Lorsque la dernière diapositive fut arrivée, les explications terminées, l'appareil éteint et les lumières rallumées, le silence fut rompu par les applaudissements des agents de contrôle envoyés par Tôkyô, qui saluèrent unanimement les progrès réalisés par l'Institut Irie.

Bureaucrate

— C'est formidable, vraiment, c'est fantastique !

Pour être honnête avec vous, je n'ai jamais vraiment cru que les recherches sur le syndrome de Hinamizawa aboutiraient sur du concret.

Bureaucrate

— Enfin, en tout cas, je pensais que cela prendrait des dizaines d'années, avec de nombreux échecs jalonnant le chemin.

Bureaucrate

— Je suis impressioné !

Toutes mes félicitations pour avoir obtenu de tels résultats en si peu de temps, Monsieur le Directeur !

Vous êtes vraiment un chef d'équipe remarquable !

Irie

— Mais non, je vous assure que je ne fais rien de particulier.

Le mérite revient à mon équipe, et surtout à Mme Takano.

Takano

— Allons, vous êtes trop modeste.

Takano

Hmpfhfhfhfh !

Takano

Vous savez, vous êtes véritablement un génie dans le domaine du cerveau humain.

Takano

Vous avez une expérience pratique dans ce domaine dont peu de scientifiques peuvent se targuer !

Bureaucrate

— Oui, c'est bien vrai !

Des médecins de votre âge avec autant de pratique, je n'en ai jamais rencontré !

Tomitake

— Toutes mes félicitations, Lieutenant-Colonel Irie.

Je vais pouvoir rentrer à Tôkyô et faire le fanfaron devant mes supérieurs !

Irie

— Et je suis bien content de vous donner cette occasion, M. Tomitake.

Mais je vous en supplie, arrêtez de m'appeler “lieutenant-colonel”, je vous l'ai déjà dit maintes et maintes fois.

Irie

Si vous n'arrêtez pas, je vous appellerai Risa !

Tomitake

— Ahhahahahahahaha !

Arrêtez, je ne suis pas un travesti !

Takano

— Hmpfhfhfhfh !

Mais vous savez, M. Tomitake, c'est aussi grâce à vous, grâce aux efforts que vous avez fait en coulisses.

C'est grâce à vous si nos budgets n'ont pas été coupés !

Tomitake

— Oh, eh bien... Ahahaha, vous savez, ce n'est rien...

Mais cette fois-ci, les résultats sont extraordinaires !

Tomitake

Vous avez découvert l'agent pathogène de la maladie, vous avez même pu trouver dans quelle direction les recherches devaient se concentrer !

J'ai déjà hâte d'être à notre prochain rapport saisonnier !

Bureaucrate

— Je pense que désormais, nos supérieurs seront moins regardants sur les budgets qui vous seront alloués...

Takano

— Hmphfhfhfh,

espérons en tout cas qu'ils nous laissent à tout jamais de quoi acheter le café ! Nous l'avons échappé belle !

Bureaucrates

— Aaah ah ah ah ah ah !!!

Bureaucrate

— Tomitake, quand tu rentres à Tôkyô, demande à la hiérarchie de leur donner un petit extra pour faire une fête.

Bureaucrate

— Oui, les coups de fouet, ça va un moment, mais il faut aussi des bonbons de temps en temps !

Tomitake

— Ahahahaha, rajoutez-nous un budget pour bonbons, ce sera toujours ça de pris !

Bureaucrates

— Aaah ah ah ah ah ah !!!

Ainsi donc, la réunion avec les agents de contrôle prit fin dans la détente et la bonne humeur.

Les invités affectés à d'autres laboratoires au service de l'État prirent alors Kyôsuke Irie à partie et le pressèrent de questions.

Tomitake

— Toutes mes félicitations, Miyo.

Tomitake

On ne peut pas vraiment le dire à voix haute, mais je sais que c'est surtout ton travail qui a permis ces avancées.

Takano

— Hmpfh,

merci Jirô.

Parmi les gens présents à ce rapport saisonnier, seuls Tomitake et Takano savaient les moindres détails derrière l'existence du projet et de l'Institut Irie.

C'est pourquoi seul Tomitake pouvait se rendre compte de l'étendue des travaux de Miyo Takano. Et aussi pourquoi il était le seul à la féliciter.

Takano

— Mais tu sais, je n'ai fait qu'arriver enfin sur le terrain de la recherche.

Takano

J'ai enfin rejoint feu le Professeur Takano, nous sommes enfin à égalité.

Takano

C'est maintenant que tout va se compliquer.

Takano

Mais c'est aussi à partir de maintenant que tout va devenir réellement intéressant.

Tomitake

— Ahahahahaha !

Tomitake

Je voulais aussi te dire, le directeur de notre département, M. Nakagawa, a demandé si tu ne pouvais pas venir leur présenter les résultats, au quartier général.

Tomitake

Les têtes du projet alphabet ont l'air d'avoir hâte de faire ta connaissance.

Tomitake

Ils veulent tous obtenir les informations directement de ta bouche.

Takano

— Tiens donc, et pourquoi cela ? Tu ne sais pas écrire les rapports assez bien pour eux ?

Tomitake

— Eh bien, euh, ahahah !

N-non, c'est pas ça, mais...

J'imagine que c'est simplement pour vérifier si tu es aussi belle que les gens le disent. Ahahahaha...

Takano

— Oh, petit coquin, arrête donc, tu vas me faire rougir !

Hmpfhfhfhfh !

Chien de montagne

— Excusez-moi, Commandant Takano ?

Mon Commandant, un appel de Tôkyô.

Takano

— Excusez-moi de vous avoir fait patienter,

Takano à l'appareil.

???

— Oooooh ! Alors, la forme ?

Takano

— Oh, Maître Koizumi !

Mais il ne fallait pas, c'est trop d'honneur, voyons !

Koizumi

— Ahahahahahaha !

Bah, j'ai entendu dire que ça marchait bien, tes recherches,

alors je me suis permis une petite folie, pour te féliciter.

Takano

— Ooh, merci, merci beaucoup !

Oui, la première étape des recherches est terminée, nous avons atteint notre premier gros objectif, nous avons identifié l'agent pathogène responsable du syndrome de Hinamizawa.

Koizumi

— Aha.

Je vois, je vois, ben écoute, tant mieux !

Enfin, tu as réussi, Miyo.

Je parie que ce cher Takano doit en être fier, de là où il est !

Takano

— Allons, nous n'en sommes qu'au début !

Grand-père avait déjà dépassé ce stade, lui. En fait, il ne s'était pas trop soucié de l'agent pathogène, il réfléchissait déjà plus avant dans la problématique.

Takano

À nous maintenant de découvrir si des parasites pourraient réellement contrôler la pensée humaine.

Lorsque nous en serons là, alors là, oui, je pourrai considérer avoir réussi.

Takano

Hmphfhfhfh.

Si jamais nous pouvons expliquer toutes les philosophies et les religions du monde avec cette théorie...

Hmphfhfhfh, ça va faire un sacré grabuge, dans le monde entier !

Koizumi

— Ahahahahahahahaha ! Ah oui, ça, ça risque d'être rigolo à observer !

Koizumi

Tu imagines tous les grands prêtres et les autres imbus de leur personne, mis devant le fait accompli ? Si jamais tu peux prouver que tout cela est dû à un parasite, alors là, ils vont tirer la gueule, c'est sûr !

Koizumi

Oh, Miyo, il faut absolument que tu réussisses, je veux voir ça !

Koizumi

Je refuse de mourir tant que tu n'auras pas de preuves !

Takano

— Allons, ne dites pas cela, ça porte malheur !

Mais c'est d'accord, je le prouverai,

et je ferai publier la thèse dans le monde entier !

Takano

Alors enfin, le monde saura à quel point grand-père était un génie. Les scientifiques se battront pour accéder à ses archives.

Takano

Et quand ce jour sera venu, enfin, j'aurai pu rembourser une partie de la dette que j'ai envers lui...

Koizumi

— ... Ce sacré Takano avait de la chance, quand même.

Koizumi

Tu sais, je suis riche à crever,

Koizumi

mais je ne peux rien en faire, de cet argent.

Koizumi

J'aurais préféré avoir un petit-fils qui voudrait reprendre les rênes, un peu comme toi...

Takano

— Merci beaucoup pour ce que vous dites,

mais je vous assure, c'est vraiment trop d'honneur.

Koizumi

— Ah, et aussi, ton vieux pépé, il a un cadeau pour toi.

J'ai envoyé une bouteille de vin pour toi.

J'avais pas ton adresse, alors je l'ai envoyé à la clinique Irie, ça pose pas de problème, j'espère ?

Koizumi

J'ai demandé un vin bien spécial, ça mettra peut-être un peu de temps à arriver, mais quand la bouteille sera là, porte un toast avec ceux qui t'aident dans tes recherches, d'accord ?

Takano

— Un vin des grandes occasions ?

Ooh, Maître, mais quel crû hors de prix avez-vous encore déniché ?

Koizumi

— Non, c'est pas un vin cher.

Tu t'en souviens peut-être pas,

mais Takano avait une bouteille à laquelle il tenait tout particulièrement.

Miyo Takano retint son souffle.

Oui, bien sûr, son grand-père avait eu une bouteille, un vieux millésime auquel il accordait beaucoup d'importance...

Elle ne savait pas s'il avait acheté cette bouteille ou si l'on la lui avait offerte,

mais il la gardait pour le jour où ses recherches seraient reconnues par l'Académie des Sciences...

Elle avait été jeune à l'époque, elle ne savait pas de quel vin il s'agissait, mais bien sûr, l'ex-colonel Koizumi devait forcément en avoir entendu parler...

Miyo Takano pensa au geste, à ce cadeau auquel le vieillard avait dû beaucoup réfléchir. Ce vin avait une connotation particulière, c'était un vin de son grand-père, et c'était pour une grande occasion.

Miyo Takano eut l'impression de ressentir à nouveau la chaleur et la tendresse dans laquelle elle avait vécu à l'époque.

Takano

— Merci beaucoup, vraiment...

Pépé...

Koizumi

— Aaaaaah,

ouh là là, ooh, ça, ça fait du bien à entendre.

Tu m'appelles tout le temps Maître, mais ça me fait toujours un peu bizarre !

Ahahahahaha !

Miyo eut un rire gêné.

C'était un peu comme entre Irie et Tomitake, en fin de compte.

Takano

— Mais si vous préférez que je vous appelle tout le temps comme ça, je peux le faire en public aussi, alors ?

Hmpfhfhfhfh !

Koizumi

— Hmmmm, oui, pourquoi pas, je crois que ça me ferait très plaisir !

Ahahahahaha !

Quel âge pouvait-il bien avoir ?

Peu importait. Il était encore alerte, plein de vie, il riait encore de bon cœur. La Faucheuse n'irait pas le chercher tout de suite...

Il y avait un proverbe avec ceux qui vivaient le plus longtemps, mais Miyo ne savait plus exactement lequel.

Koizumi

— Je suis sûr que ce sacré Hifumi rêvait que tu étais sa vraie petite-fille.

Moi aussi, j'en rêve parfois, tu sais...

... Grand-père avait eu de la famille.

Mais il avait vécu séparé de sa femme et de ses enfants, à cause de ses recherches. Il avait simplement oublié de divorcer.

D'ailleurs, je n'ai jamais rencontré sa famille étant plus jeune.

Seulement après son suicide.

Grand-père avait porté un regard très sévère sur sa vie pendant les derniers mois de son existence.

Il avait été choqué de voir qu'il devenait sénile. Il avait peur de devenir un légume humain.

C'est pourquoi il avait fait son choix. Il avait sauté depuis le toit de l'hôpital.

Le seul nom sur son testament, c'était le mien.

Il n'avait pas mentionné une seule fois sa véritable famille civile.

Ils étaient apparus un jour, tous ensemble, et ils avaient tout pris.

Ils ne supportaient pas l'idée que je pusse avoir hérité de tout ce qu'il possédait.

Ils avaient l'air de gens idiots prêts à se ruiner en frais d'avocat pour me laisser à la rue, alors j'avais refusé de moi-même toute prétention à une part d'héritage.

En échange, je leur avais demandé de me laisser reprendre les livres et les bocaux dans son étude et sa bibliothèque.

Heureusement qu'ils étaient stupides et qu'ils n'y avaient décelé aucune valeur.

Ils avaient été très contents d'être débarrassés de tous ces papiers et ces trucs de formol, d'ailleurs. Ils m'avaient même aidée à tout transporter...

Quand je pense à ces hyènes qui étaient simplement venus encaisser l'héritage, après avoir ignoré cet homme pendant des dizaines d'années ! J'ai bien fait de leur reprendre toutes les pièces de ses recherches. Ils n'en méritaient pas la moindre feuille.

L'âme de grand-père est certainement restée avec tous les documents liés aux recherches. Ils n'ont pas réussi à la souiller, c'est déjà ça...

Koizumi

— Bon, ben écoute Miyo,

je ne veux pas te retenir trop longtemps, alors je raccroche.

Si jamais tu as un problème, viens m'en parler.

Tu es un peu ma petite-fille préférée, alors si c'est pour toi, je suis prêt à tout !

Takano

— Merci, Pépé, c'est très gentil à toi.

Je vais continuer dans cette voie, et tu verras, je ferai encore mieux.