... ... Et avec ceci, je pense que nous avons rassemblé toutes les pièces que nous avions pour les placer en 1983.

Nous n'avons fait qu'arriver jusqu'en juin 1983, mais le voyage fut déjà long et fatiguant.

Et pourtant, ce c'était que la ligne de départ.

Nous pouvions enfin commencer à notre point zéro.

N'empêche, heureusement que nous avons vu tous ces fragments.

Cela nous permet de nous rendre compte à quel point les idées, les rêves et les projets diffèrent chez les uns et les autres parmi les protagonistes de notre mois de juin 1983.

Autrefois, j'avais toujours pensé que le passé et les motivations des gens qui n'avaient pas un lien direct avec moi étaient complètement inutiles,

mais en fait, j'avais faux sur toute la ligne.

Rika Furude devait maintenant faire tout ce qui était en son pouvoir pour modifier le cours du destin de ce mois de juin 1983.

Pour l'instant, elle avait fait en particulier deux efforts distincts.

Le premier était de se rapprocher de l'Institut Irie, pour être protégée autant que possible des aléas du destin.

L'ironie étant que c'était surtout Takano qui en avait après sa vie, mais avant, elle ne pouvait pas le savoir, et de toute façon, avant la date de juin 1983, elle ne risquait rien,

c'était donc la meilleure chose à faire.

Le deuxième effort était de faire en sorte de déclencher un événement précis : l'emménagement de Keiichi Maebara à Hinamizawa.

Parce qu'à dire vrai, son arrivée n'était pas automatique.

C'était une décision qui était prise uniquement par le père de Keiichi, le jour de la visite des terrains allotis, et uniquement parce qu'il nous voit jouer ensemble dans ce champ.

C'est pourquoi notre danse dans ce champ de fleurs sauvages doit obligatoirement arriver si nous voulons avoir Keiichi dans notre camp, c'est elle qui est la clef de cet emménagement.

Je ne vous raconte même pas combien d'années et combien d'essais nous avons dû faire pour nous en rendre compte.

Il a fallu tenter de modifier toutes les conditions possibles et imaginables, faire une chose mais pas les autres, les tenter toutes une par une, pour finalement découvrir qu'il nous fallait être dans ce champ à cette date précise.

Keiichi Maebara est la clef qui nous permet de briser l'une des chaînes du destin qui nous maintiennent dans cette boucle temporelle : cette chaîne, nous l'appellerons la loi Z.

Il était le souffle du renouveau, d'un vent frais et pur qui avait le pouvoir de briser les mauvaises habitudes du village, et surtout celle de tout interpréter de travers.

C'est grâce à ses actions, à de nombreuses occasions, qu'il me permettra de comprendre que seule une volonté indéfectible pouvait s'élever contre le Destin. C'était une clef très importante.

... Mais je n'étais pas la seule à avoir souhaité son arrivée.

C'était une chose que les Sonozaki aussi avaient espéré voir.

Mion s'était jurée d'essayer d'améliorer la situation de Satoshi et de Satoko, car elle était contre les chicaneries du village à leur encontre.

Et le soir où Satoshi Hôjô avait disparu, elle avait laissé exploser sa colère contre sa grand'mère, en lui faisant part de ses intentions.

Et les intentions de Mion résonnèrent en son aïeule.

Oryô Sonozaki s'était bien rendu compte que le village avait des habitudes peu glorieuses, et elle souhaitait un changement.

Mais elle savait qu'elle ne pouvait rien faire.

Elle espérait trouver une aide extérieure.

Et c'est pourquoi elle décida de vendre certains des terrains des Sonozaki, pour permettre l'arrivée de nouveaux habitants.

Il ne suffisait pas d'aller dans le champ et de danser. Si le terrain du champ n'était pas à vendre, Ichirô Maebara ne prenait même pas la peine de venir à Hinamizawa. Et donc Keiichi ne venait pas.

Il fallait aussi considérer Rena Ryûgû, car sa présence était cruciale pour le développement de Keiichi.

Elle devait souffrir de la séparation de ses parents, elle devait faire une crise aiguë et y survivre, et elle devait revenir à Hinamizawa.

Elle devait avoir, à un an près, fait le même vœu que Keiichi, celui de recommencer sa vie à zéro, de prendre un nouveau départ.

Parce que ce n'était qu'à ces conditions qu'elle avait la possibilité de le comprendre.

C'était cela qui déclencherait, dans l'un des fragments, cette réminiscence miraculeuse d'un autre fragment, et qui éviterait la catastrophe.

Si l'être humain pouvait toujours profiter du savoir des erreurs commises dans d'autres univers parallèles, il ne ferait plus jamais aucune erreur.

Ce n'était qu'à ce prix que les pièces de ce jeu d'échecs pouvaient éviter les mouvements les moins pertinents, et augmenter ainsi exponentiellement nos chances de victoire.

Ce qui signifiait que sans s'en rendre compte, Rena Ryûgû était l'une des pièces maîtresses de cet échiquier.

C'était grâce à elle et à tous ces gens que Keiichi finirait par briser la loi Z et délivrer Satoko Hôjô de toute cette injuste souffrance.

Bien sûr, le désir de Satoko de se surpasser était important, lui aussi.

C'était uniquement grâce à sa présence que Satoko avait pu saisir la main tendue des autres et obtenir de l'aide.

Et c'est Rena et Keiichi qui lui apprirent cette leçon.

Et c'est grâce à Mion que ceux-ci purent emménager à Hinamizawa.

Mais ce n'était pas tout.

Kyôsuke Irie aussi était une pièce maîtresse de cet échiquier.

Il avait beaucoup de compassion pour Satoko, et il était celui qui était le plus à même de briser la loi X qui régissait cet univers : la maladie du syndrome de Hinamizawa.

Les prises de décisions et les visions miraculeuses de Rena et de Keiichi laissaient entrevoir une possibilité de briser la loi X, mais il restait encore fort à faire.

Si l'on voulait réellement la briser, alors la présence et l'aide d'Irie devenaient cruciales, car il était fermement décidé à créer un médicament pour guérir la maladie.

Je dois avouer que je ne savais pas qu'Irie était poussé par autant de motivations.

Je trouvais qu'il était toujours un peu prompt à calmer le jeu, qu'il faisait de la figuration,

mais en fait, il avait de grandes prérogatives.

Mais est-ce que ses forces, même combinées aux nôtres, seraient suffisantes pour vaincre Takano ?

... Car j'ai aussi pu voir le chemin de Miyo Takano.

Elle était prête à tout, obstinée comme pas possible. C'était à en pleurer de rage. Il ne sera vraiment pas facile de la vaincre.

Ce n'était pas étonnant, finalement, que mes résolutions pour ce mois de juin 1983 n'eussent pas eu plus de répercussions que cela sur mon destin toutes les autres fois.

Miyo Takano avait eu des centaines de choses qui la poussaient inexorablement de l'avant.

Là où moi, j'avais vécu dans la paresse, ayant abandonné toute idée de rébellion, Miyo avait sans cesse remis en question ses capacités, elle s'était battue bec et ongles tous les jours, jour après jour, toute sa vie. Sa pièce avait une importance autrement plus grande que la mienne.

Tant que je boudais dans mon coin à me saouler la gueule au vin, je ne risquais pas de faire le poids contre elle.

... Hmmm, même avec toutes ces pièces, je ne pense pas pouvoir me mesurer à elle.

Si je veux la vaincre, il me faut encore plus d'aide, plus de pièces.

L'inspecteur de police Kuraudo Ôishi m'avait semblé avoir le potentiel pour devenir un allié de poids.

Mais à cause du malentendu qui régnait quant à la responsabilité des Sonozaki dans la mort horrible de son ami et mentor, il ne pouvait pas m'aider.

Il me fallait d'abord résoudre ce malentendu, mais je ne savais pas comment faire.

... Je ne pouvais que lancer les dés et espérer un coup de chance.

Et enfin, je me demandais si Akasaka n'avait pas le même pouvoir que Rena et Keiichi,

celui de déclencher une situation propice à briser les lois de mon destin.

La malédiction du mois de juin 1983 a une influence directe sur la malédiction qui règne sur Hinamizawa.

Et cette malédiction ne pouvait pas être déjouée simplement de l'intérieur.

Il me fallait aussi de l'aide depuis l'extérieur.

C'était un peu comme pour Satoko, sans une main tendue pour me venir en aide, tous mes efforts ne serviraient à rien.

Mais Akasaka n'était jamais venu à mon secours, en tout cas, il ne s'était jamais souvenu de nous.

Lorsqu'il lui était arrivé de venir, ç'avait toujours été trop tard.

Trop tard.

Beaucoup trop tard.

Mais peut-être que si je continue à lancer les dés, un jour, un lancer me permettra de le compter, lui aussi, parmi mes pièces.

Quant à la dernière loi, la loi Y, elle représente les donneurs d'ordres qui se servent de Miyo Takano.

Pour briser cette chaîne-là, il va me falloir une pièce extrêmement puissante.

Et honnêtement,

à part un Akasaka ayant acquis beaucoup de galons à la D.S.T., je ne voyais pas qui pouvait avoir autant de puissance.

Il y a encore sûrement d'autres pièces dont je pourrais obtenir l'aide.

Il me les faut toutes si je veux pouvoir me mesurer à Takano.

Désormais, l'échiquier était en place. Tout était préparé.

Il me manquait juste encore quelques pièces.

Rien n'était gagné. Tout était encore à faire...