Rika avait de la fièvre.

Une très forte fièvre.

Et ce n'était pas la saison de la grippe, ni rien.

Je savais que récemment, ils avaient fait une expérience sur elle.

C'était sûrement ça.

Rika était un peu en retard sur les autres filles de son âge.

J'imaginais que les injections et les tests médicaux qu'elle subissait toutes les semaines étaient épuisantes pour son corps. Tellement qu'il en oubliait de grandir.

Je lui disais assez souvent de mettre un peu un frein à tout ça, mais elle n'avait peur de rien, cette gamine, elle acceptait chaque nouvelle opération sans sourciller.

Quant à mon mari, il avait apparemment gobé leurs histoires. Au lieu de la gronder, il m'expliquait toujours que c'était important pour le village et il l'emmenait là-bas de lui-même...

J'étais la seule à me soucier de la santé de Rika.

Je devais absolument en parler au Docteur Irie, il devait baisser le rythme.

Il va m'entendre... Je suis curieuse de voir ce qu'ils comptent faire.

À peine avais-je posé le téléphone pour les prévenir de son accès de fièvre que l'ambulance de la clinique était en bas du sanctuaire. Ils voulaient l'emmener immédiatement à l'hôpital.

Je montai avec eux, bien évidemment.

Irie

— Ne paniquez pas, Madame,

je vais la sauver, je vous demande juste un peu de patience.

Maman de Rika

— Vous en avez de bonnes, vous, “ne paniquez pas !”

Maman de Rika

Non mais vous vous rendez compte ? De la fièvre en cette saison ? Mais c'est n'importe quoi !

Maman de Rika

C'est la faute à votre truc de la semaine d'avant, ça, hein ?

Maman de Rika

N'oubliez pas une chose, Docteur, Rika n'est qu'une enfant !

Maman de Rika

C'est pour le bien de sa meilleure amie qu'ell--

Irie

— Je sais, Madame, je sais.

Irie

Mais nos recherches ne peuvent pas avoir une telle influence néfaste sur elle, nous ne pouvons pas nous le permettre ! Nous prenons toutes les mesures nécessaires pour qu'il ne lui arrive jamais rien !

Maman de Rika

— Alors quoi, cette fièvre, je l'ai inventée, peut-être ? Regardez-la !

Irie

— C'est probablement simplement le changement de saison, je v--

Maman de Rika

— Mais vous vous foutez de moi ou quoi ?!

C'est à cause de vos produits bizarres que vous lui injectez, pas besoin d'être une lumière pour s'en rendre compte !

Il n'avait apparemment pas l'air de vouloir reconnaître sa responsabilité là-dedans...

J'avais gardé mes remarques et mes doutes pour moi puisque mon mari pensait que c'était si important pour le village,

mais pour être honnête, ma patience était à bout.

De toute façon, ils étaient déjà louches, depuis le départ.

Des recherches tenues secrètes pour respecter le droit à la vie privée des habitants ?

Comme si l'État en avait quelque chose à foutre.

Comme si nous, nous en avions quelque chose à foutre !

Et puis d'abord, quand j'ai appelé le ministère de la santé, on m'a bien dit qu'ils ne voyaient pas de quoi je voulais parler.

Même quand je leur ai précisé que j'étais la mère de Rika Furude.

Alors bien sûr, ils m'ont dit que oui, forcément, tous les employés au ministère de la santé n'étaient pas au courant de leur existence.

Mais ils n'en étaient pas moins bizarres.

Et franchement dit, j'avais de plus en plus de soupçons sur eux.

En plus, il y a parmi leurs employés des gens qui n'ont rien à voir avec la recherche.

Au début, je croyais qu'ils avaient des vigiles pour monter la garde, mais les leurs n'ont rien en commun avec les vigiles des autres hôpitaux.

Je les ai bien observés, et je sais, pour l'avoir vu,

qu'ils étaient armés de pistolets.

Irie

— ... Eh bien... C'est parce que...

Maman de Rika

— Alors quoi, ce sont des policiers, c'est ça ?

Parce que laissez-moi vous dire qu'ils ne leur ressemblent pas !

Vous êtes qui, au juste ?

Vous ne faites pas partie du ministère de la santé, ça, c'est certain !

Le Docteur n'osait plus la ramener et ne savait visiblement pas comment me répondre...

J'était certaine qu'ils nous cachaient encore quelque chose.

Et c'était pour ça que je savais que les recherches qu'ils menaient sur Rika n'étaient pas normales.

Maman de Rika

— Écoutez-moi bien, Docteur, je suis la mère de Rika

Maman de Rika

et j'ai autorité sur elle !

Maman de Rika

Je me moque de savoir ce qu'elle vous a répondu pour vos expériences, je ne la laisserai plus jamais venir ici, c'est bien compris ?!

Takano

— Tiens donc ?

Mais c'est Madame Furude !

Bonjour.

... ... Un problème ?

Irie

— Euh.... Comment dire.

Madame disait qu'elle ne voulait plus voir sa fille participer à nos recherches...

Takano

— ... Ah oui ? Mais pourquoi donc ?

Maman de Rika

— Parce que ma fille n'est PAS UN COBAYE !

Takano

— ... Croyez-moi, nous ne l'avons encore jamais traitée comme telle, Madame.

Vous vous méprenez.

Je restai interdite.

Le Docteur Irie était quelqu'un d'influençable, un peu plus peureux, peut-être.

Mais cette Madame Takano n'avait pas l'air de ciller, alors que je venais de lui crier dessus.

Au contraire même, je sentais dans son regard une lueur menaçante, elle était prête à me bondir dessus...

Takano

— Rika a de la fièvre parce qu'elle a attrapé froid.

Cela ne peut pas venir de chez nous,

nous suivons les règles d'hygiène préconisées dans les laboratoires derniers cris.

Takano

Je m'excuse d'avoir à vous le dire, mais vous avez bien plus de chances de passer des microbes à votre enfant rien qu'en lui tenant la main, vous savez.

Maman de Rika

— ... Là n'est pas la question, Madame !

Rika n'est pas un jouet !

Et elle ne remettra plus jamais les pieds ici !

Takano

— Vous ne pouvez pas décider ça sur un simple coup de tête, Madame, vous n'avez pas votre mot à dire !

Vous avez signé des contrats avec nous, vous vous souvenez ?

Takano

Et je vous signale que nous versons tous les mois une somme plutôt rondelette en échange de votre coopération !

Maman de Rika

— Comment ? Mais quel argent ?

Je n'ai jamais entendu parler de ça ! Ah mais je vous assure ! Sur quel compte ?

C'était la première fois que j'entendais dire que Rika recevait de l'argent en échange de sa coopération...

Je connaissais mon mari, il n'était pas du genre à avoir un compte caché ailleurs.

J'étais prête à parier qu'il n'avait jamais compté dessus et qu'il ne regardait même pas si les sommes arrivaient.

Je n'ai jamais rien vu sur nos relevés du compte courant, donc ça venait sûrement sur notre compte épargne...

Mais ce n'était qu'un détail, l'important, c'était que je n'étais pas au courant !

Takano

— Je vous rappelle que si vous manquez sciemment à votre part du contrat, vous serez obligés de nous rendre l'intégralité des sommes versées !

Takano

Il y a encore d'autres clauses qui disent que si nous constations des comportements contraires à ce qu'il était prévu, n--

Irie

— Enfin, Madame Takano,

Irie

calmez-vous !

Irie

Et vous aussi, Madame, je vous en prie, voyons !

Irie

Comme je vous l'ai déjà expliqué par le passé, nous devons absolument pouvoir guérir les malades du syndrome de Hinamizawa, sinon, les habitants ne pourront jamais vivre avec l'esprit tranquille !

Irie

Et pour ce faire, nous avons absolument besoin de l'aide de votre fille.

Maman de Rika

— Soit, mais alors vous le faites quand, ce médicament, hein ?

Et puis d'abord, vous ne trouvez pas ça bizarre, vous ?

Maman de Rika

Ma fille faisait ça pour sauver Satoko, mais Satoko, elle est sortie de l'hôpital, et elle m'a l'air en forme !

Maman de Rika

D'ailleurs, vous avez vous-même dit à mon mari il y a deux semaines que vous aviez une perspective sur sa rémission, n'est-ce pas ?

Irie

— Oui, oui, c'est vrai,

j'ai dit que nous pouvions enfin avoir une perspective d'avenir sur sa santé.

Mais si nous voulons découvrir tous les tenants et les aboutissants de la maladie, nous devons...

Maman de Rika

— Je me MOQUE de vos tenants et aboutissants, il n'en a jamais été question !

Rika devait vous aider pour trouver le moyen de guérir les habitants, point barre !

Alors maintenant, ça suffit !

Maman de Rika

Vous ne continuez avec vos produits et vos expériences que par curiosité, et non plus par nécessité ! Ce n'est pas vrai, peut-être ?

Irie

— Non, Madame, vous n'y êtes pas du tout.

Vraiment, je vous assure.

Tout ce que je peux vous promettre, c'est que la fièvre de Rika n'a rien à voir avec nous.

Et si vraiment vous ne voulez pas me croire, je peux--

Maman de Rika

— Rien du tout, j'en ai assez entendu !

Puisqu'il s'agit d'argent, je vais rentrer chez moi et nous en parlerons avec mon mari !

Je ne m'excuse pas du dérangement !

De toute manière, ils ont toujours été louches, ces gens.

Ils ont pu embobiner mon mari et ma fille, mais moi, ils ne me feront pas avaler de couleuvres.

Ils vont devoir bien se mettre dans le crâne

que ma fille n'est pas un jouet...

... Et surtout, je n'aime pas cette Miyo Takano.

Le Docteur Irie est un médecin, on le sent quand on discute avec lui, mais elle, elle n'est rien de tout cela.

Je ne sais pas trop comment l'expliquer.

Je n'aime pas la lueur dans ses yeux, en fait.

Elle ne voit Rika que comme une souris de laboratoire.

C'est en tout cas l'impression qu'elle me donne.

Et ni lui, ni Rika ne remarquent quoi que ce soit, c'est à devenir folle !

Je dois la protéger.

Je suis sa mère, je dois la protéger, à tout prix !

Irie

— ... Ça ne vous ressemble pourtant pas, Madame Takano.

Vous devriez pourtant savoir que ce n'est pas en vous disputant avec elle que la situation s'améliorera.

... Vraiment, je ne vous reconnais plus.

Takano

— ... Oui, vous avez raison, Monsieur le Directeur.

Je suis extrêmement gênée d'avoir perdu mon sang-froid. Je vous présente mes plus plates excuses.

Elle devait sûrement être déjà sur les nerfs avant de venir ici.

Ça ne lui ressemble pas de se montrer aussi émotive...