En observant ce que les gens comptaient mettre en vente pour les enchères, il était apparu qu'il n'y avait rien pour les enfants.

Keiichi nous expliqua avec véhémence que pour mettre de l'ambiance, il fallait aussi y avoir quelques lots que les enfants voudraient absolument avoir, ce qui entraînerait une compétition entre leurs parents.

Et ce n'était pas stupide, comme idée.

Et donc, nous étions revenus au magasin de jouets de la dernière fois.

Il nous fallait obtenir de quoi intéresser les enfants.

Yoshirô

— Hmmm, je vois.

Et puis, j'ai réussi à me déb-

Euh..

Enfin, vous avez compris !

J'ai fait un bon chiffre d'affaire grâce à vous, l'autre jour.

J'aimerais beaucoup vous aider, mais comment...

Mion

— Tu sais, Yoshirô, Mémé a dit qu'elle “espérait”

que la vente aux enchères serait bien pour les enfants et pour les plus grands !

Tu comprends ?

Mion

T'es sûr que tu pourrais pas nous filer un coup de main ?

Yoshirô

— Hhhhmmm...

Yoshirô

Si la vieille matriarche du clan principale en attend beaucoup, il va falloir faire des efforts...

Yoshirô

D'accord, je vais voir ce que je peux faire !

Yoshirô

De toute façon, si je vous dis non, personne ne sait ce qu'il m'arriverait à la fin de l'année...

Keiichi

— ... La vache...

Elle a le bras long, ta grand'mère, dis donc.

Satoko

— Je n'ai jamais eu le plaisir de la rencontrer, mais il paraîtrait qu'elle est très intimidante, en effet.

Satoko

Notre chère Shion me disait l'autre jour que son activité favorite était d'arracher les ongles de tous ceux qui lui tenaient tête !

Rena

— Allons, c'est juste pour plaisanter qu'elle a dit ça, pour te faire peur !

Rena

Moi, je la connais, leur grand'mère.

Elle est très gentille.

Enfin, tant que tu restes poli et respectueux.

Je trouve toujours aussi fascinant de voir que Rena ne fait pas grand cas de cette vieille femme si austère et si grincheuse...

Rika

— Oui, mais quand on n'est pas poli, elle devient très méchante, et elle fait très peur.

Et aussi, elle n'aime pas les gens qui en font trop au niveau de la politesse.

Nipah☆!

Satoko

— Qu'êtes-vous en train d'insinuer, très chère ?

Mion

— P'tit gars, c'est réglé ! Il va nous filer une tonne de matos !

Yoshirô

— Ahaha, hahaha, haaaa...

Le gérant n'avait pas l'air aussi enthousiaste que notre chef de club.

Hanyû

— Mais pourquoi les habitants du village obéissent-ils tous à Mion ?

Rika

— À cause de l'influence du clan des Sonozaki, ça paraît évident.

Mion est un peu la princesse du clan.

Personne ne peut s'opposer à elle sans avoir à craindre des conséquences.

Hanyû

— ... Et toi, tu es la princesse du clan des Furude, non ?

Rika

— Heh. Merci, c'est gentil de dire ça.

La plupart des Sonozaki qui avaient monté leur propre affaire dans la région avaient emprunté des sous au clan principal.

Ils ne pouvaient donc pas trop la ramener.

Le clan principal avait fait fortune après la guerre, en vendant des choses au marché noir.

Ils avaient ensuite employé leur grande fortune à aider les autres membres de leur famille.

Ils ne demandaient quasiment pas d'intérêts, aucune caution, et aucun garant.

Et si l'on savait bien présenter son projet, les sommes que l'on pouvait emprunter étaient vraiment conséquentes.

Oh, bien sûr, il fallait absolument rembourser la somme, mais c'était la famille -- il y avait moyen de retarder les échéances.

Alors forcément, dans des conditions aussi avantageuses, tout le monde empruntait.

Et donc les gens n'osaient plus trop s'élever contre le clan principal...

Keiichi

— Bon, alors les filles, séparons-nous ! Cherchez un truc qui vous interpelle.

Keiichi

Si possible, un truc assez gros.

Keiichi

Un jeu de cartes, par exemple, c'est petit, ça ne se voit pas trop.

Keiichi

Prenez un truc assez gros, mais surtout un truc qui en jette !

Rika

— ... Donc les jouets les plus gros et les plus chers.

Satoko

— Oooohhohohohoho !

Laissez-moi donc faire !

C'est ma spécialité !

Rena

— Ah, ahahahaha…

Les filles, essayez quand même d'avoir l'accord du gérant d'abord...

Mion

— Ouah, Rena, regarde ça !

Tu vois ces poupées comme elles sont jolies ?

Rena

— Hein ? Où ça ? Où ça ?

Rena

!!!!! Hauuuuu !

Mais elles sont trooop miiimiii !

Je les prends toutes ! Elles sont à moi, à mouah !

Yoshirô

— Euh...

les enfants...

Laissez-moi quand même des trucs en rayon, hein ?

Allez, soyez sympas, quoi…

Le rire nerveux du gérant en disait long...

Rena

— Keiichi, c'est quoi, ça, à ton avis ?

Rena

Il y a marqué “balançoire” dessus.

Tu crois que c'est une balançoire comme dans les parcs ?

Rena

Ouh là, c'est lourd...

Keiichi

— Ben, ça doit être une balançoire démontable et transportable, j'imagine.

Keiichi

Tu peux sûrement la mettre dans le jardin ou dans une pièce, même, carrément.

Keiichi

Tu ne peux pas te balancer aussi énergiquement que sur les modèles des parcs, mais si les enfants sont encore petits, c'est impeccable.

Keiichi

Enfin, ils y joueront au début,

et puis ils se lasseront, mais les morceaux peuvent servir à étendre le linge.

Rika

— ... Vous m'avez l'air très au courant.

Vous en aviez une, Keiichi ?

Keiichi

— Là où j'habitais avant, oui.

Keiichi

Mes parents m'en ont offert une pour Noël, une fois, j'étais encore tout gamin.

Keiichi

Et puis, quand on est à peine haut comme la table, elle est super impressionnante !

Keiichi

Rena, c'est un excellent choix !

Mion

— Tiens, p'tit gars, colle ça dessus.

Quelqu'un de l'organisation viendra les chercher une autre fois.

Mion lui tendit un peu de ruban adhésif et un papier qui disait “pour l'asso”.

Je remarquai alors qu'elle en avait plusieurs en mains.

Elle était toujours prête, cette fille...

Satoko

— Très cher !

Que dites-vous de cela ?

Une piscine pour enfants !

Keiichi

— Oh, oui, c'est pas mal, ça !

Ben, Mion ? T'en veux pas ?

Mion

— Disons qu'à Hinamizawa, si tu veux jouer dans l'eau, t'as qu'à aller jouer dans la rivière.

Donc je suis pas super convaincue.

Rena

— Mais pourtant, ils sont ellement mimis, les poissons rouges sur les murs !

Rena

Moi je dis que ça ferait un bon cadeau !

Satoko

— Je suis aussi de cet avis !

Et puis, avec une telle quantité d'eau, il y aurait de quoi faire des pièges absolument formidables !

Keiichi

— Non, non, non, rien du tout !

Ça va être encore moi qui vais les sentir passer,

alors non, on la prend pas !

Rika

— ... Qu'est-ce que vous dites de ça ?

C'est un toboggan en forme d'éléphant.

Hanyû

— ... Je trouve ça plutôt rigolo.

Si je pouvais, je le ramènerais à la maison !

Rika

— Je parie que si je pousse Satoko au moment où elle s'accroupit pour glisser dessus, elle roulera la tête en avant jusqu'en bas.

Rika

... Ahahaha, rien que de l'imaginer, j'ai la banane.

Rika

Hanyû, je parie que toi aussi, tu as envie de voir ça, n'est-ce pas ?

Hanyû

— ... Je crois surtout que tu aimes t'amuser à ses dépens...

Rena

— Hauuu !

Oh, mais c'est joli aussi, je l'embarque !

Mion

— Non, Rena, nous la réservons, c'est pas la même chose. Allez, la suite !

Héhéhé...!

C'est à peu près ainsi que se poursuivit le pillage en règle du magasin. Enfin, la collecte de dons. Je me comprends.

Le gérant du magasin avait le cœur gros et soupirait de désespoir à chaque jouet retenu pour la vente.

Je pris un plaisir immense à lui caresser la tête à chaque fois.

*soupir*

« Allons, allons, Yoshirô...

Nipah☆! »

Keiichi

— Oooooh, un jeu de mah jong !

Mion

— Eh ben quoi, p'tit gars ?

Keiichi semblait avoir trouvé quelque chose dans la zone à l'arrière du magasin.

Comme nous avions tout volé là où nous étions, nous allâmes toutes les quatre voir ce qui l'intéressait.

Sur l'une des tables, il y avait un tapis vert, sur lequel trônaient des pièces de mah jong.

Elles étaient placées en carré, comme si quelqu'un avait joué juste à l'instant.

Mion

— Ah ouais ?

Tiens, tiens, tiens, mais c'est intéressant, ça, Yoshirô.

Tu joues au mah jong pendant les heures de travail ?

Yoshirô

— Non, non non, pas du tout, voyons...

Les jeux de dés, bien que souvent employés dans les jeux d'argent sale, avaient quand même une place indéniable dans un magasin de jouets. Mais le mah jong ?

Au sens large, c'était un jeu de société, après tout. Oui, si, il avait sa place dans ce magasin.

Rena

— Eh ben, ça faisait un bail !

Je crois que j'ai oublié la plupart des règles, déjà...

Keiichi

— Quoi, tu sais jouer au mah jong, Rena ? Mais c'est super !

Keiichi

Aaah, je sais.

Vous y avez joué lors du club, c'est ça ?

Satoko

— Oui, cela devait être à la fin de l'année dernière, si mes souvenirs ne me font pas défaut.

Satoko

C'est une discipline dans laquelle j'ai beaucoup brillé !

Même mes rivières sont parfois piégées, vous êtes prévenus !

Keiichi

— ... Mion.

Tu n'as pas honte de rassembler quatre jeunes filles pures et innocentes pour leur inculquer le mah jong ?

Mion

— Attends un peu, p'tit gars, ne te moque pas, hein ?

Mion

En hiver, ici, les chutes de neige sont énormes.

Tout le village s'occupe en jouant au mah jong !

Mion

On s'installe bien à la table chauffante, on prend des réserves de mandarines, un jeu complet de tuiles de mah jong, et roule ma poule !

Mion

Avec la télé en bruit de fond pour voir les émissions spéciales et les duels de karaoke.

Aaah, c'est le panard complet !

Il faut croire que les Sonozaki passent le nouvel an comme ça.

Mais je n'aime pas sa façon de prendre sa vie pour représenter tout le village...

Keiichi

— Aha, ouais, c'est vrai, c'est très enneigé, par ici, mon père me l'avait dit.

Keiichi

Je vois, ça doit être un jeu très prisé par les adultes en hiver...

Mion

— Non, p'tit gars, tu comprends pas !

Mion

Le mah jong, c'est le lubrifiant du monde des hommes !

Mion

Dans la jungle du travail, lorsque les murs sont hérissés,

alors l'homme assis à l'Est devient le dragon azur,

l'homme à l'Ouest, le tigre blanc,

l'homme du Sud devient l'oiseau vermillon

et celui du Nord, la tortue noire !

Mion

La hiérarchie disparaît, la carrière ne compte plus, c'est sur un pied d'égalité qu'ils s'affrontent !

Mion

C'est un peu de cet esprit que l'on retrouve dans les jeux olympiques !

Mion

Tu vois !

Mion

Alors ne t'avise pas de prendre le mah jong à la légère !

Keiichi

— ... Je vais te dire, je m'inquiète plus de savoir quand est-ce qu'on va tomber dessus à l'école, et quels seront les gages.

Rena

— Keiichi, mais alors, tu sais jouer au mah jong ?

Keiichi

— Ouais, mon père adore y jouer.

Lorsqu'il a des clients qui viennent nous rendre visite, il se débrouille pour faire une partie, et s'ils ne sont pas assez nombreux, je dois servir de quatrième joueur.

Keiichi

Je ne sais pas trop si je suis fort ou pas, mais je connais les règles.

J'ai du mal avec les bâtons de points, par contre.

Keiichi

... Mais ça nous explique pas pourquoi le jeu est sorti et mis en place.

Nos regards se tournèrent sur le gérant.

Yoshirô

— Eh bien, ce midi, je discutais avec un client, et il m'a dit qu'il savait faire un aller-retour d'hirondelle. Alors je lui ai demandé de me montrer.

Keiichi

— Comment ??

Vous venez de dire

un aller-retour d'hirondelle ?!

Mais c'est de la triche ! Et c'est quasiment impossible à faire !

Keiichi

C'est une attaque ultime inventée par un grand maître chinois dans l'antiquité !

Keiichi

Elle est aussi efficace qu'un artefact magique, et l'Empereur en personne la fit bannir de la cour et tomber dans l'oubli !

Et là, j’apprends qu’aujourd’hui, en 1983, il demeure quelques individus capable de maîtriser cette technique, c’est fou !!

Keiichi

(dixit l'auteur du livre “Les heures sombres du mah jong antique”, paru aux éditions de la Bibliothèque du Peuple Éclairé.)

Rena

— Mais pourtant, c'est une attaque de Miyamoto Musashi, non ?

Où est le rapport avec le mah jong ?

Rika

— ... C'est quand tu remplaces toutes tes tuiles par des tuiles du mur devant toi.

Nipah☆!

Keiichi

— Mion,

mais pourquoi tu apprends des choses pareilles à des enfants aussi innocents...

Mion

— Eh ben, euh, ahahahahahaha !

Rena

— En tout cas, j'aimerais bien voir ce que ça donne !

Quelqu'un peut me montrer ?

Rika, tu sais le faire, toi ?

Rika

— Non, je sais ce que c'est, mais je ne pourrais pas faire de démonstration.

Satoko, tu t'étais entraînée à le faire, un moment, non ?

Keiichi

— Attends, Satoko,

mais t'es pas bien de t'entraîner à tricher ?

Mion

— Bah, ça peut être considéré comme un piège, puisqu'il faut trafiquer les tuiles du mur, et les pièges, c'est plutôt sa spécialité !

Satoko

— Oooohhohohoho !

C'est lorsque l'adversaire est sûr de sa victoire et qu'il se fait vexant que j'aime utiliser les pièges, cela n'en rend le retournement de situation que plus agréable !

Mion

— Et donc, tu sais le faire, maintenant ?

Tu t'es entraînée, non ?

Satoko

— ... Je ne me vois pas l'utiliser en situation réelle.

Oui, j'ai réussi à le faire quelques fois, à l'entraînement, mais sans plus.

Rena

— Ah oui ?

Montre-moi, montre-moi !

Je veux voir ça !

Rika

— Miaou !

Moi aussi, je suis curieuse de le voir en action.

Satoko

— Eh bien, puisque vous insistez tant, mes chères...

Mais ne vous moquez pas si je devais rater la manœuvre !

Satoko, légèrement gênée par nos encouragements, s'assit à la table et prépara les tuiles.

Hanyû

— ... Tu crois qu'elle va réussir ?

Rika

— Alors là, va savoir.

Si elle réussit, tant mieux, ce sera impressionnant, mais si elle rate, elle sera adorable à voir, toute rouge de confusion.

Donc que ce soit l'un ou l'autre, moi, ça me va.

Héhé…

Satoko

— Eh bien alors... Tout d'abord,

on prépare une combinaison de tuiles que l'on veut dans le mur. Tout commence donc lors de la préparation du jeu !

Rena

— Je vois,

c'est pour ça qu'en suite, on remplace toute ses tuiles d'un seul coup.

Rena

Mais comment ?

Comment ça marche ?

Mion

— Héhéhé !

Allons, c'est pourtant pas dur ! Tu prends ton tas de tuiles, tu les places, et tu transfères le tas du mur sur le tien !

Mion

Hmmm, si Ponscripter pouvait incruster des films, on pourrait montrer ça en vidéo, mais c'est impossible à faire pour l'instant.

Mion

Il va falloir le faire avec des phrases et du son, c'est dommage !

Rika

— ... Parfois, je me demande à qui tu parles, Mii.

Keiichi

— Tu es mal placée pour faire des reproches, madame la narratrice.

Satoko

— Bien... Passons à la pratique...

Tout le monde retint son souffle, déglutissant bruyamment.

Satoko leva lentement les bras, comme un cygne qui se pose sur un lac...

Devant elle, une rangée de treize tuiles...

Elle les fit tout d'abord tomber vers l'avant, sans faire de bruit, face contre le tapis.

Puis, en appliquant de la force aux deux bouts, elle leva la rangée de tuiles et la plaça juste devant le mur, bien contre, comme pour la cacher, sans aucun bruit.

Mion

— Bon... C'est maintenant que tout se corse, Satoko !

Satoko

— Je ne suis pas vraiment sûre de réussir, mais il faut bien se lancer !

Le silence se fit parmi les spectateurs.

Satoko tendit les mains vers les tuiles du mur.

Puis elle écarta les mains et prit fermement les rangées complètes du mur.

Mion

— Alors, pour ceux qui ne connaîtraient pas trop le mah jong, expliquons à quel point c'est pas facile.

Tout d'abord, il faut bien se mettre en tête que chaque joueur a treize tuiles devant soi.

Mion

En appuyant de chaque côté, on peut les soulever toutes ensemble sans trop de problème.

Mion

Il faut s'entraîner un peu, sinon les tuiles du milieu peuvent retomber, ou au contraire être propulsées en l'air si vous mettez trop de pression des côtés, mais c'est pas la fin du monde.

Mion

Mais les tuiles du mur, c'est une autre histoire.

Il y en a dix-sept par lignes.

Et surtout, il y a deux lignes l'une sur l'autre.

Mion

Et là où ça devient vraiment coton,

c'est qu'il ne suffit pas de déplacer les trente-quatre tuiles d'un seul coup.

Mion

Il faut prendre les dix-sept tuiles du haut, et seulement quatre tuiles dans la ligne du bas !

Mion

En les déplaçant sur les treize tuiles de sa main, on recrée un mur complet devant soi, et les treize tuiles que l'on a laissées deviennent alors notre nouvelle main !

Mion

C'est pour ça que cette technique est considérée comme le summum de la tricherie lors des préparatifs !

Mion

Elle permet d'obtenir d'un seul coup treize tuiles complètement différentes !

Rika

— ... Allez, Satoko, courage.

Je sentais Satoko en train de se concentrer.

Normalement, pour tricher, il faut agir le plus naturellement possible pour ne pas se faire caler.

Mais bon, là, elle nous montre juste à quoi ça ressemble, donc ça passera pour cette fois.

L'un d'entre nous déglutit encore une fois bruyamment, ce qui servit de signal de départ.

Satoko

— Attention... Hop !

*klrr*

Elle a mal dosé la force pour maintenir les tuiles ensemble.

Elles partirent un peu partout, comme si elles fuyaient ses mains.

Satoko

— Aaaaah, nooooon !

... Je suis désolée, mais c'est vraiment impossible à utiliser pendant une partie, c'est bien trop difficile !

Keiichi

— Mouais, mais je pense avoir compris comment faire, maintenant.

Keiichi

Je vais essayer.

Rena

— Moi aussi, je veux le faire !

Rena

Si je n'apprends pas à le réussir, je vais finir dernière quand nous jouerons l'un contre l'autre...

Rika

— ... ... Effectivement, ce serait une bonne idée de s'entraîner.

Mion resta debout sur le côté pendant que nous nous y essayâmes.

Yoshirô

— Ahahahaha.... Les gens qui ne vous connaissent pas pourraient croire que vous ne savez pas du tout comment jouer au mah jong, on ne dirait pas, comme ça...

Mion

— Et pourtant, c'est bien un entraînement collectif pour maîtriser l'aller-retour de l'hirondelle !

Mion

Il ne faut pas prendre les membres du club pour des bleus !

Héhéhéhé...

Mes mains sont aussi grandes que celles de Satoko.

Je ne peux pas prétexter que mes mains sont trop petites, si elle peut y arriver, je n'ai pas d'excuse.

De toute façon, même si j'arrivais à le faire, je ne pense pas pouvoir l'utiliser sans que ça se voie.

Donc autant s'entraîner à le faire avec les autres, puisque nous ne le ferons sûrement qu'aujourd'hui.

... Surtout que nous n'avions jamais fait cet entraînement pendant les cent dernières années... Je devais absolument profiter de ce moment unique !

Satoko

— Quelle étrange sensation, comme si mes mains étaient devenues malhabiles !

C'est presque vexant !

Rena

— C'est déjà difficile de prendre rien que les treize tuiles du début !

Hau…

Keiichi

— Rena, regarde, prends-les avec les petits doigts.

Voilà, avec les auriculaires, c'est bien.

Si tu y mets trop de force, les tuiles vont sauter, attention !

Mion

— Mais attention, si tu ne mets pas assez de force, tu n'arriveras pas à les soulever.

Il faut savoir bien doser sa force !

Oui, rien que ce premier pas dans la manipulation était déjà impossible à réussir.

Personne d'entre nous n'arrivait à dépasser ce stade.

Même Satoko, qui venait de nous montrer comment faire, dut s'y reprendre encore et encore.

Me servant du conseil de Keiichi, je plaçai mes auriculaires de part et d'autre de mes tuiles et…

hopplà !

Eh, mais ça marche !

Rika

— Miaou !

Ça y est, j'ai mes treize tuiles en mains !

Keiichi

— Ooooh, bravo, bien joué !

Rah, zut, je peux pas te laisser gagner, Rika, ça va pas se passer comme ça !

Hanyû

— ... Tu es habile de tes doigts, Rika.

Tu penses réussir la suite ?

Rika

— C'est difficile, honnêtement.

Mais je dois t'avouer que j'aimerais réussir la première.

C'est mon objectif.

Ahahahaha...

Allez, je continue !

Keiichi

— Mais c'est pas vrai, elle va pas y arriver avant moi, quand même ?

Rena

— Si tu réussis la prochaine étape, tu gagnes !

Rena

Mais ça fait un sacré paquet de tuiles, quand même !

Hanyû

— ... Allez, Rika, il faut y croire !

Satoko

— Rika, c'est maintenant qu'il faut faire vos preuves !

Alors, maintenant, prendre les dix-sept tuiles du haut du mur et seulement quatre de la ligne du bas...

Pas la peine de trop appuyer,

ça va aller tout seul...

Les pièces me tombèrent des mains.

Rena

— Hau, c'est dommage !

Mion

— Dix-sept tuiles de côté, c'est quand même autre chose, il ne faut pas croire, hein...

Rika

— ... En attendant, je suis celle qui a le mieux réussi.

Les autres méritent presque un gage, d'ailleurs.

Keiichi

— Hein, quoi ? Mion, c'est vrai ?

Mion

— Hmmmmm, je sais pas, je me tâte, c'est pas une mauvaise idée, hein !

Héhéhéhé !

Puisqu'il ne peut y avoir que quatre joueurs au mah jong, Mion n'était pas dans la compétition.

Ce qui voulait dire qu'elle ne pouvait pas prendre de gage !

Rena

— Hauuu !

C'est pas du jeu, Mii, tu triches !

Satoko

— Ma chère, puisque vous avez le temps de vous plaindre, entraînez-vous donc pour faire mieux !

Hanyû

— Eh bien, vous voilà tous dans de beaux draps !

Ahahaha !

Nous n'étions pas venus pour ça, et pourtant, nous nous amusions comme des fous.

C'est bien pour ça que j'aime rester avec eux.

S'ils n'étaient pas là, mon âme serait morte depuis longtemps. Je ne serais plus qu'une coquille vide...

On dit que les lapins peuvent mourir de solitude, mais l'être humain aussi.

Et l'être humain peut aussi mourir simplement d'ennui.

Rika

— Hanyû.

Rika

C'est sûr et certain désormais, ce monde-ci est différent des autres.

Rika

Bien sûr, tout ce qu'il s'y passe était possible aussi dans les autres mondes, mais la combinaison de toutes ces bonnes choses, c'est vraiment miraculeux.

Hanyû

— ... Non, Rika, c'est juste que tu n'as pas eu de chance jusqu'à présent.

Parfois, il faut utiliser toute la chance que tu as accumulée.

Rika

— Ahahahaha, oui, c'est sûrement ça !

Si ma mort prédestinée n'est qu'un coup de malchance, alors le karma me prépare un monde fabuleux pour compenser, quelque part dans un autre univers.

Et si j'ai droit à un peu de bon temps au bout d'une certaine dose de karma accumulé, alors, c'était la moindre des choses que de vivre dans le bonheur, comme ici...

Mes meilleurs amis sont tous en vie, ils ont vaincu leurs démons intérieurs.

J'ai pu demander à Takano une protection rapprochée.

... Je ne sais pas si elle me l'a accordée, mais en tout cas, c'est ce qu'elle m'a promis.

Dans les mondes précédents, elle m'avait toujours donné des réponses un peu vagues, sans jamais rien me promettre.

Donc dans ce monde-ci, j'avais vraiment obtenu l'une des meilleurs réponses possibles et imaginables.

Le jour de la visite du temple, Takano avait sautillé tout le long du chemin en partant.

Je suis profondément désolée d'avoir bravé l'interdit édicté par mes ancêtres, mais de toute évidence, ç'avait valu le coût.

... Je les ai aussi prévenus du danger de mort dans lequel ils se trouvaient, mais je ne pense pas qu'ils l'ont pris au sérieux.

Ils n'avaient pas l'air spécialement inquiets.

Il ne me reste plus que le soir-même de la purification du coton pour les prévenir.

Oh, je pourrais insister entre, mais je pense pas que cela serait à mon avantage.

Rika

— ... Ce qui voudrait dire que je ne peux plus rien faire de mon côté pour améliorer encore mes chances...

Hanyû

— ... Je ne sais pas, Rika.

Je ne saurais pas te dire, il va falloir attendre le moment fatidique.

J'ai été bénie par de nombreux coups de chance, il y a de quoi croire au miracle.

J'ai appris des erreurs du passé pour faire tout ce qui était en mon pouvoir.

Est-ce que ce sera suffisant ?

Finalement, ce serait bien s'il y avait un diseur de bonne fortune dans le coin.

Ou bien un temple où je pourrais tirer un papier et voir si effectivement la chance me sourira. Même si c'était plus pour me rassurer qu'autre chose.

Eh le Destin, tu m'entends ? Donne-moi un signe, quelque chose que je pourrais interpréter comme une augure !

Et à peine avais-je formulé mon vœu que le Destin me l'exauça...

Ôishi

— Tiens, tiens, mais qu'est-ce qu'ils fabriquent ?

Une voix rauque se fit entendre.

Mes trois compères, les mains tremblantes à cause de la concentration, firent tomber tous les trois leurs rangées de tuiles.

Mion

— Tiens tiens tiens, c'est-y pas l'inspecteur Ôishi ?

Vous êtes sûr que vous avez le droit de venir dans les magasins de jouets pendant le service ?

Ôishi

— Bonjour, bonjour !

Aujourd'hui, c'est mon jour de repos ! Soyez sans crainte !

Éhhéhéhé !

Rika

— ... Donc j'ai plutôt de la malchance, en fait.

Ôishi

— De la malchance ? De quoi parlez-vous ?

Bah, peu importe.

Ôishi se tourna vers le gérant pour lui commander quelque chose.

Je ne voyais vraiment pas ce qu'un homme comme lui pouvait venir chercher ici.

Mion aussi avait des soupçons.

Elle finit d'ailleurs par lui poser la question.

Ôishi

— Éhhéhhéhhé !

Ôishi

Bah en fait, j'ai oublié mon tapis de mah jong en boule dans l'armoire, et il ne s'applanit plus.

Ôishi

Et puis, il s'est effiloché en s'accrochant au dessous de table de ma table chauffante, alors il n'est plus utilisable.

Mion

— Ah ouais ? Vous jouez chez vous ? Je vous voyais plutôt du genre à traîner dans des clubs de mah jong, moi.

Mion

Mais c'est un moyen très distingué de passer vos journées de vacances, dites !

Mion

Laissez-moi deviner, vous avez été relevé pour avoir cherché des noises à quelques petits merdeux ?

Ôishi

— Ahaha, mais non, mais non, vous plaisantez ?

Je suis employé au service de l'état, je dois avoir une conduite irréprochable en toute circonstance.

Je fais toujours en sorte de ne pas me faire remarquer.

Ôishi

Mais assez parlé de moi ! Que faites-vous autour de cette table ?

Je croyais que les enfants ne jouaient plus du tout au mah jong ?

Mion

— Héhéhé !

Ne prenez pas nos meilleurs éléments pour des blaireaux, vous allez les vexer !

Mion

Quelle que soit la compétition, s'il peut y avoir un gagnant et un perdant, ils sont partant !

Et surtout, ils n'abandonnent jamais,

Mion

que ce soit pour du mah jong, du pachinko, du tiercé, des courses de vélo ou d'aviron, voire même de la calligraphie, de l'art floral ou du croquet !

Rika

— ... On finira par se battre sur des ponts étroits suspendus sur des étangs de lave ou des sables mouvants, un jour.

Keiichi

— T'inquiète pas, Rika,

même si tu tombes, généralement tu ressuscites on ne sait trop comment deux ou trois volumes plus loin.

Satoko

— Mes chers, je dois vous avouer être bien en peine de suivre votre conversation.

Ôishi

— Et alors, vous faites quoi, là ?

Vous êtes encore en train de préparer les murs, à ce que je vois ?

Rena

— Non, non, vous vous méprenez !

Nous nous entraînons à faire des aller-retours de l'hirondelle.

Ôishi

— Des QUOI ?

Ahahaha, hahaha, hahahahahahahahaha ! Aaaah haha, ooooh, eh bien ! Aah, la jeunesse !

Yoshirô

— C'est cette personne qui est venue ce midi pour me montrer comment on faisait.

Membres du club

— Comment !?

Ôishi

— Éhhéhhéhhé !

Oh, je ne peux pas l'utiliser en cours de jeu, mais bon, ça épate la galerie lors des soirées.

Keiichi

— Euh, c'est Ôishi, votre nom, c'est ça ?

S'il vous plaît, Monsieur, montrez-moi ça !

Keiichi

J'ai vraiment envie de le réussir !

Si je n'y arrive pas, je vais perdre à chaque partie, cet hiver !

Ôishi

— Éhhéhhé !

Bah, après tout, ça ne me dérange pas.

Et vous, vous êtes... Excusez-moi si je dis une bêtise, mais vous ne seriez pas le fils des gens qui ont emménagé dans la villa Maebara ?

Keiichi

— Ah, euh, oh, pardon, excusez-moi.

Oui, je ne me suis pas présenté, mais oui, c'est exact.

Je viens à peine d'emménager, je m'appelle Keiichi Maebara.

Enchanté !

Mion

— Hein ? P'tit gars, c'est la première fois que tu le vois ?

Mion

Eh bien, laisse-moi te présenter l'inspecteur Kuraudo Ôishi, du commissariat d'Okinomiya.

Mion

C'est lui qui forme un peu les agents de sécurité pour la fête de la purification du coton. Je pense que vous vous reverrez pendant les réunions.

Ôishi

— Ah, oui, bien sûr, j'ai entendu pour vous !

Ôishi

C'est vous, le jeune qui est toujours à fond les ballons ?

Ôishi

Tout le monde me disait que vous étiez le meilleur choix possible pour modérer la vente aux enchères, alors je me demandais bien qui vous pouviez être.

Ôishi

En tout cas, c'est un poste avec une lourde responsabilité !

Vous êtes bien courageux d'avoir accepté, vous savez.

Vous devez être sévèrement burné !

Keiichi

— Ahahahahahahaha !

Bah, maintenant que j'ai accepté, je ne peux plus faire marche arrière.

Ben écoutez, Keiichi Maebara, donc.

Heureux de faire votre connaissance !

Ôishi

— Ah ouais ? Non seulement fougueux, mais en plus, poli, par-dessus le marché !

Vous allez vous faire beaucoup d'amis, par ici.

Ôishi

Eh bien, comme l'a dit cette chère mademoiselle Sonozaki, je suis l'inspecteur Ôishi, du commissariat d'Okinomiya.

Mais vous pouvez m'appeler Choupinet, si vous voulez ?

Éhhéhhéhhé !

Rika

— ... Allez, Ôishi, assieds-toi à ma place et viens nous montrer ça.

Ôishi

— Ah, désolé, merci.

Bon, eh bien alors, voyons cela...

Ôishi replaça les tuiles éparses en quelques mouvements bien précis.

Il était évident qu'il ne jouait pas dans la même ligue que nous.

Keiichi

— Les judokas peuvent voir l'expérience de leur adversaire en regardant leur nœud de ceinture !

C'est un peu pareil pour vous, hein ?

Ôishi

— Éhhéhhéhhé !

Allons, je ne fais que prendre les tuiles en mains, ce n'est pas la fin du monde non plus !

Bon, alors, vous êtes prêts ?

Regardez bien !

Attention, j'y vais !

On les couche,

on les bouge,

on les lâche, on prend les autres,

et on soulève tout ça.

Ôishi

— Eh voilà, vous y êtes.

Membres du club

— Wouah ! Comment il a fait !?

Impossible de rester sans rien dire.

Rien qu'en regardant certains artistes à la télé, il m'arrive de pousser des soupirs d'admiration, mais en vrai, ça en jette encore plus.

Et puis, il avait fait ça comme si c'était tellement facile !

C'était un vétéran, un vrai de vrai, il montrait des techniques très difficiles en les rendant presque accessibles...

Nous savions tous à quel point c'était un tour de passe-passe difficile.

C'est pourquoi nous étions encore plus impressionnés de voir qu'il l'avait réussi sans effort, et du premier coup !

Rena

— Wouah !

C'est super impressionnant, Monsieur ! Bravo !

Satoko

— Ma foi, on reconnaît là l'artiste !

Keiichi

— Haha, je suis scié, vraiment, super !

Allez-y, montrez-nous comment vous faites, mais en plus lentement !

Ôishi

— Éhhéhhé !

Ôishi

Moi, je veux bien, ça ne me dérange pas !

Ôishi

Alors, faites bien comme moi.

Ôishi

C'est plus difficile à faire quand on y va lentement, mais profitez-en pour regarder comment je place et comment je bouge mes doigts.

Ôishi

Surtout mes petits doigts.

Ôishi

— OK, alors d'abord comme ça, hein ?

Ouais, je sais faire, ça.

Et ensuite ? C'est comment ?

Ôishi

Et là, comme ça. Non, non, vous n'avez pas besoin de le soulever autant.

Ôishi

Vous les prenez simplement et vous les faites glisser vers l'avant.

Ôishi

Attention, il ne faut pas les pousser !

Ôishi

Comme un aéroglisseur, vous les soulevez le strict minimum !

Keiichi

— D'accord, comme un aéroglisseur…

et maintenant...

Aaaah merde !

Ôishi

— Pas la peine de serrer si fort.

Normalement, il ne faudrait pas faire un seul bruit, si les joueurs entendent quelque chose ils vont vous caler.

Il faut être discret comme un ninja.

Keiichi

— OK, comme un ninja !

Je vais essayer encore une fois, regardez !

... La scène était vraiment étrange.

Keiichi et Ôishi, en train de jouer au mah jong, comme deux vieux amis... Je n'avais encore jamais vu ça.

Rena

— Ces deux-là sont partis pour devenir cul et chemise.

Satoko

— Encore l'un de ces liens illogiques qui se tissent entre les hommes, sûrement.

D'habitude, Ôishi n'apparaît qu'après la purification du coton, pour enquêter sur le meurtre de Takano, le cinquième de la série.

Il ne se montre à Hinamizawa qu'en tant qu'inspecteur de police.

Et donc, en tant qu'inspecteur, il a une approche et une relation avec Keiichi qui devient complètement différente. De base, Ôishi ne considérerait jamais Keiichi comme étant un allié ou un ami.

Tout au plus le prendrait-il pour un espion qui pourrait lui livrer des noms parmi les villageois.

Et c'est pour ça que je m'étonne.

Je n'aurais jamais cru que simplement en se présentant en tant qu'homme et non en tant que flic,

leur relation l'un envers l'autre pût changer autant.

Hanyû

— Je crois bien que c'est la première fois

que je les vois devenir amis.

Rika

— Ça ne m'étonne pas.

Moi aussi, c'est la première fois que je vois ça.

Par contre, est-ce que c'est une bonne chose ou pas, va savoir.

Quand je l'ai vu venir, je pensais que c'était mauvais signe...

J'y comprends de moins en moins, à ce monde.

Mon cœur battait la chamade. J'avais l'impression de savoir, avant même de l'avoir lancé, que le prochain dé allait être un 6...

Allez, lançons-nous.

Je parie que ce sera un 6.

Ouais, je le sais, je le sens,

ce sera un 6 !

Et si je lance un 6, alors pour la première fois, j'aurais une chance contre la Faucheuse...

Yoshirô

— Ah, bonjour monsieur, entrez donc !

Akasaka

— Ah, il est là.

Monsieur Ôishi, ça y est, j'ai acheté ce que je voulais.

Mon cœur fit un bond dans ma poitrine.

Cette voix... Elle ressemblait comme deux gouttes d'eau à une voix que j'avais entendue il y a très longtemps.

... Non, ce n'est pas possible.

Hanyû m'a déjà prévenu tellement souvent.

Ne te fais pas d'idées, ne te fais pas d'espoirs, ça ne peut pas être lui...

Ôishi

— Aaaah, tiens, Akasaka !

Tant mieux, vous en avez fini ?

Vous avez trouvé facilement ?

Akasaka

— Je suis désolé, je me suis perdu.

Si le postier ne m'avait pas demandé où j'allais et montré le chemin, je ne sais où est-ce que je serais encore allé me perdre !

Ahahahahaha !

Je me retournai... et vis le fameux “Monsieur Akasaka”.

Il était en civil, avec deux grands sacs plastiques pleins de provisions dans les mains.

L'Akasaka que je connaissais portait un complet, il était droit, nerveux,

et un peu maigrichon.

Je croisai son regard.

La politesse veut que si l'on croise le regard d'un inconnu, on tourne les yeux.

Mais là, nous restâmes plusieurs secondes sans bouger, à nous observer droit dans les yeux.

Rika

— ... Akasaka... C'est toi ?

Akasaka

— ... C'est donc bien ce que je pensais. Tu es Rika, n'est-ce pas ?

Mion

— Gné ? Vous vous connaissez, tous les deux ?

Ôishi

— Tiens donc, je ne savais pas que vous comptiez l'héritière des Furude parmi vos connaissances.

Vous me surprenez !

Akasaka

— Cela faisait bien longtemps...

Tu as grandi.

Rika

— Et toi, Akasaka, tu es devenu plus musclé, j'ai l'impression.

Il s'appelle Mamoru Akasaka.

... Cet homme est un agent de la DST. Il a une faible chance de venir de Tôkyô dans notre village, pendant le printemps de 1978.

Il n'a aucun lien avec le village, et probablement aucun avec la mort qui m'attend. Pourtant, il est la personne étrangère à toute cette histoire en qui je peux avoir le plus confiance.

Je lui avais plusieurs fois lancé un SOS, par le passé.

Mais cela n'avait jamais rien donné.

Après tout, il n'était qu'un touriste venu de loin.

Une fois rentré à Tôkyô, il serait remis sur d'autres affaires et oublierait bien vite mon existence.

C'est pourquoi j'avais plus ou moins abandonné l'espoir d'obtenir son aide un jour.

Rika

— Pourquoi es-tu revenu à Hinamizawa, Akasaka ?

Akasaka

— J'ai laissé ma fille chez mes parents

et je suis venu prendre des vacances ici, avec ma femme.

Rika

— ... Ta femme ?

Akasaka

— Oui, ma femme.

C'est grâce à toi si elle est encore en vie.

Ahahaha, j'imagine que tu ne le savais pas.

Ôishi

— Il est très amoureux de sa femme, vous savez.

Ôishi

C'était quand déjà ? Il y a cinq ans, non ?

Ôishi

Il était venu à Okinomiya en voyage pour le travail, mais finalement, sa femme lui a tellement manqué qu'il a tout plaqué et qu'il est allé la rejoindre à l'hôpital.

Ôishi

Il n'y bien que l'Amour pour inspirer des actions aussi stupides et osées !

Rena

— Hauuu, mais comme c'est mignon tout plein, ça ! Je les envie !

Akasaka

— Tu m'as dit à l'époque que si je ne rentrais pas tout de suite à Tôkyô, je risquais de le regretter amèrement.

Akasaka

Eh bien, ça m'a rendu plutôt inquiet, alors je suis réellement rentré à la maison pour lui rendre visite à l'hôpital.

Akasaka

Et figure-toi que ce jour-là, la personne qui nettoyait les escaliers qui menaient au toit est tombée.

En fait, l'un des carreaux du carrelage des escaliers s'est décroché.

La personne qui a glissé dessus est tombée, et comme il faut ! Elle s'est cassé la jambe, c'était grave.

Dans un passé lointain, j'avais entendu Akasaka hurler comme un fou, après avoir appris au téléphone que sa femme était morte. C'est pour ça que je le savais.

Une chute dans les escaliers, c'est bidon, c'est la faute à pas de chance.

Ce n'est pas quelque chose de prévisible à l'avance, mais cela se passait à chaque fois.

C'est pourquoi je pensais que cela cachait autre chose.

Mais en fait, c'était juste un morceau de carrelage détaché. Ceci expliquait cela.

S'il n'était pas retourné voir sa femme, elle serait allée sur le toit, et en allant sur le toit ce jour-là, elle serait tombée dans les escaliers.

Mais il lui avait rendu visite, et donc elle avait passé son temps à discuter avec lui, sans monter les escaliers.

Voilà pourquoi c'était quelqu'un d'autre qui avait fait cette chute et qui s'était blessé.

Akasaka

— C'est pour ça que je considère que tu as sauvé la vie de Yukie.

Ôishi

— Je lui ai bien dit qu'il exagérait et que ça n'avait rien à voir,

mais il n'en démord pas.

Il a d'ailleurs beaucoup insisté pour venir vous voir.

Satoko

— ... Et pourquoi pas ? Après tout, Rika dit parfois des choses qui paraissent étranges, mais qui s'avèrent vraies par la suite. Presque des prédictions !

Mion

— Elle est pas la réincarnation de la déesse Yashiro pour rien !

Ôishi

— Oh, mais regardez l'heure qu'il est !

Ôishi

Nounours et Sato sont sûrement déjà sur place.

Ôishi

Nous devrions nous dépêcher d'y aller !

Ôishi

Bon, eh bien, Maebara, entraînez-vous bien !

Ôishi

La prochaine fois, je vous apprendrai quelques petits trucs bien plus faciles à utiliser pendant une partie !

Keiichi

— Oh, oui, merci !

Ce serait gentil de votre part, je compte sur vous !

Akasaka

— Bon, eh bien alors, à plus tard, Rika.

Rika

— Euh... Tu restes jusque quand, Akasaka ?

Akasaka

— Je compte rester jusqu'à la fête de la purification du coton.

Akasaka

Oui, je sais, ce sont des vacances très longues pour quelqu'un comme moi.

Akasaka

En fait, ma hiérarchie n'est pas très contente, je ne prends jamais de congés,

Akasaka

alors vu que je venais de terminer une affaire, mon chef m'a convoqué et m'a donné trois semaines.

Akasaka

Je viendrai te voir à la fête.

Il paraît que c'est très animé, maintenant.

Rika

— Oui, ça fuse de partout.

Ce n'est pas comme lorsque tu étais là. Ce n'est plus une simple beuverie entre trois pelés.

Ôishi

— Monsieur Akasaka, nous allons être en retard, venez !

Akasaka

— ... Ma femme te doit la vie, Rika.

Je veux faire quelque chose pour toi.

Je suis sûr que ma présence pourra t'être utile.

En juin 1983, je me ferai assassiner.

Akasaka

— Il s'est passé cinq ans, depuis. Cinq années pendant lesquelles je me suis entraîné, j'ai acquis de l'expérience et de l'assurance.

Akasaka

Je ne ferai pas les mêmes bêtises qu'alors.

Akasaka

Tu verras. Je suis sûr que je pourrai te venir en aide.

Je fus saisie à nouveau par cette sensation de savoir que le prochain coup de dé serait aussi un 6.

Akasaka se retourna et partit en courant rejoindre Ôishi au dehors. Enfin, il passa l'embrasure de la porte et disparut dans la lumière crue du dehors.

Rika

— ... ... Hanyû, rassure-moi, ça fait bien partie des coups de chances que je peux raisonnablement espérer obtenir régulièrement, hein ?

Hanyû

— Euh... Eh bien... Je... Je ne sais pas.

Cette fois-ci, la seule chose que je peux dire, c'est que la chance te sourit... vraiment beaucoup.

Rika

— En fait, à bien y réfléchir, tout a commencé à changer le jour où j'ai pu éviter le jeu des poissons, pendant le concours ici-même.

Rika

Est-ce que ça pourrait vouloir dire que ma détermination à éviter la mort fait trembler le Destin sur ses fondations ?

Rika

Une volonté suffisamment forte peut décider et sceller le Destin.

... Donc normalement, une volonté de se rebeller contre le Destin devrait pouvoir l'influencer aussi, et brouiller les cartes.

Nous étions tous sur nos vélos, à la queue-leu-leu, sur la route qui nous menait à la maison.

J'étais d'excellente humeur et fredonnais une chanson.

Je sentais bien que des fissures se craquelaient sur les pierres du Destin.

J'avais le vent en poupe, vraiment bien en poupe, bien plus que d'habitude.

J'avais un peu l'impression que les rouages du Destin s'étaient passés le mot pour se mettre l'un sur l'autre en une seule fois, un peu comme un alignement des planètes, un peu comme une sorte d'éclipse solaire, mais multipliée.

Selon le point de vue que l'on avait... cela pouvait passer pour être un miracle.

Ce n'était pas comme ce qu'avait vécu Keiichi la dernière fois, mais c'était un vrai miracle que de tomber sur tellement de bonnes combinaisons à la fois dans l'espace d'un même monde.

Depuis combien d'années, que dis-je, de décennies, n'avais-je pas vécu un mois de juin 1983 aussi merveilleux ?

Je m'appelle Rika Furude.

Ô Destins funestes, écartez-vous de mon chemin !

À chaque pas que je faisais, je sentais le Destin reculer.

Je n'allais pas regarder tout ce vent favorable souffler sans hisser la grand'voile !

C'est maintenant que je dois partir, que je dois ramer pour avancer mon embarcation.

Bientôt, nous serons le jour de la fête de la purification du coton.

J'ai donné tout ce que j'avais, j'y ai mis toutes mes tripes.

Je ne peux pas reculer maintenant !

Rika

— ... Cette fois-ci sera la bonne !

Cette fois-ci... je vaincrai !

Hanyû

— Courage, Rika ! Te laisse pas abattre !

Soudain, quelque chose se passa tout devant.

Keiichi avait touché une mobylette en passant, apparemment.

Le propriétaire était là avec deux amis, et les trois lascars s'en prirent directement aux autres.

Hanyû

— Oh non, mais qu'est-ce qu'on va faire ?

Rika

— Pff ! Regarde et prends-en de la graine, Hanyû.

Je vais nous en débarrasser.

Satoko

— Ceci est fort désagréable. Il nous faudrait prévenir un gendarme...

Rika

— Mais non, Satoko, ce n'est pas un problème.

Laisse-moi faire, tu verras.

Satoko

— Rika ? Rika, enfin, très chère ?

RIKA !

Je descendis de vélo et me dirigeai d'un pas résolu vers les trois idiots qui avaient choppé Keiichi par le col.

Quels misérables merdeux...

Ils s'imaginent peut-être qu'ils peuvent venir tout gâcher ?

Je vais vous montrer ce que je sais faire, moi. Vous ne pourrez pas m'arrêter !

Je vais lancer les dés, et ce sera un 6. Regardez !

Délinquant

— Boh eh cômô qu'c'est sale con !?

Tu m'écoutes, oui ou merde ?

J'approchai des trois mécréants.

Keiichi, Mion et Rena leur rendaient un regard noir et menaçant.

Je m'interposai entre les six.

Délinquant

— Quoi ?

Qu'esst'as la pisseuse, tu veux ma p--

EEEEH, mais aïeuh !

Rika

— Foutez-moi le camp, bande de bâtards.

Même pas en rêve, vous n'arriverez à me faire des emmerdes.

Encore une fois, je lui plantai les doigts dans les narines pour lui tirer le nez en avant.

J'imagine qu'il ne s'était pas attendu à se faire attaquer par une gamine.

Pendant un court instant, il me regarda comme un idiot, puis il se mit à me gueuler dessus.

Puis, en un instant, il m'avait choppée et soulevée.

Rena

— Rika !

Eh, arrêtez, lâchez-là !

Hanyû

— Oh non, non, non !

Rika...

Tu as un plan ou quoi ?

Rika

— Non, du tout.

Mais je vais te montrer, je ne vais pas me laisser emmerder par les premiers obstacles venus.

Si je n'arrive pas à me débarrasser de trois idiots, je suis mal barrée pour me battre contre la Mort !

Je savais que la chance était avec moi.

Je savais que je lancerais un 6.

C'est alors que derrière les trois garçons, deux ombres apparurent et leur tapèrent sur l'épaule.

Homme

— Eh, les grands, lâchez-la, soyez sympa, c't'une petiote, quoi.

Z'allez pas en faire tout un fromage.

Délinquant

— Et qu'essyt'prend, ducon, on t'a sonné ?

C'est eux qui sont venus nous chercher la merde ! Cassez-vous, c'est pas vos oignons !

Ces hommes sont habillés en ouvriers, mais je savais qu'ils n'étaient pas des passants normaux.

Je savais qui ils étaient réellement.

Homme

— Allons, allons, faut pas s'énerver, venez, on va en discuter, allez, allez.

Pendant que l'un d'entre eux les poussait tous les trois vers une ruelle adjacente, moins fréquentée, l'autre s'approcha de moi.

Une fois à ma hauteur, il me parla à voix basse.

Homme

— Est-ce que vous allez bien,

mademoiselle Furude ?

Rika

— Merci, merci beaucoup.

Vous m'avez enlevé une belle épine du pied.

J'attrappai sa main et me relevai.

Homme

— Allez-y, les enfants, c'est bon.

Nous nous occupons du reste.

Mion

— Euh... Ben écoutez, je sais pas qui vous êtes, mais franchement, merci beaucoup !

Rena

— Vous êtes sûr que ça ira ? Ils sont trois, quand même...

Homme

— Oui,

ne vous en faites pas, ce n'est rien. Vous feriez mieux de partir, maintenant.

Keiichi

— D'accord, mais vraiment, hein, merci pour tout !

Satoko

— Je suis vraiment désolée, notre Keiichi n'est malheureusement pas à la hauteur dans ce genre de situations...

Mion

— Bon, ben alors, allons-y !

Après les avoir encore une fois remerciés, nous enfourchâmes nos vélos à toute allure et partîmes sans demander notre reste.

Les autres se murmuraient entre eux que nous avions eu beaucoup de chance.

Mais moi, je savais qui étaient ces hommes.

C'étaient les agents sous les ordres de Takano. C'étaient des membres des chiens de montagne.

Ce qui voulait dire que Takano avait tenu sa promesse.

Ces gens là étaient des pros des situations dangereuses.

Ils étaient du genre à ne pas se laisser attendrir et à ne faire que strictement respecter leurs ordres, mais ils obéissaient aux ordres, quels qu'ils fussent.

Et si Takano leur a effectivement ordonné de me protéger... cela veut dire que je peux me considérer en sécurité !

Une fois les enfants partis, une grosse camionnette blanche démarra pour les suivre. À son bord se trouvaient deux ouvriers.

Bouscarle Chanteuse

— Aigrette, ici Bouscarle Chanteuse. R est entrée dans la zone de sécurité.

Nous vous confions la suite des opérations.

Aigrette

— Ici Aigrette, c'est compris.

C'était la première fois de ma vie que tout allait aussi bien.

Je ne sentais même pas les pédales du vélo.

J'étais tellement heureuse que j'aurais pu m'envoler avec mon vélo et pédaler dans les airs...