Satoko partit se mêler aux enfants qui jouaient dans la cour.

Comme je n'étais pas d'humeur, je décidai de rester à la maison, et lui fis signe depuis la fenêtre.

... À mon avis, elle ne rentrera pas avant le coucher du soleil.

Et si elle n'est pas là... cela veut dire que je peux passer le temps comme je l'entends.

Et ça tombe bien, parce que j'en avais justement envie.

Je plongeai la main au fond du placard, tout derrière la montagne de couettes d'hiver, et y pris l'objet de mes convoitises.

Puis j'allai prendre un verre et le remplis de glaçons.

Je n'aime pas trop nos glaçons, ils sentent toujours le chlore.

Le mieux, ce serait d'avoir de vrais glaçons comme dans le commerce, mais Satoko est toujours à me demander ce que j'en fais, alors ces derniers temps, je n'en achetais plus.

... Si je pouvais trouver une excuse pour me débarrasser de cette odeur de chlore, ça pourrait vraiment valoir le coup de se creuser la tête dessus.

Je mis de l'eau minérale dans le verre, puis ajoutai un peu du précieux liquide.

C'était très relaxant d'observer comment les deux liquides se coloraient l'un l'autre.

Apparemment, ce n'était pas la bonne manière de le boire, mais moi, j'aimais bien cette façon-là, alors vos critiques, vous pouvez vous les mettre où je pense.

Et puis, ce corps si petit était pratique -- je n'avais pas besoin de grand'chose pour être saoule.

C'est pourquoi je ne buvais qu'une petite dose, diluée dans beaucoup d'eau.

Et puis, ça me permettait de déguster une bouteille pendant très longtemps -- la situation était plutôt alléchante, somme toute.

Je plaçai un coussin sur le rebord de ma fenêtre préférée, puis, mon verre à la main, je savourai le paysage et le vent qui caressait mes cheveux.

L'arôme sucré de la maturité me picotait les narines.

... ... Bien évidemment, au moment où j'allais enfin avoir mon petit plaisir, il a fallu que l'autre vienne me casser les pieds.

Elle ne supportait pas de me voir avec cette habitude. À chaque fois que je portais un verre à mes lèvres, elle la ramenait pour me faire des remontrances.

Cette fois-ci non plus, ça n'a pas raté.

Rika

— ... Rah, mais ferme-là.

Tu peux pas te taire et supporter ? C'est mon corps, quand même, laisse-moi manger et boire ce que je veux.

???

— Non !

L'alcool, ce n'est pas pour les enfants !

Je comptai fermement ignorer ses griefs, mais elle se mit à faire un boucan pas possible.

... Comment voulez-vous apprécier un moment d'ivresse dans des conditions pareilles ?

D'un air dépité, je jetai le contenu du verre par la fenêtre.

Rika

— ... Tu veux savoir pourquoi je suis dans cet état ?

Parce que ma mort vient d'être décidée.

Enfin, elle sembla réaliser pourquoi j'avais eu tant envie de noyer mon chagrin dans l'alcool.

Rika

— Bah, c'est bon, hein, pas la peine de tirer cette tête.

De toute façon, je meurs toujours très vite, alors ça ne me fait pas spécialement peur.

Mon corps peut être coupé en morceaux et brûlé au napalm, ma mort en soi est toujours instantanée. C'était pas un trop mauvais compromis, je suppose.

???

— ... Mais alors... Encore une fois, ça n'a pas suffit.

Rika

— Non... Il faut que croire que non.

Encore une fois.

... Au fait, je meurs quand dans ce genre de cas ?

???

— ... ... Je crois que c'est le 25 juin, tard le soir, ou dans la nuit.

Rika

— Ouais, donc en gros une semaine après la fête de la purification du coton.

... Oui, ça se tient.

???

— Je suppose que... ... C'est encore une fois ma faute ?

Rika

— Ben évidemment !

Tu ferais bien de t'en souvenir, tu ne t'en rends pas compte ou quoi ?

???

— Mééeuh, mééeuh, mééeuh !

Rah, elle s'est cassée toute seule, mais évidemment, c'est sur moi que ça tombe...

Qu'est-ce qu'elle me barbe...

Rika

— Allez, va, on peut encore tenter quelque chose.

Le prochain coup de dé sera peut-être un 6, on sait jamais.

Le 25 juin...

... Il me reste plus de 10 jours.

T'inquiète pas ma cocotte, j'ai bien l'intention de me la couler douce.

De toute façon, au pire, j'ai encore du vin...