Ôishi

— AAAhhahahahahaha, Akasaka !

Purée, ça faisait une paye !

Akasaka

— M. Ôishi !

Eh bien, je vois que vous êtes toujours comme avant !

Ôishi

— Éhhéhhéhhé !

Allons, ne dites pas ça, c'est méchant !

Vous savez, j'ai commencé le régime aux pommes il n'y a pas si longtemps.

Et je suis plutôt d'avis que c'est efficace, j'ai un peu perdu du poids !

Ôishi

Mais vous, Akasaka, je vous reconnais à peine ! Vous avez bien changé !

Akasaka

— Ah, mais vous savez, sans cet entraînement physique de dingue, je ne tiendrais jamais le coup sur le terrain.

Hondaya

— Tiens ? Ben ?

Choupinet, dis-voir, c'est pas lui ?

Tu sais, lui, le gamin qu'était venu y a quelques années ? Le jeune de la D.S.T. de Tôkyô !

Akasaka

— Bonjour, M. Hondaya. Ça faisait bien longtemps que je n'avais plus donné signe de vie, veuillez m'en excuser.

Je vous suis très redevable pour tout ce que vous avez fait pour moi à l'époque.

Hondaya

— Eh ben alors, gamin, t'es devenu quétchose, dis voir ?

Aaaah là là, la jeunesse, c'est beau quand même !

Ôishi

— Allez, venez, ne perdons pas de temps,

allons-y !

Je suis un habitué, ils me feront entrer même s'il y a du monde avant nous.

Allez, allez, vite !

Akasaka

— Mais enfin, M. Ôishi, vous êtes sûr que vous pouvez ?

Vous êtes encore en service, à cette heure-ci...

Ôishi

— Mais ne racontez pas de bêtises, voyons !

Ôishi

Vous êtes un agent spécial envoyé aux frais de la princesse spécialement depuis Tôkyô pour nous former à des missions spéciales, pour cela, nous devons forcément aller sur le terrain !

Ôishi

Allons, maintenant, pressons !

Ôishi

Ah, attendez une seconde, je dois passer un appel.

Ce sont des amateurs en comparaison à quelqu'un comme vous,

mais je nous ai trouvé de l'aide.

Ôishi

Ah, te voilà !!

Nounouuuuurs !!

Tu viens jouer avec nous ?

Akasaka

— Ahahahahahahaha, aaah, ça, vous n'avez vraiment pas changé...

À l'époque de leur première rencontre, la propension du vieil inspecteur à prendre ses aises avec le règlement avait beaucoup énervé Akasaka,

mais depuis, il en avait vu d'autres.

C'était la somme de tout ce qu'il avait vécu sur le terrain qui en avait fait ce qu'il était aujourd'hui.

Et il savait qu'un policier ne pouvait pas toujours avancer simplement en matraquant les gens avec les textes de loi.

Parfois, une simple conversation franche en privé faisait avancer l'enquête bien plus qu'un interrogatoire musclé.

D'ailleurs, les gens avaient même tendance à lui dire de péter un coup au lieu de péter une durite.

Même si honnêtement, à son avis, l'inspecteur Ôishi devrait justement se tenir et se comporter un peu plus sérieusement...

Ôishi

— Allez, hop hop hop,

M. Akasaka, allons-y !

Akasaka

— Oui, vous avez raison, je vous suis.

Ôishi

— Aaaaah, ça c'est une réponse comme je les aime.

On voit que vous savez vous ménager, c'est une preuve d'expérience.

Et c'est tant mieux !

Ça aussi, c'était un commentaire qu'Akasaka n'aurait pas apprécié il y a cinq ans. Mais aujourd'hui, il savait que l'inspecteur donnait simplement un avis sincère sur ses capacités.

Ôishi

— En tout cas, vous tenez bien le coup !

Je crois bien que je ne réussirai pas à vous faire rouler sous la table.

Aaah là là, les anciens disaient donc vrai, on supporte moins l'alcool, avec l'âge !

Akasaka

— Allons, ne soyez pas si modeste.

Akasaka

Et puis, je n'ai appris qu'à supporter l'alcool que parce que j'y étais obligé, on ne peut pas laisser traîner ses oreilles dans un bar en sifflant du lait fraise.

Akasaka

Alors j'ai demandé un budget spécialement alloué à ça. Je pars chaque fois dans un restaurant différent, avec un jeunot.

Akasaka

Au menu, il peut y avoir du saké, de l'apéro, du vin, un digestif, tout y passe !

On doit parfois faire des repérages dans des bars, parfois dans des discothèques.

Ôishi

— Éhhéhhéhhé ! Aaah, elle est bien bonne, celle-là !

Mais c'est le paradis, chez vous !

Ça vous dérange si je viens faire un stage ?

Akasaka

— Pas du tout, vous pourriez même nous apprendre des choses, je suis sûr !

Akasaka

Vous savez, les jeunes d'aujourd'hui pleurent avant de se faire battre, ils s'imaginent ne pas pouvoir supporter l'alcool parce qu'ils sont nés comme ça.

Akasaka

Mais regardez-moi, au début, je tombais après deux verres,

Akasaka

mais je me suis forcé à boire un peu, et maintenant, je tiens le coup, et je commence même à y connaître un rayon en dégustation !

Ôishi

— Exactement, eh ben vous avez tout compris !

T'as entendu, Nounours ? Prends-en de la graine !

Kumadani

— Chuis nésolé, chais c'que j'peux.

Et encore, j'tiens bien, par rapport à avant...

Enquêteur médico-légal

— Ahahahahaha !

Ouais, c'est vrai gamin,

au début, j'me souviens, tu trinquais au thé d'orge !

Akasaka

— Oooh, mais non, enfin !

Akasaka

Mais c'est important, de trinquer !

Akasaka

Si vous ne levez pas un verre d'alcool en trinquant, c'est comme si vous disiez à tout le monde que vous n'êtes pas content d'être là !

Akasaka

Ah, moi, je ne m'en laisse pas compter, je les force !

Akasaka

Je leur dis pas de le boire cul sec

mais de prendre simplement une gorgée en même temps que tout le monde et de finir un demi !

Il y a cinq ans, Akasaka était nerveux comme tout, raide comme la Justice.

Il était tout décontracté aujourd'hui.

Et l'inspecteur Ôishi savait que cela était la preuve qu'il était devenu quelque chose,

qu'il ne faisait plus partie de la vulgaire bleusaille.

Ôishi

— Éhhéhhéhhé !

Ôishi

Eh ben alors, Akasaka, mais c'est que vous savez causer, en plus ?

Ôishi

Aaah, vous faites plaisir à voir !

Ôishi

Et puis en même temps, je me dis que c'est dingue de voir ce que vous êtes devenu en si peu de temps, je suis même pas à la retraite, encore !

Ôishi

Et pourtant, j'ai l'impression d'être vieux, je devrais tirer ma révérence...

Akasaka

— Mais non, ne dites pas ça !

Je sais bien que parfois, il n'y a que l'expérience qui compte pour nous sortir de l'impasse.

Akasaka

Laissez-nous faire le travail sur le terrain, nous sommes jeunes, nous sommes là pour ça ! Mais vous, M. Ôishi, vous êtes un vétéran, un vieux de la vieille, vous devriez être derrière un bureau à donner des ordres !

Ôishi

— Ooooohhohho, non mais tu l'as entendu, Nounours ? Tu l'as entendu ?!

Kumadani

— Aïe, eeeeh, mais aïeuh, ouais, d'accord,

je ferai c'que j'peux, promis, juré !

Enquêteur médico-légal

— Ahahahahahaha !

Choupinet, y a Nounours qu'en redemande !

Déjà qu'il fait tout le sale boulot à ta place !

Akasaka

— C'est un phénomène, hein ?

Akasaka

Je n'ai travaillé avec lui que quelques jours, mais croyez-moi, M. Kumadani, j'ai une idée bien précise de ce que vous endurez avec lui !

Akasaka

Mais ne vous en faites pas, l'air de rien, il vous forme !

Akasaka

Sous sa houlette, vous deviendrez quelque chose ! Faites-lui confiance.

Kumadani

— OK, d'accord !

Je ferai de mon mieux.

Mais j'veux plus m'entraîner au mah jong !

Il me pique tout mon salaire, j'ai plus rien à donner à ma femme, moi !

Akasaka

— Mais justement, au mah jong, c'est l'expérience qui fait tout !

Akasaka

Plus vous y jouerez, plus vous saurez y jouer et moins vous perdrez ! Et puis, ça vous donnera confiance en vous !

Akasaka

Vous savez quoi, on ira jouer après ça, je vais vous montrer comment jouer en limitant la casse au maximum !

Enquêteur médico-légal

— ... Choupinet, c'est vraiment un bon gars, ce jeune.

On dirait toi il y a trente ans !

Ôishi

— Arrête ton char, Ben-hur !

J'avais pas une jolie gueule comme la sienne, moi !

Éhhéhhéhhé !

Le vieux légiste connaissait bien l'inspecteur, et c'était la première fois qu'il le voyait aussi heureux d'accueillir de la visite.

Pourtant, ces deux-là n'avaient travaillé ensemble que quelques jours.

Depuis, c'était tout juste s'ils avaient échangé des cartes de vœux.

Peut-être l'inspecteur était tout simplement heureux de voir que le jeune bleu d'alors était devenu un homme de terrain sur lequel on pouvait compter...

Finalement, au lieu de toujours vouloir jalousement mener les enquêtes sur le terrain, il valait peut-être mieux former des jeunes et prendre sa retraite, pour les regarder faire ensuite et leur donner des conseils si nécessaire.

Cette perspective n'était peut-être pas aussi mauvaise que ça...

Ainsi donc, lui et Akasaka fêtèrent leurs retrouvailles, à grand renfort de rires et d'alcool...

Le patron du café rentra la pancarte électrique postée à l'entrée.

Sa femme avait placé les chaises sur les tables vides et passait rapidement un coup de serpillière.

Kuraudo Ôishi releva soudain la tête ; il n'y avait plus aucun client.

La pendule indiquait désormais presque 3h du matin.

Maître

— T'inquiète, Choupinet, je sais que ces retrouvailles t'ont fait plaisir.

Vous pouvez rester, servez-vous si nécessaire, moi, je fais un petit somme.

Juste, réveille-moi quand vous partez, il faut que j'ferme à clef.

Ôishi

— Désolé, hein, c'est gentil à toi.

Il n'y avait probablement plus de bar ouvert encore à cette heure.

L'inspecteur et son invité n'avaient pas encore fini de se parler, loin de là, Ils décidèrent d'accepter l'offre du gérant.

L'inspecteur Kumadani, quant à lui, était écroulé sur la table, ronflant doucement -- il n'avait pas réussi à rester éveillé...

La conversation tournait autour des enquêtes d'Akasaka.

Il était à un département bien particulier de la D.S.T. et son travail n'était pas du tout le même que celui des autres policiers.

Ses opérations spéciales et ses interventions musclées captivaient l'attention des deux vieux policiers devant lui.

Akasaka

— ... Et d'ailleurs, en fait, je me demandais si je ne pourrais pas aller voir la petite Rika Furude, à l'occasion.

Ôishi

— Rika Furude ? Vous voulez dire, Dame Rika ? La dernière de la lignée ?

Akasaka

— La dernière de la lignée ?

Mais alors, vous voulez dire que ses parents sont morts...

La jeune Rika Furude avait prédit à Akasaka les cinq meurtres des années suivantes.

Et parmi ces meurtres, en troisième position, elle avait affirmé que ses parents seraient assassinés.

Ôishi

— Oui, c'était la troisième malédiction, donc...

euuuuh...

c'était en 56.

Les époux Furude sont morts d'une manière pas très naturelle, en fait.

C'était exactement trois ans après votre visite.

Akasaka

— ... Comment, c'était exactement trois ans après ?!

En juin, trois ans jour pour jour après ma visite, c'est bien cela ?

Ôishi

— Oui, oui, en effet, oui.

Pourquoi, ça vous pose un problème ?

Que vous arrive-t-il ?

Akasaka fermait les yeux, tentant frénétiquement de chasser les vapeurs d'alcool de son cerveau. Il essayait de se remémorer exactement les funestes prédictions de la jeune prêtresse.

Mais oui, je suis bête, c'est pour ça que je suis revenu en vacances ici, moi...

Akasaka

— Moi, je suis venu en mission en juin 1978, donc en Shôwa 53, on est d'accord ?

Akasaka

L'année suivante, alors, le chef de chantier du barrage est mort ?

Akasaka

C'était la personne qui a joué avec nous au mah jong, non ?

Akasaka

Elle devient quoi, cette personne ?

Ôishi

— ... Ça a fait la une des journaux pendant des semaines, vous savez, mais enfin, c'était peut-être que par chez nous...

Oui, oui, en 54, le vieux s'est engueulé avec des ouvriers sur le chantier, et ils l'ont tué.

Après avoir été tué de manière horrible, ses agresseurs le découperont en morceaux et iront les cacher chacun de leur côté.

Akasaka

— Et son corps ? Il a été découpé en morceaux ?

Ôishi

— Eh ben alors, vous voyez que vous le savez ?

Oui, ils ont découpé son corps.

D'ailleurs, nous n'avons toujours pas retrouvé son bras droit,

ça me plombe le moral chaque fois que j'y pense...

Puis l'année suivante, en juin de l'an 55...

... Les parents de Satoko seront poussés dans le ravin.

Enfin, il faudrait plutôt parler d'accident...

C'était la faute à pas de chance.

Akasaka

— Bon, alors permettez-moi de vérifier quelques petites choses.

Akasaka

L'année d'après,

Akasaka

je veux dire, l'année après celle du meurtre du chef de chantier,

Akasaka

... Comment c'était déjà...

Raah...

Ah oui, voilà.

Akasaka

C'était à propos d'une personne appelée “Satoko”, j'imagine que c'est une fille.

Akasaka

Ses parents sont morts dans un accident, une chute, n'est-ce pas ?

Ôishi

— Tiens donc, vous êtes au courant ?

Ôishi

Oui, c'est exact.

Ôishi

Les époux Hôjô étaient pour le barrage, vous voyez. Et ils sont morts alors qu'ils étaient en vacances dans un parc naturel, en tombant depuis un promontoire d'observation.

Ôishi

Je ne suis pas sûr si c'était un accident ou un meurtre.

Puis l'année d'après, en juin de l'an 56,

mes parents se feront tuer.

Akasaka

— ... Et donc... ce fut l'année après ?

Ôishi

— Oui.

Oui, l'année après, ce furent bien les époux Furude qui moururent.

Mais il y a des détails qui me gênent dans cette histoire, elle est un peu bancale.

Enquêteur médico-légal

— En tout cas, je te trouve bien au courant de la malédiction, gamin.

Les affaires sont toujours un peu étouffées, je dois dire que je suis surpris qu't'en saches autant, surtout vu qu't'habites la capitale.

Akasaka

— ... C'est pas possible... C'est pas possible...

Enquêteur médico-légal

— Mais je parie que la prochaine, tu la sauras pas.

On a eu des ordres, l'affaire a été mise au secret.

Akasaka

— Si.

Si, je sais qui est mort.

Et l'année encore après, en juin de l'an 57,

la salope de tante de Satoko se fera éclater la tête à coup de matraque.

Akasaka

— L'année encore après, c'est donc l'année dernière.

Cette année-là, c'est je crois la femme qui était en fait la tante de la Satoko de tout à l'heure qui a été tuée, frappée à la tête.

Ôishi

— ...

Oui, c'est ça, en plein dans le mille.

Mais comment est-ce que vous savez tout ça ?

Akasaka

— ... Si ça se trouve, je sais aussi qui sera assassinée par la suite.

Enquêteur médico-légal

— QUOI ?

Eh, gamin, non mais tu te rends compte de ce que tu dis ?

Tu dis “par la suite”, mais la suite, c'est cette année, et c'est pas encore arrivé !

... C'est moi qui serai assassinée.

Akasaka

— En juin 58,

donc, là, ce mois-ci, nous sommes d'accord ?

Eh bien, la personne qui sera assassinée, normalement, ce sera...

Rika Furude.

L'inspecteur Ôishi et son ami médecin légiste restèrent bouches bées, incapables du moindre commentaire.

Akasaka avait pu décrire les quatre meurtres de ces affaires.

Il avait vécu loin d'ici, mais après tout, il travaillait à la D.S.T. au service des renseignements.

Il avait peut-être accès aux dossiers, mis au secret ou non.

Dans sa position, il n'était pas non plus si extraordinaire de savoir ce qu'il s'était passé.

Mais il n'était pas normal de le voir si surpris et écœuré de connaître aussi bien les événements,

et maintenant qu'il leur avait même donné la victime de cette année, victime que personne au monde ne devrait pouvoir connaître, curieusement, ils avaient dégrisé...

Ôishi

— Écoutez, Akasaka, il est tard,

et j'ai pas trop envie de perdre mon temps, alors jouons franc jeu tous les deux, vous voulez bien ?

C'est quoi, votre délire, là ? Ça rime à quoi, cette histoire ?

Akasaka

— Eh bien,

je ne fais que vous répéter ce que Rika Furude m'a dit lorsque je suis venu enquêter ici il y a cinq ans.

Ôishi

— ... ... ... Vous n'êtes pas putain de sérieux, là ?

On sentait bien que l'inspecteur se retenait d'en dire plus,

et qu'en même temps, il était tellement sidéré que de toute façon, il n'aurait rien pu sortir de plus.

Akasaka

— Ah, mais je peux tout à fait comprendre que vous ne veuillez pas me croire.

Akasaka

Moi, à l'époque, quand elle m'en a parlé, je me suis dit que c'était juste une petite fille qui voulait faire son intéressante.

Akasaka

Mais elle m'a dit qu'elle serait assassinée, qu'elle serait la victime de la cinquième année.

Akasaka

Je pense qu'elle a essayé de m'appeler au secours.

Je dois vous avouer que si je suis venu cette année, c'est pour en reparler avec elle, pour savoir si elle avait besoin de mon aide ou pas.

Ôishi

— ... Akasaka…

Je pars à la retraite, cette année, moi.

Ôishi

Le vieux qui s'est fait tuer la première année, c'était mon meilleur ami, je me suis juré de coffrer les salauds qui avaient fait ça, et je n'ai plus que cette année.

Ôishi

Alors je fonce sur toutes les pistes, même les plus incongrues.

Ôishi

Je vais vous demander gentiment, mais juste une seule fois :

Ôishi

vous n'êtes pas en train de vous payer ma tête, j'espère ?

Parce que si c'est le cas, dites-le maintenant, sinon ça va mal se finir.

Akasaka

— Je vous dis la vérité, Inspecteur.

Akasaka

Rika Furude m'a prédit tous ces meurtres le soir de la fête du village, lorsque je suis venu à Hinamizawa, il y a cinq ans.

Akasaka

Mais à l'époque, je ne l'ai pas crue, je me suis dit que ses histoires n'avaient aucun intérêt, c'est pour ça que je n'en ai jamais parlé.

Akasaka

Et pour le coup, je m'en veux.

Enquêteur médico-légal

— Ouais, enfin, tu pouvais pas savoir, gamin.

Enquêteur médico-légal

Je veux dire, il faudrait être fou dans sa tête pour croire à une histoire pareille sans se poser de questions.

Enquêteur médico-légal

C'est uniquement parce que les quatre premières morts se sont passées comme prédit que l'on peut se dire que finalement, c'étaient peut-être pas que des conneries qu'elle t'a racontées.

L'inspecteur était partagé entre deux sentiments.

D'un côté, si Akasaka lui en avait parlé à l'époque, son meilleur ami aurait survécu.

Mais le médecin légiste avait raison aussi : Ôishi n'y aurait pas cru, même s'il l'avait su à l'époque.

Et une fois le vieux chef de chantier mort, il n'en aurait eu que d'autant plus de regrets...

Ôishi

— ... ... Mouais... Si, oui, c'est vrai, en fait.

Désolé.

N'empêche...

Rika Furude, hein ?

Mais pourquoi elle ?

Hmmm....

Akasaka

— Je ne connais pas trop la situation à Hinamizawa en ce moment.

Akasaka

Je sais qu'à l'époque, ils avaient dit dans les journaux que le projet de barrage avait été gelé.

Akasaka

Je croyais que la paix était revenue, moi, et que les gens vivaient à nouveau sans trop se poser de questions.

Enquêteur médico-légal

— C'est pas faux,

la guerre du barrage a pris fin et les gens ont repris leurs habitudes.

Enquêteur médico-légal

Mais après ça, tous les ans presque à la même date, il y a eu de nouveaux meurtres. Forcément, les gens se sont monté la tête, ils ont parlé de malédiction.

Enquêteur médico-légal

Et cette malédiction, eh bien, elle a tué pile-poil les gens que tu nous as cités.

Akasaka

— ... J'ai bien peur que cette petite fille n'ait tenté de me refiler une sacrée patate chaude.

Akasaka

M. Ôishi, posons la question directement :

Akasaka

vous pensez que Rika Furude pourrait se faire tuer cette année, ça paraîtrait logique pour les gens, ou pas ?

Ôishi

— Les époux Furude n'ont jamais trop affirmé leurs positions anti-barrage, et à force, pas mal de gens se sont mis à parler dans leur dos.

Ôishi

On raconte que c'est à cause de ça qu'ils ont été maudits et qu'ils sont morts la troisième année.

Ôishi

Donc,

le meurtre de Rika Furude, eh bien...

Akasaka

— ... Ce n'est pas impossible ?

Ôishi ne répondit rien, mais il hocha plusieurs fois de la tête.

Akasaka

— ... Bon, ben alors, je vais essayer d'aller lui parler demain.

Apparemment, nous n'en saurons pas plus tant que nous ne lui aurons pas directement posé la question.

Ôishi

— Akasaka, est-ce que je pourrai venir avec vous ?

Je pense que ça pourrait s'avérer très important pour moi.

Enquêteur médico-légal

— ... Eh ben en tout cas...

c'est un putain de cadeau qu'tu nous as ramené, gamin.

Je suis bien content que ça bouge,

j'avais vraiment peur de jamais savoir ce qu'il s'était passé...

Akasaka

— Surtout, je me demande pourquoi est-ce qu'elle m'en a parlé à moi,

Akasaka

et à moi seulement.

Akasaka

Quitte à demander de l'aide, autant le faire à la police locale, elle est plus à même de l'aider qu'un pelé qui vient là pour la première fois de sa vie.

Ôishi

— ... ... Bah,

Ôishi

j'imagine qu'elle estime ne pas pouvoir nous faire confiance, c'est tout.

Ôishi

Je suis un peu faux-jeton avec les gens, quand j'enquête.

Ôishi

Je pense que Rika Furude n'aime que les gens honnêtes.

Ôishi

Et puis vous savez, nous avons des taupes “S” au commissariat.

Akasaka

— Et donc elle pensait justement qu'une personne venue de très loin et sans aucun rapport avec la région était celle en qui elle pouvait avoir le plus confiance ?

Ôishi

— Oui. Ça me fait mal au cul de le dire, mais oui.

Akasaka

— D'accord.

M. Ôishi, je compte sur vous pour rester muet comme une tombe.

Ôishi

— Ne vous en faites pas, c'était bien mon intention.

Allons dormir, puis demain, je vous emmènerai au sanctuaire Furude.

Allons d'abord lui parler ; nous aviserons après.

Rika

— ... J'arrive pas à y croire.

... Et pourtant...

c'est bien ça, la vérité, alors...

Au plus profond de la nuit, le silence n'était troublé que par les insectes et les faibles ronflements de Satoko.

Rika était assise près de la fenêtre, comme elle aimait à le faire.

Hanyû

— ... Oui, Rika.

Hanyû

Celle qui t'assassine à chaque fois, c'est Takano.

Hanyû

Toi et moi l'avons vu, toutes les deux, nous l'avons vécu.

Hanyû

Quand je pense à tout ce que tu as enduré pour pouvoir la regarder droit dans les yeux le plus longtemps possible, pour être sûre de ne plus jamais l'oublier...

Hanyû

Je t'ai vu serrer les dents jusqu'au sang, pendant qu'elle te retirait les intestins... Alors que tu étais encore vivante...

Rika

— ... ... C'est vraiment crade comme mise à mort.

Rika

Finalement, je suis bien contente de ne jamais l'avoir gardée dans mes souvenirs.

Rika

Mais quelque part, je ne suis pas étonnée.

Rika

C'est bien le genre de truc barjot qui lui plairait bien, à cette femme...

Hanyû

— Méééeuh, arrête d'en parler, c'est dégoûtant...

Rika

— Mais je ne comprends quand même pas trop :

Rika

pourquoi est-ce que Takano ferait ça ?

Rika

Elle est parfaitement bien placée pour savoir que je suis la Reine Mère, et que si je meurs, tous les habitants du coin mourront aussi.

Rika

C'est bien pour ça que l'Institut Irie paye les chiens de montagne, pour veiller à ma sécurité.

Rika

Miyo Takano est forcément au courant, alors pourquoi vouloir me tuer ?

Hanyû

— Méééeuh, je sais pas, moi...

Rika

— Désolée, c'est vrai, après tout, tu peux pas le savoir.

Rika

Tout ce qui compte, c'est que c'est elle qui me tuera.

Rika

Le motif du meurtre, après tout, je m'en fous.

Rika

Mais n'empêche que wouah, quoi.

Rika

De toutes les personnes vivantes sur cette planète, c'est justement Takano qui veut ma mort, mais je comprends pas pourquoi...

Difficile d'être convaincante lorsque l'on dit une chose et son contraire dans le même mouvement.

Mais la question se posait ; car Rika savait très bien que Miyo Takano ne protégeait pas la Reine Mère pour empêcher une catastrophe de se produire.

Elle le faisait uniquement parce que cette Reine Mère était une souris de laboratoire absolument irremplaçable.

Pour elle, pour ses recherches, et pour sa propre curiosité, Rika était la chose la plus importante au monde ; en ce cas, pourquoi allait-elle la tuer de ses propres mains ?

Rika

— Y a juste elle contre nous ?

Hanyû

— Euh, je sais pas...

Ah, les chiens de montagne aussi étaient nos ennemis.

Je ne sais pas trop pour Irie, mais...

lui, je pense que non.

Rika

— Alors nous devons affronter Takano et les chiens de montagne...

Rika

... Eh ben, c'est vraiment une très mauvaise blague.

Rika

Nous ne sommes que deux petites filles, nous n'y arriverons jamais !

Rika

Il va nous falloir un miracle.

Rika

En plus, la purification du coton, c'est dimanche prochain, quoi !

Rika

Je me ferai tuer le 22 juin, Hanyû,

Rika

c'est dans une semaine !

Rika

Je fais quoi, moi, en une seule semaine ?

Rika

Je prends la batte de Satoshi et je l'attends à la sortie de son travail ?

Rika

Takano n'est pas toute seule.

Même si je la touche, les chiens de montagne seront sur moi avant que j'ai le temps de dire ouf !

Je fais quoi, moi, hein ? Je fais quoi, maintenant ?

Hanyû

— Mais Rika, je n'en sais rien, moi !

Mais…

mais…

mais quand même !

Écoute, jusqu'à présent, nous avons recommencé, encore et encore, et nous n'avons jamais su qui était derrière tout ça.

Hanyû

Mais maintenant, nous savons de qui nous méfier !

Nous devons bien pouvoir faire quelque chose, non ?

C'était bien la première fois que Hanyû me répondait sur ce ton.

Je me sentis un peu stupide, sur le moment,

mais finis par me rendre compte que j'étais simplement trop nerveuse. Je pris une grande respiration et tentai de me calmer.

La raison pour laquelle je suis si stressée, c'est que c'est Takano la meurtrière.

Elle n'était pas bien dans sa tête, ça, je le savais déjà, mais surtout, elle était l'une des personnes qui m'avaient le plus aidée dans la vie.

Je pouvais trouver des tas de raisons pour lesquelles Takano m'aiderait.

Mais aucune pour lesquelles elle me tuerait.

Par contre, je savais bien qu'elle réfléchissait à des choses assez flippantes.

... En fait, elle avait peut-être un motif qu'une personne normale ne pouvait pas comprendre.

Rika

— Et donc...

puisque Tomitake se fait tout le temps tuer...

ça veut dire qu'il est...

de notre côté ?

Hanyû

— Je n'en suis pas sûre, mais je crois que oui.

Mais oui, Rika, bien sûr ! C'est une idée, non ?

On pourrait lui en parler ?!

... Derrière Takano et les chiens de montagne, il y a tout une organisation : “Tôkyô”.

Donc les seules personnes à-même de nous aider sont celles pouvant avoir une influence sur cette organisation.

... Oui, dans ce cas-là, Tomitake est la seule personne à qui nous pouvons en parler.

Quoique, Irie peut éventuellement nous aider, lui aussi...

Mais justement,

si nous voulons faire ça...

... Nous devons absolument savoir pourquoi Takano veut nous tuer !

Sans ce mobile, nous ne pourrons jamais les convaincre.

Surtout que Tomitake est sacrément amoureux d'elle.

Si nous inventons un truc bidon, il ne nous écoutera même pas jusqu'au bout...

Irie par contre, il se tient à distance d'elle, en tout cas, c'est l'impression qu'il donne.

Il aura sûrement plus de facilités à nous croire que Jirô.

... Mais d'un autre côté, il n'est qu'un simple médecin, et il ne connaît pas vraiment l'organisation.

Je ne suis pas certaine qu'il nous soit très utile.

Et si nous en parlions à la Police ?

Ha ! Ouais, non, les flics ne risquent pas de nous croire.

Non, nous ne pouvons pas.

Si nous leur téléphonons pour leur parler d'une organisation qui tente de nous tuer, tout ce qu'il peut se passer, à la rigueur, c'est qu'ils nous placent dans un hôpital psychiatrique.

Mais alors, je fais quoi ? Comment je peux faire pour sauver ma peau ?

J'ai à mes trousses exactement les personnes les plus dangereuses et les plus compétentes de la région !

Comment les semer ?

Comment les contrer ?

COMMENT ?!

Si j'avais pu conserver les souvenirs de ma mise à mort, je suis sûre que je ne serais pas en train de perdre les pédales comme maintenant.

Parce qu'un regard vaut plus que cent descriptions.

Mais je n'en avais malheureusement absolument aucun souvenir.

Sauf que si Hanyû me dit qu'elle l'a vu, c'est que c'est vrai.

Mais si c'est vrai, alors Takano va venir me tuer, c'est pas possible...

Hanyû

— Rika, calme-toi...

Nous avons trouvé une solution dans le monde précédent.

Tu ne t'en souviens donc pas ?

Rika

— Le monde précédent ? Tu veux dire, celui où Rena a pris l'école en otage ?

Hanyû

— Non, Rika, bien sûr que non !

Il y a eu un monde après celui-là !

Tu n'en as vraiment pas la moindre bribe de souvenir ?

Dans le monde qu'il y a eu après, il était de retour !

Teppei Hôjô était de retour !

Rika

— ... C'était un monde de merde, alors.

J'imagine que les services sociaux nous ont constamment envoyés chier et que Satoko s'est retrouvée au stade terminal en quelques jours ?

Rika

Et qui est-ce qui a été buter Teppei, cette fois-ci ?

Hanyû

— Non, Rika, tu n'y es pas du tout !

Hanyû

Nous avons uni nos forces et nous sommes allés porter plainte contre les services sociaux. Et nous avons pu les forcer à aller sauver Satoko !

Hanyû

Rika, Keiichi t'a appris des tonnes de choses dans le monde précédent !

Hanyû

Les miracles ne se produisent que si tu y crois !

Et surtout, une fois que tout le monde est persuadé qu'un miracle va s'accomplir, alors seulement, il s'accomplit !

Rika

— ... Ouais, c'est du Keiichi tout craché, effectivement.

Impressionnant, en tout cas.

C'était la première fois qu'on a battu Teppei, alors ?

Hanyû

— Et tu sais comment est-ce que Keiichi et les autres ont fait pour tout mettre en place ?

Eh bien, ils en ont simplement parlé ensemble !

Hanyû

Ils ne se sont pas avoués vaincus, et au lieu de réfléchir tout seul, ils ont demandé à d'autres, à tout ceux qu'ils connaissaient !

C'est comme ça que le miracle a pu s'accomplir !

Rika

— Alors quoi ?

Tu veux que je leur parle de Takano ? À Keiichi et aux autres ?

Tu crois vraiment qu'ils vont croire que j'ai une entité secrète qui parasite le gouvernement qui s'est mis en tête de m'exécuter ?

Hanyû

— Oui, ils te croiront, Rika !

Ils t'ont crue dans le monde précédent, alors y a pas de raison !

Pourquoi tu ne veux pas croire ce que je te dis, d'un seul coup ?

Rika

— ... Je te demande, je...

Rika

Je me doute bien que si tu l'as vu, c'est que c'est la vérité, je ne mets pas ta parole en doute.

Rika

... C'est juste que je trouve que c'est moche, quoi.

Rika

Moi, j'en ai aucun souvenir, alors ça ne me paraît pas envisageable.

C'est tout.

Hanyû

— Quoi qu'il en soit, Rika, à deux, nous ne réussirons à rien !

Nous ne sommes pas assez fortes pour nous débrouiller toutes seules.

Mais nous avons un avantage,

nous savons qui va venir nous tuer !

Hanyû

Nous ne savons pas *pourquoi* elle va venir nous tuer, mais elle le fera, Rika, Takano le fera !

C'est un point de départ formidable, nous n'avons jamais été aussi proches de la solution !

Hanyû

Pourquoi est-ce qu'il a fallu que tu perdes la mémoire du monde d'avant ?! Juste au dernier moment, en plus !

Hanyû avait vraiment l'air dépitée par ce coup du sort.

J'imagine que ça devait être extrêmement frustrant de me voir la regarder comme si elle avait plusieurs têtes, refusant plus ou moins ce qui était pour elle une évidence irréfutable.

Mais aussi, mince, quoi ! Pourquoi est-ce qu'elle en a le souvenir, et pas moi ?

Est-ce que c'est un signe ? Est-ce que notre long, très long -- trop long -- voyage touche à sa fin ?

Ou bien est-ce qu'il est déjà terminé ?

Est-ce que c'est la fin, une fois pour toutes ?

Rika

— ... ... …

Je me disais bien que c'était un monde vraiment bizarre. Les autres peuvent te voir, et en plus, tu es arrivée chez nous à l'école.

Nous sommes vraiment atterries dans un monde bien étrange.

Hanyû

— Non, Rika, ce n'est pas un monde étrange.

C'est le monde, le tout dernier.

Rika

— ... ... ...

Hanyû

— Je suis apparue dans ce monde justement parce que ce sera le tout dernier, pour vous apporter mon aide, autant que possible.

Je ne suis plus une observatrice.

Je suis l'une de vos amis, je suis des vôtres.

Rika

— ... ... Eh mais c'est vrai, en plus.

Tu as arrêté de rester toujours à l'écart

à observer les choses sans rien faire.

Hanyû

— ... J'en ai assez de ne pas monter sur scène par la simple peur de rater mes lignes.

Hanyû

Je suis montée sur les planches, je suis venue jouer un rôle, et je suis venue pour vous dire que je crois en vous.

Hanyû

Je crois en un miracle,

Hanyû

et si vous y croyez aussi, alors, il s'accomplira.

Hanyû

Ce monde, c'est un peu comme un jeu, un match entre Takano et toi.

Hanyû

Si tu ne la bats pas avant un certain temps, tu as automatiquement perdu.

Hanyû

Takano a plein de pièces super fortes dans son jeu, les chiens de montagne, par exemple.

Hanyû

On ne la battra pas en prenant une ou deux pièces avec nous, au hasard.

Hanyû

Rika, tu dois demander de l'aide à tout le monde, tu m'entends, tout le monde ! Tu dois te former une armée, histoire d'avoir autant de cordes à ton arc que Takano peut en avoir. Sinon, ce jeu est perdu d'avance !

Hanyû

Nous avons pu découvrir les règles, les lois qui régissent ce monde, à force de perdre et de mourir.

Hanyû

Comme si nous avions essayé tout et n'importe quoi au hasard dans un nouveau jeu livré sans notice.

Mais maintenant, nous savons ce que nous devons faire.

Et nous savons qui nous devons battre !

Hanyû

Rika, c'est pas le moment de rester là, à se poser des questions !

Hanyû

Nous n'avons plus qu'une semaine avant la purification du coton !

Hanyû

Dans le monde d'avant, nous avions deux semaines, mais cette fois-ci, nous n'en avons qu'une !

Hanyû

C'est le dernier monde, ici et maintenant, il n'y en aura pas d'autre !

Rika

— ... OK, d'accord, passons.

Rika

Plutôt que de me plaindre de ne pas me souvenir, je devrais me réjouir, puisque je t'ai toi pour me prévenir.

Eh, heureusement que je ne t'ai pas oubliée toi, n'empêche. Je serais morte sans rien comprendre, dans mon tout dernier essai.

Rika

Et puis, si je réussis à bien présenter les choses à Keiichi et aux autres, ils sauront peut-être quoi faire.

Rika

Après tout, Keiichi a bien réussi à déclencher un miracle et faire flancher Rena, alors qu'il était presque certain qu'elle ferait tout sauter.

Hanyû

— Exactement !

Hanyû

Il vaut mieux en parler à tous les gens que nous avons sous la main.

Hanyû

Sans aide, nous ne ferons pas le poids.

Hanyû

Il nous faut des têtes pensantes pour nous creuser les méninges à plusieurs.

Hanyû

Il faut commencer par faire un premier pas si nous voulons aller vers la victoire !

Rika

— Oui, et surtout, on va devoir faire vite, il faudra avoir tout bouclé en moins d'une semaine.

Je crois bien que Hanyû n'a jamais été aussi positive à mes côtés.

Ou alors, peut-être il y a très, très longtemps, au tout début...

Il me semble l'avoir toujours connue froide et distante -- une observatrice impartiale, comme elle aimait à le dire.

Elle n'aimait pas se faire des espoirs pour rien. Elle préférait ne pas se faire de fausse joie.

C'était assez dingue de la voir si active, si passionnée, si déterminée.

Ça ne collait pas avec l'attitude qu'elle avait eue dans le monde où Rena avait pris l'école en otage.

Il y avait donc bien eu un autre monde après. Et apparemment, Keiichi avait fait forte impression sur elle...

Bah, après tout, je n'ai rien à perdre. Je vais essayer de mettre tous les gens en qui je peux avoir confiance au courant.

Que je fasse des efforts ou pas, la fin est toute proche.

Alors autant faire le maximum !

C'est fini de se bourrer la gueule au vin blanc et de me donner des airs supérieurs !

Nomura

— Allô ?

Bonjour, je m'excuse de ne pas avoir appelé plus tôt,

c'est Mme Nomura.

... Oui, merci pour les documents de l'autre jour, ils étaient très complets.

Nomura

Les gens du ministère de la santé ont apparemment enfin compris la dangerosité du syndrome de Hinamizawa.

... Ahahaha, mais non, voyons, tout le mérite vous en revient, à vous et à feu le Professeur Takano.

Nomura

Je n'ai fait que donner les bons documents aux bonnes personnes, pour obtenir un jugement honnête.

Nomura

... Oui, bien sûr.

Nomura

Vos documents seront remis au Premier Ministre, il devra les signer.

Nomura

Il est le chef de notre nation,

Nomura

et croyez-moi, content ou pas, il devra lire la thèse de votre grand-père, puis, content ou pas, il devra la reconnaître, en accepter les conséquences, et la signer.

Nomura

Il devra expliquer à tout le monde combien cette maladie est extraordinaire, il devra expliquer combien les recherches de votre grand-père étaient précieuses,

Nomura

et il devra s'élever contre les membres actuels du conseil d'administration de Tôkyô, leur reprocher leur stupidité et leur imbécilité, leur incapacité à reconnaître le danger.

Nomura

... Oui.

D'ailleurs à ce propos, j'ai de bonnes nouvelles pour vous.

Nomura

L'Armée a décidé que les recherches étaient trop importantes pour simplement les laisser tomber après la mise en application de la solution finale.

Nomura

Un autre laboratoire militaire prendra donc le relais. Je suis certaine que votre présence là-bas serait pour eux un avantage immense. Et puis, vous n'auriez plus à craindre une éventuelle coupe budgétaire.

Nomura

... Ahahaha, je n'en sais pas plus, mais j'imagine que c'est un moyen pour mon client de vous renvoyer l'ascenseur.

Nomura

Vous serez la directrice, cette fois-ci. Je pense que vous pourrez alors réellement mener toutes les expériences dont vous rêviez.

Nomura

Allons, c'est pourtant une aubaine pour vous, non ?

Nomura

Vous pourrez alors pousser les recherches un cran plus loin et tenter de savoir, comme le voulait feu votre grand-père, dans quelle mesure les parasites peuvent influencer le cerveau humain. Vous pourriez carrément remettre en question le fondement même de la pensée humaine, vous savez.

Nomura

... Non, Madame, je ne dis pas ça pour vous faire plaisir.

Nomura

C'est mon client qui pense cela de vous, tout simplement.

Nomura

... Oh, c'est vrai ?

Nomura

Je suis désolée, je vous ai retenue au téléphone, c'est vrai.

Nomura

Eh bien en ce cas, je vais vous laisser.

Nomura

Je vous recontacterai.

Après avoir reposé le combiné, la femme le reprit aussitôt en main pour composer un autre numéro.

Nomura

— Oui, passez-moi la ligne sécurisée 1-0-0-1.

Nomura

... Oui, dites que c'est Mme Watanabe.

Nomura

... ... Allô ? Ici Watanabe.

Nomura

Oui, justement, c'est terminé, tout est en place.

Nomura

... ... Oui.

Nomura

Le commandant Takano nous a fourni des documents exceptionnels.

Nomura

J'ai envoyé plusieurs scientifiques de renom pour les présenter, de grosses pointures, vraiment, et c'est passé comme une lettre à la poste.

Nomura

... Ahahahaha, oui, bien sûr.

Nomura

Oh, tout est prêt pour ça, vous pouvez me croire.

Nomura

La plupart des gens de l'autre faction ont des congés ou des voyages d'affaires dans la semaine du 20 juin.

Nomura

... ... Oui,

il reste encore l'une ou l'autre inconnue, mais je pense que tout sera bon pour le 23 juin.

... Oui.

Nomura

Donc le mieux, ce serait de mener l'opération dans la nuit du 22, et d'aller voir le Premier Ministre en catastrophe le 23 au matin pour lui demander de nous signer les autorisations.

Nomura

... Oui, le jour-là, tous les conseillers du Premier Ministre seront des gens à nous.

Il n'y verra que du feu.

Nomura

... Si, si,

je vous assure.

... Si, il signera l'application du manuel 34, je peux vous l'assurer.

Nomura

... Eh bien après cela, des gens vont devoir prendre leurs responsabilités, vous vous en doutez. Les têtes du projet alphabet vont tomber ; les factions d'Okuno, de Chiba, ainsi que les anciens sympathisants de Koizumi seront tous évincés.

Nomura

... Oui,

Nomura

je suis de votre avis.

Nomura

Ce n'est plus qu'une question de temps. Le comité pour la reconstruction des liens amicaux entre tous les pays de la Grande Asie sera une grande avancée pour nos pays.

Nomura

... Ah, mais tout à fait, j'allais le dire.

Puisqu'apparemment, nous sommes tellement riches que nous pouvons avoir un programme secret d'armement nucléaire et une alliance avec les États-Unis pour couvrir tout le Pacifique, nous ferions bien d'utiliser ces fonds pour donner des aides au développement de la Chine.

Après tout, au XXIème siècle, elle représentera une grande partie de la population mondiale.

Et puis, même si le Japon continuait à se comporter comme un brave toutou avec les Américains, cela ne nous mènerait plus à rien.

Nomura

... Oui, je sais, c'est vraiment incroyable.

Il faudrait être stupide pour encore penser, à notre époque, que le Parti Communiste Chinois représente une menace. Nous ne sommes pas dans le monde fantaisiste de la propagande américaine.

Nomura

Ahahahahahaha !

Nomura

... ... Oui, d'accord.

... Bien, je vous verrai donc à Macao la semaine prochaine ?

... Ahahaha, oh oui, j'adore aller au casino.

Oui, bien sûr, je vais vous laisser.

Je vous rappelle demain soir ? À demain.

Elle reposa à nouveau le combiné du téléphone sur le socle de la voiture, puis poussa un petit soupir.

Satisfaite de sa journée de travail, elle se mit à sourire toute seule, puis redécrocha encore une fois son téléphone.

Nomura

— Passez-moi le Ministère de la Défense.

Oui, dites que c'est Mme Maizawa.

... ... ... ...

… C'est moi.

Monsieur le Ministre Okuno.