Notre tante a enfin fini de hurler comme une folle.

Aujourd'hui encore, je n'arrive pas à me souvenir du pourquoi du comment.

De toute façon, elle change son fusil d'épaule au moins cinq fois entre-temps, donc je pense que même elle, elle s'en fout de savoir pourquoi elle nous crie dessus.

Encore une fois, il est plus de minuit.

Le marchand de sable va sûrement me frapper avec un plein sac dans pas longtemps.

Satoko était tombée endormie sur place dès que les cris hystériques avaient cessé. Elle dormait déjà, la main encore accrochée à ma manche.

Je la pris sur le dos, puis montai dans notre chambre, où j'étalai nos futons.

— Allez, Satoko…

Les lits sont faits.

Va sous ta couette.

Lentement, elle se mit à ramper, puis, la tête arrivée sur son oreiller, se fit parfaitement immobile.

La voyant, je fus pris de l'envie de faire exactement la même chose.

Sauf que malheureusement, je ne pouvais pas encore me le permettre.

Ma tante m'a demandé d'acheter quelque chose.

Il faut surtout pas que j'oublie d'acheter du dentifrice, demain.

Si je ne me le note pas quelque part, je vais l'oublier...

Il faut aussi que je prépare le riz pour les paniers-repas de demain matin.

Surtout pas oublier la minuterie différée...

Ah, oui, et aussi remettre les serviettes bien empilées les unes sur les autres -- c'est pour ça qu'elle a commencé à hurler, aujourd'hui.

D'ailleurs, elle s'énerve aussi quand on n'obéit pas immédiatement...

Aaaah, il me faut encore quoi ?

Oui, demain je bosse chez le marchand de légumes.

Il m'a dit de ramener mon propre tablier.

... Où est-ce qu'on pourrait en avoir, des tabliers, ici ? Déjà, est-ce qu'on a des tabliers dans cette baraque ?

J'en ai jamais vus...

Ma tante dort quand nous partons à l'école, donc je ne peux plus lui demander.

Et meeerde, mais comment je vais faire ? Je peux pas y aller sans, c'est Mion qui m'a trouvé ce boulot, je peux pas lui faire ça...

Pour le tablier... Je sais, je vais demander à quelqu'un à l'école,

une des filles en aura peut-être un assez grand pour moi.

Quoi encore ?

J'ai rien oublié ? ... ... ...

Satoko dort déjà. Elle en a, de la chance.

De la chance ? Comment est-ce que moi, je peux dire ça ? Ça me déprime…