Keiichi m'avait une fois dit que croire en quelqu'un ou en quelque chose, c'était un peu comme placer ses espoirs comme on placerait des jetons au casino.

Ce qui signifiait que croire en quelqu'un, c'était prendre un risque.

On pouvait gagner quelque chose en gagnant son pari, mais il y avait aussi des choses à perdre.

Alors comme souvent dans les jeux d'argent, nous avions tenté de ne miser uniquement sur les paris qui nous semblaient gagnés d'avance.

Sauf que justement, comme souvent dans les jeux d'argent, on ne pouvait jamais être sûr et certain de gagner.

Alors nous avions essayé d'amasser des jetons, pour pouvoir toujours garder suffisamment d'espoir.

Et parfois nous en obtenions plus. Mais il nous arrivait d'en perdre, aussi.

Et lorsque vous perdez suffisamment souvent, au bout d'un moment, vous n'avez plus envie de parier du tout.

Et là, une évidence vous apparaît :

celui qui ne parie pas ne peut rien perdre.

Ne pas parier signifie ne croire en rien.

Pour ne croire en rien, il suffisait de ne se mêler de rien du tout.

Mais lorsque vous ne vous mêlez ni de rien, ni à rien, c'est comme si vous n'existiez pas.

Et c'est pourquoi elle n'était jamais là.

Elle n'avait plus qu'un seul jeton dans son cœur.

Si elle le perdait, son âme se briserait et sa conscience serait détruite. Elle cesserait d'exister à tout jamais.

Et c'est bien parce qu'elle avait peur de cela qu'elle s'était toujours refusée à parier.

Sans s'en rendre compte, elle avait fui tout le monde, s'était cachée pour ne plus voir personne, pour ne plus être tentée de parier.

Mais parfois, comme au poker,

on peut perdre de l'argent rien qu'en refusant de miser.

Elle avait tout fait pour ne pas perdre son tout dernier espoir, et pourtant, en ne faisant que fuir, elle était désormais précisément à deux doigts de le perdre.

Et puis surtout, il y avait une chose qu'elle ne savait pas.

Une chose que d'ailleurs, même moi, je n'avais jamais comprise jusqu'à présent.

En fait, nous jouions à un jeu dans lequel plus nous pariions, plus nous avions de chances de gagner.

Et donc en fait, plus nous étions prudentes, plus nous avions de chances de perdre...

C'était le même principe que pour transporter une chaise sacrée.

C'est un objet de culte très, très lourd, une personne seule n'est absolument pas en mesure de la soulever.

Mais lorsque beaucoup de gens se rassemblent et la portent tous sur leurs épaules, alors elle semble bien légère.

Il doit y avoir un point d'équilibre, une limite entre le cas où la chaise est trop lourde, et celui où l'on peut la soulever sans problème.

Et ce point d'équilibre peut être très facilement rompu.

Je me trouvais devant une chaise sacrée, une très grande, et donc forcément très lourde.

Ils se démenaient tous pour la soulever, mais ils n'y arrivaient pas.

Et moi, en voyant cela, je me suis dit que mon aide ne leur servirait à rien, que ça n'allait rien changer.

Le pari était perdu d'avance,

alors j'ai gardé mon dernier jeton.

Et…

c'était justement là ma grande erreur.

Si je les avais rejoints et que je les avais aidés, ils auraient peut-être pu la soulever sans aucun problème.

Je me suis réfugiée pendant trop longtemps dans un rôle d'observatrice impartiale.

J'ai fini par croire que je n'étais ici que pour juger si je devais parier mes jetons ou non selon les situations,

mais en fait, j'avais tout faux !

Je suis une actrice, pas une spectatrice !

Je dois me joindre à eux, je dois me battre avec eux !

À première vue, il me sera impossible de gagner le combat qui se déroule devant moi.

Et donc logiquement, il vaut mieux ne pas parier dessus.

Mais c'est justement en plaçant mon pari, en me joignant au combat, que je peux peut-être en faire changer l'issue !

Si je plaçais mon pari, cela voulait dire croire en quelqu'un ou en quelque chose.

Et pour croire en quelque chose, il faut s'y intéresser, s'engager.

Et si l'on s'engage dans un projet ou autre, auprès d'autres personnes, alors, on existe.

Et c'est pourquoi cette fois-ci, elle serait là.

Cie

— Bonjour les enfants, je vais commencer l'appel.

Allez, cessez de discuter !

Déléguée, c'est à vous.

Mion

— Gaaaaarde à vous !

Saluez !

Tout le monde

— Boooonjouuuuur Maaaadaaaaame !

Mion

— Asseyez-vous.

De nombreux frottements de chaises et de tables retentirent.

C'était un matin comme tous les autres.

À la différence près que nous commencions la classe un peu en retard.

D'habitude, Mme Cie est très ponctuelle, elle fait toujours commencer la classe à la même heure. Et pourtant aujourd'hui, ce n'était pas le cas.

En fait, des bruits couraient dans toute l'école depuis ce matin,

et cette rumeur expliquait son retard.

La maîtresse s'éclaircit la gorge et invita quelqu'un à entrer. Alors, la porte s'ouvrit, et une jeune fille passa timidement la tête à l'intérieur.

Hanyû

— ... Euh, je, euh... Bonjour...

Cie

— Vous aurez une nouvelle camarade de classe à partir d'aujourd'hui.

Elle s'appelle Hanyû Furude.

Tout le monde

— WOUAAAAAHHH !

La classe n'eut pas l'air de savoir quel cri pousser ; il y avait de la surprise, de la joie et de l'excitation, un peu tout à la fois.

Rena

— Furude ?

Mais alors, elle fait partie de ta famille, Rika ?

Rika

— ... Eeeeeh oui.

C'est un parent très, très lointain...

Satoko

— Or ça ! Mais vous m'en voyez fort surprise, très chère,

je ne savais point que vous aviez encore de la famille !

Mion

— Ouais, ça pour une surprise, c'est une surprise !

Mion

Enfin, les trois clans fondateurs sont tous très anciens et très compliqués.

Si l'on venait m'annoncer que j'avais des cousins lointains que je ne connaissais pas, ça ne m'étonnerait qu'à moitié !

Rena

— En tout cas, on voit bien qu'elle est de la même famille que Rika !

Rena

Je veux la même à la maison !

Hanyû

— ... Euh, je, euh, ahahaha...

Nos camarades de classe avaient l'air particulièrement heureux de voir une nouvelle élève.

Et elle avait l'air plutôt intimidée par leur réaction.

Rika était plutôt posée, calme, sûre d'elle. Sa cousine Hanyû était tout le contraire.

Elle était... comment dire. Timide ? Comme un petit animal, effrayée de tout.

Pour vous résumer ça très vite, je dirais simplement qu'elle affolait tous les sens de Rena.

Regardez-la.

Elle se prépare à la prendre sous le bras et à la ramener chez elle...

Cie

— Bien. Hanyû, veux-tu bien te présenter au reste de la classe ?

Allez, les enfants, calmez-vous maintenant. Allez, on se tait !

Hanyû ? Je t'en prie.

La maîtresse quitta l'estrade et invita Hanyû à se placer au milieu, devant le tableau.

Apparemment, le silence semblait lui mettre la pression ; elle resta tout d'abord quelques instants silencieuse, visiblement nerveuse.

Bah, je pouvais comprendre ça.

C'est toujours un moment délicat.

Hanyû

— ... Euh...

Euh, je...

je m'appelle Hanyû Furude, et...

Euh...

Eh bien...

Je suis de la famille de Rika.

Rika

— ... Miaou !

C'est une cousine,

alors soyez gentils avec elle, s'il vous plaît !

Rika semblait bien consciente que la nervosité empêchait la nouvelle de se présenter correctement.

En même temps, la pauvre, elle était au milieu de la pièce, et le silence assourdissant avait vraiment de quoi impressionner.

C'est pourquoi nous nous regardâmes tous en coin, puis décidâmes de passer à l'action.

Rena

— Alors toi aussi, tu es une Furude ?

Ça nous en fait deux pour le prix d'une !

Satoko

— Il va nous falloir obligatoirement l'appeler Hanyû, donc,

pour ne pas risquer la confusion avec notre chère Rika...

C'était toujours un peu compliqué d'appeler les gens directement par leur prénom, mais c'était la règle entre nous.

Et si c'était la règle, elle n'avait pas à y couper !

Mion

— Bon, eh bien alors, c'est décidé !

Mion

À partir d'aujourd'hui, tout le monde t'appellera Hanyû !

Moi, je suis la déléguée de classe, je m'appelle Mion Sonozaki,

mais appelle-moi Mion !

Satoko

— Oooohhohhohho !

Satoko Hôjô, très chère !

J'espère que nous nous entendrons bien !

Tomita

— Euh, salut,

moi c'est Taiki Tomita !

Mes parents tiennent la boutique de tôfu, t'as qu'à passer un de ces quatre !

Okamura

— Moi, c'est Suguru Okamura,

si jamais y a un truc que tu comprends pas, tu peux me demander !

Fille

— Bonjour !

J'espère qu'on va bien s'entendre !

T'es en quelle classe, en fait ?

Les élèves se pressèrent devant elle, tous impatients de se présenter.

Il régnait une ambiance survoltée, même si elle était assez naïve, somme toute.

J'étais arrivé à peine quelques semaines avant elle, mais ils m'avaient accueilli de la même manière.

J'avais été très nerveux aussi, et j'avais été bien content de les voir aussi enthousiastes.

J'étais passé par là, je savais ce qu'elle ressentait.

C'était à mon tour de la mettre à l'aise !

Rena

— Oui,

il va falloir l'aider à s'intégrer dans la classe.

Keiichi

— Eh, j'avais oublié, mais en fait, toi aussi tu as été transférée ici il n'y a pas si longtemps.

C'était comment, tu étais nerveuse aussi ?

Rena

— Oh oui !

Mais Mii m'a prise sous son aile, alors c'était pas trop difficile.

Mion

— Bah,

je fais partie de l'un des clans principaux, c'est un peu mon boulot d'accueillir les nouveaux !

Keiichi

— Dis donc, toi, cette histoire de clans principaux, c'est vraiment quand ça t'arrange, hein ?

Mais bon, je vais pas le nier, tu as tout fait pour que je m'habitue au village.

Mion

— Eh ben alors,

maintenant, ça va être à ton tour de t'occuper d'elle, non ?

Keiichi

— Ouais, t'as un peu raison.

Rena était nouvelle, et elle s'est occupée de moi.

Donc maintenant, on peut considérer que c'est à mon tour, c'est pas faux.

Il suffisait d'une seule personne nouvelle pour tout changer.

Moi-même, j'avais complètement changé de comportement depuis mon arrivée ici.

Nous décidâmes d'encercler Hanyû dès la pause midi pour pouvoir en apprendre plus sur elle.

Mion

— Très bien !

Bon, et maintenant les enfants, une seule question à la fois !

Mion

N'hésitez pas à poser les questions qui vous paraissent essentielles, il faut qu'on en sache plus sur elle !

Alors, qui veut commencer ? Allez, tiens, Okamura !

Jeune garçon

— Euh, alors, euh...

Tu, tu préfères manger quoi ?

Hanyû

— Eh bien, j'adore les petits gâteaux sucrés.

Mes préférés, ce sont les choux à la crème !

Satoko

— Tiens donc, mais quel heureux hasard !

Moi aussi, je les adore !

Je connais une très bonne viennoiserie à Okinomiya,

je vous la montrerai à l'occasion !

Mion

— Alors, les garçons, vous avez entendu ?

Si vous voulez marquer des points avec Hanyû, pensez aux choux à la crème !

Et si possible, des bons, même s'ils seront un peu plus chers !

Mion

Allez, prochaine question !

Mion

Si personne ne se lance, je propose de découvrir quelle est la couleur de sa petite culotte aujourd'hui !

Hanyû

— Eeh, mais non, mais ça va pas ?!

Hanyû n'avait pas l'air trop rassurée entre nous tous.

Bah, en même temps, c'était un peu un passage obligé.

Moi aussi, j'avais vécu la même chose.

Mion et Satoko m'avaient posé des questions toutes plus délirantes les unes que les autres.

Je lançai un regard en biais à Rena, et vis qu'elle avait l'air au bord des larmes.

Elle avait dû vivre ça, elle aussi...

Keiichi

— Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Plongée dans tes souvenirs ?

Rena

— ... Hein ?

Ah, euh, oui.

Rena

Ahahahaha.

Keiichi

— Alors quoi, tu pensais à autre chose ?

Je te l'ai déjà dit, c'est pas bien d'enlever les petites filles.

Rena

— Hauuu ?!

Rena

Mais j'aurais jamais pensé à ça, moi !

Rena

Comment peux-tu oser croire que vu que Hanyû aime bien les choux à la crème,

Rena

je me demandais combien de choux à la crème je devais lui proposer pour l'attirer dans ma chambre ?

Rena

Hauuu☆!

Je la ramène à la maisooooon !

Keiichi

— Si jamais on ne la voit pas demain à l'école, ce sera de ta faute ! Ahahahahaha !

Rena

— Mais non, t'es méchant !

Rena

Ahahahahaha !

Rena

— ... En tout cas, je suis bien contente,

pas toi ?

Keiichi

— Si, si.

C'est cool d'avoir une nouvelle élève parmi nous.

Rena

— Ah, euh...

non, je voulais dire...

Comment dire.

Il me semble l'avoir déjà vue souvent par ici, cette fille.

Keiichi

— Qui, Hanyû ?

Elle est venue voir le village avant d'emménager, peut-être ?

T'as une sacrée mémoire, dis donc !

Rena

— Non, Keiichi, c'est pas ce que je veux dire.

Hanyû était déjà là avant, tout près. Je suis sûre de l'avoir vue très souvent, elle nous regardait jouer tous ensemble avec un regard très envieux.

Depuis très longtemps.

Rena

... Pas toi ?

Il n'y a que moi qui l'ai vue ?

Ça ne te dis rien, Keiichi ?

Keiichi

— Faut croire. Moi, c'est la première fois que je la vois.

Tu la connais d'ailleurs, ou quoi ?

À voir les questions et les réactions de Mion et de Satoko, elles rencontraient Hanyû pour la toute première fois.

Si Rena avait raison et qu'elle nous avait observés depuis tout ce temps, alors il y avait quelque chose de pas normal là-dessous.

Keiichi

— À mon avis, tu fais erreur.

Elle vient d'être transférée, c'est la maîtresse qui l'a dit.

Elle ne peut pas être restée tellement souvent que ça par ici.

Rena

— ... Hmmm, je sais pas trop.

J'ai vraiment l'impression de l'avoir vue une paire de fois, tu sais.

Keiichi

— Mais non, tu te fais des idées.

Et puis d'abord, elle vient de nous dire qu'elle habitait très loin d'ici avant.

Rena

— Hummm…

Mais oui, mais je te jure que je l'ai déjà vue...

Hau.

Décidément, Rena ne semblait pas prête à en démordre. Je la vis en train de chercher dans ses souvenirs.

J'imagine que c'est ça, ce que les gens appellent un “déjà-vu”.

Quelque chose dont on fait l'expérience pour la première fois, mais avec ce sentiment d'avoir déjà connu cette situation.

Keiichi

— Bah, c'est pas si important que ça.

Elle est là, maintenant, c'est tout ce qui compte.

Rena

— Oui...

Rena

Oui, tu as raison...

Rena

Enfin, je me disais juste que, vu le nombre de fois où j'ai vu son regard envieux qui montrait bien qu'elle voulait se joindre à nous mais qu'elle n'osait pas, eh bien, j'étais contente de la voir parmi nous aujourd'hui, quoi. C'est peut-être un peu naïf, je ne sais pas.

Rena

Ahahaha...

Elle avait l'air d'y tenir beaucoup. Je voyais bien qu'elle avait des larmes au coin des yeux.

Tournant la tête, je vis que Rika avait elle aussi cette expression dans le regard.

Ça me semblait bizarre, je ne comprenais pas pourquoi elles en étaient aussi retournées.

Mais en regardant à nouveau Satoko et les autres, toutes ces questions finirent par ne plus avoir d'importance...

Tout le monde

— Au r'voir Madaaaame !

C'était probablement le moment préféré de tous les enfants.

À peine libérés des cours, ils sortirent en trombe de la salle.

Hanyû avait été sous les feux des projecteurs pendant toute la journée, et elle avait fait forte impression.

Étant en gros du même âge que Rika, elle avait été constamment prise à partie par les élèves plus jeunes.

Ils ne faisaient jamais ça avec les élèves un peu plus vieux, comme Mion ou comme moi.

Mion

— Bah, j'imagine qu'ils préfèrent accueillir plutôt une jolie fille toute mignonne qui a à peu près leur âge plutôt qu'un garçon un peu renfrogné qui est clairement plusieurs classes au-dessus d'eux.

Rena

— Ahahahaha !

C'est vrai que tu faisais toujours peur à voir au début, Keiichi. Je me doute bien que c'était la nervosité qui te rendait comme ça, mais bon...

Keiichi

— Non mais dites donc, c'est fini, oui ?

Je vous signale que j'ai tout fait pour être gentil et pas trop rechigner !

Satoko

— Allons bon, racontez donc vos balivernes à d'autres !

Lors de votre premier jour d'école, vous m'avez presqu'immédiatement frappée sur le front !

Keiichi

— C'est peut-être aussi parce que tu m'as complètement fait rater mon premier jour, tu crois pas ?

J'ai pris une pierre en passant la porte, des punaises dans le dos, et y avait même une grenouille dans mon pupitre !

Rika

— Il faut dire que nous avions été t'observer en cachette dans la salle des professeurs, et tu avais l'air très nerveux.

C'est pourquoi Satoko s'est proposée de détendre l'ambiance dès le départ, tu comprends ?

Satoko

— Oooohhohhohho !

En tant qu'ancienne élève de cette école, il était de mon devoir de vous prendre sous mon aile !

Keiichi

— Ouais, ouais, on dit ça, hein !

Même si effectivement, prendre cette pavasse énorme sur le crâne m'avait fait instantanément oublier ma nervosité.

Mais je ne pouvais pas le reconnaître, parce que ça l'encouragerait.

Et puis, ça lui ferait plaisir.

Rena

— Je vois que Hanyû est partie avec les autres ?

J'imagine qu'ils se battent tous pour savoir qui aura le droit de jouer avec elle...

Keiichi

— Ahahahaha ! .

Bah, c'est le premier jour, elle doit être fatiguée.

Je vous parie qu'elle va s'écrouler dès qu'elle sera chez elle.

Satoko

— Oh oui, vous avez certainement raison, très cher !

Oooohhohhohho !

Mion

— Bon, eh bien les enfants, passons aux choses sérieuses !

J'ai eu pas mal de petits boulots à faire ces temps-ci, et je m'excuse de vous avoir fait languir si longtemps !

Mion

J'appelle à un rassemblement général des membres du club !

Satoko

— Aaah, je n'en pouvais plus d'attendre, très chère !

Je n'aime pas les longues périodes d'inactivité, elles me font perdre mes réflexes !

Rika

— Miaou !

Je suis d'accord, si je n'ai pas quelqu'un dont je peux me moquer, je m'ennuie ferme !

Rena

— Hauuu !

Je n'ai pas l'intention de perdre, moi, je vous préviens !

Préparez-vous au pire, je ne vous ferai pas de cadeau !

Mion

— Héhhéhhé,

Mion

eh bien alors, les enfants, on dirait que vous avez tous beaucoup d'énergie à revendre, c'est la frustration qui vous rend comme ça ?

Mion

Tant mieux, ça va me faire encore plus plaisir de vous battre à plate couture !

Keiichi

— Et toi alors ?

Keiichi

On dirait que tu es prête à en découdre !

Keiichi

Sauf que pas de bol, je suis en super forme, aujourd'hui !

Keiichi

T'as raté ton coup, Mion, t'aurais dû continuer à travailler ! Tu vas le regretter, c'est moi qui te le dis !

On m'avait dit que l'un des oncles de Mion avait manqué de personnel et qu'elle s'était proposée pour boucher le trou, le temps pour lui d'embaucher une autre personne.

C'est pourquoi nous avions dû arrêter le club pendant un petit moment.

Et c'était pas rien pour nous, parce qu'après tout, ce club, c'était un peu la raison pour laquelle nous allions à l'école !

Les choses sérieuses commençaient maintenant, après les cours.

Sans ces activités de club, l'école n'avait aucun sens, aucune utilité.

Et c'est pourquoi personne parmi nous ne pouvait retenir son excitation !

Mion

— Eh ben apparemment, il va falloir un jeu très hardcore aujourd'hui, sinon, vous ne serez pas satisfaits...

Hmmm,

je me demande avec quoi je vais pouvoir vous cuisiner...

Mion ouvrit son casier et se mit à chercher un jeu.

J'ai l'impression de le penser souvent, mais je me demande bien comment elle avait fait pour y mettre tout ce qu'il y avait là-dedans.

Je suis persuadé qu'il y a plus d'affaires dans ce casier que le volume qu'il peut contenir...

Soudain, nous entendîmes la porte de la classe s'ouvrir à la volée.

Rena

— ... Ben ?

Hanyû, c'est toi ?

Hanyû

— ... Euh, je...

Bonjour, euh, rebonjour...

Satoko

— Tiens donc ? Eh bien alors, très chère ?

Auriez-vous par hasard oublié quelque chose ?

Nous la pensions déjà bien loin.

Elle avait peut-être oublié sa boîte à repas ?

Je veux dire, oublier ses livres, ça fait une excuse formidable pour ne pas faire ses devoirs, mais la boîte à repas, c'est important, quoi...

Hanyû

— Euh, je… Mééé euh, je veux dire, je...

Mion

— Ben quoi ?

Ben vas-y, Hanyû, dis-nous, que se passe-t-il ?

Tu cherches quelque chose ?

Elle nous regardait avec un air un peu... contrit.

Qu'est-ce qu'elle pouvait bien nous vouloir ?

Est-ce que nos tables étaient dans son chemin ?

Mais au lieu de vaquer à ce qu'elle voulait faire, elle resta là, à nous regarder, hésitante, ne sachant pas trop quoi dire.

Je regardai nos tables.

Nous n'étions pas assis à sa place.

Ce n'était donc pas ça.

Rena

— Eh ben alors, Hanyû, il y a un problème ?

Qu'est-ce qui te tracasse ?

Hanyû

— Mééé euh, je, euh...

Malgré tous nos efforts, il semblait impossible de communiquer avec elle.

J'avais l'impression de voir Rena parler à un chaton abandonné.

Hanyû continuait à nous regarder avec insistance.

Je suivis son regard et compris enfin qu'elle regardait Rika.

Elle la regardait comme si elle la suppliait en silence.

Rika

— ... Miaou.

Hanyû

— Mais oui mais...

Rika

— Je ne dirai rien, Hanyû.

Si tu veux quelque chose, tu dois apprendre à le demander toute seule.

Hanyû

— Mééé euh !

Enfin, je commençai à y voir plus clair.

En fait, elle essayait de nous dire quelque chose, mais comme elle n'y arrivait pas, elle essayait de persuader Rika de parler en son nom.

Sauf que Rika n'avait pas l'intention de lui mâcher le travail.

Ce qui nous poussait, nous, à vouloir savoir de quoi il retournait.

Nous tournâmes nos regards intrigués vers elle, silencieux, curieux de savoir ce que Hanyû pouvait bien nous vouloir.

Mais bien sûr -- et nous aurions dû le savoir, vu ce qu'il s'était passé ce matin -- notre silence la mettait mal à l'aise.

Rena fut la première à le comprendre ; elle décida de prendre les devants.

Rena

— Eh bien alors, Hanyû, n'aie pas peur.

Viens me le dire à l'oreille.

Je suis là pour t'écouter.

Hanyû

— Mais oui, mais je...!

Rena

— Hum ?

Quoi ?

Tu peux me le répéter ?

Hanyû

— Mais oui, mais je ?

Rena

— Ah, d'accord,

Rena

je vo-

de QUOI ???

Rena éleva la voix.

Mion

— Ben qu'essy a, raconte, quoi ?

Ça m'a l'air sérieux, ton truc !

Rena

— Euh, Hanyû, tu... Tu es vraiment sûre ?

Satoko

— Mais enfin, cessez donc toutes ces simagrées !

Ayez la bonté de parler à voix haute, votre incapacité à vous exprimer nous met tous dans l'embarras !

Rena

— Euh, eh bien alors, en fait, euh, elle...

Hanyû

— Laissezmoijoueravecvoussilvousplaît!

Tout le monde

— « Quooiiii ? »

N'y tenant, plus, Hanyû prit une grande inspiration, puis, se faisant visiblement violence pour surmonter sa honte, elle cria d'une voix forte.

Mion

— AHAHAhahahaha !

Eh ben, ça pour une surprise !

Je me demande bien qui t'a parlé de notre club.

Hanyû

— Je, je, je veux…

Je veux jouer avec vous, moi aussi.

Je veux faire partie du club !

Rika

— ... Je suis impressionnée, Hanyû, bravo. Félicitations, tu as enfin pu le dire toute seule.

Bravoooo☆!

Apparemment, Rika savait ce qu'il se tramait depuis le début...

Mion croisa les bras et dévisagea notre potentielle nouvelle recrue d'un sourire de prédateur. Elle y mettait les formes, probablement pour lui faire peur.

Mion

— Hmmm...

Je pensais pas que tu serais maso au point de venir chercher les ennuis chez nous. Tu ne tiens pas à la vie, ou quoi ?

Mion

Je te préviens, nous ne jouons pas à la dînette ici, et nous n'acceptons pas n'importe qui.

Mion

Seuls les meilleurs sont acceptés, et encore, uniquement après avoir fait leurs preuves.

Mion

C'est un honneur d'entrer dans notre club, pas un droit inaliénable. Ça se mérite !

Rena

— Euh, Hanyû, je ne dis pas ça pour te faire de la peine,

mais les jeux de notre club ne sont pas aussi faciles et amusants qu'ils n'en ont l'air, tu sais ?

Ils sont plutôt... difficiles.

Hanyû

— Je, je sais... Mais je me sens prête !

Satoko

— Pour nous, la victoire est une évidence !

C'est pourquoi nous sanctionnons toute défaite par une punition inhumaine.

Êtes-vous bien sûre de savoir dans quoi vous vous engagez, très chère ?

Hanyû

— Je, je sais... Et je ne me laisserai pas vaincre.

De toute façon...

Hanyû s'arrêta abruptement, reprit une inspiration, et nous dit alors ce qui, probablement, lui avait tenu le plus à cœur.

C'était un sacré débit de paroles par rapport au peu de choses qu'elle avait dites aujourd'hui. Et puis, mine de rien, ç'avait l'air d'avoir un sens un peu plus profond qu'il n'y paraissait.

Hanyû

— Autrefois, je ne faisais que fuir, simplement parce que je n'aimais pas perdre.

Hanyû

Mais fuir, c'est encore pire que perdre.

Hanyû

Et depuis, j'ai appris que ce n'était qu'en surmontant la douleur et en continuant le combat

que la victoire devenait possible.

Rika

— ... Hanyû.

Elle ne payait pas de mine, mais à bien l'écouter, elle avait autant de cran que tout un chacun.

Je vis une nouvelle lueur dans le regard de Mion ; Hanyû lui plaisait.

Keiichi

— Ah ouais, carrément ?

Eh ben alors, toi, t'as vraiment envie d'en découdre, hein ?

Qu'est-ce que t'en dis, Mion ?

Tant qu'on y est, on n'a qu'à lui faire passer le test, non ?

Mion

— Hmm...

Héhhéhhé !

D'habitude, j'observe nos potentielles recrues pendant plusieurs semaines. C'est pas commun de faire ce test le premier jour d'école.

Je me demande bien ce que ça pourrait donner ! Héhéhéhé !

Elle ne faisait que s'amuser un peu, pour faire durer le plaisir.

Si réellement elle n'avait pas voulu de Hanyû parmi nous, elle l'aurait envoyée bouler depuis perpet'.

Après tout, quelqu'un d'aussi hésitant que Hanyû ne pouvait pas faire de vieux os chez nous...

Mion

— Rena et Satoko t'ont déjà prévenue, mais je préfère en rajouter une couche :

Mion

notre club est vraiment sans pitié !

Mion

La seule place acceptable,

Mion

c'est la plus haute marche du podium.

Mion

Et si jamais tu finis dernière, tu regretteras d'être née.

Hanyû

— Eh bien tant pis !

Je ferai le nécessaire !

Rena

— Ahahahahaha !

Enfin, tu verras, les gages aussi sont très rigolos.

Il me sembla entendre Rena lui souffler encore quelques mots à l'oreille.

“De toute façon, tu nous as déjà observés.

Tu nous as regardés jouer pendant bien longtemps, envieuse, sans pouvoir te joindre à nous...”

Keiichi

— Allez, Mion, cesse ton petit jeu.

Je sais parfaitement que c'est uniquement ce test qui décide de son adhésion ou non.

Satoko

— Allons, très chère,

voyons donc si cette chère Hanyû a de la ressource !

Rena

— Allez, Hanyû, il faut y croire !

Mais je ne te ferai pas de cadeau, je te préviens !

Hanyû

— Mais-mais-mais moi non plus !

Rika

— ... Quant à moi, je ferai des fleurs à tout le monde, sauf à toi...

Hanyû

— Méééééé euh !

Mion

— Aaaah, ça me plaît, tout ça !

Hanyû Furude, je t'autorise à venir prendre ta pile lors de notre test d'admission !

Mion

Et donc, du coup,

nous avons besoin d'un jeu auquel elle pourra jouer sans être trop désavantagée...

Hmmm, voyons voir ça...

Mion

Oh !

Héhhéhhé !

Que pensez-vous donc de ça ?

Dans des poses toutes plus dramatiques et inutiles les unes que les autres, Mion sortit un petit objet de son casier et nous le présenta :

c'était un paquet de cartes.

Mion

— On va prendre un jeu que tout le monde connaît :

le pouilleux !

Hanyû

— Vous allez voir ce que vous allez voir !

Heh, j'en étais sûr.

Je les connais, ces cartes-là, elles s'en sont servi pour me bizuter !

Toutes les cartes sont marquées !

Satoko

— Oooohhohhohho !

J'aime votre pugnacité et votre répondant, très chère !

Mais je vous préviens, jouer au pouilleux avec nous n'est pas de tout repos !

Ben tu m'étonnes, elles savent reconnaître toutes les cartes rien qu'en les regardant de dos ! Elles sont tellement usées, ces cartes...

Plus on joue avec ce paquet de cartes en particulier, plus les anciens joueurs sont avantagés. Les nouveaux joueurs n'ont absolument aucune chance, c'est donc l'instrument parfait pour les bizuter...

Rena

— Hanyû, il faut y croire !

C'est comme une épreuve officielle !

Hau…

Rika

— Courage ! Te laisse pas abattre !

Aaah là là, je m'en souviens encore comme au premier jour.

J'étais jeune...

C'était y a au moins, pouh, deux semaines. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression que c'était il y a super longtemps...

Keiichi

— Mais ça veut pas dire que j'y irai mollo avec toi !

Keiichi

Moi, à l'époque, elles m'ont battu à plate couture, sans faire de sentiment !

Keiichi

Alors aujourd'hui, même si ça me fait très plais- euh, non, même si ça me fait mal au cœur,

Keiichi

je te ferai tous les pires coups bas possibles !

Keiichi

N'est-ce pas, les filles ?

Satoko

— Préparez-vous à perdre, Hanyû !

Mion

— Allez, viens !

Si tu as tellement envie de faire partie du club, tu dois au moins nous prouver que tu en es digne !

Hanyû

— ... Oui, bien sûr !

Mion

— Héhhéhhé !

Alors, alors, on va voir si j'ai juste. En ce moment, dans les mains, tu as... Depuis la droite :

Un As,

un 3,

un 4,

un 7,

un valet,

et une dame !

Satoko

— Ce n'est plus la peine de les cacher, voyons, nous les avons toutes reconnues depuis belle lurette !

Hanyû

— Mééé ééé euuuuh !

Rena

— Je suis vraiment désolée, Hanyû, mais je sais que cette carte, c'est l'As de pique.

Rena

Et j'ai fini !

Keiichi

— HAHAHAHAHA ! Alors, Hanyû, c'est qui le patron, hein ? C'EST QUI LE PATRON ?

Et maintenant, je vais te montrer ce que c'est qu'un bizutage en règle !

Rika

— Miaou...

Je crois qu'il y en a un ici qui n'a pas trop aimé notre examen d'entrée.

Mion

— Mais dis donc, p'tit gars, t'es sûr que tu peux te permettre ce genre de commentaires ?

Hanyû, si tu tires la carte à droite dans ses mains, tu auras fini !

Hanyû

— Oh...

Merci, j'ai fini !

Keiichi

— Eeeeeh, non mais ça va pas ? C'est pas du jeu !

Keiichi

Oooh, vous allez voir, maintenant, plus de cadeau !

Ouuuh, alors là, vous m'avez mis en colère !

Keiichi

Hanyû, tu veux rentrer chez toi à quatre pattes, avec un collier et une queue de chat, c'est ça, ce que tu veux ?

Satoko

— Oh, tiens, c'est vrai, il nous reste cet accoutrement si agréable à regarder !

Mais il me souvient que cet uniforme de chat vous va à ravir, mon cher !

Rena

— Hau, oh oui !

Keiichi est tellement mimi quand il marche à quatre pattes, jeee leee raaamèèène ààà laa maiiisooon !

Hanyû

— Moi, moi aussi je veux donner des gages honteux à Keiichi !

Mion

— Ooooh,

mais c'est une excellente idée, Hanyû, j'approuve et je soutiens entièrement cette démarche !

Keiichi

— Queoouah ? Eh, mais quand est-ce que vous avez signé vos alliances ?

Aaah, vous voulez jouer à ça, hein ? Eh ben amenez, je vous prends toutes, autant que vous êtes !

Vous rentrerez toutes à quatre pattes ce soir !