tout le monde attend sur toi !

Shion

Tu as vu les femmes au foyer derrière toi ? Tu n'as pas remarqué les regards meurtriers qu'elles t'ont décochés ?

Il faut toujours préparer tes sous et tes cartes bonus pendant que tu attends ton tour à la caisse !

Satoshi

— Ah ouais... C'est pas bête...

Ah non, mais ouais, merci, là, je suis bien content que tu me l'aies dit.

Shion

— Et c'est valable ailleurs aussi, pas que dans les magasins.

Dans le bus, par exemple.

Shion

Je parie que tu prépares ta monnaie pour payer juste au moment où tu vas descendre du bus, j'ai pas raison ? Et du coup, tu cherches dans tes poches, et tout le monde doit attendre derrière toi.

Satoshi

— Mhhm...

La plupart des gens me passent à côté et donnent la monnaie à l'employé sans attendre.

Shion

— Raaaaah,

mais retenez-moi, je rêve...

Écoute, tu vois, dans ces moments-là, tu fais vraiment chier tout le monde !

Il faut préparer tes sous à l'avance, c'est quand même la moindre des choses, enfin !

Compris !?

Satoshi

— Oui, bon ça va, j'ai compris !

Mais qu'est-ce que tu as aujourd'hui ? Tu fais presque peur...

Il se mit à sourire, un peu gêné, comme pour m'empêcher de m'énerver plus que cela.

... Mmmmmais il est trop chou !

Il a un don pour vous titiller l'instinct maternel, c'est pas possible !

S'il y avait une femme derrière lui, encore, disons, au hasard, moi, à la rigueur, il pourrait s'en sortir,

mais si c'était une autre, non, ça n'irait pas, il faut rester correct...

Je pris des sacs à la caisse et nous nous partageâmes les commissions.

Lorsque je le vis prendre en premier la boîte en plastique souple des haricots faisandés pour la placer au fond du sachet, je lui tapai un coup sec sur la main, comme on punit un petit enfant, puis plaçai dans son sachet les briques de lait.

Shion

— Voilà, maintenant c'est bien.

Tu peux rentrer chez toi et sortir les courses, et ta tante ne t'engueulera pas, pour une fois.

Satoshi

— Oh... Euh... Merci.

C'est vraiment super ce que tu fais pour moi, là.

Je suis pas très doué pour faire les courses.

Shion

— Juste pour faire les courses ?

C'est vrai ce mensonge ?

Satoshi

— Mhhm...

Shion

— Ahahahahaha !

Non, arrête, je déconne.

Cela n'avait pas pris bien longtemps de faire les courses avec lui, mais ce court laps de temps m'avait quand même appris une chose :

ce n'était pas que Satoshi n'aimait pas faire les courses, c'est vraiment une toute autre échelle.

Genre, il a vraiment deux mains gauches, et la tremblotte, et il sait pas comment faire, et c'est comme ça pour absolument tout !

... Il est lent à la détente, un peu distrait, si vous voulez.

... Mais alors... Ça veut dire que le jour où il a eu le courage de venir à ma rescousse... il avait dû réellement sacrément se secouer...

Il est un peu lent, mais il n'est pas stupide.

Il sait parfaitement qu'il n'est pas très doué avec ses mains.

Donc pour lui, raison de plus pour ne pas se mêler de mes problèmes l'autre jour, non ?

Même si c'était Mion et même si c'était une amie, il n'avait eu aucune raison de se comporter de la sorte.

Il y a réfléchi, encore et encore, et il s'est fait violence, et il est venu me sauver --

c'était pas rien !

Shion

— Héhhéééé, très bien, brave petit.

Tu as vraiment tout donné, hein ?

C'est bien, c'est très bien !

Satoshi

— Hé !

Mais qu'est-ce que t'as ? Pourquoi tu me caresses la tête, non mais ça va pas ?

Shion

— C'est ta récompense pour avoir su faire les courses tout seul !

Éhhéhhéhhé♪!

Satoshi

— Mion, tu... Tu te moques de moi, là, c'est ça ?

Shion

— Mais non, mais non, voyons !

Tu sais où tu habites ? Tu sauras rentrer tout seul ?

Tu veux que je t'accompagne ?

Satoshi

— Mhhm…

Si, tu te moques de moi, là...

Il finit par céder et baissa simplement la tête, acceptant ma main sur sa tête, puis Ô MES AÏEUX IL ROUGIT !

Rah, mais il est trop choupimignon, je veux le même à la maison☆.

C'est alors que, dans un coin de mon champ de vision, je remarquai le tableau d'affichage pour les annonces d'activités.

'Lessons de Piano. Appelez XX.

Classe de boulier pour apprendre à compter de tête ! Inscrivez-vous !

L'équipe de base-ball recrute. On vous attend !

L'équipe de Satoshi, les Fighters de Hinamizawa, avaient placé un poster pour recruter de nouveaux joueurs.

Il y avait marqué là toutes les infos nécessaires : où, quand, comment.

D'après ce que j'ai pu voir lorsqu'il faisait les courses...

Il doit être tout aussi pâtaud avec la batte dans les mains.

Lorsqu'il se rendit compte que je regardais le poster, cela l'énerva et il fit mine de s'en aller.

Shion

— Je sais à quoi tu penses, Satoshi.

Tu t'es dit “Par pitié, Mion,

ne viens pas me voir à l'entraînement !”

J'ai juste, hein ?

Satoshi

— Mhhm…

Euh... Eh bien... Mhhm...

Shion

— Et ce “Mhhm”, là, ça veut dire quoi ?

... Que j'ai mis le doigt pile dessus, n'est-ce pas ?

Satoshi

— Mhhm...

Après ces paroles mystérieuses,

il garda le silence.

J'ai vraiment mis le doigt dessus, et il ne sait plus quoi répondre...

Satoshi... Faut arrêter, vraiment, tu es trop mignon quand tu veux, mais à ce niveau-là, c'est du raccolage sur la voie publique.

Ah, ça, les gens qui ne savent pas mentir, ils le font très souvent.

On les voit souvent garder le silence quand ils se font caler...

Shion

— Bon, ben allez, salut, Satoshi.

Il commence à se faire sombre, alors rentre chez toi, et fais bien attention !

Satoshi

— Hein ? Pourquoi ? Tu ne rentres pas, Mion ?

À Hinamizawa ?

Shion

— Ah... Euh, j'ai encore un truc à faire en fait,

mais c'est pas grave, tu peux rentrer, déjà.

Satoshi

— Allez, là, tu m'as aidé à faire mes courses, je peux bien attendre que tu aies fini ton truc.

Je peux t'aider, si tu veux.

Shion

— Ahahahahahaha !

Shion

T'inquiète pas, je saurai me débrouiller toute seule !

Shion

De toute manière, tu croyais pouvoir m'aider à faire quoi ? Tu ne sais même pas ce que je veux faire.

Shion

Avant de proposer ton aide aux autres, essaie de faire un minimum déjà tout seul, et ensuite, on en reparlera !

Shion

Ahahahahaha !

Satoshi

— Mhhm...

Aujourd'hui, tu es vraiment impossible, ma parole...

Tiens donc ? Il a donc quand même une sorte de vague fierté masculine.

Et ça ne lui plaît pas du tout de passer pour un idiot devant une femme.

Moi, par contre, je me régale, pour le coup.

Toutes les conditions étaient réunies : je refis une terrible erreur.

Satoshi

— En tout cas, merci beaucoup de m'avoir aidé.

Satoshi

Sans toi, je sais pas ce que je ferais.

Shion

— Ouah !

Aaah... ... ... ...

Encore une fois, il me fit un sourire angélique qui me prit complètement au dépourvu, puis s'approcha de moi et me caressa la tête.

Et encore, et encore, et encore, et encore...

Rah, mais ! Si, je comprends ce qu'il ressent, on a vraiment l'impression d'être pris pour un idiot, mais...

C'est trop bon, je peux pas lui résister...

Oh, mes aïeux...

Satoshi ne me voyant pas me débattre, il se mit en tête de me caresser tendrement la tête un maximum.

Vous vous doutez bien que je n'allais pas dire non...

Satoshi

— Bon, allez, Mion.

Fais ce que tu as à faire avant qu'il ne fasse nuit, quand même.

... On se voit demain, à l'école.

Shion

— Ah, oui, bien sûr !

Sois pas absent !

Sauf que demain, à l'école, ce n'est pas moi qui serai là-bas.

Évidemment, c'est pas trop pour me plaire comme situation, mais je devrais déjà m'estimer heureuse.

Mion me donne un peu de temps pour me permettre justement de faire tout ça.

Puis, longtemps après l'avoir quitté, je me retrouvai partagée entre deux sentiments.

D'un côté, j'était toute contente de cette journée, et de l'autre, j'étais dévastée de ne pas pouvoir le rencontrer demain.

J'avais envie de le connaître encore plus.

Je pourrais bien sûr laisser au hasard le soin de nous réunir à nouveau.

Mais ce n'était pas trop mon genre. Le hasard ne fait pas toujours bien les choses.

J'ai dû faire des choix cornéliens pour en arriver ici, alors autant continuer.

C'est à moi de faire des choix pour trouver ma voie dans la vie.

... En fait, c'est tout con.

J'ai envie de me foutre de lui. J'ai envie qu'il me caresse la tête.

J'ai envie... j'ai envie de... Hmm, je crois que je vais arrêter là.

De toute façon, à présent, je connaissais ses horaires d'entraînement...