C'était un jour ensoleillé où les parents avaient été invités à l'école.
Il y avait un cour de cuisine le matin, et ma fille a commencé à faire un curry.
Par rapport aux autres enfants de son âge, elle savait vraiment très bien manier le couteau.
La maîtresse m'a prise à part et m'a félicitée pour les dons de ma fille.
Je lui ai sourit et j'ai pu noyer le poisson, mais la peur s'est installée en moi.
... Je n'ai jamais cuisiné avec ma fille.
Et pourtant, elle a su peler les carottes, éplucher les pommes de terre, découper les légumes, et les a mis à cuire dans le bon ordre de cuisson.
Normalement, j'aurais dû me réjouir de la voir aussi talentueuse.
Mais je ne pouvais pas.
Cette manière de préparer le riz au curry, ce n'est pas la mienne. Elle l'a apprise ailleurs.
Je ne l'ai pas dit, mais cela m'a mise en colère.
J'ai posé quelques questions autour de moi : ma fille sait paraît-il très bien coudre, et elle sait aussi faire la lessive.
Je ne lui ai jamais appris à faire ces choses -- d'ailleurs, à la maison, elle ne m'aide jamais.
Que ce soit pour l'une ou l'autre chose.
Elle a forcément tout appris grâce aux vieilles personnes du village.
Elles lui ont aussi monté la tête, elle va finir par vraiment croire qu'elle est la réincarnation de la déesse du village...
J'en ai parlé à mon mari et lui ai dit qu'il fallait absolument l'éloigner des plus âgés.
Mais évidemment, les personnes âgées sont aussi un peu notre fond de commerce, donc mon mari ne peut pas trop se plaindre.
Il est resté très conciliateur, arguant du fait qu'ils ne lui faisaient aucun mal.
Oh, j'ai protesté.
Elle est notre enfant, c'est une fille comme toutes les autres, elle devrait l'être, en tout cas.
Ce n'est pas une déesse, n'en déplaise aux autres habitants.
Eux sont persuadés qu'elle sait lire dans l'avenir.
Ils disent qu'elle sait toujours quel temps il fera, mais je l'ai déjà vue partir sans parapluie et revenir trempée jusqu'aux os des tas de fois.
Ils disent qu'elle sait ce qu'il se passe ailleurs, mais je sais que c'est simplement parce qu'elle regarde souvent les informations.
Ils disent qu'elle sait des choses qu'elle ne devrait pas savoir, mais en même temps, eux-mêmes lui inculquent des choses qu'elle ne devrait pas savoir.
Et pourtant... je dois avouer que l'une ou l'autre fois, il lui est arrivé de s'aggripper à son parapluie et de refuser de le lâcher, et sur le chemin du retour, nous avions été bien contents.
La météo n'avait rien vu venir.
Il lui est aussi arrivé de parler d'événements à l'étranger une semaine avant que les journaux n'en parlent.
Je suis sûre qu'elle écoute la radio en cachette.
Quant aux choses qu'elle ne devrait pas savoir…
eh bien…
elle en fait la démonstration, ici-même.
Elle cuisine du riz au curry, alors que personne ne le lui a jamais appris.
Non, non non non... C'est impossible.
Quelqu'un a forcément dû le lui enseigner.
Quelqu'un lui apprend des choses dans mon dos.
— Oh, Furude, ton riz au curry est superbe.
Je vais te mettre une fleur sur ton bulletin, c'est la note maximale, tu sais ?
— Nipah☆
— Où as-tu appris à tout faire si bien ?
À la maison, avec ta maman ?
— ... Disons,
à la maison, en effet.
Les autres parents d'élèves étaient impressionnés.
C'est pas vrai, elle ment !
Je ne lui ai jamais rien appris !
Qui a pu faire ça, mais qui lui apprend toutes ces choses ?!
Elle n'est pas la réincarnation de la déesse Yashiro !
C'est ma fille ! Elle est normale ! C'est simplement ma petite fille...