À propos de la déesse Yashiro
Tout le monde lui parle respectueusement, en disant “Ô Déesse Yashiro” ou en la vénérant comme il se doit, mais personne ne sait écrire son nom.
Il existe de nombreux objets de culte avec son nom, mais ils n'ont pas tous les mêmes idéogrammes,
et même en remontant dans le temps, il est impossible de trouver une source fiable.
La seule chose qui est commune à toutes les inscriptions est la lecture des premiers idéogrammes ou des premières lettres.
La théorie la plus simple et la moins intéressante sur l'origine du nom est aussi la plus facile à comprendre : en prenant l'idéogramme du temple 社 que l'on lisait au moyen âge "Yashiro\
Pour les habitants, le fait de dire “Ô Yashiro” revenait à dire “Je m'adresse à vous, divinité dont je ne connais pas le nom mais à qui nous vouons un culte dans ce sanctuaire”, et donc en l'affublant du mot qui voulait dire “temple” ou “sanctuaire” à l'époque, le petit peuple faisait à la fois une grande économie de mots et en plus il obtenait un nom pour cette déesse. C'est un phénomène très courant dans l'histoire du langage, mais bien trop banal.
Découlant de cet abus de langage, il existe une légende qui dit que la famille à qui appartient le sanctuaire aurait des liens de sang avec la divinité révérée en ses lieux.
Les Furude seraient donc des descendants de la déesse, et d'ailleurs, il est transmis dans leur famille que si jamais la première descendance devait être une petite fille pendant huit générations de suite, la petite fille de cette huitième génération serait la réincarnation de la déesse Yashiro.
Pour comprendre cette légende, il suffit d'écrire l'expression “huitième génération” en idéogrammes. Si vous prenez 八代 et que vous faites exprès de prendre la lecture sino-japonaise de ces idéogrammes, vous obtenez non pas “hachi-dai” comme il faudrait le lire, mais “ya-shiro”.
Donc d'après cette légende, lorsque les gens interpellent la déesse, ils voudraient en fait dire “Ô vous, prêtresse de la huitième génération”... mais en ce cas, ils s'adresseraient à un être humain et non plus à un dieu.
Ce qui est intéressant, c'est que cette appellation part du principe que oui, effectivement, la divinité finira par se réincarner dans la huitième génération.
Ce n'est pas un cas unique dans l'histoire des cultes religieux à travers le monde.
Mais dans pratiquement tous ces cas du culte de la divinité réincarnée, la naissance de la réincarnation est annonciatrice du Jugement Dernier, de la fin du monde des vivants.
J'ai observé les anciens du village, et ils vouent une adoration sans bornes pour Rika Furude.
Les gens se racontent qu'elle serait la prêtresse de la huitième génération... la réincarnation de la déesse Yashiro.
Je ne connais pas l'arbre généalogique des Furude, mais j'ai connu les deux dernières générations et par deux fois, la première progéniture, celle à qui était transmise le temple, était de sexe féminin.
Rika Furude est une petite fille qui porte un regard innocent sur Hinamizawa.
Que se passerait-il si le village venait à perdre la protection divine qu'elle lui procure (peut-être ?) de par sa présence dans le sanctuaire ?
Si elle n'était plus là pour faire régner la paix et l'harmonie entre les descendants des démons et les êtres humains normaux, que se passerait-il ?
Le village redeviendrait-il alors un lieu chaotique où les démons reprendraient leurs pratiques cannibales ?
Il y aurait d'un côté les faibles humains, courant dans tous les sens, paniqués, pleurant, criant, hurlant à l'agonie, et de l'autre les démons, joyeux drilles, buvant le sang de leurs victimes et festoyant avec leurs tripes, dans une grande fête perpétuelle.
Je me demande bien à quoi ressemblerait le village dans ces conditions-là.
Rien que d'y penser... mon cœur en bat la chamade d'impatience et d'excitation.