Kumagai

— C'est exact, l'employé de la poste ne l'a pas vue non plus.

Le cachet des Sonozaki est attaché hors de l'enceinte de la demeure, l'employé des postes peut s'en servir à sa guise. C'est un arrangement qu'ils ont pris avec leurs services.

Ôishi

— Eh ben, éhhéhhéhhé, ce n'est pas très prudent de leur part.

Mais alors, quand a-t-elle été vue pour la dernière fois ?

Kumagai

— Lors de l'ouverture officielle de la purification du coton.

Elle est rentrée aussitôt après.

Ôishi

— Oui, elle est vieille, après tout.

Il paraît qu'elle ne sort plus que pour faire quelques rares activités.

Tu as trouvé quelque chose ?

Komiyama

— Elle va tous les lundis dans la salle municipale pour apprendre à jouer de la grande cithare, mais apparemment elle n'y est pas allée ce lundi.

Ôishi

— Elle a prévenu par téléphone qu'elle n'irait pas ?

Qui a vérifié ?

Komiyama

— Personne.

Parfois, elle n'allait pas, donc personne ne s'est posé de questions, en fait.

Ôishi

— Demain, vers 10h du matin, appelle là-bas en faisant croire que tu es de l'administration.

Il faut vérifier qu'elle se trouve chez elle, bien vivante.

Kumagai

— Demain, 10h. Compris, chef !

Depuis que les incidents se profilaient comme étant en rapport avec l'histoire sanglante du village, nous avions eu ordre de garder un œil sur les trois clans fondateurs.

Avant-hier, le chef de clan des Kimiyoshi a disparu, et hier la dernière descendante des Furude.

Il n'en restait plus qu'une.

La dirigeante du clan des Sonozaki, Oryô.

Une très vieille grand-mère, d'après la rumeur.

Elle avait encore de l'autorité, mais se montrait très rarement en public.

La dernière fois qu'elle avait été vue vivante, c'était le soir de la cérémonie, et depuis, plus rien.

Elle était peut-être chez elle, ou peut-être pas.

Était-elle seulement encore vivante ?

Kumagai

— Sa petite-fille Mion a déclaré qu'elle était très malade et qu'elle restait alitée.

Ôishi

— Tu crois vraiment ?

J'aimerais bien voir sa tête et lui tâter le pouls, et ensuite seulement, je le croirai...

Kumagai

— ... J'suis bien d'accord avec vous, chef.

Nous prîmes tous deux une grande bouffée sur nos cigarettes, créant de grosses volutes de fumée grise et bleue.

Kumagai

— Chef... vos demandes de perquisition chez les Sonozaki et celle du temple des Furude,

vous croyez vraiment qu'elles aboutiront ?

Ôishi, sans répondre, fit de nouvelles volutes de fumée violette et pointa du doigt l'“écran” qu'elles faisaient et qui empêchait de voir ce qu'il se trouvait derrière...