Employé de l'hôtel

— À tous les serveurs de l'arrière-salle, ici le buffet !

Il n'y a plus qu'un discours, et ensuite ce sera l'heure du toast !

Vous êtes prêts ?

Staff

— Ici l'arrière-salle, tout est OK.

De là où nous sommes, on n'entend rien alors prévenez-nous quand le discours sera fini, s'il vous plaît !

Employé de l'hôtel

— OK les gars, souvenez-vous bien, il faut ramener 10 bières par table !

Faites attention aux numéros de vos tables et essayez de ne pas bloquer le chemin pendant le service !

Des serveurs en livrée impeccable étaient en train de sortir les bouteilles de bière des caisses, prêts à les servir.

De temps en temps, ils recevaient des indications sur l'avancement des festivités. Ils demandaient régulièrement aussi ce qu'il se passait dans la salle des fêtes, pour ne pas rater le bon moment de servir.

Lors d'une fête normale, les bières étaient déjà servies à l'avance, mais lorsque la soirée était précédée de discours ou autres festivités, cela n'était pas possible.

Tout simplement parce que pendant le temps où les invités auraient leur attention occupée ailleurs, la nourriture, même sous film plastique, serait moins fraîche, et surtout à cause des bières.

Non seulement l'eau condensée sur la bouteille mouillerait les nappes, ce qui était désagréable,

mais en plus, il était irritant de se dire que malgré tous leurs efforts, les bières seraient forcément tièdes d'ici à ce que les gens puissent commencer à boire...

C'est pourquoi il faut toujours les transporter dans la salle seulement quelques instants avant le toast.

Mais bien sûr, avant de porter un toast, il faut un petit discours de l'un ou l'autre invité d'honneur.

Et bien sûr, ce n'est jamais un “petit” discours, il s'éternise à chaque fois.

Ajoutez à cela la taille de l'événement et le nombre d'invités -- il y aurait peut-être carrément plusieurs discours. Comment sortir les boissons à l'heure, dans des conditions pareilles ?

Et donc en fin de compte, les caisses de bières sorties toutes fraîches des compartiments tempérés restaient là, à attendre leur tour --

et selon toute vraisemblance, les invités devraient quand même se contenter de boire des bières tièdes...

Dans l'immense salle des fêtes, plusieurs dizaines de tables étaient dressées, avec nappes et napperons d'un blanc immaculé.

Il y avait 8 personnes à chaque table, ce qui faisait quelques centaines de couverts, et donc de gens qui parlaient et s'entretenaient.

Il faisait une chaleur incroyable dans la pièce.

Sur les tables, des assiettes bigarrées, garnies de nourriture, attendaient sagement leur tour, enveloppées de film plastique.

Il y avait là du sushi, du sashimi, des fruits.

Sur le côté, près de l'un des murs, des cuisiniers s'activaient à préparer des sushi frais avec des poissons à peine sortis des aquariums.

Quant aux invités, ils étaient tous assez âgés mais bien portants. Ils dégageaient une certaine force tranquille, signe d'une position confortable dans leur branche. Il y avait sûrement là l'élite du pays.

En point d'orgue, un chandelier immense et magnifique venait parachever le luxe feutré qui accueillait tous ces invités d'honneur. Cet hôtel particulier jouait lui aussi dans la cour des grands.

Sur la tribune, un gentleman âgé déclamait un discours bien trop long, d'une voix ferme et décidée.

D'habitude, ce genre de discours très long est mal vu par les invités.

Surtout si l'on se souvenait qu'il avait lieu juste avant le toast qui annoncerait le début officiel des festivités.

Mais les invités semblaient transcendés, hurlant parfois leur accord avec l'orateur, lui coupant la parole à force d'applaudissements. La salle était vraiment chauffée à blanc.

Enfin, “chauffée à blanc”, ce n'était peut-être pas la bonne expression...

Il fallait dans ce cas parler plutôt d'une ambiance presque trop survoltée.

Membre Senior

— Et puis d'abord, vous en connaissez beaucoup, vous, des pays qui interdisent à leurs citoyens de rendre honneur à leur drapeau ?

Il n'y en a aucun, aucun, vous m'entendez ?

Membre Senior

Aucun, sauf le Japon ! Nous sommes les seuls à proscrire la fierté nationale à travers notre système d'éducation !

Invités

— Il a raison, c'est n'importe quoi !

Membre Senior

— On entend dire que l'apprentissage obligatoire à l'école de l'hymne national est une contrainte imposée à la liberté de jugement !

Membre Senior

Arrêtons donc ces idioties !

Membre Senior

L'amour du drapeau et de la patrie est quelque chose qui vient tout naturellement !

Membre Senior

On commence par apprendre qui l'on est, puis où l'on vit, puis l'histoire et les institutions de son pays.

Membre Senior

Et ce faisant, on se rend compte progressivement de son identité en tant que japonais, on apprend le rôle que l'on doit jouer, en tant que membre de ce groupe et de la société.

Membre Senior

Et l'on finit tout naturellement par aimer son pays !

Membre Senior

Mais les enseignants anti-nationalistes veulent nous faire croire que c'est du lavage de cerveau, de la propagande militaire !

Alors, je vous le redis, arrêtons donc ces idioties !

À quoi jouent-ils, ces gens ?

Membre Senior

Je vais vous le dire, moi, ils rendent nos enfants masochistes, à leur inculquer des valeurs anti-japonaises !

Membre Senior

Ils leur apprennent que le Japon est un pays honteux, et qu'ils devraient avoir honte d'être nés ici !

Ils leur apprennent à renier la Nation et à se moquer de l'État !

Non mais vous imaginez ces pauvres enfants innocents ?

Membre Senior

Bien sûr qu'ils croient ce que leurs professeurs leur disent !

C'est une évidence !

L'école est un lieu où l'on apprend la vérité sur les choses et sur le monde,

Membre Senior

donc si les enseignants leur disent une chose, ils ne la remettront pas en question !

Membre Senior

C'est un scandale !

Il nous faut protéger l'Éducation Nationale, maintenant, ici, aujourd'hui ! Il nous faut nous impliquer dans ce combat pour sauver ce qui peut l'être !

Les applaudissements fusèrent à tout rompre.

Tout le monde semblait d'accord, persuadant à qui-mieux-mieux son voisin que l'on avait exactement la même conception de la chose.

Un homme ceint d'une écharpe fut alors invité à prendre la parole sur la tribune.

À nouveau, les acclamations et les applaudissements battirent à tout rompre.

L'air entraînant d'une série télé à la mode retentit, mais le public faisait tellement de bruit que peu de gens la remarquèrent -- avec une ambiance pareille, elle était inutile.

Le nom de cet homme était écrit au pinceau en très grand sur son écharpe. On pouvait aussi très bien lire qu'il était le candidat pressenti pour l'élection du préfet de ****.

Membre Senior

— Mes amis, mes camarades ! Je tenais à vous présenter ce soir ce jeune homme, il m'est très sympathique, il s'appelle ***** ********.

Membre Senior

Il a travaillé plusieurs années en tant qu'homme fort de l'équipe du précédent préfet. Et ce n'est pas tout, ***** a aussi veillé pendant longtemps sur la préfecture à d'autres postes.

Membre Senior

Le préfet devant prendre sa retraite, il a désigné son successeur, et devinez qui c'est ? C'est lui, ***** ******** !

Politicien

— Dans ma préfecture aussi, j'ai affaire à ce genre de professeurs anti-nationalistes.

Politicien

Ils parlent de la liberté d'éducation, de la liberté de penser, mais ça ne les empêche pas de bourrer le mou de notre progéniture avec leurs idées !

Politicien

Ils ne leur enseignent pas l'Histoire telle qu'elle s'est déroulée, mais une version romancée qui nous place en malfaiteurs !

Politicien

Ils n'ont cure des raisons qui ont poussé notre nation à œuvrer pour une grande Asie, au sang que nous et nos frères avons versé pour libérer nos pays de l'influence, que dis-je, du joug de l'homme blanc !

Politicien

Ils ne reconnaissent même pas l'immigration massive de l'homme blanc, que l'Asie dut subir dans les années d'avant-guerre ! Ils ne reconnaissent pas les efforts consentis par le Japon pour redynamiser l'Asie, et ils n'ont même pas la décence de reconnaître que de nombreux pays purent enfin retrouver le contrôle de leurs administrations après la guerre !

Politicien

C'est une honte, parfaitement, une HONTE !

Politicien

Et ces brebis galeuses se mêlent aux autres professeurs de notre pays, ceux qui font leur travail avec sérieux, et ils gâchent tout, ils ternissent l'image de l'école, ils souillent sa réputation et sa fonction sacrée !

Politicien

Moi, ***** ********, je vous promets que dès mon entrée en fonction, je m'occuperai personnellement de sortir cette vermine de nos administrations !

Politicien

Je remettrai de l'ordre dans les directives données aux écoles dans toute la préfecture de **** !

Politicien

Et je referai de l'école un lieu où les élèves pourront apprendre des choses saines qui leur permettront, plus tard, de porter eux aussi une part de notre nation sur leurs épaules ! Et je suis prêt à poser les bases pour la construction future de notre nation, pour la faire renaître, dussions-nous y passer tout un siècle !

Membre Senior

— Il sera le prochain candidat aux élections de la préfecture de **** l'année prochaine !

Mesdames et Messieurs, je vous en prie, laissez-lui une chance ! ***** ******** !

Politicien

— Je vous promets de remettre de l'ordre dans le système éducatif de ce pays !

J'espère que vous me jugerez digne de votre confiance !

Derechef, le public dans la salle se mit à applaudir à tout rompre.

Les gens finirent finalement tous debout, criant leur approbation, félicitant leur camarade pour cette courageuse décision.

Histoire de ne pas vous induire en erreur, il va nous falloir vous expliquer un peu de quelle réunion il s'agit.

Nous ne sommes ici ni à une assemblée politique, ni à une réunion des primaires.

Vous aurez peut-être du mal à le croire, mais cette réunion n'est qu'un rassemblement d'anciens élèves.

L'association des anciens élèves d'une école est un groupe de gens avec qui, forcément, les gens tissent des liens.

Les élèves entrent à l'école primaire, y passent six ans, puis trois ans au collège, puis trois années de lycée, puis quatre ans voire plus à l'université.

Dans chaque institution scolaire, il existe une association des anciens élèves, à laquelle on est inscrit automatiquement lorsque l'on quitte l'école.

Puis, quelques dizaines d'années plus tard, soudain, vous recevez une lettre, une invitation à vous retrouver, à échanger des souvenirs, à retrouver vos anciens amis.

Mais cela ne veut pas dire que chaque association d'anciens élèves fonctionne de la même façon, ou dans le même but.

Certaines veulent simplement redonner des contacts et recruter des gens pour perpétuer la tradition, mais d'autres sont là pour réellement rassembler les gens en un seul groupe unifié, en une “force d'action”.

Et lorsque les anciens élèves créent effectivement des groupes soudés et puissants, on cesse de les appeler de simples associations d'anciens élèves.

Ils deviennent carrément des réseaux de promotions, avec une force et une influence dignes de réseaux secrets.

Dans la société japonaise, le groupe est important, et souvent, même les groupes essaient d'appartenir à un groupe plus grand, qui dépasserait leur cadre pour leur offrir plus de possibilités.

Cette tendance est particulièrement forte dans les groupes issus d'écoles très renommées, qui tissent alors des liens très forts avec des groupes très disparates.

Et parmi ceux-là, les gens issus des promotions des meilleures universités, les fameuses “anciennes universités impériales”, sont connus pour se rejoindre dans des groupes extrêmement solides.

Mais pourquoi les gens les plus méritants et les plus brillants ont-ils ce besoin de créer des associations ?

Il y a sûrement d'une part un côté élitiste qui les pousse à rechercher la compagnie d'autres gens ayant vaincu toutes les difficultés et tous les tests, pour se sentir parmi leurs pairs, parmi des gens supérieurs aux autres,

mais il y a d'autre part, et c'est surtout cela qui est important, le besoin de se forger des connexions un peu partout.

L'élite émoulue des anciennes universités impériales se disperse dans tous les domaines.

Et avec leur curriculum vitæ, ils deviennent généralement des gens très importants et très haut placés dans les boîtes où ils travaillent.

Imaginez une rencontre d'anciens élèves où participent tous les grands acteurs économiques du pays -- vous imaginez l'impact que ces réunions pourraient avoir ?

Eh bien figurez-vous qu'elles existent.

Aujourd'hui encore, les promotions des grandes écoles se rencontrent et forment des clans très soudés dont l'influence dans toutes les sphères du pays est immense...

Encore une fois, soyons clairs, nous ne parlons pas ici de l'ancienne “Université Impériale” -- qui est devenue après la guerre l'université de Tôkyô --

mais des universités dont le nom comportait le titre honorifique d'“université impériale”.

Elles étaient au nombre de sept : de Tôkyô, de Kyôto, du Nord-Est, de Kyûshû, de Hokkaidô, d'Ôsaka et de Nagoya.

Chacune d'entre elles est d'ailleurs, aujourd'hui encore, considérée comme un centre d'excellence.

Et il existe effectivement une amicale des anciens élèves issus de ces sept grandes universités.

Les vieux gentlemen présents ce soir dans la salle ne représentent qu'un groupe à l'intérieur de ce clan d'anciens élèves.

Mais il est bon de préciser que l'entrée dans ce club très fermé n'est pas automatique.

L'adhésion n'est possible que si l'un des membres vous recommande auprès du comité. Tout va dépendre ensuite de votre engagement dans la société japonaise, de votre niveau de vie, et de bien d'autres choses.

Il est facile de deviner qu'un tel groupe, composé de membres triés sur le volet parmi l'élite politique et financière du pays, a une influence politique bien plus importante qu'une simple amicale des anciens élèves...

Mais pour entrer dans ce groupe en particulier présent ce soir, il y avait un autre critère très important.

Il fallait être soit un généreux donateur, soit promouvoir l'idée d'une renaissance nécessaire du Japon, se plaindre de l'image actuelle du pays ou bien être très patriote.

Forcément, cela faisait peser le groupe très à droite, politiquement parlant.

À la tribune, l'orateur continuait son discours enflammé sur l'état lamentable des institutions japonaises et de leur déclin depuis la fin de la guerre.

Et parmi la troupe de vieux gentlemen qui saluaient en transe ce discours nationaliste, l'on pouvait remarquer la présence de Miyo Takano...

Elle avait l'air très habituée à toute cette agitation, et ne semblait pas particulièrement étonnée de cette ambiance survoltée,

mais son visage trahissait un certain agacement pour tout ce bruit autour d'elle.

Sa simple présence ici était la preuve qu'elle faisait elle aussi partie de cette “association des anciens élèves”.

Ce qui signifiait logiquement qu'elle avait étudié dans l'une des meilleures universités du pays, qu'elle avait fait beaucoup pour la société ou pour l'état, et qu'elle était une nationaliste presque fanatique.

Mais malheureusement pour elle, la logique faisait erreur ; Miyo Takano était “seulement” sortie première de sa promotion lors de ses études.

Elle ne remplissait pas les autres critères.

Elle avait eu plusieurs recommandations grâce à son réseau d'amis haut placés, et son adhésion avait un arrière-goût de situation exceptionnelle.

Enfonçons donc le clou : Miyo Takano ne partageait pas les idées politiques des gens autour d'elle.

Ce qui amenait la question de savoir pourquoi elle était expressément venue ici.

Or, la raison de sa présence était probablement la même que celle qui avait poussé l'orateur de ce soir à venir se joindre à ce groupe.

Lui non plus, sur sa tribune, ne partageait pas les mêmes idéaux politiques que les personnes du public.

Il avait “simplement” préparé un discours qui serait à leur goût.

Les hommes politiques courent toujours après les voix des électeurs.

Chaque électeur a le pouvoir de donner sa voix, mais un homme politique ne peut pas se permettre d'aller essayer de convaincre chaque électeur un à un, le laps de temps de l'élection ne le permet pas.

Dans ces conditions, il devient bien plus efficace d'essayer de convaincre des groupes ou des associations de gens partageant sensiblement les mêmes valeurs.

Et donc notre orateur, pas idiot, avait décidé de faire un petit discours bien réactionnaire et nationaliste pour tenter de prendre ses puissants auditeurs par les sentiments et obtenir leur incommensurable soutien.

Et bien sûr, les vieux gentlemen présents ici tenteraient tout pour aider l'un des leurs -- après tout, cet homme ne faisait-il pas sien plusieurs des chevaux de bataille dont ils se servaient eux-mêmes régulièrement ?

Alors il y aurait des soutiens sous toutes les formes, financiers, structurels, publicitaires.

Et ce, à des niveaux inimaginables.

À ce rythme-là, d'ici la fin de la soirée, l'assemblée se rangerait officiellement derrière sa candidature,

lui assurant un financement généreux de sa future campagne électorale.

Et certainement, l'aide qu'il recevrait ne se limiterait pas à une grosse somme d'argent.

Mais évidemment, il n'y a pas que l'orateur à la tribune qui en retirera quelque chose.

Lui réussira certainement à être élu l'année prochaine, avec tous les soutiens qu'il obtiendra ici.

Et alors il sera nommé membre honoraire de ce petit club fermé, et là, ses camarades pourront discuter avec lui des meilleures décisions à prendre en politique.

Une fois arrivé à ce stade, ce nouveau membre ira grossir la sphère d'influence de l'association des anciens élèves...

Alors bien sûr, les lecteurs qui en seront arrivés ici vont se dire “Euh, c'est plus qu'une simple association, ce truc, en fait”.

Et ils auront raison.

À ce niveau-là, on peut parler carrément d'une “société” à part entière.

Et d'ailleurs, comme les activités de ce groupe ne peuvent pas être montrées en public, on parlera même de “société secrète”.

Alors oui, certains lecteurs vont s'énerver et dire “Eh mais euh d'abord les groupes louches comme ça, ça n'existe pas au Japon !”.

Sauf que justement, ce n'est pas de la fiction, c'est vraiment le cas.

Il existe dans notre société des tas de groupes de gens qui se mettent ensemble pour essayer d'augmenter leur influence, dans des domaines divers et variés, histoire de tirer un peu la couverture à eux. Il faut bien comprendre que ce genre de comportement peut avoir des conséquences jusque dans la gestion-même du pays.

Ces groupes ne sont pas forcément tous des amicales d'anciens élèves.

Ils peuvent être de simples bureaux d'études,

ou bien des groupes industriels,

des bureaux de consultants,

des groupes religieux,

des groupes de bénévoles,

bref, il y a de tout.

On trouve des groupes plus à gauche, plus à droite, des plus violents et des pacifistes.

Il serait impossible de les nommer tous, aussi ne donnerons-nous aucun nom, histoire de ne pas faire de jaloux.

Mais les lecteurs qui lisent systématiquement toutes les colonnes du journal du matin pourront certainement tomber sur les noms de certaines de ces organisations...

Il n'y a pas vraiment de nom commun pour les désigner en japonais.

Si l'on parle de “société secrète”, tout de suite, ça sonne comme un groupe occulte avec des cagoules blanches pointues, ça risque plus de faire rire que de faire réfléchir.

Mais malheureusement, il n'y a vraiment pas de quoi rire.

Imaginez un peu la situation dans un pays comme les États-Unis d'Amérique, bien plus grand et plus peuplé que le nôtre.

Les groupes y sont plus nombreux, et bien plus influents.

On ne peut pas parler de simple société non plus, le mot ne rend pas justice à l'échelle vertigineuse de ces groupes.

Il se raconte que certains ont plus de pouvoir décisionnel que la Maison Blanche. On parle parfois carrément de shadow government (“gouvernement secret”, mot-à-mot “gouvernement de l'ombre”)...

Au Japon, avant la deuxième guerre mondiale, il existait de grands groupes d'entreprises que l'on appelaient des zaibatsu. C'était un peu le même principe.

Après la défaite, le Quartier Général de l'administration américaine les a démantelés, mais c'était il y a déjà 40 ans.

Depuis le temps, et surtout considérant notre formidable capacité à faire des alliances et autres coups dans le dos, rien ne disait que nous n'en avions pas à nouveau par chez nous...

Et donc, pour en revenir à ce qui nous intéressait, nous disions donc que parmi l'une des réunions de ce qui pourrait bien être un shadow government, l'on pouvait remarquer la présence de Miyo Takano...

Au premier regard, le paysage pouvait passer pour être un grand terrain de golf avec un bel hôtel-restaurant au milieu.

Il n'y avait certes aucun joueur de golf à l'horizon, mais bon, le paysage ressemblait fort à cela.

Mais les apparences étaient trompeuses.

L'étendue verte n'était pas un complexe de golf, mais un jardin gigantesque.

Et donc le magnifique hôtel-restaurant au milieu de tout cela était simplement une superbe demeure.

Ce qui signifiait que tout ceci était une propriété privée -- de quoi rendre bouche bée la plupart des gens...

N'allez pas croire que l'intérieur était moins soigné et extravagant que l'extérieur.

Il y avait là de luxueux tapis,

des trophées de chasse accrochés aux murs, et des armoires à vins contenant des bouteilles d'un prix dépassant largement les limites du raisonnable.

Et au milieu de la pièce d'attente réservée aux invités, assise parmi toute cette débauche de luxe, Miyo Takano.

On toqua à la porte, et un vieillard assis sur une chaise roulante entra, poussé par une superbe jeune femme.

Takano se prépara à se lever pour le saluer, mais le vieillard tendit simplement la main pour l'en empêcher.

Koizumi

— Allons, allons, tu n'as pas besoin de te lever.

Aaah, ça faisait bien longtemps que je ne t'avais pas vue, dis voir ?

Tu sais pourtant que tu es toujours la bienvenue ici.

Takano

— Vous me faites beaucoup trop d'honneurs, Maître Koizumi.

Le vieil homme, s'appuyant fortement sur une canne et s'agrippant à la main de la femme qui l'accompagnait, réussit à grand peine à s'installer sur le canapé.

Son visage était profondément creusé par les rides. Seul, il aurait bien du mal à se redresser ou à s'asseoir. Il avait l'air particulièrement affaibli.

Mais malgré son âge avancé, il possédait encore et toujours une influence incommensurable.

Takano

— Vous êtes toujours aussi actif, à ce que je vois.

Vous avez du rouge à lèvres dans le cou, Maître.

Hmpfhfhfhf...

Koizumi

— Oh ?

Vraiment ? Ahhahhahhahha...

Eh bien, tu me mets dans l'embarras...

Il n'y avait aucune trace de rouge à lèvres sur lui.

Mais comme la femme qui poussait la chaise roulante était si jeune et si glamour, Takano s'était dit qu'elle n'était pas simplement une aide-soignante.

Et apparemment, elle avait tapé dans le mille.

Le vieillard en face d'elle avait beau avoir l'air d'être grabataire et d'attendre la Mort d'un jour à l'autre, son entrejambe, elle, semblait bien décidée à profiter de la vie. Il faudrait certainement refermer le cercueil avant de la voir s'avouer vaincue.

Dans ces conditions, la Faucheuse avait certainement tellement honte de lui qu'elle repoussait sciemment l'échéance...

Koizumi

— Toi aussi, Miyo, tu es devenue une jeune femme superbe.

Je me souviens de toi toute petite, et à peine ai-je tourné le dos que te revoilà, adulte...

Takano

— Allons bon.

Si vraiment c'était ce que vous pensiez, vous n'auriez jamais essayé de laisser vos mains traîner sur mes fesses.

Koizumi

— Ahhahhahhahhahha !

Je suis vieux et je n'en ai plus pour longtemps, tu ne risques pas grand'chose à laisser mes mains vaquer où bon leur semble !

Takano

— Et pourtant je suis sûre qu'elles ont connu des cuisses et des galbes bien plus doux et appétissants que les miens.

Hmpfhfhfhf...

Pendant quelques instants encore, Miyo Takano et le vieillard échangèrent quelques croustillantes amabilités.

Ils se connaissaient de toute évidence depuis très longtemps et étaient très complices l'un avec l'autre.

Enfin, la femme de tout à l'heure revint avec un service à thé.

Elle servit les deux personnes, puis se retira avec discrétion. Lorsque le bruit feutré de ses pas disparut au loin dans le couloir, le vieil homme prit la parole.

Koizumi

— ... Mais en toute honnêteté,

tu as vraiment bien grandi.

Je parie que Takano doit s'en vanter à tout le monde là où il est.

Takano

— Puissiez-vous dire vrai.

Mais il faut bien reconnaître que je ne lui arrive pas à la cheville.

Koizumi

— Takano n'a jamais eu beaucoup de chance.

Koizumi

Il est né à la mauvaise époque.

Koizumi

S'il avait mené ses recherches dans une période moins troublée, je pense qu'il aurait pu terminer ses recherches sans avoir à te forcer à prendre sa relève.

Takano

— Et pourtant, c'est bien à cause de ces temps troublés que grand-père a découvert l'existence du syndrome de Hinamizawa.

Koizumi

— ... Nous sommes désormais passés à l'ère du nucléaire.

Les yankees et les russkovs ont produit des missiles à ne plus savoir quoi faire avec, et maintenant, ils se regardent en chiens de faïence.

Koizumi

Mais c'est aussi cela qui leur donne du poids, politiquement. Le Japon, quant à lui, a abandonné tout projet avec le nucléaire.

Et nous sommes arrivés dans une ère où sans nucléaire, un pays n'est rien.

Koizumi

C'est vraiment triste.

Au milieu de l'ère Shôwa,

l'armement des deux camps avait provoqué une grande nervosité le long des installations munies de missiles nucléaires. Cette période de paix apparente avait été appelée la Guerre Froide.

Tous les membres permanents du conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies se sont dotés de l'arme nucléaire.

Puis ils ont signé un traîté pour empêcher la prolifération des missiles nucléaires, s'assurant une supériorité irrémédiable sur tous les autres pays, Japon y compris, qui n'en avait pas encore, et leur empêchant à tout jamais d'obtenir une quelconque importance.

Encore une fois, le Japon avait besoin d'une carte maîtresse pour pouvoir se hisser au niveau des autres pays, une carte autre que l'arme nucléaire.

En tout cas, c'est ce que de nombreuses personnes pensaient.

Takano

— Il faut être réaliste, notre nation n'obtiendra jamais l'arme nucléaire.

Koizumi

— Oui, tu as raison.

Il serait très difficile d'obtenir l'approbation des civils, de toute façon.

Koizumi

Et même si nous devions nous doter de l'arme nucléaire à l'encontre de notre opinion publique, cela ne nous servirait à rien en terme de diplomatie sur la scène internationale.

Le Japon avait été inclus dans le périmètre du bouclier nucléaire des États-Unis d'Amérique en échange de l'abandon officiel et définitif de la course à l'armement nucléaire. Et c'était ce qui lui donnait un certain poids sur la scène internationale.

Beaucoup de ceux qui voulaient absolument devenir les égaux des Américains s'imaginaient qu'il n'y avait que le nucléaire qui pourrait leur faire atteindre cet objectif.

Mais il fallait rester réaliste, l'arme nucléaire resterait à tout jamais hors de portée du Japon.

Et de toute manière, même en imaginant le Japon s'en doter, rien ne disait qu'il serait aussitôt admis en tant que membre permanent du conseil de sécurité.

Pendant encore un long moment, le vieillard et Takano discutèrent de la géopolitique actuelle et échangèrent leurs théories sur les évolutions à court terme de la situation.

Entendant soudain le coucou de la pendule les rappeler à l'après-midi qui passait, ils se mirent à rire de bon cœur en remarquant à quel point la discussion avait dévié de son cours originel. Ils décidèrent de revenir au sujet qui les réunissait ce jour-là.

Le vieillard pointa du doigt l'attaché-case qui traînait sur la table massive qui trônait dans la salle.

Takano fit un signe de la tête, puis elle l'ouvrit, laissant son contenu exposé à tous les regards.

À l'intérieur, des liasses de billets de 10 000 Yens se serraient comme des sardines.

Quelle somme extravagante faut-il donc réunir pour remplir un volume pareil ?

Si l'on considère qu'une liasse de billets fait 1cm, alors...

il devait y avoir là-dedans une somme dépassant allègrement les 8 chiffres.

Et il y en avait encore deux autres comme celui-là, délaissés sur le côté.

Mais ni Miyo ni le vieillard ne semblèrent s'émouvoir ou s'étonner du contenu.

Miyo referma l'attaché-case, le replaça sur le côté, et baissa la tête bien bas en signe de gratitude.

Takano

— Merci beaucoup, Maître.

Je vous jure que je n'oublierai jamais tout ce que vous avez fait pour moi.

Koizumi

— Ahhahhahhahha...

Koizumi

Allons, allons, l'argent doit se retrouver un jour ou l'autre dans les mains des jeunes.

Koizumi

Que veux-tu que je fasse avec, que j'enterre tous ces billets avec moi ? Ils ne me serviront à rien dans l'autre monde.

Koizumi

Avoir de l'argent, ça ouvre pas mal de portes, mais avoir de l'argent en liquide sur soi, c'est encore plus efficace.

Koizumi

Fais-en bon usage, d'accord ?

Takano

— Bien sûr, évidemment.

Je ne m'en servirai que pour réaliser le rêve de mon grand-père.

Koizumi

— Tu sais, j'envie Takano.

Il a une bien gentille petite-fille.

Je suis sûr qu'il se montre très fier de toi là où il est.

Takano

— Allons bon, je n'ai encore rien fait de ma vie.

Ce n'est que lorsque j'aurais mené à bien les recherches qu'il a entreprises que j'aurais la prétention d'obtenir ses louanges.

Koizumi

— ... Oui, vraiment, je l'envie.

Koizumi

Mes fils sont tous des bons à rien.

Koizumi

Ils ne pensent qu'à s'enrichir.

Koizumi

Je veux bien que ce soit important, mais ensuite, il faut savoir quoi en faire, de cet argent.

Koizumi

C'est pas le tout de le gagner, il faut ensuite l'utiliser pour servir l'intérêt de tous, comme le pays, par exemple.

Koizumi

Non ?

Takano

— Mais pourtant, quand ils se montrent généreux avec leurs maîtresses, ils font fonctionner l'économie du pays, non ?

Koizumi

— Oui, bien sûr,

quand elles achètent chez nous. L'argent retourne alors dans les caisses de l'État,

et le cycle recommence.

Mais évidemment, les femmes préféraient acheter des produits de luxe venus de l'étranger.

Le vieillard semblait bien naïf sur ce point.

Miyo se mit à pouffer de rire.

Koizumi

— Mais tu sais, il y a une différence entre l'argent donné à toutes ces femmes et l'argent que je te donne à toi.

Takano

— Oui, j'en suis bien consciente, Maître.

Koizumi

— Miyo, tu as toujours tout donné jusqu'à présent.

Tu as toujours été courtoise et généreuse envers tes bienfaiteurs, tu as ainsi pu obtenir le soutien et le respect de nombreuses personnes.

Koizumi

Je peux te le dire maintenant, mais au départ, Hayama et Mochiduki n'étaient pas d'accord, ils te trouvaient trop jeune.

Ahhahhahhahha !

Koizumi

C'est pourquoi je te donne cet argent, pour reconnaître officiellement tous les efforts que tu as faits.

Takano

— Oui, j'entends bien.

Koizumi

— Et

le fait que ce soit moi qui te fasse ce don

veut dire que je te reconnais comme la seule personne habilitée à poursuivre officiellement les recherches de Takano.

Takano

— Merci beaucoup pour votre confiance.

Je vous suis très reconnaissante de m'offrir ce poste malgré mon jeune âge.

Koizumi

— Mais non, mais non !

Ce sont les recherches de Takano, qui d'autre à part toi aurait donc le droit de les reprendre ?

Et je suis sûr que lui aussi approuverait ma décision.

Koizumi

Je suis bien content que tu sois devenue aussi brillante, ta carrière m'a beaucoup aidé à convaincre les autres.

Takano

— Vous savez, c'est la seule chose que je peux faire pour lui signifier ma gratitude.

Alors je ne reculerai devant aucun effort pour atteindre ce but.

Miyo Takano sembla se souvenir de tout ce qu'elle avait effectivement dû faire pour en arriver là, puis eut un rire désabusé.

Elle pouvait passer pour la petite-fille si ce n'est l'arrière-petite-fille de l'homme en face d'elle.

Il n'était vraiment pas facile de convaincre des gens issus de générations aussi différentes de la sienne.

Mais comment l'expliquer à des gens qui n'ont aucune idée de cette situation...

Et puis finalement, Takano avait vaincu.

Elle s'était fait des alliés,

avait évincé ses adversaires,

avait recherché d'autres soutiens

et avait su faire accepter sa présence.

Après tout ce temps passé à se donner une image respectable et digne de confiance, elle avait enfin réussi à se hisser à un niveau digne de discuter avec les plus anciens des doyens.

Et c'est pourquoi aujourd'hui était un peu une récompense en l'honneur de toutes les difficultés que Takano avait rencontrées.

Aujourd'hui, elle obtenait officiellement un filet de secours, un bouclier puissant pour lui permettre de mener tranquillement à bien les recherches interrompues de son grand-père.

Koizumi

— Bien, bien.

... Maintenant que tu as officiellement succédé à Takano,

il y a quelques petites choses que tu dois savoir.

Takano

— Je me demande bien quoi.

Je vous en prie, je suis tout ouïe.

Le vieillard fit une pause, puis prit lentement l'une des cigarettes hors de prix qui trônaient dans une boîte, sur la table.

Takano sortit adroitement un briquet et le tendit au vieillard, prêt à l'emploi.

Miyo Takano ne fumait pas.

Mais elle connaissait plusieurs gens influents qui fumaient, alors elle gardait toujours un briquet sur elle, juste au cas où.

C'était ce genre de petites attentions, entre autres, qui lui avaient valu de rester dans les bonnes grâces de certains...

Koizumi

— ... Ce bon vieux Hifumi n'a pas découvert le syndrome de Hinamizawa lorsqu'il se trouvait au Japon, mais lorsqu'il était stationné en Mandchourie.

Takano

— C'est exact.

D'après le journal de grand-père, depuis l'an 15 de l'ère Shôwa environ, on avait pu constater des cas de patients en phase terminale parmi les rangs des soldats de réserve stationnés en Guangdong.

Takano

Et comme ils venaient pour la plupart de la région de Hinamizawa, grand-père avait postulé l'existence dans cette région d'un parasite encore inconnu.

Évidemment, en temps de guerre, les soldats vivaient de telles épreuves qu'ils en avaient de lourdes séquelles mentales.

Dans ces situations, les recrues de Hinamizawa, loin de chez elles, toujours soumises à un tel stress, finissaient souvent par déclencher les symptômes de phase finale et par poser problème.

Mais sur le front, un chaos indescriptible régnait déjà, donc leurs actes insensés passaient presqu'inaperçus.

Chaque incident fut considéré comme étant indépendant des autres, et personne ne vit la logique qui sous-tendait et qui liait tous ces événements entre eux...

Koizumi

— À l'époque, Takano avait été envoyé en Guangdong en tant que médecin militaire pour étudier toutes les maladies épidémiques que nos troupes risquaient de rencontrer.

Koizumi

Alors qu'il dressait la liste des cas recensés, il s'est rendu compte que certains symptômes n'étaient communs qu'à des soldats tous issus de la même région.

Koizumi

C'est là qu'il a posé l'hypothèse d'une maladie propre à Hinamizawa et qu'il a commencé ses recherches.

Il s'est débrouillé pour tous les faire muter à son laboratoire et a fait des tas d'analyses.

Koizumi

C'est alors qu'il a appris l'existence du culte de la déesse Yashiro, et c'est ce qui l'a mis sur la voie de l'existence d'un parasite très particulier.

Alors évidemment, pour les lecteurs d'aujourd'hui, les conclusions peuvent paraître bien hâtives.

Mais au début du XXème siècle,

la médecine allemande, la plus avancée au monde à l'époque, venait de découvrir que beaucoup de maladies incompréhensibles jusqu'alors étaient expliquées par l'existence de bactéries et de parasites inconnus.

Il n'était donc pas dénué de sens de se dire que derrière une maladie encore inconnue pouvait se cacher un agent pathogène encore absolument inconnu...

Aujourd'hui, par exemple, tout le monde sait que le béribéri est dû à une carence en vitamine B1,

mais au début du siècle, ce n'était pas une évidence. Nombreux étaient ceux qui voyaient derrière cette maladie un virus inconnu.

Takano

— Oui, je sais. Grand-père pensait que ses recherches pouvaient avoir un intérêt militaire, il fit une demande pour obtenir des fonds, mais sa demande fut rejetée avec un simple sourire méprisant.

Il était un chercheur assidû et passionné, mais il ne savait pas comment faire en sorte d'intéresser les gens et de les rallier à sa cause. Il n'avait absolument aucun talent pour ça.

Le syndrome de Hinamizawa.

Le parasite responsable de cette maladie se logeait dans le cerveau de l'être humain pour contrôler ses pensées et ses émotions -- c'était en tout cas la folle possibilité que son existence laissait entrevoir.

C'était une découverte extraordinaire, mais grand-père ne sut jamais comment attirer l'attention de sa hiérarchie sur lui pour leur prouver cette valeur,

et il finit son existence dans la solitude, sans aucun soutien, et sans avoir pu être pris au sérieux par ses pairs...

Toute recherche menée par une seule personne avait forcément ses limites.

Il fallait des cerveaux, des fonds pour financer les travaux, des gens pour le soutenir.

C'est seulement lorsque toutes ces composantes sont réunies que les recherches ont des chances d'aboutir.

Certaine d'avoir compris là la raison de son échec, j'ai passé toute ma vie à ne pas négliger ces aspects, et aujourd'hui, j'ai réussi...

Koizumi

— ... L'Armée Impériale voulait une arme peu coûteuse, et surtout quelque chose à l'effet immédiat.

Koizumi

Les recherches de Takano étaient très intéressantes, certes,

Koizumi

mais elles ne correspondaient pas aux attentes de nos supérieurs...

Takano

— Et pourtant, Maître Koizumi, j'ai entendu dire que vous seul aviez compris l'importance de ses recherches.

Grand-père parle de vous dans son journal comme d'un ami irremplaçable.

Koizumi

— Tu sais, nous étions du même coin, lui et moi.

Koizumi

C'est un petit miracle lorsque tu rencontres sur le front un soldat qui connaît les mêmes petits restaurants que toi.

Koizumi

Nous étions d'âges très différents, mais cela suffisait à rendre nos liens très forts.

Koizumi

C'est ce qui l'a amené à me parler de ses recherches.

Koizumi

Il était persuadé que cela mènerait à des découvertes révolutionnaires. Il m'a souvent demandé si je ne pouvais pas monter un dossier pour lui trouver les fonds nécessaires à un programme de recherches approfondi.

Takano

— Le journal de grand-père rapporte que vous avez fait des pieds et des mains.

En fin de compte, cela n'eut pas le succès escompté, mais je pense que votre compréhension lui fut d'un grand soutien moral, de son vivant.

Koizumi

— Peut-être, mais je ne lui ai été d'aucune utilité.

... C'est aussi pour ça que je t'aide, Miyo.

Ça me permet de payer un peu ma dette envers lui...

Takano

— ... Et je vous en suis très reconnaissante, Maître.

Vous faites honneur à l'amitié que vous lui portiez.

Si seulement il y avait eu plus de personnes comme vous parmi vos supérieurs,

Takano

je pense que sa vie aurait pris une tout autre tournure. C'est bien dommage...

Le vieillard ferma les yeux et pencha la tête en arrière, comme perdu dans ses pensées.

Puis, rouvrant les yeux, il se remit à parler, le regard un peu dans le vague.

Koizumi

— ... Pour tout t'avouer, Miyo...

Ce n'est pas tout à fait vrai.

Nos supérieurs étaient en réalité très intéressés par sa découverte.

Takano

— ... Pardon ?

C'est bien la première fois que j'entends dire cela.

Mais si c'était le cas, pourquoi ne pas avoir financé ses recherches à l'époque ?

Koizumi

— Eh bien, il y a eu un petit problème qui est venu compliquer les choses. Nos supérieurs ne pouvaient plus le laisser faire des recherches sur le syndrome de Hinamizawa.

Koizumi

Il n'y a que moi et quelques autres haut dignitaires qui savions où était le problème.

Koizumi

Et aujourd'hui, tous ceux qui savaient sont morts, à part moi.

J'estime avoir le devoir de te dire toute la vérité.

Takano

— ... Quelles raisons pouvaient-elles bien être si gênantes en regard des recherches ?

Jusqu'à présent, j'ai toujours cru que ses recherches avaient été ignorées car jugées trop fantaisistes et inutiles.

Lui voulait découvrir tous les secrets de ce syndrome au cours de la guerre.

Mais j'ai toujours pensé qu'ils lui avaient refusé tout budget parce que l'État Major réclamait une arme à effet immédiat.

C'est vraiment la toute première fois que j'entends dire que les instances militaires y avaient accordé un intérêt tout particulier...

Koizumi

— Mais pour que tu comprennes cette raison, je vais devoir t'expliquer un peu la situation là-bas.

Koizumi

À l'époque, les troupes du Guangdong étaient stationnées en Mandchourie, mais les stratèges militaires étaient partagés sur la marche à suivre. Certains voulaient attaquer vers le nord, d'autres voulaient repartir vers le sud.

En fait, l'empire avait le choix entre ramener toutes ses troupes en Mandchourie pour passer au nord et attaquer l'Union Soviétique, ou bien alors étendre sa zone d'occupation vers le sud et s'accaparer les ressources naturelles présentes.

L'Union Soviétique, tout comme déjà avant elle la Russie, avait des impératifs liés à ses hivers rudes. Il lui fallait obligatoirement un port d'accès qui ne fût pas pris dans les glaces une fois l'hiver venu.

Elle était toujours en train de chercher une solution pour s'étendre vers le sud --

c'était la principale raison qui avait déclenché la guerre entre la Russie et le Japon au tout début du XXème siècle.

La guerre nippo-russe s'était soldée par la victoire du Japon, mais pour être honnête, c'était plutôt un match nul que le traité de paix de Portsmouth avait entériné.

La guerre avait beaucoup affaibli les deux participants.

La Russie ne s'était pas rendue, elle n'avait pas officiellement reconnu une quelconque défaite, et n'avait fait aucune concession.

Sa présence restait, pour certains, bel et bien une menace.

Puis il y eut la chute de la Russie impériale, secouée par la révolution, mais la nouvelle Union Soviétique n'en restait pas moins problématique aux yeux du Japon, à cause justement de sa possible politique expansionniste vers le sud.

Takano

— L'Histoire nous apprend que nous sommes alors allés vers le sud.

Nous avons scellé un pacte de non-agression envers l'Union Soviétique et délaissé le nord.

Takano

Résultat, l'URSS peut à nouveau injecter ses troupes d'extrême-orient sur le front ouest, contre l'Allemagne.

Takano

Ils reprennent les combats contre l'armée nazie, empêchent la prise de Moscou et les repoussent finalement hors des territoires russes, ce qui provoquera la chute de l'empire nazi.

Mais bien sûr, malgré le pacte de non-agression, rien ne permettait de savoir si le Japon n'allait pas quand même envahir l'URSS.

C'était bien pour ça que la bataille sur le front ouest était aussi difficile pour les russes, parce qu'ils ne pouvaient pas se permettre de rapatrier toutes leurs troupes stationnées à l'est.

Et puis de toute façon, il y avait aussi un pacte de non-agression entre Staline et Hitler, qui n'avait, lui non plus, pas été respecté.

L'Allemagne ne s'était pas gênée pour pénétrer en territoire russe.

Et il y avait de surcroît une alliance entre l'Allemagne et le Japon.

Dans ces conditions, l'URSS ne pouvait pas dormir tranquille, même avec ce pacte avec le Japon.

(Et pour la petite histoire, ce sont eux, les russes, qui violèrent ce pacte par la suite -- mais bon, nous n'allons pas gloser dessus ici, ce n'est pas le propos.)

Koizumi

— C'est exact. Hitler a formé l'axe tripartite en partie parce qu'il espérait nous voir distraire les russkovs à l'autre bout de leur immense territoire.

Sauf que finalement, nous sommes repartis vers le sud.

Koizumi

Il faut dire aussi que l'attaque allemande était efficace et qu'elle alignait victoire sur victoire, aussi nos maréchaux pensèrent que nous n'aurions qu'à surveiller distraitement la suite des événements.

Koizumi

En fait, il était prévu d'envahir le nord si nos alliés allemands prenaient Moscou.

Koizumi

Sauf que Sorge l'a su, alors l'URSS s'est permis de ramener tous les chars qu'elle avait par chez nous jusque sur le front allemand.

Koizumi

C'est ce qui a fait capoter la prise de Moscou, puis les russes ont tenu en échec la Wehrmacht lors de la bataille de Kours, et de là, ce fut le début de la fin.

Takano

— ... Oui, cette bataille a été un peu le tournant de l'Histoire.

Lors de la Guerre Froide, l'URSS était reconnue comme une grande puissance qui séparait le monde en deux, mais vers 1937, l'armée du Guangdong n'était clairement pas de cet avis.

Après tout, les russes, on leur avait bien mis sur la gueule -- nous avions gagné la guerre nippo-russe ! -- et puis, l'URSS était un pays tout jeune, à peine remis de la révolution qui avait chassé le Tzar.

Et c'est cette méprise sur leurs forces et leur efficacité qui nous a coûté la bataille de Khalkhin Gol en 1939.

D'ailleurs, la courte mais intense bataille nous a pris tellement d'hommes et nous a tellement démontré la modernisation des équipements russes que le Japon a discrètement mis sur les rails le pacte de non-agression par la suite...

Koizumi

— Mais avant la bataille de Khalkhin Gol, notre armée du Guangdong n'avait aucune crainte de l'armée rouge. Les avis étaient simplement divisés sur la direction à suivre, c'est tout.

Koizumi

Nous avions même des maréchaux prudents qui voulaient éviter de trop ramener de renforts contre les Russes pour ne pas déclencher un conflit direct avec la Chine.

Takano

— Mais pourtant, si mes notions d'Histoire ne me font pas défaut, c'est à cet instant qu'éclata l'incident du Pont Marco Polo, qui a déclenché les hostilités, et par suite la guerre, contre la Chine, n'est-ce pas ?

Revenons donc au mois de juillet de l'an 12 de l'ère Shôwa.

À la périphérie de Pékin, sur le Pont Marco Polo, l'armée japonaise et l'armée chinoise se regardent en chiens de faïence, prêtes à dégainer.

Puis, dans la nuit du 7 juillet.

Un coup de feu retentit dans la nuit, tiré sur les soldats japonais qui s'entraînaient au combat, et met le feu aux poudres.

C'est cet incident qui mena à la longue guerre sino-japonaise.

Koizumi

— Oui.

D'un point de vue historique, c'est bien cet incident-là qui est le point de départ du conflit.

Koizumi

... Mais notre État Major était vraiment divisé, à l'époque. Pas seulement pour cette histoire de progression vers le nord ou vers le sud ; certains voulaient à tout prix éviter un conflit militaire contre la Chine, tandis que d'autres au contraire voulaient leur rentrer dans le lard.

Koizumi

Je me souviens que nous avions même eu des ordres pour régler l'incident du Pont de Marco Polo de manière pacifique.

Ceux qui voulaient poursuivre au nord voulaient une résolution pacifique à Marco Polo pour pouvoir ramener des troupes et les injecter dans la bataille contre les Russes.

Mais les partisans d'une progression au sud voulaient s'en servir pour justifier un apport de troupes et pour attaquer la Chine.

Le Japon durcit le ton contre la Chine, et finalement, les troupes envoyées sur place firent de cet incident le point de départ du choc frontal entre les deux puissances.

Et puis après, la bataille de Khalkhin Gol a complètement modifié la donne entre le Japon et l'URSS.

Il y eut le pacte de non-agression, et la politique expansionniste vers le sud fut la seule option sur la table.

C'est ainsi que le Japon s'est retrouvé enlisé encore un peu plus dans sa guerre contre la Chine...

Koizumi

— ... Sans l'incident du Pont Marco Polo,

l'Histoire aurait pu prendre une tout autre tournure.

Koizumi

Bien sûr, ç'aurait pu simplement n'être que partie remise, la même guerre finissant par se déclarer plus tard, avec les suites que l'on connaît.

Koizumi

Mais sans lui, les partisans de l'attaque du sud n'auraient rien eu pour apporter de l'eau à leur moulin. Nous aurions continué à distraire les Russes et à les empêcher de concentrer leurs troupes,

Koizumi

... et qui sait.

Les Allemands auraient peut-être pris Moscou.

De là, nous attaquons les Russes avec tout ce que nous avons, leur prenant toute la Sibérie.

La carte du monde en eût été bien changée...

Alors bien sûr, la prise de Moscou n'aurait pas forcément assuré la victoire à l'Allemagne.

Après tout, l'Angleterre était à l'abri derrière le pas de Calais, et l'Amérique attendait patiemment une excuse pour entrer en guerre, comme tapie dans l'ombre.

Et puis, Napoléon aussi avait pris Moscou,

ça ne l'avait pas empêché d'éviter de justesse une déculottée à Bérézina et de lui faire fuir le territoire russe.

Takano

— Le conflit mondial aurait pu terminer en une victoire de l'axe, donc...

Koizumi

— Oui. Il est bien possible que ce soit la balle tirée sur le Pont Marco Polo qui a changé ce monde à tout jamais.

Takano

— ... Les experts en Histoire se déchirent encore pour savoir quel camp a tiré sur l'autre, j'imagine ?

Koizumi

— Les historiens japonais pensent que le coup de feu a été tiré sur un soldat japonais un peu trop proche des lignes chinoises par un soldat qui aurait succombé à la peur.

Koizumi

Mais les historiens chinois jurent que c'est un coup monté par l'État Major japonais.

Takano

— D'une façon ou d'une autre, il y eut un coup de feu.

Même si nous ne devions jamais découvrir qui a tiré sur qui, c'est ce coup de feu qui a tout précipité.

Koizumi

— C'est exact.

C'est la seule vérité historique que nous pouvons en tirer.

Takano

— ... Maître, sauf votre respect,

je ne vois pas en quoi cette histoire aurait un rapport avec les recherches de Grand-Père. Pourriez-vous être plus précis ?

Koizumi

— La nuit de cet incident sur le Pont Marco Polo,

on a tout de suite fait l'appel dans les troupes pour savoir s'il y avait un mort ou un blessé.

Il manquait seulement un soldat à l'appel, un seul.

Koizumi

Il est revenu un peu plus tard, mais il se raconte que c'est sur lui que les Chinois ont tiré, parce qu'il était trop près de leurs lignes.

... Et le problème, vois-tu, Miyo,

Koizumi

c'est que ce soldat, eh bien, il venait de Hinamizawa...

Takano

— ... Mais... Je…

C'est vrai ?

Koizumi

— Lorsque Takano nous a présenté le syndrome de Hinamizawa, et nous a expliqué qu'ils pouvaient faire des choses irrationnelles et dangereuses sans crier gare,

Koizumi

nous avons compilé une liste de tous les soldats de Hinamizawa présents dans l'armée du Guangdong, et nous avons découvert que ce soldat qui avait manqué à l'appel lors de l'incident du Pont Marco Polo en faisait lui aussi partie.

Takano

— Mais alors... En fait, cette nuit-là...

Koizumi

— Ah, non, je n'ai pas dit ça ! Nous ne savons pas ce qu'il s'est passé.

Koizumi

Mais il nous était impossible de nier la possibilité que ce soldat avait simplement perdu la tête, comme un patient en phase terminale, et tiré lui-même.

Koizumi

Ce qu'il y a aussi, c'est que ce soldat est mort au combat pendant les incidents que cela a entraîné.

Koizumi

Nous n'avons pas d'archives détaillées sur les circonstances de sa mort, à l'époque, ce n'était pas une priorité de tout noter. Nous ne savons pas comment il est mort.

Takano

— ... ...

Par la suite, l'armée japonaise avait toujours soutenu que c'était le camp chinois qui avait tiré.

Quelques jours après les événements, le Japon a demandé des excuses officielles de la Chine et a fait ramener sur place trois divisions de soldats, en manœuvre d'intimidation.

Les Chinois n'ont pas apprécié et nous ont répondu par les armes.

La situation a empiré en quelques heures.

Koizumi

— Tu comprends maintenant que si le syndrome de Hinamizawa avait été étudié à cette époque, cela aurait pu déstabiliser le discours militaire du Japon.

Koizumi

Voyant bien que Takano risquait d'empiéter sur une zone d'ombre politique qui pouvait nous coûter la guerre, nos supérieurs ont refusé son projet.

Takano

— ... ... Et c'est pourquoi même après la guerre, on l'empêcha de financer des recherches ?

Koizumi

— Oui, c'est exact.

La guerre a beau être terminée, chacun reste campé sur ses positions.

Koizumi

Même si ce n'était pas son intention, à Takano, si jamais le public avait dû savoir que nous avions mené des recherches sur le syndrome de Hinamizawa, cela aurait pu raviver les vieilles querelles.

Koizumi

C'est pourquoi les plus haut gradés ont fait jouer toutes leurs connexions pour que les recherches ne soient jamais approuvées ou financées.

Koizumi

Moi aussi, je me suis retrouvé pieds et poings liés par mes supérieurs hiérarchiques, à l'époque.

Takano

— ... ... ...

Miyo Takano faisait tout son possible pour paraître sereine, mais elle ne put pas s'empêcher un rictus crispé sur les commissures des lèvres.

Parce que c'était la faute à une bande organisée si personne n'avait jamais soi-disant jamais rien trouvé d'intéressant dans les recherches de son aïeul.

Et que ces hommes avaient agi contre lui

justement parce qu'ils étaient persuadés que ses recherches avaient une importance capitale.

Sachant cela, la vie terriblement esseulée de son grand-père lui apparaissait comme une punition terriblement injuste et révoltante.

Koizumi

— Mais aujourd'hui, tous ceux qui savaient cela sont morts,

Koizumi

tous sauf moi.

Koizumi

Takano était bien plus jeune que nous, je pensais qu'il nous survivrait, que je pourrais, plus tard, tout lui expliquer et lui financer les recherches en lui demandant pardon.

Koizumi

Mais lui aussi est mort.

Koizumi

C'est pourquoi je m'excuse envers toi, Miyo, et c'est pourquoi je veux t'aider.

Takano

— ... Êtes-vous sûr que vous pouvez vous le permettre ?

Si j'étudie le syndrome de Hinamizawa, cela devrait raviver les anciennes querelles dont vous m'avez parlé, non ?

Koizumi

— Les temps ont bien changé, tu sais.

Et puis, ces recherches ne concernent pas seulement cette épidémie, elles peuvent mener à autre chose aussi.

Koizumi

Et cet autre chose pourrait devenir un atout majeur pour le Japon et lui assurer à nouveau une place parmi les nations les plus puissantes.

Takano

— Et donc c'est simplement parce qu'un vent nouveau se lève sur la scène internationale ?

Koizumi

— Oui, c'est cela.

Koizumi

Malheureusement, Takano n'a pas survécu jusqu'à ce changement.

Koizumi

Mais par chance, il t'avait, toi, Miyo. Tu as repris le flambeau.

Koizumi

Et tant que je serai vivant, je t'aiderai, au maximum de mes possibilités.

Koizumi

Je lui avais promis mon aide, et je n'ai rien fait pour lui. Je sais que je l'ai profondément déçu.

Je veux me racheter pour cela.

Koizumi

C'est la dernière chose que je peux faire pour lui, lui qui me faisait l'honneur de me considérer comme son meilleur ami.

Takano

— Maître...

Je... Merci du fond du cœur, vraiment...

Koizumi

— Allons, ce n'est rien.

Koizumi

J'ai pu libérer ma conscience du poids de ce fardeau avant de mourir, c'est moi qui devrais te remercier.

Koizumi

Quoi qu'il en soit, tant que je serai vivant, personne ne viendra te mettre de bâtons dans les roues !

Koizumi

S'il y a quoi que ce soit, appelle-moi ou fais-le-moi savoir.

Koizumi

Je ferai toujours le nécessaire.

Takano ne savait pas exactement ce qui avait lié son grand-père à cet homme devant elle.

Mais grâce à cela, aujourd'hui, elle avait un large bouclier pour protéger ses arrières.

Les larmes aux yeux, Miyo Takano se demandait d'un côté comment elle pourrait jamais assez remercier son bienfaiteur, mais aussi, elle avait envie d'exulter et de crier victoire.

Pendant encore plusieurs minutes, elle et le vieillard se renvoyèrent compliments et courbettes, cherchant à avoir le dernier mot de gratitude.

Lorsque ce petit jeu sembla trouver une certaine accalmie, le vieillard reprit un air un peu plus sérieux et termina son discours par quelques phrases simples --

peut-être celles qu'il avait réellement voulu lui dire.

Koizumi

— Enfin bref, voilà pour l'Histoire.

Koizumi

Quant à ce que je souhaitais vraiment te dire avec tout ceci, eh bien...

Koizumi

Le syndrome de Hinamizawa est une maladie fascinante, qui pourrait bien nous faire revoir toutes nos théories sur l'évolution de l'espèce et sur l'Histoire.

Koizumi

Elle pourrait tout à fait chambouler notre position sur la scène géopolitique.

Koizumi

Alors mène ces recherches avec le plus grand sérieux, sans jamais oublier tout ce qui pourrait en découler. Ne l'oublie jamais...