— Aaah, va chier, merde !
Attendez !
Attends, hein, j'ai pas envie de crever, moi !
— Et moi j'ai pas envie de te saigner non plus !
Tiens-toi tranquille et tout ira bien !
— Tire pas, hein ?
Tire pas !
J'ai une femme qui m'attend,
j'ai pas envie de mourir !
— Arrête de gueuler comme un putois ou je tire !
Les mains sur la tête et à genoux, j'te tir'rai pas d'ssus !
— C'est vrai ?
Putain, t'as intérêt à dire vrai !
Tiens ta promesse, c'est une promesse, hein ?
T'as promis, alors tire pas ! Parole d'homme, hein ?
— Mais oui, putain, c'est bon !
Parole d'homme, allez !
— T'as promis, alors tire pas !
Je me mets à genoux, là, hein, OK ?
Je me baisse.
T'avise pas de tirer, merde !
Me vise pas avec ton arme !
Tu vas tirer, je parie ?
T'attends que je sois à genoux pour tirer, hein ? Hein ?
— Mais non, j'te dis !
Putain, allez, là, c'est bon,
je range mon arme, OK ?
Je vais la baisser, déjà, regarde !
Parole d'homme, c'est parole d'homme !
Et voilà !
Tu vois, j'te vise plus. Alors ? Ça te va ?
— Ouais, c'est impeccable !
— Aaah !
Aarg !
Tout s'enchaîna très vite.
L'inspecteur Ôishi avait attendu le moment précis où l'arme avait été baissée pour saisir sa chance au vol !
Il s'était tenu derrière eux depuis un moment, mais ne pouvait pas se montrer.
Ils étaient armés et me tenaient en joue.
Mais j'avais réussi à lui créer une occasion !
L'inspecteur avait fait une clef de bras sur l'homme qui me visait.
Il lui avait piqué son arme en une fraction de seconde !
Quant à l'autre, il avait mis un court instant à comprendre ce qu'il se passait, mais ne pouvait pas se résoudre à tirer dans le tas, car l'inspecteur se bagarrait furieusement contre son complice !
Si Ôishi s'était jeté sur l'autre, le complice aurait tiré immédiatement, sans hésiter.
Mais lui ne tirait pas.
Il ne pouvait pas tirer !
L'inspecteur envoya le complice rouler avec un grand coup de pied, puis il les tint en joue, une arme dans chaque main.
Ils étaient fait comme des rats !
— Et un petit coup du berger ! Échec !
Je dirais même plus, “Échec et mat” !
Mais alors, les deux hommes se regardèrent et prirent leurs jambes à leur cou, sans même chercher à comprendre.
Je restai comme deux ronds de flan.
Je n'aurais jamais pensé les voir tourner les talons et partir à tout blinde.
L'inspecteur fit claquer sa langue, clairement exaspéré, puis il rangea les deux armes.
— Petits saligauds,
ils sont pas stupides non plus...
— ... ?
Pourquoi ?
— Aucun policier n'oserait tirer sur un malfaiteur qui lui tourne le dos, voyons.
En tout cas moi, je tiens trop à ma retraite, et c'est dans pas longtemps...
Il me fit un grand sourire complice.
— Alors, c'est toi, Toshiki Inugai ?
Le petit-fils du ministre du développement urbain ?
— Euh... Oui, c'est bien moi !
— Eh ben, ça promet de faire une sacrée histoire.
Enfin, je suppose qu'on n'arrivera pas à grand'chose...
Éhhéhhéhhé !
Il riait, mais le cœur n'y était pas.
Il était clair que l'association (et le clan des Sonozaki) était derrière tous ces événements, mais il ne serait certainement pas possible d'obtenir quoi que ce soit avec l'enquête.
Surtout que la DST va probablement vouloir étouffer l'affaire.
Après tout, c'est la vie politique du pays qui est en jeu.
La centrale de la DST va certainement pas ordonner de faire une enquête publique pour connaître le fin mot de l'histoire.
Pour parler plus directement, ils vont tout museler et le public n'en saura jamais rien.
Et je suppose que l'inspecteur avait suffisamment de carrière et de galon pour en être parfaitement conscient.
— Enfin, tant que ça permet de tirer la sonnette d'alarme.
Ils sont armés, après tout.
Bon, il va falloir escorter le gamin et vous ramener à l'hôpital.
La crise passée, la douleur revint en force assaillir mes sens.
Mon front aussi se réveillait, j'avais l'impression d'avoir la tête en feu.
Je m'essuyai la sueur du front et dus constater que ce n'était pas de la sueur, mais du sang.
D'ailleurs, ma chemise était toute rouge...
Je me retournai.
Le gamin était sain et sauf.
OK.
Je devrai certainement enquêter sur les idiots qui ont pris la fuite, mais ça attendra sûrement quelques jours.
Pour l'instant, tout ce que je peux dire, c'est que l'affaire de l'enlèvement est résolue.
À cette réalisation, mon corps se mit à restreindre son activité, comme un gardien de nuit qui, progressivement, éteint les lumières en faisant sa ronde.
Mes genoux plièrent sous mon poids et je touchai le sol, doux comme du duvet.
L'eau de pluie et la boue me remplirent les oreilles, mais cela ne me dérangeait pas.
Je vis l'inspecteur s'approcher de moi et me parler, mais je ne pus pas lui répondre ; tout m'était égal.
... Et alors, quelqu'un éteignit la lumière.
Je me sentis léger,
léger,
et une douceur incroyable m'enveloppa tout entier...