Nous étions entre deux heures, plus vraiment la nuit noire mais pas encore à l'aube.

De ce fait, les couche-tard étaient couchés et les lève-tôt dormaient encore. La nuit était vraiment très calme.

À l'intérieur des bureaux des jardins Okonogi, la situation était la même que partout ailleurs.

Seuls les deux membres de garde étaient réveillés, et ils jouaient aux cartes sur le bureau du réceptionniste.

N'étant pas des sentinelles en poste sur le front, ils n'étaient pas spécialement nerveux, mais ils ne pouvaient se permettre aucun moment d'indolence ou de somnolence.

Pendant les heures où les chaînes de télé ne passaient plus rien sur les ondes, les gardes jouaient aux cartes, traditionnelles ou non.

Soudain, le téléphone se mit à sonner.

Les gardes étaient justement au bureau de la réception pour pouvoir décrocher immédiatement en cas de besoin, et c'est ce qu'ils firent.

Chien de montagne

— Oui, merci de votre appel, ici les Jardins Okonogi.

... Oui.

... ... QUOI ?

Les traits figés, l'homme se leva d'un bond.

Ce faisant, il se heurta le genou dans l'un des tiroirs du bureau, mais il ne sembla pas trop s'en émouvoir...

Takano courait vers la salle de la sécurité, au sous-sol, se passant frénétiquement les mains dans les cheveux.

Chien de montagne

— Toutes mes excuses pour vous avoir réveillée, Mon Commandant !

Takano

— Plus tard, le café.

Quelle est la situation ?

Est-ce que c'est vrai ?

Chien de montagne

— Oui.

À 4h15 ce matin, on nous a signalé que le commissariat d'Okinomiya avait identifié un cadavre méconnaissable comme étant R.

Takano

— Mais enfin, c'est n'importe quoi !

R est malade, elle est restée couchée chez elle plusieurs jours !

C'est même vous qui l'avez surveillée !

Chien de montagne

— Mon Commandant,

ce n'est pas tout.

D'après notre agent infiltré au commissariat,

la mort remonterait à plus de 48h...

Takano resta là, assommée debout, sentant son sang se glacer dans ses veines.

Non, c'est impossible, strictement impossible !

Morte il y a plus de 48h ?

La Reine Mère serait morte depuis 48h ?

Mais normalement...

Takano

— Mais enfin, ce n'est pas possible !

Pourquoi les villageois n'en seraient-ils pas affectés ?

Si c'était le cas, nous aurions dû constater des cas de crises aiguës spontanées depuis hier soir !

Chien de montagne

— Mon Commandant,

notre informateur nous a indiqué que l'information était plutôt fiable.

Chien de montagne

Le commissariat a peur de la réaction des villageois s'ils le savaient, ordre a été donné de se taire jusqu'à une confirmation officielle.

Takano

— Mais enfin, si l'info est fiable, qui avez-vous observé pendant tout ce temps ?!

Chien de montagne

— Mon Commandant, notre système d'équipe et d'observation est sans faille.

Chien de montagne

Rika Furude est chez elle, en ce moment-même.

Chien de montagne

Depuis que nos hommes sont en place, elle n'est pas sortie de chez elle.

Chien de montagne

Monsieur le Directeur est allé la voir, il nous a affirmé qu'elle était chez elle.

Chien de montagne

Elle ne peut pas être morte !

Takano

— Alors ça veut dire quoi, ce bordel ?

La Police affirme que le corps est celui de Rika, et que la mort remonte à 48h au moins !

Vous allez me dire qu'ils l'ont inventé, peut-être ?

Takano

... Eh...

Ils l'ont inventé ?

Takano

Attendez, ils se sont peut-être trompés, tout simplement...

Takano

J'avais l'intention de camoufler ma mort grâce à un agent infiltré au commissariat principal de Gifu...

Takano

C'est la même chose, ici !

Takano

C'est une pure invention !

Takano

Ils se sont trompés !

Takano n'était pas dans cet état de panique “simplement” parce qu'elle avait été tirée du lit à une heure indécente.

... Elle avait une peur secrète, une angoisse qui la rongeait.

Dans la thèse de son grand-père, il était écrit que moins de 48h après la mort de la Reine Mère,

les habitants du village déclareraient spontanément une forme avancée de la maladie.

Mais dans le cas présent, ça signifiait qu'il s'était trompé ! Que c'était un mensonge !

Et dans ce cas-là, les gens qui avaient fait confiance à la thèse pour approuver les plans seraient...

Chien de montagne

— Excusez-moi, Mon Commandant,

on vous demande au téléphone. Madame Nomura, de Tôkyô.

Takano

— ... C'est pas vrai,

mais d'où tient-elle ses informations, celle-là ?

Je vais lui répondre. Pendant ce temps, vous me faites des recherches sur ce corps, illico !

Chien de montagne

— Pour l'instant, c'est quasiment impossible.

À l'heure où nos collaborateurs auront rejoint leurs postes, nous pourrons leur demander de demander des informations précises, mais pas avant.

Takano

— Et ce sera quand, alors ?

à 5h ?

6h ?

Ça urge !

Alors dépêchez-vous !

Takano

*Ahem*... Oui allô ?

Ici Takano.

Au centre des opérations des chiens de montagne -- les bureaux des Jardins Okonogi -- tous les effectifs avaient été rappelés en urgence.

Okonogi

— OK, c'est compris.

Dès que vous avez du nouveau à Okinomiya, prévenez-nous, et moi, et le commandant, c'est clair ?

Okonogi

Quant à vous !

Pourquoi avez-vous négligé la surveillance de la résidence de R ?

Chien de montagne

— Nous savions qu'elle était malade, donc nous avons simplement pensé qu'elle n'avait pas la force de se lever pour répondre au téléphone.

Chien de montagne

Par la suite, Monsieur le Directeur est allé la voir et a pu confirmer sa présence, nous avons donc considéré qu'elle était bel et bien chez elle.

Okonogi

— Bandes de naïfs...

... Vous avez dit qu'il y avait quelqu'un chez elle ? Vous êtes sûrs et certains ?

Chien de montagne

— Affirmatif, Mon Lieutenant !

Aucun doute là-dessus !

Chien de montagne

— ... Chef.

Nous pourrions entrer chez elle de force, qu'en pensez-vous ?

Il est encore très tôt le matin, nous pouvons nous le permettre.

Okonogi

— Sans l'autorisation du Commandant, on ne pourra rien faire !

Okonogi

Et je parie qu'elle ne voudra rien faire de trop musclé tant qu'elle n'en saura pas plus sur la situation au commissariat.

Okonogi

Préparez-vous à l'assaut, envoyez des renforts !

Okonogi

Je veux une équipe de 8 !

Chien de montagne

— Chef, il y aura la fête du village dans le sanctuaire, toute la journée.

Nous pourrons continuer la surveillance visuelle, mais il nous sera impossible de pénétrer dans le local avant la nuit prochaine.

Okonogi

— Eh merde, c'était vraiment pas le moment !

C'est trop parfait, comme si c'était fait exprès !

... ... Mais oui... Si quelqu'un avait voulu le faire exprès, il n'aurait pas fait mieux, c'est pas naturel...

L'instinct animal d'Okonogi lui tirait toutes les sonnettes d'alarme.

C'était une sorte d'attaque, en fait. Le camp d'en face venait de passer à l'attaque !

Nous pensions lancer l'offensive les premiers, et nous nous étions fait avoir...

Avant de passer à l'attaque, les gens prennent une grande inspiration et se préparent.

Et c'est pendant cet instant qu'ils sont le plus vulnérables.

Si l'ennemi avait réussi à lire dans leurs plans aussi loin, c'est que c'était un putain de salopard avec une sacrée expérience...

Okonogi

— ... Et au fait, le Lieutenant Tomitake…

était absent l'autre jour, non ?

Chien de montagne

— Il me semble bien que si... Je vais faire vérifier.

Okonogi

— Hier, le Commandant m'a demandé si je ne savais pas où il était.

... Hmm...

Chien de montagne

— Non... Vous ne pensez pas que le lieutenant aurait... ?

Okonogi

— Dites à Bouscarle Chanteuse de vérifier la piaule du lieutenant Tomitake !

Y a des chances pour qu'il nous ait baisé la gueule...

Enquêteur médico-légal

— Bon, eh ben maintenant, plus moyen de faire marche arrière.

Kumadani

— Avec ça, les oiseaux sont partis de la montagne. Reste maintenant à voir ce qu'il va se passer comme catastrophe...

L'inspecteur Kumadani tremblait d'excitation.

Ôishi

— Nounours,

je vais aller voir comment ça se passe au centre des communications.

Ne laisse personne entrer ici.

Kumadani

— Comptez sur moi, Chef !

Même si je dois en mourir, personne ne passera !

Enquêteur médico-légal

— Et maintenant, mon rôle à moi sera d'envoyer chier tout le monde au téléphone...

Allez, je retourne à mon poste.

Kumadani, à toi de jouer !

Kumadani

— Y a pas de problème, laissez-moi faire !

Kumadani sortit et ferma tout doucement la porte, puis il se planta fermement devant, tel un gardien divin à l'entrée d'un temple.

C'était son quart d'heure de gloire.

Au même moment, l'inspecteur Ôishi arrivait au centre des communications.

C'est par là que transitaient tous les appels téléphoniques et toutes les conversations radio.

Pendant la journée, on peut demander à un agent au guichet de nous renseigner par téléphone, mais à cette heure-ci, le guichet était encore fermé.

Ôishi

— Alors, comment ça se passe ?

Agent de police

— Hum…

Il y a eu un appel extérieur qui a composé le numéro direct du service des autopsies.

Ôishi

— Et qui ça ?

Agent de police

— Ça venait du commissariat central de Gogura. Le Commissaire Divisionnaire Ôdaka.

Ôishi

— ... Aaaaaah oui, Ôdaka, d'accord, d'accord.

Ôishi

Ah ouais, il est là-bas, lui ? Tiens tiens tiens...

Ôishi se mit à rire sournoisement.

Leurs ennemis étaient passés à l'action.

On lui avait dit qu'ils avaient des espions dans la Police,

et maintenant, il savait qui...

Mais Ôdaka ? Ça, c'était une surprise.

Ôdaka, c'était un connard qu'il ne pouvait pas blairer, un mec d'intérieur toujours tiré à quatre épingles, tout le contraire d'Ôishi, qui, lui, préférait de loin l'expérience acquise sur le terrain.

Autrefois, ils s'étaient connus à l'école de police, et ils s'étaient entendus comme chien et chat.

Agent de police

— La communication vient de se finir.

Ôishi

— ... Je vais aller demander au vieux de quoi ils ont causé.

Po, pipo, pipo popipo...

Eh eh eh, t'en fais pas, c'est moi.

Alors, ça dit quoi ?

Enquêteur médico-légal

— Hahahahaha !

Enquêteur médico-légal

Un con de bleu m'a fait tout un discours avec des menaces à la clef,

Enquêteur médico-légal

j'lui ai dit d'aller se faire foutre.

Enquêteur médico-légal

Il est pas content du tout.

Enquêteur médico-légal

Il a dit qu'il serait là à la première heure pour voir directement le grand chef.

Ôishi

— Comme d'habitude, il va essayer de nous en faire toute une montagne.

Sûrement parce qu'il est incapable de réussir quelque chose tout seul...

Éhéhéhéh !!

Enquêteur médico-légal

— Ça me plaît de plus en plus, cette histoire !

Du coup, j'ai plus sommeil !

T'avais raison, gamin,

il y a une paire de gens pas nets parmi nous, et ils sont tous de sortie aujourd'hui !

Bon, eh bien, c'est très intéressant, tout ça !

Qui va se montrer, maintenant ?

Allez, peeeetit petit petit, jeee suiiis lààà !

Viens me chercheeer...

Tomitake

— Oui allô, ici Tomitake.

Chien de garde

— Bonjour, Mon Lieutenant.

Je suis désolé de vous appeler de si bon matin.

Les chiens de montagne sont passés à l'action, il semblerait, alors je me permets de vous tenir au courant.

Chien de garde

Il y a quelques minutes, il y a eu un rassemblement en urgence de toutes les troupes des chiens de montagne.

Je ne sais pas pourquoi, le motif n'a pas été donné.

Tomitake

— Ah bon ?

Alors, ils ont bougé ?

Tomitake alluma la lumière à côté de son lit, prit ses lunettes, se releva, puis reprit correctement le combiné.

Chien de garde

— Ah, et aussi, j'ai une information très étrange qui nous parvient du commissariat du coin, là où vous êtes.

Chien de garde

Je n'ai pas encore d'élément de confirmation, mais apparemment, la Police aurait trouvé le corps sans vie de la Reine Mère, Rika Furude.

Tomitake

— QUOI ?!

Dites-moi tout, que s'est-il passé ?!

Chien de garde

— J'ai juste une déclaration laconique, “le corps non-identifié est celui de Rika Furude”.

Chien de garde

“La mort remonte à plus de 48h”.

Chien de garde

C'est plus que le laps de temps accordé par les consignes d'urgence du manuel n°  34, mais selon nos sources, tout est paisible à Hinamizawa.

Chien de garde

Vous pouvez nous le confirmer ?

Tomitake

— Non, je suis à Okinomiya, je n'ai aucune idée de ce qu'il se passe là-bas. Mais même, cela me semble absolument impossible.

L'annonce de la mort de la Reine Mère est une erreur, ce n'est pas possible.

Chien de garde

— Nous aussi, nous avons des doutes, mais la source est considérée comme très crédible.

Je n'ai pas encore pu le vérifier, mais apparemment, tous les médecins légistes auraient témoigné en ce sens.

Tomitake

— Mais oui, mais...

Oh...

Tomitake réalisa quelque chose, un petit détail qui faisait une grande différence.

Le commissariat d'Okinomiya, c'était le turf de l'inspecteur Ôishi, non ?

Mais alors... c'est un coup monté de Rika et des autres...

Oui, maintenant qu'il y réfléchissait, tout devenait plus clair.

Même s'il ne savait pas qui était l'ennemi, son point faible ne changeait pas, tout dépendait toujours de l'application du manuel n°  34.

C'était une véritable mèche, qui menait à une grosse bombe, il fallait donc la désamorcer.

Or, la base de ce manuel était que moins de 48h après la mort de la Reine Mère, les habitants du village feraient tous une crise aiguë.

Donc, si même après ce laps de temps, les villageois n'ont rien, le manuel des consignes d'urgence perdait toute valeur et toute autorité.

Et donc, si les chiens de montagne étaient désormais tous mobilisés en urgence,

c'est que...

Chien de garde

— Allô ? Allô ?

Mon Lieutenant ?

Tomitake

— Ah, euh oui, désolé.

Tomitake

Je réfléchissais. Il serait très difficile de faire croire que tout se passe sans anicroche pour l'Institut Irie.

Tomitake

Dites au Colonel que je lui recommande de faire diligenter une enquête sur leurs agissements, cela me semble urgent.

Tomitake

Et aussi, il me semble plus prudent de faire mobiliser les chiens de garde et de les maintenir prêts à intervenir.

Chien de garde

— C'est entendu.

Je pense que j'y verrai plus clair d'ici 9h du matin.

Si les chiens de montagne se sont rebellés, vous êtes en danger.

Faites très attention à vous.

Tomitake

— Ne vous en faites pas, je reste sur mes gardes.

Chien de garde

— Très bien, en ce cas, je vous rappellerai à 9h.

La montre de Tomitake indiquait 6h du matin.

Il avait maintenant trois longues heures devant lui...

Bouscarle chanteuse 1

— ... Ici Bouscarle Chanteuse 1, à toutes les unités.

Tomitake est dans la chambre 406.

Comment est la situation dans la rue ?

Bouscarle chanteuse 4

— Bouscarle Chanteuse 4, aucun problème en vue.

Bouscarle chanteuse 5

— Bouscarle Chanteuse 5, personne à l'étage.

Bouscarle chanteuse 3

— Bouscarle Chanteuse 3, la chambre est silencieuse.

Il est probablement encore en train de dormir.

Sur le bouton de sa porte, il y avait le petit carton ne pas déranger qui pendait.

... Il avait dû travailler jusque tard cette nuit et voulait dormir plus longtemps demain matin.

Pour les hommes de l'escouade, c'était une aubaine.

Bouscarle chanteuse 1

— Bon, on doit le capturer vivant, c'est compris ?

Ce sont les ordres directs du Commandant !

Allez, on y va !

La chambre fut ouverte de force presque sans faire de bruit.

Apparemment, c'était un jeu d'enfant que de crocheter les serrures d'hôtel.

Deux membres de l'équipe se parlaient en langage des signes pour se donner le signal d'attaque.

Si leur cible dormait, ils seraient bien stupides de débarquer en le réveillant.

Il leur fallait s'approcher sans le moindre bruit, en retenant leur souffle ; ils ouvrirent lentement la porte...

La pièce était propre, mais spartiate, vraiment typique de ces petits hôtels bon marché.

Il y avait un lit fait pour dormir, un vague meuble pour écrire, et une télévision qui fonctionnait à pièces.

Une chambre qui servait juste à dormir -- le strict minimum, mais en même temps le strict nécessaire.

Et sur le lit...

... personne.

Bouscarle chanteuse 1

— Que se passe-t-il ? Bouscarle Chanteuse 3, répondez !

Bouscarle chanteuse 3

— Merde, la coquille est vide ! Je répète, la coquille est vide !

Normalement, Tomitake devrait être en train de dormir.

Mais son lit était désespérément vide.

Bouscarle chanteuse 4

— ... Qu'est ce que ça veut dire ?

Le lieutenant aimait observer les oiseaux sauvages.

Ça me paraît gros, mais il est peut-être parti avant l'aube pour faire des photos ?

Bouscarle chanteuse 1

— Non, certainement pas !

On s'est fait avoir !

À cause du carton qui pendait à la porte, la chambre n'avait pas été faite, puisque la femme de ménage n'était pas entrée.

Donc les gens de l'hôtel ne savaient pas que la chambre était vide...

Le carton pendait là certainement depuis la veille, depuis plus longtemps peut-être !

Pour les gens de l'hôtel, ce n'était pas un souci, puisqu'il avait réservé pour cette période.

Donc la pièce était très probablement vide depuis la veille déjà !

Okonogi

— ... Il a changé d'hôtel pour déjouer toute attaque éventuelle.

Okonogi

Je vois, c'est pour ça qu'il ne s'est pas montré !

Appelez le Commandant, en quatrième vitesse !

Saloperie, quelqu'un lui a dévoilé une partie de nos plans !

Okonogi sut, à cet instant, qu'ils avaient été possédés.

Si le postulat de base du manuel n°  34 était faux, alors toute l'opération menaçait de s'écrouler.

Le commandant avait clairement perdu son calme. Elle avait ordonné une vérification immédiate de tous les éléments de l'opération.

Si Tomitake s'était déjà caché à cause des soupçons qu'il leur portait, il profitera de ce vent de panique dans leurs rangs pour trouver des preuves !

Okonogi

— Tout est trop bien organisé, c'est pas normal.

Merde, nous sommes tombés exactement dans leur piège !

OK, restons cool, restons zen.

Son rôle, c'est de mener son enquête sur nous. Il est donc forcément resté dans le coin pour nous observer.

Ceux qui font tout le boulot, ce sont sûrement les agents en place à Tôkyô.

Il doit être dans le coin et attendre les résultats de leurs recherches...

Il est sûrement à son nouvel hôtel.

Donc quelque part à Okinomiya...

Okonogi

— ... Contactez Corbeau.

Okonogi

Le service de Tôkyô est sûrement en contact régulier avec Tomitake.

Okonogi

Faites vérifier les appels sortant, en particulier ceux d'aujourd'hui.

Okonogi

Si nous trouvons un numéro qui correspond à Shishibone, nous le tenons !

Okonogi était plutôt confiant.

Mais si ses déductions tombaient juste, cela voulait dire que Tomitake savait déjà que les chiens de montagne et le commandant manigançaient quelque chose. Au pire, leur opération était déjà compromise.

Mais la partie n'était pas encore terminée. Le roi n'était pas mis échec et mat.

S'ils pouvaient prouver que le corps non-identifié au commissariat d'Okinomiya n'était pas celui de R, alors tout pourrait être maintenu.

Il lui fallait donc enlever Tomitake et faire des vérifications dans les locaux de la Police.

Pas plus !

Chien de montagne

— Chef, j'ai pu entrer en contact avec Corbeau.

Chien de montagne

Il m'a dit qu'il n'y aurait sûrement pas d'enregistrement de la conversation, mais qu'il pourrait sûrement trouver une trace du numéro appelé.

Chien de montagne

Il a juste besoin d'un peu de temps.

Okonogi

— Combien de temps ?!

Chien de montagne

— À peine quelques heures, tout au plus.

Okonogi

— Pah,

“à peine quelques heures”, je lui en foutrais, moi !

Ne le brusquez pas, mais dites-lui de faire le plus vite possible.

Il était un peu plus de 6h du matin.

Il faisait plus jour que nuit, mais les grillons n'avaient pas encore commencé à chanter.

Avec ça, ils avaient survécu à la première vague de Pearl Harbor.

Le tout, maintenant, c'était de pouvoir réagir suffisamment rapidement.

Il restait à espérer que leur petite princesse ne viendrait pas leur faire une crise...

Chien de montagne

— Chef,

on a reçu un message de Corbeau. Il est en train de chercher le numéro concerné.

Le service des renseignements a prévu de recontacter Tomitake sur le coup de 9h.

Okonogi

— On a trois heures ?!

Il leva le nez et regarda la montre au mur.

Remarquant qu'ils avaient en fait moins de trois heures, il se mit à faire une fixation dessus.

Plus il se le répétait, plus la coureuse égrenait les secondes. Okonogi commençait à stresser.

Chien de montagne

— Et sinon, le chef de la section des renseignements, le colonel Oka, a lancé un ordre de mobilisation aux troupes des chiens de garde.

Leur mission n'a pas été précisée.

Okonogi

— Donc il les veut sous la main, au cas où.

Okonogi

Si jamais ses hommes ne découvrent rien, il pourra toujours faire croire que c'était un entraînement en simulation réelle.

Okonogi

Ce qui veut dire que nous avons encore un peu de temps, c'est pas dramatique !

Chien de montagne

— Une autre information, Chef !

Le colonel Oka est en train d'appeler le grand patron.

La ligne est sécurisée !

Okonogi

— ... Non, c'est pas grave, on peut encore s'en sortir.

Rien n'est perdu...

S'ils ont donné l'ordre de mobilisation aux chiens de garde, c'est qu'ils ont jugé que l'Institut Irie préparait un mauvais coup.

En tout cas, ils ont considéré qu'au vu des éléments sur le terrain, c'était presque certain.

Mais ce n'était pas une simple formalité que d'envoyer les chiens de garde.

Il fallait d'abord pouvoir constater une infraction réelle, un trouble grave à l'ordre public.

Certaines personnes devaient forcément penser pouvoir ou vouloir régler cette affaire dans le calme. Ils allaient certainement commencer par calmer le jeu en disant qu'il devait forcément y avoir un malentendu quelque part.

Et donc pour contenter tout le monde, le compromis était tombé : les chiens de garde étaient mobilisés, mais sans être officiellement affectés à une mission.

Ce qui signifiait que cet appel téléphonique au grand patron de l'Armée de Terre, ça sentait vraiment très mauvais.

Les grands décideurs de l'Armée de Terre envisageaient comme probable de donner un ordre de mission aux chiens de garde. La crème de la crème était en train d'en discuter...

Les gratte-papiers sont plutôt belliqueux, mais les hommes de terrain ne sont pas du genre à sacrifier leurs hommes pour un oui ou pour un non.

Pour l'instant, tout était encore fluctuant entre ces deux extrêmes.

Ils n'avaient pas encore perdu, rien n'était décidé.

Tout était encore possible, toutes les options étaient encore sur la table.

Et donc l'appel programmé pour 9h était dangereux.

Okonogi n'aurait pas su dire pourquoi, mais cet appel sentait mauvais.

C'était peut-être son instinct, peut-être parce que justement, il était à la tête d'une compagnie un peu spéciale qu'il le sentait.

Cet appel servirait probablement à Tôkyô à faire les dernières vérifications. Ils entendraient de la bouche-même de Tomitake ce qu'il en pense, sur le terrain, et prendraient leur décision.

D'ailleurs, avec un peu de malchance, ce serait peut-être même le grand patron qui passerait ce coup de fil.

Dès qu'il aurait raccroché, il donnerait l'ordre d'envoyer les chiens de garde, et lui et ses hommes auraient perdu...

... Tôkyô aussi doit encore trembler de partout.

Il doit y avoir pas mal de monde qui n'y croit pas, qui refuse carrément d'y croire.

... Si jamais Tomitake ne répondait pas à l'appel de 9h, ils enverront quelqu'un sur place pour analyser la situation, mais les chiens de garde resteraient encore à la caserne...

Ils avaient encore de quoi faire match nul.

Et si jamais ils pouvaient vérifier que le corps d'Okinomiya n'était pas celui de R, alors ils pourraient même encore parvenir à leurs fins, même s'il y aurait forcément des pertes.

Mais pour le coup, ils ne pouvaient plus obtenir la victoire totale.

Et les donneurs d'ordres de leur petite princesse, eux, ils ne voulaient précisément que cela.

C'était dur à accepter, mais l'attaque surprise des gens d'en face avait parfaitement fonctionné...

Chien de montagne

— Chef ?

Okonogi

— Aaah, ta gueule, calme-toi, merde !

Okonogi

Ils n'ont encore aucune preuve.

Okonogi

Ils ont des soupçons, mais ils ne savent rien de concret.

Okonogi

On est encore hors de danger.

Okonogi

... À partir de maintenant, les premiers à obtenir les infos seront les gagnants.

Okonogi

Soit ils nous attrapent, soit nous les attrapons !

Okonogi

Nous avons perdu la première passe d'armes, leur attaque surprise a bien fonctionné. Mais on a perdu juste une bataille, pas la guerre !

C'est un peu tôt pour agiter le drapeau blanc.

Okonogi

... Il faut attendre, il n'y a que ça.

Corbeau nous dira où se trouve Tomitake.

Okonogi

Notre allié dans la Police nous dira ce qu'il en est avec le cadavre.

Il suffit d'attendre en fermant sa gueule, et on verra bien !

Chien de montagne

— Excusez-moi, Chef, mais c'est le Commandant Takano au téléphone.

Elle... Elle a l'air très en colère.

Okonogi

— Eeeh merde, j'ai une proie à attendre, moi, j'ai autre chose à foutre que de protéger la princesse...

Okonogi

... Oui ?

Oui allô, c'est Okonogi.

... ... Oui, bah, vous emballez pas, hein ?

C'est pas encore sûr, cette histoire.

Naaaaan, mais nan,

Okonogi

prenez un café, calmez-vous, si, si, je vous assure.

Oui, oui.

Okonogi riait et essayait de dédramatiser la situation, alors que dans ce même temps, on pouvait distinguer vaguement les hurlements hystériques et incompréhensibles de Miyo Takano.

L'aiguille des secondes poursuivait sa course, imperturbable.

À qui la chance finirait-elle par sourire ?

Okonogi n'avait qu'une certitude :

aujourd'hui allait être une très longue journée...

Ôishi

— Coucou, c'est encore moi.

C'était qui, cette fois ?

Enquêteur médico-légal

— C'était notre jeunot de chef !

Enquêteur médico-légal

Ça commence à chauffer un peu, là !

Enquêteur médico-légal

Mais bon, eh, il n'est pas encore en âge de me dire ce que je dois faire.

Enquêteur médico-légal

Comme si un gratte-papier avait précédence sur un technicien, non mais des fois !

Enquêteur médico-légal

N'empêche, heureusement qu'il est au tournoi de golf annuel des chefs de police !

Enquêteur médico-légal

S'il était venu sur place, je sais pas ce que ça aurait donné...

Ôishi

— Éhhéhhéhhé !

Ôishi

Il a appelé depuis le terrain de golf, alors ? Tss, il faudrait savoir s'il travaille, aujourd'hui, ou pas.

Ôishi

Je parie qu'Ôdaka voulait se ramener avec le chef pour nous remonter les bretelles. Il doit être en train de criser...

Kumadani

— S'il n'a pas réussi son attaque à distance, il viendra sûrement sur place, tu crois pas ?

Il en est capable, non ?

Ôishi

— Oh, mais il va bien se rendre compte que là, il va devoir bouger son cul.

Il est bientôt 8h30.

On va bientôt ouvrir au public.

Nous étions désormais en pleine matinée.

Quelques grillons étaient déjà en train de pousser leur sérénade.

Un naïf qui regarderait au dehors et écouterait la nature pourrait croire qu'aujourd'hui serait une belle journée d'été comme toutes les autres.

Sauf qu'aujourd'hui, ça ne serait pas un dimanche ordinaire.

Rien ne serait normal.

L'inspecteur Ôishi et ses alliés se rendaient bien compte qu'ils étaient en train de mettre la main sur un truc assez énorme...

Ôishi

— Tel que je le connais, il va entrer par la grande porte, la tête haute.

Kumadani

— Oui, ça arrive souvent quand on s'imagine qu'on a tout le temps raison.

Enquêteur médico-légal

— Moi, je m'occupe du téléphone.

Occupez-vous de lui, vous deux !

Ôishi

— ... Ouais. Bon, je vais aller me poster à l'entrée.

Nounours, je compte sur toi pour garder la porte, ici.

Le hall d'entrée et d'attente aux guichets du commissariat d'Okinomiya ne déparait pas des autres commissariats ; il n'invitait pas à de grands élans de liberté et il n'y faisait pas spécialement bon vivre.

Il y avait, çà et là, des fissures dans le carrelage, et comme parfois, certaines personnes se prenaient les pieds dessus, il y avait des cartons par terre, avec des messages invitant à la prudence.

Quant aux plantes de la décoration, elles faisaient peine à voir, toutes desséchées et flétries.

Enfin bon, c'était un hall de commissariat, pas d'une banque ou d'un spa, en même temps...

À la différence d'une banque ou même d'un hôpital, les gens ne se pressaient pas en rangs serrés pour venir les voir. Mais bon, il y avait quand même quelques canapés pour permettre aux gens d'attendre leur tour.

Les guichets allaient bientôt être ouverts au public.

À l'intérieur, les policiers affectés à ce service étaient déjà tous prêts, attendant la petite musique qui annoncerait le début de leurs heures de travail.

Quand je pense que je vais devoir me farcir ce connard de si bon matin.

Si au moins c'était une femme bien roulée, encore, j'aurais pu supporter, mais là...

... Ôishi avait un rôle extrêmement important.

Si jamais il devenait trop vite apparent que la mort de Rika Furude n'était que du flan, cette stratégie perdait immédiatement toute son efficacité et toute sa valeur.

Ce n'était que maintenant, pendant la période de temps où l'ennemi ne disposait d'aucune autre information, qu'il serait à même de faire des erreurs.

Il fallait tout faire pour la prolonger le plus longtemps possible, pour laisser le temps à Tomitake de dénicher des preuves irréfutables...

Si la supercherie était démasquée avant, l'ennemi pourrait reprendre ses marques et repasser à l'action.

Le manuel retrouverait toute sa valeur, et si l'ennemi risquait fort de laisser passer l'affaire pour cette fois, il reviendrait avec un plan encore meilleur la prochaine fois, et alors, plus personne ne pourrait rien y faire.

Cette fois-ci, par un hasard qui tenait du miracle, Rika Furude avait été très inspirée, et elle avait pu deviner la machination qui se tramait contre elle.

Mais si c'était un miracle, c'était aussi un vent divin.

Les vents divins avaient protégé le Japon pendant les deux attaques des Mongols, mais ils n'avaient pas soufflé pendant la guerre du Pacifique, là où les soldats avaient compté dessus.

La déesse des miracles ne souriait pas toujours aux mêmes.

Elle ne souriait qu'à celui et ceux qui savaient saisir la bonne opportunité.

Il n'y aurait pas de deuxième chance.

S'il ne réussissait pas son coup cette fois-ci, il ne gagnerait pas.

Pour l'instant, ils avaient fait de jolis dégâts, mais un match nul signifiait que sur le long terme, l'ennemi vaincrait.

Il devait tenir bon, à n'importe quel prix. Tomitake devait absolument obtenir de quoi justifier l'envoi des troupes de sécurité, pour pouvoir mettre un terme à tout ceci.

Il était obligé de rester là et d'arrêter le dard de l'ennemi, le soldat qui pourrait les informer.

Car les conséquences seraient lourdes, et en retour, il avait donc une lourde charge sur les épaules, dans son dos...

Si jamais les plans de l'ennemi se réalisaient...

les deux mille et quelques personnes vivant à Hinamizawa auraient le malheur de périr dans une catastrophe naturelle n'ayant, pour le coup, strictement rien de naturel...

L'inspecteur pouvait être certain que tout le monde ferait tout pour ne rien laisser filtrer de cette histoire.

Mais s'il ne faisait pas mur de son corps, les habitants de Hinamizawa étaient condamnés !

C'est pourquoi il s'apprêtait à passer en revue la totalité des manquements au règlement qu'il connaissait, pour faire durer les choses.

Même si cette insubordination le faisait passer pour être en tort, il savait qu'au fond,

c'était maintenant qu'il devait faire preuve de son sens de la justice.

Le vieux lui avait appris ce que c'était, la vraie justice, quand il était plus jeune !

Les portes automatiques en verre s'ouvrirent presque sans bruit,

et un homme entra d'un bon pas, portant un costume hors de prix malgré la chaleur étouffante du dehors.

Il était accompagné de deux gorilles.

Comme autrefois, il aimait frimer devant tout le monde...

Ôishi

— Tiens donc ! Salut, Ôdaka !

Ôdaka

— Ah !

Eh bien, eh bien.

Bonjour, Ôishi.

Tu me feras le plaisir de m'appeler autrement, nous ne sommes plus du même grade, toi et moi.

Pour toi, ce sera “Monsieur” Ôdaka.

Ôishi

— Allez, là, fais pas ton casse-burnes, Ôdaka.

On a joué ensemble au mah jong, ça crée des liens !

Le visage du commissaire divisionnaire Ôdaka se déforma un court instant.

À une époque, il s'était vanté d'être très doué au mah jong, et l'inspecteur Ôishi lui avait infligé une défaite cuisante, devant tout le monde. Sa fierté en avait beaucoup souffert.

Ôdaka

— J'aimerais bien parler du bon vieux temps, mais aujourd'hui, j'ai des choses plus urgentes à faire, tu m'excuseras.

Ôishi

— Éhhéhhéhhé !

Allons, allons, faut pas dire ça !

Tu te souviens du tournoi amical de kendô ? Celui où tu avais oublié de commander la confection des diplômes des gagnants.

Ôishi

Je me souviens encore, je t'avais jamais vu pleurer avant ce jour-là. Heureusement que je les ai écrits derrière les tribunes, sinon, tu n'aurais pas pu assurer la cérémonie de remise des prix !

Ôdaka

— ... ...

Tu m'as enlevé une belle épine du pied, en effet, mais ça n'a rien à voir avec l'affaire qui m'amène aujourd'hui.

Ôishi

— Ah bon, et à l'époque, tu m'as dit merci ?

Éhéhéhéh !! Nan, mais désolé.

Parce que c'est pas ce que j'ai entendu, et ce n'est pas ça que les collègues m'ont raconté à l'époque.

Ôishi

Il paraît que quand le chef de Gogura s'est plaint de ce que les diplômes avaient l'air d'avoir été écrits par des sagouins, tu lui as dit que comme j'avais insisté, tu avais refusé de passer commande à des pros pour m'accorder ce petit plaisir.

Ôishi

C'était bien ça, ton excuse, non ?

Ôdaka

— ... Alors, là,

tu m'en demandes beaucoup, c'était il y a longtemps.

Ça doit forcément être une erreur.

Je ne me souviens pas avoir dit ça, moi !

Ahahahahaha !

Ôishi

— Le central de Gogura, c'est ton turf, j'imagine, mais là, pas de bol, t'es à Okinomiya.

Tu pourras pas faire ce que tu veux ici.

Ôdaka

— Ah ouais ?

Et qu'est-ce que tu veux dire par là, Ôishi ?

Ôishi

— Je sais pas ce que t'es venu foutre ici, mais t'es pas chez mémé, ici.

On est pas à Okinomiya.

Alors tu vas faire demi-tour et tu vas te barrer, et en vitesse.

Ôdaka

— Et en quel honneur ?!

Ôishi

— Justement. En quel honneur devrions-nous te laisser passer ?

Ôdaka

— En l'honneur que je travaille en ce moment sur une enquête importante, dont les détails sont mis au secret.

Ôdaka

J'ai entendu dire que vous aviez un corps encore non-identifié, et j'ai des raisons de croire qu'il pourrait m'intéresser.

Ôishi

— Eh ben alors, t'avais qu'à téléphoner, qu'est-ce que tu viens foutre ici ?

Les gens d'Okinomiya sont pauvres.

C'est pas un endroit pour un blanc-bec qui se balade dans un costume sur mesures.

Ôdaka

— ... Je commence à comprendre. Tu as acheté les médecins-légistes, hein ?

Votre chef vous a normalement donné l'ordre de me fournir tous les résultats de l'autopsie.

Ôishi

— Aah, mais notre équipe lui a pourtant bien expliqué la situation, il me semble.

L'autopsie n'est pas terminée, vois-tu.

Ôishi

Et par un malheureux concours de circonstances, il se trouve que les gens ont parlé de nos pistes de recherche comme si elles étaient les résultats définitifs.

Ôishi

Alors tu comprendras que nous ne voulons pas marquer de conneries dans le rapport et que nous continuons les recherches. Et ça, eh ben, ça prend du temps.

Ôdaka

— Eh bien alors, emmène-moi à la morgue, j'assisterai à l'autopsie.

Ôishi

— Non.

Ôdaka

— Comment ça, non ?

Tu n'as rien à dire, je suis ici en mission pour...

Ôishi

— Si seulement c'était vrai, passe encore !

Ôishi

Si c'était vrai, je ne douterais pas de ton sens de la justice, Ôdaka.

Ôishi

C'est quelque chose de noble, de se sentir flic.

Ôishi

Il en faut, de la noblesse de cœur, pour rester faire carrière chez les flics, parce que franchement dit, ça paye des clopinettes.

Ôishi

Mais la noblesse de cœur, ça suffit pas.

Si tu as ce qu'il faut pour être flic, alors d'accord, je te laisse passer. Mais pas autrement.

Le regard d'Ôishi se fit menaçant, une flamme de colère ardant dans ses pupilles.

En voyant cela, Ôdaka eut le souvenir de la peur, une peur qu'il avait appris à oublier, une peur née lors de certaines confrontations, autrefois, dont il ne parlait jamais.

Il ne voulait surtout pas montrer cette faiblesse à l'inspecteur, mais il ne put s'empêcher de déglutir très fortement.

Ôdaka

— Eh bien...

raison de plus pour me laisser passer.

Je suis venu pour faire mon travail, Ôishi, mû par mes tripes. Je suis un flic dans l'âme, moi !

Alors ôte-toi de mon chemin.

Ôishi

— Si tu te sens tellement une âme de flic, sers-t-en pour repousser la mienne.

Je t'attends.

Ôdaka

— De...

Mais qu'est-ce que tu me chantes, là ?

Ôishi

— Si ton âme de flic est aussi ancrée que la mienne, si elle te pousse de l'avant plus que moi, alors tu pourras m'éjecter sans problème.

Alors viens, je t'attends,

essaie.

Ôdaka

— ... ... …

Ôishi n'avait aucune intention de le laisser passer, et il le faisait très clairement comprendre, sans pour autant le dire crûment.

Ôdaka en était très perturbé.

Ce genre de conneries ne pouvait quand même pas être toléré, non ?

Lui était un membre de l'élite de Gogura.

Il avait bâti sa réputation, ses liens, sa carrière, grâce à ses diplômes et ses rapports.

Il avait fait ça depuis toujours.

Mais Ôishi était l'un de ces merdeux qui ne respectaient rien et qui ne reconnaissaient rien.

Il était comme tous les petits voyous, plus violent que nécessaire, simplement pour se prouver qu'il existe, ignorant volontairement tous ceux qui étaient meilleurs que lui, parce qu'il n'était pas capable de souffrir la comparaison.

C'était un truc qui l'avait toujours estomaqué, même autrefois, déjà.

Pourquoi est-ce que les autres l'écoutaient ?

Pourquoi est-ce qu'ils le respectaient ?

Pourquoi est-ce qu'ils accordaient à Ôishi plus de considération qu'à lui ?!

Ôdaka

— ...

Ça suffit, maintenant. Écarte-toi.

Si tu ne bouges pas immédiatement, je peux te faire coffrer pour obtruction à l'instruction d'une enquête !

Ôishi

— Ah ouais ?

Mais quelle enquête ?

Dis-moi de quoi ça parle, je peux peut-être t'aider.

Ôdaka

— …

Tu vois, Ôishi, c'est pour ça que tu en es encore là.

C'est une enquête mise au secret, je ne peux pas en parler à n'importe qui, et certainement pas à un péquenaud comme toi !

Ôishi

— Je ne te demande pas de me donner le dossier complet,

fais-moi un rapide topo sur les enjeux qui pèsent sur tes épaules.

Ôdaka

— Les enjeux ?

Mais de quoi tu parles ?

Ôishi

— Moi, j'ai des choses importantes qui reposent sur mes épaules.

Ôishi

Dans mon dos, j'ai le sort de 2000 personnes.

Ôishi

Si je te laisse passer, tous ces gens vont connaître un sort peu enviable, et le reste de leurs familles sera inconsolable, et 2000 familles, ça fait du monde, Ôdaka.

Ôishi

...Et quand je te parle d'un sort “peu enviable”...

tu sais de quoi je parle, n'est-ce pas ?

Ôdaka

— ... Je…

Je ne vois vraiment pas d-de quoi tu parles !

Ôishi

— Alors je vais te le dire.

Ton maître, il a des plans horribles dans les cartons.

Je suppose que ta petite tête n'arrivera pas à le comprendre, mais il planifie un truc qui devrait entraîner la mort de deux mille innocents.

Ôishi

Et c'est parce que ces plans avaient l'air mal barrés qu'il t'a réveillé de si bon matin et qu'il t'a ordonné de bouger ton cul.

Je ne sais pas combien il t'a filé d'argent de poche,

Ôishi

mais si c'est suffisamment pour que tu mettes ton sens de la justice au placard...

Ôishi ne termina pas sa phrase,

mais ses yeux en disaient suffisamment long.

Ôdaka

— Mais bon sang, j-j-je ne comprends rien à ton charabia !

Laisse-moi passer, ça suffit !

Ôdaka avait perdu toute sa belle assurance, et ça aussi, c'était un signe qui ne trompait pas.

S'il on s'en tenait strictement aux faits, il avait été effectivement acheté par des gens plus ou moins louches.

Enfin, lui-même ne voyait pas les choses de cette manière, bien sûr.

Il avait simplement reçu la demande expresse -- et exprès, aussi -- de la part de l'un de “ses” informateurs de vérifier la mort de Rika Furude, en échange d'une promesse de renvoi d'ascenseur.

Bien évidemment, son histoire d'enquête mise au secret, c'était du flan.

Mais normalement, quand lui, ce membre émérite de l'élite du commissariat central de Gogura, se rendait quelque part en prétextant une enquête mise au secret, tout le monde lui ouvrait les portes et courbait l'échine bien bas !

Alors pourquoi pas Ôishi ?

Pourquoi cette brute, cet idiot, ce barbare, ne faisait-il preuve d'aucune considération ?

Ôdaka

— Je vois qu'il ne sert à rien de discuter !

Je m'en plaindrai à tes supérieurs, Ôishi, tu peux me croire ! Je ne te félicite pas !

Eh ?!

Ôishi

— Hep hep hep, jeune homme,

j'en ai pas fini avec toi, alors tu restes ici.

Alors qu'Ôdaka s'apprêtait à passer outre, Ôishi lui saisit l'épaule sans ménagement.

Il tenta de s'en défaire, mais rien n'y fit. Ôishi commença alors à augmenter la pression...

Ôdaka

— ... !!

Aïe...

Lâche-moi, Ôishi !

Ôishi

— Pourquoi, je ne te serre pas, pourtant, tu vas pas me dire que je te fais mal ?

Ôishi

Et puis de toute façon, tu es mû par ton sens du devoir, la douleur ne te fait pas peur, n'est-ce pas ?

Ton sens de la justice inébranlable devrait te permettre de franchir tous les obstacles.

Ôishi

Sauf que non, t'es même pas foutu de te débarrasser de mon bras, en fait.

Et tu sais pourquoi ?

Ôdaka

— ... Mmrr...

Lâche, bordel !

Ôishi

— Parce que t'es qu'une sale pourriture de merde, voilà pourquoi !

Maintenant toujours son épaule, Ôishi repoussa son ancien collègue en arrière, qui valsa cul par dessus tête et s'affala au sol, plusieurs mètres plus loin.

Ôdaka

— Aaaaaah !

Ton compte est bon, Ôishi !

Obstruction à l'instruction d'une enquête, insulte à un représentant de l'état,

et voie de faits !

Arrêtez-le ! Immédiatement !

Les deux hommes de main d'Ôdaka se regardèrent, ne sachant pas trop quoi faire.

L'homme en face d'eux était policier lui aussi, et de plus, il semblait avoir, sur un plan strictement privé, une longue histoire d'antagonisme avec leur chef. Ils n'étaient pas vraiment habilités à procéder à une arrestation...

Et puis aussi... ils n'étaient pas stupides.

L'homme en face d'eux était beaucoup plus fort qu'eux, physiquement.

Même à deux, ils ne réussiraient pas à l'arrêter !

Détective

— Eh, Chef, y a un problème ?

Plusieurs hommes du commissariat arrivèrent sur les lieux, le regard inquisiteur. Ils ne comprenaient pas trop la situation.

Ôishi

— Non, rien.

Juste un jeune coq de Gogura qui vient nous faire des magouilles, alors je lui ai tiré les oreilles.

Les nouveaux-venus regardèrent tour à tour les deux hommes.

Ils voyaient bien que quelque chose n'était pas normal, mais ne sachant pas les détails, ils ne savaient qui avait tort et qui avait raison.

Ôishi, ils le connaissaient bien, c'était un peu leur mentor, le grand-frère qui pouvait les prendre sous son aile en cas de pépin, qui pouvait leur donner des conseils quand ils ne savaient plus à qui s'adresser.

Tout le monde ici le respectait.

Et si lui pensait d'une situation que c'était une “magouille”, c'est que l'homme au sol qui le regardait avec tellement de rancœur était en tort, d'une manière ou d'une autre.

Et puis, Ôishi n'était plus un gamin, il savait ce qu'il faisait.

Pour que lui se mette à faire un tel coup d'éclat dans le hall d'entrée, là où les civils pourraient observer la scène, c'est qu'il avait une bonne raison.

C'était sûrement quelque chose de grave.

Pris dans le feu des regards, Ôdaka se sentit humilié.

Cachant son désarroi intérieur par de la colère, il se remit debout,

feignant toujours un calme et un flegme de gentleman.

Ôdaka

— ... Très bien, Ôishi.

Je vois ce que tu veux dire.

Arrêtons ces enfantillages, tu veux bien ? Je ne suis pas là pour m'amuser.

Ôishi

— Au moins, tu as le mérite de ne pas lâcher le morceau.

Tu veux te fritter ?

Ôishi

Eh ben alors amène-toi, garçon !

Ôdaka

— HaaaaAAAA !

Ôishi

— Espèce de naïf !

C'est tout ce que t'as ?

Ôdaka

— Va te ffffaire ffffoutre !

Ôishi

— Alors c'est tout ce que tu peux donner ?

Moi, j'ai 2000 personnes sur le dos.

La vie de 2000 de mes concitoyens est en jeu, c'est ça qui me pousse de l'avant !

Ôishi

Si tu veux passer, il faudra faire mieux !

Ôdaka

— AaaaAAAAAAAAH !

On aurait dit un enfant qui essaierait de tacler un sumotori.

Ôdaka eut beau s'y reprendre à plusieurs fois, il fut repoussé en arrière, systématiquement.

Ôishi était planté sur ses jambes comme un arbre enraciné dans la terre. Il ne bougeait pas d'un millimètre, comme si réellement, il portait le poids de 2000 personnes en plus sur les épaules...

Après avoir été refoulé trois fois de suite, et donc avoir trois fois mordu la poussière, Ôdaka se rendit compte qu'il s'était laissé piéger.

Il se remit bien debout, se recoiffa, et reprit son souffle.

Ôdaka

— Bien, bien, bien.

Tu veux tout savoir ?

Eh bien alors, jouons cartes sur table.

Je suis sur une affaire classée “S”.

L'un de mes informateurs m'a demandé de vérifier la véracité d'une rumeur qu'il m'a rapportée.

Ôishi

— Ben dis donc, tu tournes beaucoup autour du pot, là.

T'as pas plus concret ? Histoire que je comprenne où tu veux en venir.

Ôdaka

— Les soupçons portent sur la mascotte religieuse du coin de Hinamizawa, Rika Furude. Les rumeurs disent que vous l'auriez retrouvée morte.

Je dois vérifier au plus vite si cette information est vraie ou fausse.

Ôishi

— Eh ben alors, mais t'es dur de la feuille ou quoi ?

Nos hommes ont dû te le dire au téléphone, l'autopsie n'est pas terminée,

on vérifie des trucs, ça prendra du temps !

Ôdaka

— Tu sais,

je ne voulais pas te le dire, parce que je sais que tu ne l'aimes pas trop,

mais en fait, c'est...

Bah, autant donner son nom, après tout.

C'est le député Sonozaki qui m'a fait cette demande.

…Héhéhé.

Ôishi

— Ah, oui, le vieux qui est toujours dans son kimono officiel, oui, il fait plutôt peur, celui-là.

Ôishi

Hmmm, tu as raison, je ne l'aime pas beaucoup...

Ôishi

S'il devait venir, je préfèrerais lui laisser le passage et lui passer ses caprices plutôt que de tenter d'avoir le dernier mot...

Ôdaka

— Héhéhé,

tu vois ?

Tu vois ?

Ôdaka

Et ce député, il m'a demandé de vérifier en urgence si réellement, il s'agissait bien du corps de la petite Rika Furude.

Ôdaka

C'est une demande de l'un de nos concitoyens,

Ôdaka

je ne peux pas vraiment la lui refuser.

Ôdaka

Évidemment que j'ai accepté.

Ôdaka

Rika Furude n'est pas une petite fille ordinaire à Hinamizawa.

Ôdaka

Elle a un poids, une signification très particulière.

Ôdaka

Si jamais il devait se raconter qu'elle était morte alors que personne n'a d'information de source sûre, alors forcément, les gens voudraient vérifier,

Ôdaka

tu comprends ?

Ôishi

— ... Tu devrais pas le dire si fort, tu sais, t'es dans un lieu public ici.

On est dans le hall, je te signale.

Ôdaka

— ... Ah, euh...

Oui, effectivement, je... Désolé.

En son for intérieur, Ôdaka sut qu'il avait commis une erreur.

D'ailleurs, il entendit soudain des murmures gênés dans son dos.

Une femme s'approcha de lui, clairement apeurée, osant à peine poser la question.

Vieille femme

— Est-ce que c'est vrai que Dame Rika n'est plus de ce monde ?

Ôdaka

— Ne vous inquiétez pas, Madame,

cette information n'a pas été confirmée.

Je suis venu expressément depuis Gogura pour tenter de faire la lumière sur ce point.

Ôishi

— Oui, il a raison, cette information est à prendre avec des pincettes.

Nous sommes en train de procéder à de minutieuses vérifications.

C'est d'ailleurs pour ça que je lui demande d'attendre.

Ôdaka

— Et moi, je t'ordonne de me laisser assister à cette autopsie !

Ou bien quoi, tu te moques de ta carrière ?

Je suis venu à la demande exprès du député Sonozaki.

Si tu t'obstines, je lui rapporterai ton comportement.

Ôdaka

C'est toi qui vas avoir des problèmes, Ôishi, pas moi.

Alors, tu ne crois pas qu'il serait temps d'abandonner ? Hein ?

Il savait que le nom du député Sonozaki ouvrait pour ainsi dire toutes les portes dans cette ville.

Les civils derrière lui se remirent à se parler à voix basse, en chuchotant.

Ôdaka eut un rictus de victoire en entendant ces messes basses derrière lui.

Akane

— Oh, quand même pas ?

Saburô ?

Représentant des Sonozaki

— Eh, monsieur, excusez-moi,

mais, vous êtes sûr que Monsieur le Député vous a demandé de vérifier ?

Ôdaka

— Hahahaha, mais oui, j'en suis sûr.

Il me l'a demandé en personne.

Héhéhé, alors

Ôishi ?

Finalement, ce serait pas une mauvaise idée que de me laisser passer, non ?

Héhéhéhéhé !

Derrière lui, les messes basses reprirent de plus belle.

Ahahahahaha, décidément, le nom du député faisait des miracles.

Il avait même entendu dire, une fois, que même les criminels en avaient peur...

Héhéhéhéhé !

Ôdaka

— Si tu as peur des représailles du député, Ôishi, c'est ta dernière chance. Ôte-toi de mon chemin !

Ôishi

— ... ...

Euuuuh...

Pour les amendes perdues, c'est au guichet n°  8.

Ôdaka

— ... Pardon ?

Mais de quoi tu me parles, maintenant ?

La conversation n'avait plus aucun sens ; Ôishi semblait être parti sur autre chose.

Que regardait-il donc ? Son regard était en fait porté derrière lui...

???

Mais à qui pouvait-il donc vouloir faire la conversation, à un moment aussi tendu et aussi décisif ?

Ôdaka se retourna. Il y avait là un vieillard habillé de manière très traditionnelle, et une femme mûre, dans un splendide Kimono.

Il croisa son regard et y vit une lueur malicieuse, un peu joueuse, que réhaussait un sourire resplendissant.

C'était vraiment une très belle femme, tout à fait à son goût...

Représentant des Sonozaki

— Dis voir,

c'est vraiment le député Sonozaki qui t'a fait cette requête, lui-même ?

Ce n'était pas son porte parole, ou son secrétaire, ou son avocat ?

Ôdaka

— Non, non, il m'a téléphoné en personne.

Je n'en ai peut-être pas l'air, mais je discute souvent avec lui.

Nous avons de temps en temps quelques discussions, en privé.

En entendant cela, le vieillard resta sans comprendre, bouche bée.

Représentant des Sonozaki

— ... ... Mais t'es qui, en fait, toi ?

Ôdaka

— Pardon ?

Ahahahaha, allons, je ne voudrais pas m'étaler en public pour si peu.

Je ne suis qu'un commissaire divisionnaire, après tout ! Un simple fonctionnaire au service de l'État.

Ôishi

— ... Alors là,

la situation est tellement invraisemblable...

Je sais pas quoi dire !

Ôishi

Éhhéhhéhhé !

Oh, mais quel hasard, ahahahahahaha !

Akane

— Ahhahhahha,

je vois, je vois, donc c'est bien ce que je pensais, c'est une caméra cachée ?

Je peux rire, c'est fini ?

Ahahahahahahaha !

Ôdaka regarda l'inspecteur Ôishi, puis la femme en kimono, incapable de comprendre la raison de leur hilarité.

Ôishi

— Que vous arrive-t-il aujourd'hui, pourquoi êtes-vous venus ensemble ?

Akane

— Oh, eh ben, figure-toi que...

Akane

Justement, c'est à propos de cette prune.

Akane

Je l'ai prise à cause d'un virage à gauche interdit, mais le panneau qui indiquait cette interdiction était caché par la végétation.

Akane

Et franchement, placer un policier à moto juste à cette intersection, c'est un peu salaud, quand même.

Akane

J'en parlais à Saburô, et il m'a dit qu'après tout, je pouvais tenter de faire valoir ma bonne foi en allant me plaindre de cette contravention. Et c'est pour ça que nous sommes là.

Ôishi

— ... Ahaaaaaa,

oui, mais l'entretien de la végétation, en fait, c'est du ressort de la mairie.

Les gens viennent souvent se plaindre chez nous, c'est vrai, mais...

on peut pas y faire grand'chose, en fait.

Représentant des Sonozaki

— Non.

Mais le policier en moto, il devait le savoir, et c'est pour ça qu'il s'est placé là, et ça, je trouve que c'est un peu bête et méchant.

Et c'est pour ça que je lui ai conseillée de venir se plaindre.

Ôishi

— Je vois. Écoutez, c'est entendu.

Ôishi

Je vais directement en parler aux services de la voirie, à la mairie, et j'en toucherai aussi un mot à la répression motorisée, c'est pas gentil, effectivement.

En échange, si vous pouviez ne pas porter plainte, ce serait sympa...

Représentant des Sonozaki

— ... Eh bien…

Pourquoi pas, après tout, si tu comptes t'occuper de cette histoire,

je peux bien faire un geste, moi aussi, c'est la moindre des choses.

S'interposant entre Ôishi et le vieillard, Ôdaka remit bien en place sa cravate et déclara sur un ton sévère :

Ôdaka

— Mais vous me ferez quand même le plaisir de payer cette amende.

La règle est la même pour tous.

Akane

— Mais il est casse-bonbons, en fait...

Ôishi

— Tu crois pas si bien dire !

Il fait parfois de l'humour, mais c'est beaucoup trop rare...

Ôdaka

— Écoutez, je suis en pleine discussion avec l'inspecteur Ôishi, et c'est très important.

Si vous en avez terminé, messieurs dames, je vous prierais de nous laisser tranquilles.

Madame, passez une agréable journée.

Il la gratifia de son sourire le plus enjôleur.

Akane

— Ahahahahahaha !

Une bonne journée, hein ?

Le commissaire divisionnaire Ôdaka sentit deux mains sur ses épaules.

Derrière lui, le vieillard et la femme n'étaient pas repartis.

L'un avait saisi son épaule droite, et l'autre, son épaule gauche. Et les deux ne semblaient pas vouloir y aller de main morte.

Akane

— J'vais t'dire, mecton,

depuis que j'suis née, il y a deux choses que je déteste.

Tu sais lesquelles ?

Ôdaka

— Euh... Hein ?

Akane

— La première, ce sont les champignons, enfin, les lentins des chênes en tout cas.

Akane

Aaah, ça, je n'aime pas.

Akane

Ils me restent en travers de la gorge, et je n'aime pas quand on les cuisine dans mon dos !

Akane

La deuxième chose que je déteste, ce sont les mensonges !

Akane

Quand les gens me balancent leurs bobards à la gueule, ça me reste en travers de la gorge, et j'aime pas non plus quand les gens mentent dans mon dos !

Akane

Et je dois dire que là, rarement quelqu'un se sera foutu de ma gueule autant que toi.

Akane

Je suis la princesse démoniaque de Shishibone, Akane Sonozaki !

Akane

Et tous ceux qui me cherchent, me trouvent !

Ôishi

— Aaaah, mais non, il fallait pas le dire que t'étais une Sonozaki !

T'aurais remplacé “la princesse démoniaque” par “une honnête citoyenne”, et c'était parfait !

Ôdaka

— ... Hein ?

Quoi ?

Comment ?

Tous les policiers présents se regardèrent, incapables de suivre la conversation.

Ôishi

— Euuuh, laissez-moi vous expliquer la blague.

Ôishi

Alors vous voyez, cette dame, c'est Akane Sonozaki.

Ôishi

C'est la vice-présidente de la confrérie des maîtres du sabre de Shishibone.

Ôishi

Quant à cette personne, il s'agit de M. Saburô Sonozaki,

Ôishi

directeur d'honneur de la ligue régionale de kendô.

Ôishi

Mais il est surtout connu pour être…

le député du deuxième district de Shishibone, bien évidemment.

Ôdaka

— ... Hein ?

Ôishi

— Alors comme ça,

vous êtes venus pour vous mesurer à M. Ôdaka, l'instructeur de kendô intérimaire des forces de Police de Gogura ?

Ôishi

Vous savez, c'est vraiment très généreux de votre part de vérifier sa condition physique ! Et de si bon matin, en plus !

Ôishi

Ah, mais je vous en prie, nous pouvons vous prêter notre salle d'entraînement, bien sûr... Montrez-leur le chemin, les enfants !

Ôdaka

— Euh...

Le...

député ?

Représentant des Sonozaki

— Eh ben quoi ?

Représentant des Sonozaki

On en a discuté en privé l'autre jour, j't'ai appelé directement à ton bureau, tu ne t'en souviens pas ?

Représentant des Sonozaki

Et aujourd'hui, tu ne pourras pas te défiler, nous allons te donner un entraînement dont tu te souviendras pendant longtemps !

Akane

— Héhhéhhé,

Akane

je sens que je vais bieeeen m'amuser, moi... Tu vas voir ce que tu vas prendre !

Les mains toujours fermement agrippées à son épaule, les deux Sonozaki se regardèrent, le regard complice, tous les deux pris d'un rire sinistre.

N'y tenant plus, Ôdaka se mit à rire, mais lui riait jaune...

Ôdaka

— Héhéhé... ahahahahaha... Aaaah ?

Aaaah ?

Ôdaka

AUUUUU SECOUUUUUURS !