— Eh, Mion ?
Tiens.
— Hein, quoi, qu'est-ce qu'il y a, Kei ?
Je tins la boîte à repas qu'elle m'avait donnée la veille juste devant son nez.
— C'est la boîte dans laquelle tu m'as donné le repas hier.
Je me suis régalé.
C'était super bon.
— Hein ? ... Oh ! Euh...
Mion se mit à rougir.
Ah oui, c'est vrai, officiellement, c'est “Shion” qui est venue hier.
Si elle se met à rougir même quand elle est la Mion normale, tout le monde va être au courant.
Comme je ne voulais pas la voir s'enfoncer encore plus, je décidai de jouer le jeu.
— Bon, eh ?
J'avais faim hier en rentrant de l'école.
Shion est venue tout spécialement chez moi pour m'apporter de quoi manger, tu sais.
Et c'était dans cette boîte.
Je l'ai lavée, hein, t'en fais pas !
— Ah... Aaah, d'accord, je comprends !
Elle est prévenante, c'est vrai !
On sent vraiment que c'est du pipeau.
J'ai toujours cru qu'elle savait mentir mieux que ça.
Mais je dois avouer que c'était marrant de la voir avec cette expression sur le visage, je trouvais cela étrangement mignon.
— Et, et donc ?
— Ben elle te ressemble comme deux gouttes d'eau, hein.
C'est ta sœur jumelle, non ?
Évidemment que vous vous ressemblez.
— Nan, c'est pas ce que je voulais savoir, est-ce que...
Rouge et timide, elle me regardait sans trop oser parler.
Mais qu'attendait-elle comme réponse ? Elle voulait peut-être savoir comment était le repas ?
— Ah, euh, c'était super bon, hein !
Pas de problème là-dessus.
— Oh... C'est... C'est vrai ?
— Quand il s'agit de nourriture, je ne mens jamais.
Si moi je te dis que c'était super bon, c'est que c'était super bon !
Tu peux le servir à n'importe qui, la personne va adorer !
Dis à Shion que c'était très bon.
— Ah... Aaaaah, oui bien sûr !
À Shion, oui.
Je le lui dirai !
Je crois que ça lui fera très plaisir !
Ahahahahaha !
Je vis un sourire radieux sur son visage...
Pourtant, ce n'était pas elle à qui j'avais fait un compliment.
Le bonheur était si facile à lire sur ses lèvres que son sourire menaçait de m'entraîner moi aussi à sourire.
Je me suis demandé si je ne devais pas dire quelque chose de méchant pour faire retomber l'atmosphère, mais je décidai de me taire.
Lorsqu'elle voulut ranger la boîte dans son cartable, elle entendit du bruit à l'intérieur.
— Euh, Kei ? Il y a quelque chose à l'intérieur, on dirait !
Ben...
... Ouah...
Argh, non, fallait pas l'ouvrir !
Je me dépêchai de placer mes mains sur la boîte pour cacher le contenu.
— Euh... C'est... comment dire.
Euh, c'est ma mère qui a insisté !
C'est pas moi qui ai eu l'idée, hein ! C'est ma mère qui m'a pas laissé le choix !
Que ce soit clair entre nous !
— C'est joli...
C'est quoi comme bonbons ?
Dans la boîte lavée et récurée, il y avait une poignée de dragées confises entourées d'un papier d'emballage spécial.
Ma mère m'avait vu laver la boîte dans l'évier et m'avait sorti les vers du nez sous la torture.
Elle m'avait alors dit que dans ces cas-là, par politesse, il fallait faire un cadeau.
Mais bon, j'avais pas envie de prendre la honte, j'ai pas voulu, et pourtant...
— Ouais, enfin bref.
Bah, c'est, euh... je...
J'avais tellement honte que j'ai cru que ma tête allait prendre feu.
J'aurais préféré voir Mion rigoler un bon coup en se moquant de moi, mais évidemment, aujourd'hui, exprès, elle ne savait plus quoi dire, rouge d'embarras, et regardait les bonbons, le regard perdu dans ses pensées...
— Je... Merci.
— C'est pas moi, hein !
Dis merci à ma mère !
Et puis, ils sont pas pour toi ces bonbons,
ils sont pour Shion !
— Oh... Oui c'est vrai,
tu as raison, ils sont pour Shion.
Ok…
Je le lui dirai.
Je pense qu'elle sera très contente.
Je pus lire une grande déception dans son regard, alors qu'elle fermait la boîte et la rangeait dans son sac.
En fin de compte, j'ai dû dire un truc pas très sympa quand même...
— Dites, regardez Mii, elle a le regard vague !
Vous croyez qu'il lui est arrivé quelque chose ?
Qu'est-ce que vous en pensez ?
— Elle aura attrapé froid, tout simplement, non ?
Son visage est un peu rouge, je pense qu'elle doit avoir un peu de fièvre.
Rika, ma chère,
laissez donc ma tête tranquille, enfin ?
— Un jour toi aussi tu attraperas froid.
Satoko resta un moment à regarder Rika, incrédule, puis décida d'oublier l'incident.