Je n'arrive pas à aimer ma fille.

Maintenant que je l'ai écrit, j'arrive un peu mieux à m'en rendre compte.

Je sais qu'un enfant n'est pas une poupée, même sans lire de livre sur l'éducation.

Si je ne suis pas capable d'aimer mon enfant parce qu'elle ne m'obéit pas au doigt et à l'œil, je ne mérite même pas sa garde.

Mais ce n'est pas ça, le problème.

Comment dire...

Je ne sais pas trop comment le décrire.

Je ne lui demande que des choses moyennes et banales.

Tant qu'elle n'est pas loin derrière les autres, je ne lui demande pas de faire d'effort particulier pour s'améliorer.

Qu'elle se comporte comme les enfants de son âge, je ne lui en demande pas plus.

Mais pourtant, depuis la maternelle, ma fille est différente.

Alors que tous les autres enfants sont surexcités à l'idée d'aller faire une excursion avec l'école le lendemain, elle reste là, comme si ça l'ennuyait au plus haut point.

Quand les autres enfants cassent un objet sans le faire exprès, on les voit s'excuser encore et encore, mais pas elle.

Lorsque la maîtresse lisait une histoire passionnante, elle restait de marbre.

Lorsque le repas de midi était bon, elle était la seule à ne pas s'en réjouir.

... Si ce n'était que cela, à la rigueur, je pourrais encore essayer de la comprendre.

Mais je n'y arrive pas, parce que parfois, dans la même situation, elle se comporte tout à fait normalement.

Je n'arrive pas à comprendre les valeurs de ma fille.

Pourquoi se réjouit-elle pour une sortie et pas pour une autre ?

Pourquoi certains livres l'intéressent et pas les autres ?

Pourquoi ne dit-elle rien pour un repas et pourquoi fait-elle la fête pour d'autres ?

J'ai vu les deux cas, mais je n'ai pu y déceler aucune différence.

Parfois même, celui qui était moins bien lui paraissait bien mieux.

Je n'arrive pas à comprendre sa sensibilité.

Quand j'en ai parlé avec l'assistante maternelle, elle m'a révélé avoir le même sentiment de malaise.

Tout comme moi, elle n'arrivait pas à la comprendre. Nous sommes restées un moment toutes les deux têtes baissées.

Mon mari ne s'en fait pas, il me dit que les enfants ne réagissent pas comme nous et qu'un jour, ça lui passera.

... Il ne sait vraiment pas reconnaître le danger.

Un jour, j'étais de très bonne humeur.

Je me suis dit que j'allais lui faire une surprise et j'ai préparé un menu très spécial.

Mais elle m'a fait un petit sourire, comme si je lui faisais pitié.

Je me suis vraiment énervée et je l'ai frappée.

Une autre fois, il faisait si beau.

J'avais à peine étendu le linge dehors que de grosses bourrasques de vent avaient emporté ma perche à linge.

Elle m'a regardé et s'est mise à rire comme une folle en me voyant courir dans tous les sens pour ramasser le linge.

Ce jour-là aussi, je lui ai mis une gifle.

C'est arrivé très souvent.

Et puis un jour, elle a cessé de me montrer le moindre intérêt.

Je m'en suis voulue, je me suis considérée comme une mauvaise mère.

Je me suis jurée de reprendre le contact avec elle et de réapprendre à communiquer avec elle.

Je l'ai vue dans notre jardin, très occupée à bricoler, alors je lui ai parlé.

Maman de Rika

— Il fait très beau depuis quelques jours, c'est agréable, hein ?

Rika

— ... ...

Elle m'a regardé avec cet air si horripilant, puis a rebaissé les yeux pour s'affairer sur ce qu'elle faisait.

Normalement, je lui aurais déjà mis une gifle rien que là,

mais je décidai de me retenir et de faire un effort.

Maman de Rika

— Et donc, qu'est-ce que tu fais ?

Une poupée ?

Rika

— ... Une marionnette pour le temps.

Elle avait pour cela utilisé les publicités dans le journal.

La météo n'annonçait pas de pluie.

Je supposai donc qu'elle voulait, à sa manière, souhaiter que le beau temps continue pour un moment.

Ayant enfin compris ce qu'elle faisait, je me suis sentie beaucoup mieux.

Je lui ai rapporté du fil et je l'ai fait pendre du plafond. Il était vraiment très réussi.

Maman de Rika

— Ahahahaha,

voyons Rika,

tu lui as fait une trop grosse tête !

Regarde, il penche à l'envers !

Il va attirer le mauvais temps !

Alors que j'allais le redécrocher, elle tira sur ma manche.

Rika

— ... Je l'ai fait pour qu'il pende à l'envers, c'est juste comme ça.

Maman de Rika

— ... Mais Rika,

si tu le laisses comme ça, il n'attirera pas le soleil ?

Rika

— Justement, je veux qu'il pleuve.

Une sensation de peur m'est remontée dans le dos à ce moment-là, mais je devais me contrôler et essayer de comprendre ma fille...

Maman de Rika

— Ah... je vois.

Tu veux un peu de pluie pour arroser les plantes du jardin ?

Et là, à nouveau, elle m'a jeté ce regard exaspéré et dégoûté que je haïssais tant...

Rika

— J'en ai marre qu'il fasse beau.

Je ne la comprends pas, pas du tout.

C'est ma fille, la chair de ma chair, et je la comprends pas...