Irie

— Bonjour M. Furude, je suis désolé de vous avoir fait attendre.

Nous en avons terminé avec les derniers tests.

Je pense que votre fille sera ici d'un instant à l'autre.

Papa de Rika

— Espérons que cela ne sera pas en vain pour le village...

Irie

— Ne dites pas ça, voyons !

Irie

Sa coopération nous aidera à sauver les habitants.

Irie

D'ailleurs, c'est grâce à elle que nous avons pu enfin trouver un moyen théorique de contrer la maladie.

Irie

Nous sommes encore en train d'étudier comment certains éléments interagissent entre eux, mais croyez-moi, Rika est d'une importance capitale pour ce village.

Irie

Les malades ne peuvent normalement pas faire régresser la maladie avec leur système immunitaire,

mais nous savons qu'au contact de la Reine Mère, leur cerveau se met à produire une enzyme particulière.

Irie

Elle a un effet apaisant sur le patient, et permet en outre d'endiguer la progression de la maladie et, avec le temps, de l'atténuer.

Irie

Lorsque nous réussirons à produire cette substance en laboratoire pour la prescrire aux patients, nous ne serons alors plus très loin de la solution.

Papa de Rika

— Ah, vraiment ?

Rika est capable de faire tout ça ?

Takano

— Hmpfhfhfhf.

Takano

J'aurais pourtant pensé que vous, le prêtre du village, ne vous en étonneriez pas outre mesure.

Takano

Les légendes racontent depuis longtemps que la prêtresse des Furude peut calmer les esprits rageurs et appaiser les démons.

Takano

L'Histoire en a déjà apporté la preuve au village, à travers les siècles. Pour le coup, c'est la Science qui ne vous est d'aucune utilité...

Irie

— Vous avez peut-être raison, oui.

Les Anciens avaient une intuition et une sagesse qui laissent parfois pantois même les plus grands chercheurs de la médecine moderne...

Rika

— ... Miaou☆!

J'en ai terminé avec les analyses.

Papa de Rika

— Ah, Rika ? Bravo, tu as été très courageuse.

Je suppose que tu es fatiguée ?

Tiens, prends ça et va t'acheter ce que tu veux au distributeur.

Rika

— Miaaaouuu ! Merci !

Ils m'ont pompé tout beaucoup de sang, je vais aller refaire le plein !

Rika reçut les pièces de 100 yens des mains de son père et détala à toute vitesse, se dirigeant vers l'imposant distributeur au bout du couloir.

Irie

— ... Vous savez, nous lui sommes extrêmement reconnaissants.

Si elle n'avait pas fait tout cela pour nous, nos recherches n'auraient jamais pu progresser d'une manière aussi spectaculaire.

Papa de Rika

— Ma fille m'a simplement demandé si sa meilleure amie était aussi touchée par cette maladie. Depuis que je lui ai dit que c'était probablement le cas, elle s'est mise en tête de faire tout le nécessaire pour la sauver, plus rien d'autre ne compte pour elle.

Papa de Rika

Docteur, Madame, j'espère que vos équipes aideront ma fille à sauver son amie.

Irie

— Bien sûr, Monsieur.

Irie

Nous ne vous aurons pas demandé en vain de nous accorder du temps tous les dimanches.

Irie

Vous verrez, nous obtiendrons des résultats.

Irie

... Je pense que Rika aura encore à supporter quelques tests assez douloureux, mais nous n'avons vraiment pas le choix. J'espère que vous pourrez l'accepter.

Takano

— Mais ne vous inquiétez pas, nous ne ferons strictement rien qui pourrait la mettre en danger.

Son corps est extrêmement important.

Après tout, elle est la réincarnation d'une déesse...

Papa de Rika

— ... Je me demande bien comment nos ancêtres ont fait pour se rendre compte de l'existence de la maladie.

Papa de Rika

Et aussi, comment ont-ils pu découvrir que la Reine Mère se transmettait dans la lignée des Furude ?

Papa de Rika

... Vraiment, plus ça va, et plus je me découvre un respect nouveau pour ces gens.

Irie

— ... Monsieur, en fait, nous avons quelque chose à vous demander.

... Nous aurions besoin de votre autorisation pour extraire un peu du liquide céphalo-rachidien de votre fille.

Irie

De plus... Il nous faudra peut-être observer son cerveau pour observer ses réactions. Pour cela, nous serons obligés de percer un trou dans sa boîte crânienne.

Papa de Rika

— Vous voulez lui faire un trou dans son crâne ?

Irie

— Évidemment, nous prendrons toutes les mesures de précaution possibles et imaginables.

Irie

Votre fille Rika est la Reine Mère, elle est unique au monde.

Irie

Nous ne pouvons nous permettre de prendre aucun risque inconsidéré. Et cette méthode est, d'après ce que nous savons, la méthode la moins contraignante et la plus sûre pour le patient.

Takano

— Ne vous inquiétez pas, nous sommes bien conscients que Rika est une jolie petite fille.

Takano

Nous ne lui raserons pas le crâne pour pratiquer la trépanation, juste une toute petite surface que nous cacherons ensuite avec ses autres cheveux.

Takano

Par contre, il nous faudra observer l'évolution de son état de santé au plus près, ce qui veut dire qu'elle devra rester à l'hôpital pendant un certain temps.

Irie

— Il va de soi que vous aurez le droit de lui rendre visite.

Irie

D'ailleurs, si vous le pouvez, venez donc lorsque nous conduirons les tests.

Irie

Je pense que Rika serait très rassurée si elle savait que son père était près d'elle dans ces moments difficiles.

Papa de Rika

— ... Est-ce que ce sont des tests absolument nécessaires ?

Et si oui, sont-ils absolument sans danger pour elle ?

Irie

— Ni l'extraction de liquide céphalo-rachidien, ni la trépanation ne sont des opérations sûres à 100%.

Il y a toujours un risque.

Irie

Et ces opérations la feront, je pense, souffrir, peut-être pas tant que cela physiquement, mais surtout moralement.

Irie

C'est effectivement une étape cruciale et absolument nécessaire pour nous, mais nous ne pouvons pas vous l'imposer sans vous demander votre avis.

Papa de Rika

— ... ... ... ...

Takano

— Nous en avons déjà parlé un peu avec votre fille, Monsieur.

Papa de Rika

— ... Qu'a-t-elle dit ?

Takano

— Elle a dit que ça ne la dérangeait pas. Elle m'a répondu comme si je l'ennuyais avec des questions dont les réponses lui paraissaient évidentes.

Hmpfhfhfhf...

Irie

— Nous lui avons bien sûr expliqué qu'elle risquait d'avoir mal et que les opérations étaient dangereuses.

Elle a dit oui, mais nous voulons être sûrs que cela ne vous pose pas de problème.

Papa de Rika

— ... Vous savez, parfois, Rika parle comme si elle pensait réellement qu'elle était la réincarnation de la déesse Yashiro.

Papa de Rika

Je pense qu'elle s'imagine qu'il est de son devoir de sacrifier sa vie pour les habitants du village.

Irie

— ... C'est un dévouement bien rare chez un enfant de son âge. Vous pouvez être très fier d'elle, je vous assure.

Papa de Rika

— Laissez-moi en parler à ma femme.

Je pense qu'elle acceptera, mais bon, ce n'est pas rien non plus, je préfère la mettre au courant et lui demander son avis.

Irie

— Oui, bien sûr.

Nous n'oserions pas entamer cette procédure sans obtenir l'autorisation de toute la famille.

Papa de Rika

— Ces observations directes dans son cerveau, elles sont nécessaires pour éradiquer la maladie ?

Irie

— Oui.

Elles nous permettront d'en avoir le cœur net. Ce n'est qu'à la lumière de ces observations que nous pourrons identifier et expliquer les mécanismes du syndrome de Hinamizawa.

Takano

— Ou en tout cas, de savoir exactement dans quelle direction chercher la solution.

Irie

— ... Je vous l'ai déjà dit tout à l'heure, mais j'insiste : si jamais il arrivait malheur à la Reine Mère, c'est toute la population infectée par la maladie qui risque de mourir.

Irie

Pour faire simple, tous les habitants du village risquent de montrer des symptômes de la phase terminale.

Takano

— En effet.

Takano

D'après les observations faites pendant la guerre, la crise aiguë survient dans les 48h. On pense donc que si la Reine Mère devait mourir, les habitants pourraient connaître le même sort dans les 48h.

Takano

C'est une situation que nous devons éviter coûte que coûte.

Papa de Rika

— ... Mais c'est terrible, ce que vous me dites là... La mort de ma fille pourrait déclencher une chose pareille ?

Irie

— Oui, c'est vrai.

Irie

Et il est de notre devoir d'empêcher cette situation de se présenter, quel qu'en soit le prix.

Irie

C'est un peu énervant de se dire que nous devons la mettre en danger pour justement éloigner le danger de la maladie,

mais on n'éteint pas un feu sans se rendre sur les lieux de l'incendie.

Papa de Rika

— ... Docteur.

Est-ce que vous pouvez me promettre que ça va marcher ?

Takano

— Monsieur, il n'existe pas de certit--

Irie

— Je vous le promets.

Coupant la parole à Mme Takano, le Docteur Irie acquiesça d'un air grave et solennel.

Irie

— Je vous jure sur ma vie et mon honneur

que je sauverai votre fille

et que je sauverai ce village.

À n'importe quel prix.

Papa de Rika

— ... Très bien.

Laissez-moi quelques jours, le temps d'en parler à ma femme.

Je reviendrai vous voir pour vous transmettre notre décision.

Irie

— Oui, je comprends.

Eh bien en ce cas, à la prochaine, Monsieur.

Takano

— Hmpfhfhfhfhf…

Ahahahahahaha !

À peine Rika et son père étaient-ils partis que Mme Takano eut un éclat de rire incontrôlable.

Irie

— Eh bien quoi ?

Qu'y a-t-il de si drôle ?

Takano

— Ahaha, aaaah...

Non, rien.

Je trouvais juste amusant de vous voir leur demander l'autorisation pour les analyses avec autant d'honnêteté.

Irie

— Vous savez, la petite Rika n'a pas spécialement besoin de subir autant de tests et d'endurer toutes ces souffrances.

Irie

J'ai simplement pensé que la moindre des politesses, c'était de leur demander leur avis.

Irie

Si l'homme de l'année dernière n'avait pas déjà été victime de troubles mentaux graves, je lui aurais aussi demandé son autorisation.

Takano

— Monsieur le Directeur, on dirait que depuis le début des recherches, vous vous sentez coupable. Mais coupable de quoi ?

Irie

— ... ... Où voulez-vous en venir au juste ?

Cette fois-ci, Mme Takano en avait trop dit ou pas assez. Son attitude commençant à devenir particulièrement dérangeante, Irie décida qu'il était temps de tirer les choses au clair.

Takano

— Les recherches sur le syndrome de Hinamizawa ne peuvent progresser que par l'étude et la dissection de sujets vivants.

Takano

Vous en avez eu la preuve incontestable cette année, et pourtant, vous continuez à vous comporter comme si c'était un crime.

Irie

— … C'est nécessaire.

Tout simplement parce que tuer des gens ou les disséquer vivants EST un crime, Mme Takano.

Irie

Ce n'est qu'en reconnaissant notre culpabilité et en faisant montre de repentir pour que ces morts ne soient pas en vain que nous pourrons trouver la motivation de poursuivre les recherches en nous y investissant au maximum.

Takano

— Ooh, mais c'est qu'en plus, vous montez sur vos grands chevaux ?

Takano

Hmpfhfhfhf...

Takano

Eh bien alors, j'ai une question pour vous, Monsieur le Directeur.

Takano

Vous pouvez me dire combien vous avez demandé d'autorisations quand vous pratiquiez la psychochirurgie ?

Irie

— ... ... ... ... Euh...

Cela faisait partie de ces choses du passé qu'Irie pensait secrètes.

Takano

— Combien de cerveaux avez-vous donc amputés sans autorisation lorsque vous vouliez prouver que tous les comportements criminels de l'être humain trouvaient leur source dans la maladie physique de l'organe du cerveau ? Vous voulez que je vous rafraîchisse la mémoire, peut-être ?

Takano

Hmpfhfhfhf...

Irie

— ... Vous faites erreur, Madame.

Takano

— Oui, oui, je sais, les temps changent, avant, c'était normal, et cætera.

Takano

Et puis, à l'époque, les médecins ne perdaient pas leur temps à expliquer les opérations et les actes chirurgicaux à leurs patients, alors des autorisations, vous pensez bien que c'était le dernier de leurs soucis.

Takano

Vous ne devriez pas vous tourmenter, Monsieur le Directeur.

Takano

C'était autorisé, avant.

Alors laissons ces vieilles histoires derrière nous.

Hmpfhfhfhf...

Mais justement, vous vous en voulez terriblement, c'est pour ça que vous voulez leurs autorisations...

Irie

— Non, Madame.

Pour le patient, il y a une différence entre la guérison et la dissection, e--

Takano

— Bon écoute, gamin, y en a marre, maintenant.

Takano

Tout ce que tu veux, c'est un petit papier qui fera que l'on ne pourra pas te jeter en prison, c'est tout.

Takano

C'est pas vrai, peut-être ?

Takano

Tout ce que tu veux, c'est te dédouaner de ton passé.

Takano

Si vraiment tu regrettes ce que tu faisais avant, alors arrête de travailler dans ce domaine.

Au lieu de ça, tu restes là à geindre et à te lamenter, mais tu n'en fais pas plus pour autant.

Takano

Si vraiment tu ne peux pas vivre avec ta conscience, la porte est grande ouverte, tu n'as qu'à démissionner, garçon !

Alors, c'est pas vrai ?

Irie

— ... Cela suffira ainsi, Madame.

Je ne vous félicite pas.

Takano

— Non, tu vas rester ici et tu vas m'écouter.

La Médecine ne progresse qu'en se battant avec les principes moraux et les valeurs en place.

Takano

Lorsque le Professeur Takano a découvert le syndrome de Hinamizawa, les grands décideurs de l'Académie des Sciences lui ont ri au nez, en basant leur jugement sur leur propre ignorance crasse !

Takano

Mais il n'a jamais abandonné les recherches, jusqu'au jour où la maladie l'a cloué sur son lit de mort.

Takano

Il a toujours cru qu'un jour, les scientifiques reconnaîtraient son travail,

Takano

fût-ce après sa mort !

Takano

C'est cette foi inébranlable en ses propres convictions qui mène à la réussite.

Takano

Sans elle, le Professeur Takano aurait abandonné.

Takano

Ce n'est que par la force de la volonté que l'on peut mener à bien des recherches.

Takano

Et seule une volonté et une détermination sans faille peuvent donner des résultats !

Takano

Mais toi, tu n'as pas cette flamme.

Takano

Tu n'es même pas fichu de savoir si tu dois être fier ou honteux de tout ce que tu as réussi dans ta vie !

Takano

Tu es un peureux, un éternel indécis ! C'est à se demander comment tu es atterri à ce poste.

Takano

Tu aurais pourtant dû savoir que tes mains étaient déjà pleines du sang des innocents, et qu'il te faudrait encore plus de sang pour arriver au bout de ces recherches !

Irie

— ... ... ... Je ne sais pas quoi vous dire.

Je ne nierai pas que je suis peut-être un peu trop indécis.

Takano

— Eh bien alors, si tu démissionnais ?

Tu devras garder le silence toute ta vie, mais au moins, tu auras ta conscience pour toi.

Takano

Ce n'est pas moi que ça va déranger, tu n'étais qu'un pion que notre client voulait absolument placer.

Maintenant que l'Institut existe, je n'ai plus besoin de toi, dans l'absolu.

Takano

Alors si en plus tes atermoiements viennent m'empêcher de faire mon travail, je peux t'assurer que tu ne resteras pas longtemps ici, je n'ai pas besoin d'un incapable sur les bras !

Takano

Je continuerai les recherches toute seule, s'il le faut.

Takano

Je me contrefous des principes moraux.

Takano

Seule une détermination puissante peut assembler les fragments du futur.

Takano

J'ai fait le vœu de mener ces recherches à bien, tout comme l'a fait le Professeur Takano autrefois. Notre vœu est noble et puissant, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, même toute seule, pour que ce vœu devienne réalité !

Irie

— ... ... Votre détermination vous honore, Mme Takano.

Irie

Mais moi aussi, j'ai une volonté. Peut-être pas autant que vous, mais je ne suis pas venu ici les mains dans les poches.

Irie

Oui, vous avez raison, j'ai du sang innocent sur les mains.

Irie

Encore plus depuis que je suis arrivé en poste à Hinamizawa.

Irie

C'est pourquoi je ne me permettrai jamais de fuir avant d'être allé au bout de ces recherches.

Irie

Et je suis sûr que je me sentirai toujours coupable.

Irie

Mais je ne fuirai pas.

Irie

Je mettrai un médicament au point pour traiter les victimes du syndrome de Hinamizawa.

C'est la seule manière de faire honneur aux personnes qui ont

et qui auront donné leur vie.

Kyôsuke était comme transformé. Il avait désormais un air décidé et sûr de lui.

Il n'y avait plus la moindre trace de la gêne qu'il avait ressentie lorsque Miyo Takano l'avait mis devant son passé.

Après l'avoir regardée pendant plusieurs secondes dans le blanc des yeux, Irie tourna les talons.

Irie

— ... Nous obtiendrons très probablement l'autorisation des parents de Rika Furude.

Voyez avec nos équipes pour préparer le nécessaire.

Takano

— Oui, bien sûr...

Monsieur le Directeur.

La semaine suivante, les Furude revinrent avec l'autorisation dûment signée.