— YA-HAAaaaa !
— Mais qu'est-ce que c'est maintenant ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
Tournoyant sur elle-même comme une toupie, une silhouette s'élança dans les airs pour atterrir gracieusement près de nous.
— Maebara... Tu vas payer pour tes crimes !
Je ne te le pardonnerai jamais !
Le Chef me regardait d'un air féroce.
De la vapeur lui sortait par la bouche et les naseaux, en une respiration très irrégulière. Il avait un regard de fou furieux.
— Mais, mais qu'est-ce que j'ai fait ? J'y suis pour rien, moi, j'ai rien fait !
— AAAAAAAAAAAhhhh ! Regardez-la !
Bang !
Bang !
Bam !
Baaaam !!
À peine le Chef avait-il pointé du doigt vers le fond de la salle que plusieurs bassines lui tombèrent sur la tête, toutes les unes plus grandes que les autres, avec un wok en prime, pour faire bonne mesure.
— Las ! Je fus prise d'une juste intuition lorsque le destin dressa cet uniforme sur mon chemin. Bien m'en prit de m'y préparer comme il se devait...
— ... Il faut dire aussi que la vision d'une Satoko en soubrette, ça envoie du lourd.
— Hauuuu !
Satoko, Satokoooooo ! Mais tu es TROP MIMII dans cet uniforme !
Je te ramène à la m--
— Non, cela ne se passera pas comme ça !
C'est moi qui la ramènerai à la maison, moi, Kyôsuke Irie, et personne d'autre !
— Non, non, non, non, non☆!
Si vous tentez de m'en empêcher,
hau,
hau,
hau
hau !
On dirait pas, comme ça, mais Rena en mode mimii, c'est un monstre sanguinaire.
Tout ce qui a le malheur de se trouver dans son chemin y passe, elle éclate les rochers, rebouche les rivières, et je parie qu'elle saurait séparer les eaux si la mer se dressait devant elle !
Eh, mais !?
Incroyable, le Chef se relève ?
Mais c'est un zombie, ma parole, c'est à croire que les coups supersoniques de Rena n'ont aucun effet sur lui !
— Hahahahahaha !
C'est inutile, vous ne me faites aucun dégât !
Aïe,
ouille,
Ohpff !
Aucun, aucun, aucun, aucun !
Je me relèverai autant de fois qu'il le faudra, tant qu'une soubrette sera là, mon cosmos brûlera à l'infini !
Car c'est le rêve de tout être humain !
Eurp,
ghaa,
nnrrr !
— Je m'en moque, elle est à moi, rien qu'à moi☆!
Hauuuuuu !!
Il faudrait l'arrêter, je crois…
Le Chef a des convulsions, là...
— Je vais vous dire, c'est un peu bizarre de voir tout ça.
D'un côté, je suis très content d'avoir gagné, et de l'autre, j'ai vraiment peur en me disant qu'encore un peu et je me retrouvais avec vous. Et quand je pense à ce que je pourrais porter, ça donne vraiment pas envie de rire...
— Pour une fois, vos paroles sont sensées et je partage votre avis ! Quelle ignominie !
Je me plie au règlement car il le faut bien, mais tout de même ! Cette tenue est d'une indécence crasse !
— Oh, eh, tu peux parler, hein ! Ton uniforme est tout à fait normal par rapport au mien !
— ... Si vous croyez qu'un uniforme de soubrette est normal, vous avez un sacré problème...
— Allez, Rena, arrête de baver maintenant, assieds-toi.
Les perdants sont là pour nous servir, non ?
— Hauuu !
Ooh, ça va être dur de choisir qui ramener dans ma chambre ce soir !
Hauu, hauuu !!
— Alors, “Mademoiselle”, vous avez quelque chose à me recommander pour aujourd'hui ?
— Que diriez-vous de notre Parfait aux Fruits ?
— Nos choux à la crême sont en promotion aujourd'hui, profitez-en !
— ... Je vous apporterai autant d'eau qu'il vous faudra.
Rena avait pété un câble -- et un vaisseau sanguin, car elle saignait du nez depuis tout à l'heure.
... Heureusement qu'elle était aussi démonstrative, parce que du coup, moi, je passais pour quelqu'un de calme et de normal.
Mais moi aussi, j'étais vraiment pas loin de saigner du nez ! Heureusement que le sang affluait ailleurs... hé, hé hé hé, hé hé hé hé...
— Dis, dis, Rika, prends ma cuiller et fais-moi manger☆!
— ... ... Allez, “aaah” !
— Satoko, à toi, pareil !
Et Mion... Euh, ben, masse-moi les épaules, tiens !
— Oooooh, mais quelle insulte !
Allons,
ouvrez donc votre bec ! “Aaah” !
— Pfff,
et moi je me tape les épaules, hein ? Va chier, va !
Ça, mon p'tit gars, ça va te coûter une fortune, tu peux compter dessus...
J'entendis la foule déglutir d'un seul homme.
Ça devait être trop pour leur cerveau.
Les événements de l'Angel Mort étaient toujours spéciaux, mais là, c'était le pompon !
Nous n'étions que deux à utiliser une table de quatre places, nous étions peinards, installés comme des rois,
et nous avions trois filles en tenues affriolantes pour nous servir...
En plus, nous avions droit à des massages, à des services personnels, et même sûrement à d'autres choses encore par la suite !
Tout cela était impensable ici d'habitude.
— ... Je vois...
Ce sont donc des serveuses...
Eh bien alors, il me faut un verre d'eau !
N'y tenant plus, un client jaloux interpella Mion.
— Aah, désolé garçon, mais je bosse pas ici, moi.
S'il te faut un truc, demande à l'une des vraies serveuses du café, d'accord ?
— Co-que-QUOI ?
Vous n'êtes pas des serveuses ?
Mais alors, nous n'aurons droit à aucun traitement de faveur, nous ?
— ... Écoutez, monsieur, nous ne sommes pas employées par cet établissement, mais les dépouilles opimes de ces deux personnes.
Nous n'avons aucune raison de vous servir.
— ... Mii, Satoko et moi, nous ne sommes que le butin donné aux vainqueurs.
Miaou !
« Je ne suis pas d'accord ! »
Tous les hommes du café, et Kameda le premier, me tombèrent dessus.
— Quoi, quoi, tu protestes ? Je vois pas le mal !
— Il n'y en a que pour toi, K !
T'as pas le droit de jouer tout seul dans ce club !
Moi aussi je veux jouer !
Moi aussi !
C'est pas juste, je me plaindrai !
— Écoute, mec, c'est le jeu, hein ? Je me suis battu, c'était très dangereux, super risqué !
La récompense est en conséquence, c'est normal !
— Nous aussi, on trouve que c'est pas du jeu !
Sortis de nulle part derrière Kameda, Okamura et Tomita prenaient la pose.
— Et puis d'abord, Maebara, si t'as réussi à gagner,
c'est parce que nous avons battu la déléguée !
— On a eu pitié de toi parce qu'on s'est dit que tu prendrais trop la honte si tu perdais, alors on a fait exprès de pas éviter tes tirs !
Tu pourrais dire merci, quand même !
— ... ... Mais dites-moi, les enfants,
ça m'a l'air très intéressant, tout ça...
Qu'est-ce que tu en dis, p'tit gars ?
— Quoi, qu'est-ce que j'en dis ?
Que veux-tu que je leur dise ?
— Bon, d'accord, Kameda, Tomita, Okamura, cessez de pleurer, c'est pas la fin du monde.
Si vous voulez, vous pouvez vous battre contre Keiichi et essayer de gagner sa place ?
— Quoi ?
Eh, Mion, attends, tu veux dire quoi par là ?
— Vous avez battu tous les autres avec une si grande facilité, tu vas pas me dire que tu as peur d'eux ?
Ils ne font même pas partie du club, vous n'en ferez qu'une bouchée !
Kameda tapa dans ses mains, satisfait.
Tomita et Okamura se regardèrent, le feu sacré dans le regard...
C'est pas vrai, on va se battre ici ? Contre eux ? Maintenant ?
— Mais j'y pense, nos chers amis devaient se départager ?
Il n'est pas habituel de mêler la plèbe à nos activités, mais cela pourrait s'avérer très intéressant !
— ... Évidemment, si vous perdez, vous devrez nous rejoindre en uniforme.
— Merde...
Vous êtes en train d'essayer de nous avoir, je le sens ! Rena, t'en penses quoi ?
— Moi, je ne risque pas de perdre, alors je vais te dire, vous faites comme vous voulez !
Je suis déjà en train de planifier qui ramener à la maison et quoi faire avec !
D'ailleurs, je me demande quel uniforme tu porteras☆ !
Oh, je sens que ça va être mignon tout plein !
Elle doute de rien, celle-là...
Je sentais l'aura de combat de Kameda. Il était déjà en train de transformer l'Angel Mort en paradis dans sa tête.
Quant à mes deux camarades de classe, ils étaient excités à l'idée de participer à notre club.
— Inscrivez Kyôsuke Irie sur la liste des participants ! Que vous le vouliez ou non, je me battrai aussi !
OUAIS !
— Hmmm, je vois,
OK.
Bon ! Eh bien, nous avons nos candidats.
Rena ? P'tit gars ? Vous êtes d'accord ?
— Comme si tu nous laissais le choix !
— Bah, c'est pas grave, ce sera marrant, tu verras !
Ahahahahaha !
— Mes chers camarades, je vous préviens, c'est le moment ou jamais de vous retirer de la compétition.
Il sera trop tard après que aurez perdu.
— Merci, mais je suis prêt à prendre ce risque...
— Il ne faut pas croire, nous sommes des hommes !
Nous devions nous mesurer à lui un jour, de toute façon !
Quel courage...
Ils voient pourtant tous les jours les horreurs indicibles auquels les participants sont confrontés !
Je regardai Kameda. Il nous tournait le dos, un sourire cruel dessiné sur les lèvres.
— Héhhéhhéhhé...
Je ne pensais pas devoir reprendre les armes contre toi, K.
Et cette fois-ci, je me battrai sans te faire de cadeaux !
— ... Je n'aurais jamais cru devoir t'affronter dans ce restaurant.
Tu seras peut-être plus dangereux ici que sur le terrain de base-ball, d'ailleurs...
Le Chef nous regardait nous défier, un sourire moqueur aux lèvres : celui qu'on appelait le Prince des soubrettes avait apparemment hâte d'en découdre !
— Continuez de rêver... Je vais vous montrer la différence entre un enfant et un adulte !
Vous verrez !
Ce soir, ce café sera un bar à soubrettes ! Mon harem personnel deviendra réalité !
— Ahahahahaha !
Désolée, mais non, c'est moi qui vais gagner !
Hauuuu !!
— Bon,
je suis prêt !
Après tout, ça ne sert à rien de se plaindre, quand faut y aller, faut y aller.
Mion !
On va faire quoi, alors ?
— Héhhéhhéhhé !
Paaarfait !
Bon, les gens, poussez-vous !
Mesdemoiselles, vous pouvez venir avec les plats !
Devant les portes de la cuisine, les autres serveuses attendaient, les bras chargés de nombreux desserts.
Mais alors... celui qui mange le plus vite a gagné ?
Ou peut-être celui qui mange le plus ?
— ... Patron,
vous êtes sûr ? Vraiment ?
— Oui, pas de souci, allez-y les filles.
C'est une idée qui va faire de l'animation, c'est toujours bon à prendre.
Et puis, c'est un jour spécial aujourd'hui, il faut en profiter !
Les serveuses regardèrent leur patron, haussèrent les épaules, puis se mirent à distribuer les desserts.
Rena, Kameda, les deux jeunes, le Chef et moi nous regardions dans le blanc des yeux.
À la croisée de nos regards, les serveuses placèrent une quantité impressionnante de desserts.
D'habitude, je profite du moment où elles font le service pour mater comme un porc,
mais là, je n'eus pas ce loisir.
La foule nous regardait, curieuse et tendue.
Je suis sûr que personne ne s'attendait à ça en se levant ce matin !
— Bien, bien, bien. Écoutez-moi tous.
Nous allons voir lequel d'entre vous mange le plus de desserts dans le temps imparti.
Nous avons une liste avec le poids de chaque dessert, donc à la fin du temps réglementaire, nous prendrons les plats vides pour compter combien vous avez ingurgité !
Kameda eut un rire funeste.
C'était sa spécialité ! Il va avoir l'avantage !
— Déléguée, nous sommes tout le temps à deux dans les épreuves, d'habitude. On peut tenir à deux ?
— Hm ?
Oui, bien sûr, pas de problème.
C'est vrai que vous êtes tout le temps à tenir ensemble.
Je veux bien vous accorder ça !
Eh, mais ils auront deux estomacs ! C'est de la triche !
— Rena, tu es sûre que ça ira ?
Les filles sont un peu désavantagées, non ?
— Non, pas du tout ! Je suis prête à manger la table avec s'il le faut !
Aaah, c'est vrai, j'avais oublié...
Quand Rena passe en mode mimii, les lois de la physique n'ont plus aucune emprise sur elle.
Elle est capable de manger plus que son poids en desserts !
— Et vous, Chef ?
Les concours de ce genre, ça vous va ?
— ... Maeabara.
Si tu me montres une soubrette et que tu me dis que je dois manger le plus possible pour l'avoir, alors je mangerai.
Pour moi, rien n'est “impossible” !
Je vis une aura noire se dégager de ses épaules, qui me donna des frissons de peur.
Derrière ses lunettes, je sentais un regard tellement cruel et perçant qu'il viendrait sûrement à bout d'un coffre-fort.
Rah, c'est pas vrai, entre Rena et son mode mimii, Kameda, et maintenant le Chef et son mode soubrettes...
Je suis le seul idiot à ne pas avoir de pouvoir spécial !
— Alors, vous êtes prêts ?
Ready…
…
...
GO !
Mion donna le coup d'envoi, alors que je n'étais pas encore vraiment prêt.
Va chier,
ils vont voir ce qu'ils vont voir !
Allez, il me faut un dessert, mais pas n'importe lequel.
Il m'en faut un facile à avaler.
Il faut commencer par ceux-là... AH !
Un Parfait au yaourt !
Il est à moi !
Sauf qu'évidemment, tout le monde avait pensé à la même chose.
Au moment où toutes nos mains s'approchèrent du même verre, il y eut une explosion de lumière et le dessert disparut.
Nos mains s'entrechoquèrent sur du vide.
— Ahahahaha, eh ben alors, vous êtes trop lents !
Il est à moi, celui-là !
Hau !
Littéralement rapide comme l'éclair, Rena nous avait tous devancés.
Rah,
je le savais que nous n'avions aucune chance sur le premier dessert !
Après nous avoir pris le dessert comme une grenouille attrape une mouche, elle se mit à engloutir le parfait en un seul coup de langue !
C'était horrifiant de la voir manger comme ça, il n'y avait plus la moindre trace d'élégance ou de féminité dans son comportement.
Je vois, c'est de ça qu'elles parlent, les filles, quand elles disent que les desserts vont dans un estomac séparé !
Loin de se laisser démonter, Kameda fut le premier à réagir. On sentait l'habitué du café !
Il prit un parfait au fruit comme s'il ce fût agi d'une vulgaire chope de bière, et se mit à le siffler d'un seul trait !
Quel homme ! Quelle audace ! Quelle idée stupide à ne pas faire à la maison !
— ... Breuaarp
Éhhéhhé...
C'est inutile, K, tu n'as même pas 1% de chance de me vaincre, je suis dans mon élément, ici !
ADMIRE !
Entourés de ces prouesses surhumaines, Tomita et Okamura ne semblaient pourtant pas spécialement affolés.
Il faut dire qu'ils étaient deux dans la même équipe.
Tant qu'ils ne perdraient pas de temps, ils étaient sûrs de finir les premiers !
Rena et Kameda ont pris un bon départ, mais deux bouches valent mieux qu'une, à long terme !
Merde, merde, merde ! Je ne dois pas perdre, je ne PEUX pas perdre !
Quitte à me faire exploser la panse,
il faut que je mange,
encore
et encore !
Aaah, méééeuh !
On peut pas manger la glace d'un coup, ça fait super mal !
Comment ils font, les autres ?
... Hein ?
Mais oui,
il faut la faire fondre !
Il me faut un truc plus chaud pour l'avaler plus vite !
En plus, comme ça, je ne serai pas malade par la suite !
Mais comment la faire fondre…
Je vais pas le faire avec mes mains, ça prendrait des plombes...
— Mademoiselle, puis-je avoir votre attention ?
Apportez-moi un café, s'il vous plaît.
Un thermos plein, si possible.
— C-Chef !?
— Tu es trop naïf, Maebara.
Moi aussi, j'ai pensé à la même chose.
Rah, et merde !
Le Chef m'a eu !
Bien sûr, je pourrais commander un café aussi...
Mais ça ne suffirait pas !
Il me faut une idée, vite, un truc rapide, plus rapide que le café ! AAAAAAH !